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Les Conditions de la victoire — I

Maggi et
L'Avant-Guerre

9 août 1914

Il n'est pas vrai que les sociétés Maggi 1 soient françaises ni suisses 2. Les sociétés Maggi sont constituées avec des capitaux dont la plus grande partie vient d'Allemagne. Tout ce que nous avons publié sur les services rendus par ces sociétés et leurs diverses filiales à l'espionnage allemand est au-dessous de la vérité. Nous savons que les constatations les plus précises ont été faites ; les autorités sont averties. Cela suffit et doit suffire.

Nous avons prévenu 3 les amis de l'Action française que désormais toute manifestation non seulement serait superflue, mais constituerait un crime contre l'ordre public, aujourd'hui le premier des biens.

Mais, comme on tâche de répandre une légende, ajoutons qu'il est faux que l'alimentation parisienne ne puisse se passer du concours des sociétés Maggi. Les sociétés Maggi n'ont pas de troupeaux qui leur appartiennent, elles ne produisent donc aucun lait. Leur rôle avoué s'est toujours borné à « ramasser » et à centraliser le lait d'une bonne partie des campagnes de notre France. Nous doutons fort que les sociétés Maggi aient pu soustraire aux réquisitions de l'autorité l'outillage matériel et la cavalerie nécessaire. Ce qui est certain, c'est que le soin de ravitailler Paris, aussi bien en lait qu'en toute espèce de subsistances est désormais dans les mains les plus sûres. On ne saurait donc trouver d'excuses aux insinuations et aux rumeurs de presse qui tendent à semer des inquiétudes sur ce point précis. L'explication, non certes la plus satisfaisante, mais la plus vraisemblable est que ces campagnes correspondent à un nouvel effort de publicité des Allemands de la société Maggi.

Nous disons et nous répétons : les Allemands, par le canal de personnes interposées, conscientes ou inconscientes, il importe peu ici. Ni sur la nationalité des sociétés Maggi, ni sur la nature de leur rôle, il n'est plus de doute aujourd'hui. Maurice Pujo déclarait hier que « seul le désir profond de maintenir l'ordre devant l'ennemi nous défend d'en dire plus long ». Mais il doit nous être permis d'être aussi nets que Le Temps du jeudi 6 août. Le plus grand journal de la République écrivait à cette date :

Suppression des grandes affiches de publicité. — Les maires de plusieurs communes de Seine-et-Oise ont reçu ordre de faire enlever de tous les murs de leurs localités diverses grandes affiches de publicité qui, d'après certains dires, comporteraient des renseignements sur les routes et l'importance des villages au point de vue topographique et des réquisitions possibles à y effectuer et constitueraient en cas d'invasion un remarquable service d'information.

S'il résulte du ton de ces lignes que Le Temps n'est pas très satisfait, on y voit clairement que l'ordre de l'autorité est formel. Et ce n'est pas seulement en Seine-et-Oise, c'est aussi en Seine-et-Marne et, plus loin encore, en Indre-et-Loire, que le même « ordre » a été adressé à « certains maires ». Il est sans doute général. Ou il devrait l'être 4. Ayant eu communication de cet ordre, et en ayant saisi comme nous le sens, l'un des premiers historiens de ce temps, dans une lettre adressée à Léon Daudet et à moi, dit à l'auteur de L'Avant-Guerre :

« Quelle belle campagne vous avez menée ! »

C'est le jugement même de l'Histoire de France formulé et signé par l'un de ceux qui ont qualité pour parler en son nom.

Charles Maurras
  1. Ce pluriel vient du fait que Maggi avait en France plusieurs sociétés et un important réseau de laiteries détaillantes. Léon Daudet, menait alors campagne contre l'espionnage, l'essentiel en avait été recueilli dans L'Avant-Guerre, sorti le 5 mars 1913. Daudet avait cru discerner que les laiteries Maggi étaient souvent implantées près des villes de garnison. Au début de la guerre, l'inquiétude était que les plaques émaillées et affiches publicitaires Maggi eussent pu être placées de manière à donner des renseignements aux troupes allemandes. Cette affaire Maggi, agitée par tous les journaux de l'époque, relevait surtout de « l'espionnite ».

    Les notes sont imputables aux éditeurs. [Retour]

  2. Note dans le premier volume des Conditions de la victoire, en 1916 : « M. Gustave Hervé déclarait que les bureaux de son journal serviraient de consulat aux Austro-Allemands de Paris et commençait une ardente campagne en faveur des Maggi. » [Retour]

  3. Dans L'Action française du 3 août 1914, Maurras avait déjà évoqué cette affaire Maggi, pour appeler les membres et sympathisants de l'Action française à ne pas participer aux émeutes sporadiques contre les dépôts ou boutiques Maggi. [Retour]

  4. Note dans le premier volume des Conditions de la victoire, en 1916 : « Il l'avait été. On verra plus loin qu'au fur et à mesure de leur arrivée, nous avons publié les nouvelles de l'arrachement des panneaux Maggi-Kub par toute la France, mais en nous astreignant à ne pas nommer les Maggi, afin d'éviter le retour de l'émotion publique. » [Retour]

Ce texte a paru dans L'Action française du 9 août 1914, repris dans le premier volume des Conditions de la victoire.

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