Qu’est-ce qui fait que certains articles du premier mois de la guerre sont recueillis en 1916 dans le premier volume des Conditions de la victoire alors que d’autres ne le sont pas ? Sans doute dès 1916, la conscience de la part de Maurras que cette guerre marque un tournant. Il multipliera après guerre les articles et recueils pour tirer les leçons, s’appuyer sur la guerre pour envisager l’avenir, du Président Wilson à la nécessité du souvenir dans Les Nuits d’épreuve.
Août 1914, c’était aussi l’enthousiasme. On sait rétrospectivement, et Maurras savait dès 1916, que cet élan allait être déçu et que « À Berlin » resterait un cri jeté dans l’instant. On sait aussi que cet enthousiasme – et son « Nach Paris » symétrique – a eu son importance pour s’engager sans apercevoir les conséquences possibles dans une nouvelle guerre entre les deux pays devenus des puissances industrielles redoutables depuis leur dernier conflit.
Rien n’était si sûr en 1914. D’une part Maurras était comme beaucoup d’autres un enfant de 1870 : il était dès lors bien difficile d’imaginer une guerre de tranchées longue de plusieurs années. Et les premiers succès des armées françaises laissèrent penser à une reconquête facile des provinces perdues en 1870. Aller à Berlin comme Bismarck était venu proclamer à Versailles l’Empire allemand ne paraissait pas si improbable. Sans doute est-ce pour témoigner de cet enthousiasme fugitif que ce petit article du 10 août 1914 figure dans les Conditions de la victoire.