Vestiges et instruments de nos passions déréglées

La découverte des ruines de Troie, les progrès de l’ethnologie et de la psychologie, les travaux de Pasteur, les observations de Darwin et bien d’autres nouveautés ont profondément marqué la vie intellectuelle de la fin du dix-neuvième siècle, cette période est celle où le jeune Maurras curieux de tout lit, étudie, on pourrait dire dévore tout ce qui se publie, s’imprègne de tout ce qui se pense et se compose peu à peu sa propre synthèse, tant politique et anthropologique que spirituelle.

Ce sont des années où les courants de pensée naissent, s’hybrident, s’entrechoquent dans une sorte de tintamarre bien éloigné de notre actuel et morne consensus. La place de l’homme dans le monde, dans l’Histoire, dans la société ou devant Dieu est alors au centre de toutes les spéculations. L’eugénisme et le racialisme se déploient avec une bonne conscience qui figerait d’horreur nos modernes Pharisiens, d’autant que ces sentiments ne s’opposent pas forcément au socialisme ou du moins au progressisme social, de même que scientisme et occultisme savent aussi à l’occasion faire un étrange bon ménage.

En février 1897, lors de son voyage à Florence, Maurras rencontre l’une des figures marquantes de cette effervescence : le docteur Paolo Mantegazza, esprit universel, à la fois homme de lettres et savant versé dans quantité de sciences, correspondant régulier de Darwin, de surcroît homme politique et fondateur d’un musée qu’il fait visiter à son jeune hôte.

Maurras appellera ce musée celui « des passions humaines » car on y découvre tout un bric-à-brac d’objets témoins et instruments de ce que les sociétés humaines ont pu montrer de fureur, d’emportement, de vices et de cruauté. Une sorte de musée des « arts et traditions populaires » tourné vers le tragique dont Mantegazza semble attendre qu’en sortent, d’elles-mêmes, les clefs de la compréhension de la nature humaine. Continuer la lecture de « Vestiges et instruments de nos passions déréglées »

Tir à vue sur les Barbares

Charles Maurras n’appréciait guère les Parnassiens.

Née dans les années 1860, cette école de poésie était toujours active et prolixe à l’approche des années 1900, une période où la critique littéraire constituait l’essentiel de l’activité, et des revenus, du jeune Maurras. Les jugements qu’il portait alors sur le Parnasse ne sont donc pas des études sur une œuvre passée dont le temps écoulé a pu mesurer le succès et la portée, mais des réactions à chaud sur des poèmes qui venaient d’être publiés. Et ces jugements ne sont jamais très élogieux. Continuer la lecture de « Tir à vue sur les Barbares »

La Corse de 1897

Avec leurs jupes et leurs corsages tout noirs, le vaste châle en pointe, fait de la même étoffe, qui pend des épaules aux talons, avec la rude et sombre cape qui enveloppe la tête et ne laisse paraître, comme dans le costume des plus austères communautés religieuses, qu’une très étroite lamelle du profil, elles inspirent une grande mélancolie. (…) Telles quelles, je ne nie point leur majesté, ni leur beauté, mais elles font rêver de tragédie plus que d’idylle…

Ce ne sont pas des femmes musulmanes voilées, telles que nous en croisons aujourd’hui, que Maurras décrit ainsi, mais les dames Corses qu’il rencontre en 1897 dans leur île et, pour commencer, sur le voilier qui l’amène de Marseille à Bastia. Dans ses notes de voyage, qui paraîtront en trois fois dans la Gazette de France avant d’être reprises en 1901 pour constituer le troisième « livre » d’Anthinéa sous le titre Figures de Corse, il nous livre bien d’autres traits de ce qu’était l’île de Beauté à cette époque : le clientélisme, le Conseil général, le mythe de Bonaparte… Continuer la lecture de « La Corse de 1897 »