Une préface à Platon

Sans être familier pour le grand public, le nom de Léon Robin (1866–1947) reste connu des philosophes et des hellénistes : outre un Platon qui est une bonne introduction, il a signé, parmi quantité d’autres livres et articles, un ouvrage resté classique sur La Pensée grecque et les origines de l’esprit scientifique. Il fut également l’un des traducteurs importants de Platon en français.

L’Amitié de Platon fut précisément écrite par Maurras pour préfacer un volume de ces traductions de Platon : celle du Banquet suivi du Phédon, en 1933.

Cette Amitié a en outre paru à part dans la Revue universelle des 1er et 15 février 1933, puis sous forme de plaquette, puis comme livre d’art en 1936, enfin dans le recueil Les Vergers sur la mer en 1937.

Après guerre, le nom de Maurras deviendra encombrant pour les éditeurs, et l’on ne verra plus ce texte servir de préface aux traductions de Léon Robin, qui seront elles rééditées à de très nombreuses reprises ; les œuvres complètes de Platon dans la collection de la Pléiade sont encore aujourd’hui « traduites, présentées et annotées par Léon Robin ».

Le texte est révélateur de ce que Maurras, que l’on pourrait sans doute tirer sans trop de scrupules du côté de la philosophie politique ou morale, n’est cependant pas un philosophe : sa lecture de Platon reste celle d’un humaniste — certes distingué, les citations multipliées le prouveraient s’il en était besoin — ou d’un honnête homme excellemment formé dans la seconde moitié du XIXe siècle. C’est que son attention n’est pas attirée par les articulations fines des concepts platoniciens : Maurras procède par les articulations larges et parfois lâches du texte, plus proche en cela de Victor Cousin ou de Sainte-Beuve que de Léon Robin qu’il préface. Encore faut-il préciser qu’il n’était sans doute pas lui-même mécontent de ce qu’en procédant ainsi plus par les conclusions platoniciennes que par l’étude de l’élaboration proprement philosophique d’une pensée, il ne se livrait pas à une démarche philosophique : Maurras n’a jamais prétendu être métaphysicien, et il est sans doute révélateur qu’il ait préfacé le Phédon et le Banquet, non le Parménide ou le Philèbe.

Aussi on n’en sera pas étonné : c’est essentiellement à l’influence platonicienne, à sa réception et à ce qu’elle produisit dans l’histoire intellectuelle de la France que Maurras est sensible ; le tableau historique qui remplit les premières parties du texte le montre clairement, la suite le dit d’une autre manière, qui parle à grands traits, à propos du Banquet, des conceptions platoniciennes de l’amour : n’y voit-on pas Auguste Comte et Clotilde de Vaulx convoqués au détour d’un paragraphe ?

Enfin il faut remarquer à l’occasion de ce texte l’approche de l’homosexualité par Maurras : sans doute il la condamne et la voit comme une tare, fidèle en cela aux enseignements sexuels hygiénistes du dix-neuvième siècle et du premier vingtième siècle. Cependant, il faut souligner que contrairement à certains hellénistes ou érudits du moment, il ne la dissimule pas, et ne se dissimule pas la difficulté qu’elle représente dans sa vision de Platon. Si la solution trouvée par Maurras, qui revient à voir dans Platon et sa réflexion sur l’amour une préfiguration du catholicisme marial via les grandes figures féminines de la littérature occidentale, nous paraît aujourd’hui un peu naïve dans sa position toute a posteriori et son manque de problématisation, l’effort fait pour passer de la difficulté que lui pose l’homosexualité dans sa lecture des textes à une solution qui ne revient pas à balayer le problème sous le tapis est porteuse d’une certaine modernité, même si cette modernité n’est en partie plus la nôtre. Elle est en tous cas éloignée du discours académique qui était alors courant, embarrassé et puritain, voire simplement négateur de l’homosexualité antique.

Barbarie et Civilisation

Après l’Homme, premier étage de la construction politique maurrassienne, vient la Civilisation.

C’est du moins en cet ordre logique que ces deux textes fondateurs se succèdent, en 1931 dans le recueil Principes, en 1937 dans Mes idées politiques, plus tard dans les Œuvres capitales.

