Le texte des Amants de Venise a d’abord été publié par la revue bimensuelle Minerva, dans les quatre numéros de juillet-août 1902. L’ensemble a ensuite été réuni dans un ouvrage de 274 pages, publié la même année aux éditions Albert Fontemoing, dans une collection reprenant le nom de Minerva. Nous n’en savons pas davantage sur cette première livraison ; la Biblio-Iconographie de Roger Joseph indique qu’il y a eu sept éditions successives, nous vous présentons la huitième :
Continuer la lecture de « Les Amants »Maurras germanophobe : l’hubris anti-boche
La germanophobie de Maurras est volontiers outrancière. On en trouve un exemple dans son article quotidien du 13 août 1914 intitulé « Le fédérateur allemand ». Rien n’y manque : l’Allemand est grossier, inculte, mesquin, barbare, fanfaron, somme toute ridicule et méprisable, et bien sûr il a la tête romantique, crime capital. On devine qu’il sent probablement mauvais et l’on se demande si quelque trait romain ne va pas ressurgir tout armé en latin pour compléter l’horreur que doivent inspirer les sombres forêts de la farouche Germanie, par principe rétives à tout ce que les Gallo-romains reçurent d’heureuse civilisation. C’est du grec qui ressort avec l’inévitable mention de l’hubris germanique dans une note du recueil de 1916, premier volume des Conditions de la victoire. Continuer la lecture de « Maurras germanophobe : l’hubris anti-boche »
Philippe VIII dans la nasse de Viviani
Encore l’Union sacrée ? eh oui ! S’il fallait une preuve que derrière les grandes déclarations patriotiques tout n’allait pas autant de soi qu’on le répétait, l’insistance même qu’y mettent Maurras et tous ses collègues à l’été 14 est un indice. Et quel renfort est de plus de poids dans un journal royaliste que celui du prétendant lui-même ? L’article sur les ordres du roi du 12 août 1914 cite Philippe d’Orléans et illustre le processus : l’Union sacrée doit faire s’effacer toutes les différences idéologiques devant l’ennemi ? Alors la loi d’exil doit céder aussi et il doit pouvoir s’enrôler dans l’armée française… las, Viviani — le promoteur même de l’Union sacrée —, a une autre interprétation : la loi demeure, et le prétendant se retrouve à jouer les ambulanciers pour la Croix-Rouge belge. Ce qui ne l’empêche pas de prêcher à ses partisans l’union autour du gouvernement, de l’armée, des élus, bref autour de la France républicaine quoi qu’on en dise. Le piège fonctionne sous nos yeux et démontre que l’Union sacrée est à sens unique : les républicains y gagnent le silence de leurs ennemis, les royalistes y sont bâillonnés et n’y gagneront que de se sacrifier. Se sacrifier pour qui ? pour la France ? pour la République ? pour ce qui sortirait du conflit, c’est l’évidence. Mais que pouvait-il sortir du conflit sinon la République continuée puisque l’Union sacrée se résumait à mettre en sourdine toute considération politique ? Encore une fois il ne s’agit pas de contester la tragique nécessité de ce choix, ou de nier que personne alors ne pensait à une guerre si longue qu’elle épuiserait bien des forces et changerait durablement les sociétés européennes : il n’y avait pas d’autre choix, la République y avait travaillé de longue main. Le piège n’en existait pas moins, d’autant plus redoutable dans ses conséquences qu’il était à peu près inévitable de s’y engager. Continuer la lecture de « Philippe VIII dans la nasse de Viviani »
Le réveil de la Revanche
La Revanche aurait été la vraie souveraine de la France durant la troisième République jusqu’à la Grande Guerre ?
L’idée n’est pas neuve pour Maurras quand il la reprend dans son article du 11 août 1914. Il l’a déjà utilisée, dans Kiel et Tanger en particulier. Qu’est-ce à dire ?
Le roi de France pourrait être remplacé par une idée ? faute de souverain, on accepterait une sorte de royauté abstraite, celle du pays, du peuple sur le territoire, bref l’idée de la nation remplacerait le roi, ou du moins lui servirait de succédané dans des temps sombres ou pour faire face au péril ? Continuer la lecture de « Le réveil de la Revanche »
À Berlin !
Qu’est-ce qui fait que certains articles du premier mois de la guerre sont recueillis en 1916 dans le premier volume des Conditions de la victoire alors que d’autres ne le sont pas ? Sans doute dès 1916, la conscience de la part de Maurras que cette guerre marque un tournant. Il multipliera après guerre les articles et recueils pour tirer les leçons, s’appuyer sur la guerre pour envisager l’avenir, du Président Wilson à la nécessité du souvenir dans Les Nuits d’épreuve.
Août 1914, c’était aussi l’enthousiasme. On sait rétrospectivement, et Maurras savait dès 1916, que cet élan allait être déçu et que « À Berlin » resterait un cri jeté dans l’instant. On sait aussi que cet enthousiasme – et son « Nach Paris » symétrique – a eu son importance pour s’engager sans apercevoir les conséquences possibles dans une nouvelle guerre entre les deux pays devenus des puissances industrielles redoutables depuis leur dernier conflit.
Rien n’était si sûr en 1914. D’une part Maurras était comme beaucoup d’autres un enfant de 1870 : il était dès lors bien difficile d’imaginer une guerre de tranchées longue de plusieurs années. Et les premiers succès des armées françaises laissèrent penser à une reconquête facile des provinces perdues en 1870. Aller à Berlin comme Bismarck était venu proclamer à Versailles l’Empire allemand ne paraissait pas si improbable. Sans doute est-ce pour témoigner de cet enthousiasme fugitif que ce petit article du 10 août 1914 figure dans les Conditions de la victoire.
Le 9 août 1914
Maurras n’a pas recueilli dans Les Conditions de la victoire ses articles des 7 et 8 août 1914. Dans son article du 9, il revient sur l’affaire Maggi, que nous avions évoquée en présentant l’article du 3 août.
Pujo aussi y revient avec insistance dans ces journées. La suite prouvera que cette histoire relève de l’espionnite qui se donnait alors libre cours à l’occasion de la déclaration de guerre, parfois à raison mais le plus souvent à tort. Continuer la lecture de « Le 9 août 1914 »