En fait, ils ont paru tous deux pour la première fois en septembre 1901 dans la Gazette de France, mais dans l’ordre inverse : le 9 pour Qu’est-ce que la civilisation ? et le 23 pour Amis ou ennemis.

Et s’ils n’ont en rien été conçus comme les attendus, les préalables d’une vaste synthèse, nous ne pouvons aujourd’hui les dissocier du meccano imaginé trente ans plus tard par Pierre Chardon, alias Rachel Stefani ; de même, nous ne pouvons nous interdire de les faire vieillir d’un bon siècle pour les confronter au monde actuel et à ses principes fondateurs, qu’ils soient explicites ou non.

Résumer d’une phrase lapidaire le credo de notre modernité finissante pourrait passer pour une simplification réductrice, voire mutilante, si cette modernité ne se voyait pas elle-même ainsi, le proclamant sans frein et sans vergogne :

Ce qui fonde la « civilisation » mondialiste actuelle, c’est la certitude d’un aboutissement proche, final et victorieux d’une longue lutte d’émancipation de l’individu, de son libre arbitre et de son génie créateur, contre les pesanteurs oppressives qui faisaient la substance et le ciment des sociétés pré-industrielles : religions, familles, nations, coutumes, hérédité.

Dans ce combat séculaire entre l’Individu et la Société, entre le vainqueur inéluctable et le vaincu qui tire ses dernières cartouches, le beau rôle est tenu par le « Moi Je », expression du Progrès, de la Liberté et de la Démocratie, tandis que le clan des « Tous », des « Eux », réunit dans un cénacle fétide les réactionnaires attardés et les défenseurs des derniers privilèges.

C’est là que les penseurs en cour, libéraux comme progressistes, situent aujourd’hui Maurras, par un réflexe automatique. Maurras est réactionnaire, puisqu’il défend aussi bien la religion que la famille, la nation aussi bien que la tradition, et que, suprême archaïsme, il réclame un pouvoir héréditaire ! Donc, s’il est réactionnaire, c’est qu’il en tient pour l’écrasement de l’individu par la société, pour l’asservissement de la liberté du « Je » par la dictature du « Tout ».

Or, de toute sa vie, Maurras n’est jamais entré dans cette opposition simpliste entre l’Homme et la Société ; ce qu’il a opposé, c’est la civilisation à la barbarie.

Maurras n’a jamais attaqué le progrès ni l’émancipation ; encore faut-il, c’est pour lui la condition d’une marche vers la civilisation, les mettre au service d’un « nous », qui n’est pas le « eux », ni a fortiori le « Moi Je », lequel nous mène immanquablement sur le chemin de la barbarie, en sa version moderne qui est « la nature insatiable d’un désir qui essaye de se satisfaire par le nombre de ses plaisirs ».

Mais que l’on revienne au texte de 1901, à sa distinction entre les civilisations et la Civilisation, pour comprendre combien le débat actuel sur la croissance et le « développement soutenable » peut (et doit !) s’inspirer de ce que Maurras exprimait alors !

Après la mort de Mallarmé

Génie ou mystificateur ? Ou les deux à la fois ? Cette question, qui aura tant de fois été posée à propos de Picasso, de Roland Barthes et de bien d’autres, ne saurait s’appliquer à quiconque mieux qu’à Stéphane Mallarmé.

Mais il ne sert plus à rien de la poser aujourd’hui. Mallarmé est oublié, il ne représente aucun enjeu pour personne. De son vivant, il était célèbre, autant que Wagner dont il fut l’un des principaux exégètes, plus que les peintres impressionnistes qui étaient ses amis proches. Un siècle plus tard, tout le monde connaît Wagner, et des foules compactes se pressent chaque jour devant les portes du Musée d’Orsay. Mais qui saura restituer de mémoire une seule strophe de Mallarmé ?

Alors, génie ou mystificateur ?

À la fin de sa vie, sa poésie était devenue à ce point obscure que le monde littéraire en était par force partagé en deux camps : les admirateurs inconditionnels et les détracteurs systématiques.

Ferdinand Brunetière, dans la 15e leçon de son « Évolution de la poésie lyrique au XIXe siècle », se contente d’écrire dans la Revue Politique et littéraire du 17 juin 1893 :

D’autres raisons nous ont empêché de parler de M. Stéphane Mallarmé, dont la première est celle-ci, que nous n’avons pas réussi à le comprendre.

Après la mort de Verlaine, c’est Stéphane Mallarmé qui est élu Prince des Poètes. Le camp des admirateurs triomphe. La poésie, expliquaient-ils, doit s’affranchir des contraintes du sens et de la clarté pour mieux atteindre le sublime.

Trente mois plus tard, Mallarmé meurt à son tour. Et comme il est arrivé pour nombre de poètes et de littérateurs, c’est la critique post mortem, le bilan d’une vie dressé quelques jours plus tard par Charles Maurras qui constitue aujourd’hui la source la plus complète, la plus équilibrée, pour comprendre l’œuvre du défunt.

Maurras le contemporain manquait-il de « distanciation » ? En tous cas cela ne l’a pas empêché d’aller à l’essentiel et de savoir mettre pleinement en regard les deux termes de l’alternative. Même si on ne sait rien de Mallarmé, on comprend en lisant l’article de Maurras publié en 1898 ce que Mallarmé avait de réel génie poétique, et ce en quoi il mystifiait son monde.

Ce que les auteurs récents sont bien en mal de faire. Abscons en diable, Mallarmé est en effet une pâture rêvée pour tout ce que l’Université compte de Trissotins, un pensum classique pour tout mandarin désireux de torturer ses étudiants. Il lui a donc été consacré une multitude de thèses et de synthèses. On n’étudie plus Mallarmé, mais les études qui lui ont été consacrées ; plus tard, on en étudie les études d’études. On n’est pas dans la distanciation, mais dans le pur rite académique.

Donner un sens plus dur aux maux de la tribu…

Les résumés biographiques actuels de Mallarmé sont consternants. Comment le décrire avec les critères d’aujourd’hui ? Ce jouisseur ne fréquentait que les bordels les plus bourgeois ; difficile d’en faire un poète maudit, un réprouvé de la société, un persécuté. Oui, mais il était le familier des peintres d’avant garde, il avait des amis à la Revue blanche ? Alors le voici catalogué communard, républicain, dreyfusard. Il est incompréhensible ? Normal, c’était le fondateur de l’Art Moderne…

À côté de ces balourdises, le texte de Maurras nous vient comme une bouffée de fraîcheur et de lumière.

Publié le 5 novembre 1898 dans la Revue encyclopédique, alors que Maurras avait trente ans, il sera repris en 1923 dans le recueil Poètes édité par la revue Le Divan, enfin inclus dans le tome III des Œuvres capitales. Plus de cinquante ans après, Maurras revient sur Mallarmé dans la préface de La Balance intérieure :

Je ne fus nullement un négateur de Mallarmé et ne le deviendrai pas sur mes vieux jours. Mais j’ai le devoir de dire que l’inflation mallarméenne n’est pas non plus mon fort et j’aime mieux ne pas me ronger les pattes à déchiffrer des sens difficiles. La musique des mots y est toujours d’une extrême euphonie. Est-il nécessaire de la gonfler d’une philosophie qui en est trop absente ?

Jacquard, une préface en passant

Il y a peu de biographies de Joseph-Marie Jacquard, l’inventeur du métier à tisser. Si vous en recherchiez une, vous aurez de bonnes chances de tomber sur un livre édité à Genève en 1943. L’auteur en est un certain François Poncetton, et la préface est de Charles Maurras.

Mais que faisait donc Maurras en cette affaire ? C’est d’autant moins clair qu’il ne s’en explique guère, et qu’il précise au début de son texte qu’il n’est ni Lyonnais, ni en rien spécialiste du tissage, donc doublement peu qualifié pour cet exercice. Quant à François Poncetton, son nom est bien oublié aujourd’hui. On ne trouve pas trace de lui dans d’autres textes de Maurras, du moins dans les plus connus et accessibles.

Il se trouve que la Société des Gens de Lettres distribue chaque année un Prix Poncetton. Mais la documentaliste de cette Société s’est avérée incapable de nous en dire davantage sur cet auteur, sinon que son Prix avait été institué en 1970 à la suite d’un legs fait par sa veuve, suivant en cela ses dernières volontés testamentaires. Et aucune des références habituelles en matière de littérature ne semble contenir d’article Poncetton.

Nous n’avons pu réunir, par d’autres sources, que peu d’éléments. François Poncetton aurait été un médecin, né en 1875 et mort en 1950. Sa production littéraire est assez abondante ; outre Jacquard, il écrivit une biographie relativement connue de Duguay-Trouin, et de nombreux ouvrages traitant d’art ou d’ethnologie. Plus d’autres, sous des pseudonymes divers. Et, au milieu de tout cela, un opuscule paru en 1926, Paradoxes royalistes. Voilà qui nous rapproche du but.

Ces Paradoxes sont un dialogue entre deux interlocuteurs qu’il appelle « Moi » et « Mon Maître ». Sans préjuger davantage, on peut imaginer que les débatteurs y expriment des idées entre lesquelles l’auteur balance. Il y est question de la personnalité de Maurras, de la nature de la royauté, de la stratégie poursuivie par l’Action française et de son efficacité. Poncetton maîtrise parfaitement tous ces thèmes, montrant qu’il s’en tient informé, et qu’il a sans doute participé de près, mais on ne sait quand, aux activités du mouvement royaliste.

Ceci dit, Maurras ne s’en sort pas à son avantage. Certes, son génie est reconnu, de même que le courage et la droiture de ses compagnons ; mais en gros, Poncetton lui reproche de faire passer la France avant la royauté et d’avoir ainsi renforcé la République. Maurras n’aura sans doute que modérément apprécié la critique, même si Poncetton prend toutes les précautions nécessaires en la faisant endosser par le mystérieux « Mon Maître ».

En 1943, les nuages ont eu le temps de se dissiper et Poncetton, à la recherche d’un préfacier prestigieux pour son Jacquard, obtient l’accord de Maurras. Et celui-ci, qui ne peut ou ne veut se dédire, s’acquitte de sa promesse.

Mais on sent bien qu’il ne le fait pas avec le même enthousiasme qu’il mettra, quelques mois plus tard, à préfacer le Groumanduji de Maurice Brun. Un détail montre même qu’il n’a pas lu le livre, ne faisant que le feuilleter de loin ; lorsqu’il évoque le retour de Jacquard de l’armée, Maurras le décrit « heureux de retrouver sa chère Claudine », alors qu’il rentre désespéré par la mort de son fils qu’il avait accompagné au front. Et comme on comprend Maurras ! Le livre de Poncetton est fort médiocre. Si le style en est parfois brillant, ce style n’est mis au service d’aucun plan, d’aucune idée qui vaille. Les phrases s’allongent et s’égarent en festons inutiles ; ici l’on invente le détail d’un décor, là d’un paysage, ou même du temps qu’il fait. Ces images parfaitement inutiles et superflues n’ajoutent rien au sens, et ne parviennent pas à cacher la maigreur et les lacunes criantes de la documentation réunie.

Triste corvée dès lors, que d’écrire tout le bien qu’on pense d’un livre quand on n’en pense pas un mot ! Maurras ne se montre pas à son meilleur dans cet exercice de flagornerie. Et ceci nous renvoie bien entendu au contexte de cette fin de 1943, quand la guerre fait rage partout dans le monde, mais que la France, bien qu’entièrement occupée, semble rester miraculeusement en dehors du cœur du conflit. Maurras jouit d’un prestige inégalé, et les événements l’autorisent toujours à défendre, envers et contre tous, sa théorie de la ligne de crête, de la seule France, ni Axe ni Alliés ; isolé par sa surdité, par son entourage, par les hommages qu’il reçoit, ne voit-il pas que le monde bascule ?

Nous ne le saurons jamais, et nous ne connaissons que la suite de l’Histoire. Mais la voie reste libre, pour la fiction, pour l’uchronie. La préface du Jacquard nous en donne un petit élément.

La tentation de l’Orient

Charles Maurras, dont le frère cadet fut médecin militaire en Indochine et mourut à Saïgon, n’a jamais lui-même visité l’Orient, qu’il soit proche, moyen ou extrême. Tout ce qu’il en a vu se limite à la contemplation, depuis le sommet du mont Hymette, des îles de la mer Égée. Et ceci se passa une seule fois, en 1896. Au sens propre, c’est un Orient bien limité, bien occidental, même si la ligne d’horizon lui évoque, par delà les Cyclades, la côte de l’Asie Mineure et, encore au-delà, toute la litanie des peuples et des empires de l’Est du monde méditerranéen.

Cependant cet Orient, tout virtuel qu’il soit, prend alors une place précise dans l’esprit de Maurras. Ce qu’il voit d’un côté, au nord-ouest, c’est l’Attique, qu’il vient de visiter, et c’est la civilisation : l’ordre, la régularité, la mesure et la beauté. Et voici que de l’autre côté, au sud-est, lui apparaît un monde on ne peut plus différent ; l’Orient immense, fascinant mais flou, nimbé de mystère, barbare, inorganisé. Le dangereux Orient qui, tel Baudelaire, sera toujours pour Maurras une tentation, qu’il rejettera avec toutes les forces de la raison sans jamais pouvoir l’éradiquer tout à fait.

Le récit de l’ascension du mont Hymette ne figure pas dans Anthinéa ; il paraît cinq ans après le voyage de Maurras à Athènes, dans la Gazette de France du 14 novembre 1901, sous le titre L’Orient. Maurras qui a passé la trentaine atteint la plénitude de son art littéraire et, s’il est déjà fortement engagé en politique, il n’y consacre pas encore tout son temps ; la critique et la littérature restent son activité première.

Anthinéa connaîtra de nombreuses éditions, mais L’Orient n’y sera jamais intégré, sinon en 1918 sous le titre L’Hymette, dans Athènes antique, un ouvrage illustré de grand luxe qui reprend quelques passages d’Anthinéa. Entre temps, il aura été publié en 1916 dans Quand les Français ne s’aimaient pas, sous le titre Le Mystère d’Orient ; puis repris en 1937 dans Les Vergers sur la mer, cette fois appelé L’Orient du Mont Hymette, enfin au tome I des Œuvres capitales.

Baudelaire en Martigues

Le 15 septembre 1895, Charles Maurras qui est Parisien depuis dix ans évoque, dans la chronique littéraire de la Revue encyclo­pédique Larousse, les rémi­nis­cences baudelairiennes qui renaissent en lui lors de ses retours au pays natal :

Là, tout n’est qu’ordre et beauté
Luxe, calme et volupté.

Ainsi scande L’Invitation au voyage. Et cependant, Maurras fait ce qu’il peut pour chasser de lui-même ce « mauvais enchan­teur » de Baudelaire… Mais rien n’y fait. Ces vers, « autrefois aimés », qu’on veut morts « de vieillesse et d’ennui », reviennent et s’imposent, comme exhalés par le vent marin, les bosquets d’oliviers et les flottilles de pêcheurs. Maurras aura beau s’en défendre, plaider et argumenter, Baudelaire restera le plus fort. Mais tout jardin littéraire qui se respecte ne doit-il pas être parsemé d’îlots de plantes vénéneuses au charme fascinant ?

Ce très beau texte de 1895 sera connu du public vingt ans plus tard, lorsqu’il deviendra l’avant-propos de L’Étang de Berre. Il n’y porte pas de titre, et commence par des points de suspension. Nous lui avons donné un nom : Au flanc d’une colline.

Au flanc d’une colline est le premier des textes choisis en 1989 par le docteur Robert Fouque pour illustrer l’ouvrage On n’échappe pas à sa Terre qu’il donne à l’Association des Amis de la Maison du Chemin de Paradis. Nous vous en offrons quelques extraits, avec l’illustration d’Albert André pour L’Étang de Berre en 1927 :