Nous commençons aujourd’hui la publication, qui se poursuivra sur plusieurs épisodes, des contes du Chemin de Paradis. Cette œuvre majeure de Charles Maurras est une collation de neuf textes publiés entre 1892 et 1894 dans diverses revues. Œuvre de jeunesse, de badinage philosophique, Le Chemin de Paradis se trouva bientôt au centre des attaques des démocrates-chrétiens qui y voyaient une entreprise païenne et blasphématoire. La réédition de 1921, et toutes celles qui suivirent, est expurgée des passages les plus « anti-chrétiens » et accompagnée d’une nouvelle préface (devenue ensuite postface) qui explique, justifie, relativise, minimise… mais cela ne fera pas taire la polémique, si bien qu’il est impossible désormais de lire ces Contes au premier degré, en faisant abstraction de toutes les interprétations que leur ont données admirateurs, contempteurs et exégètes.
Pour cette première publication, nous avons choisi le second conte, second parmi les neuf mais également second dans le premier groupe de trois sur-titré « Religions », les deux autres triplets étant dénommés « Voluptés » et « Harmonies ». Il s’agit du Jour des Grâces qui évoque la fin de la ville de Sybaris, arrivée à tel degré de perfection dans les plaisirs et les raffinements qu’il ne lui restait plus qu’à disparaître du monde des humains.
Rien d’entier ne demeure au monde, et la perfection entraîne la mort. Dès que l’homme confine à Dieu, il est juste qu’il n’ait plus que faire de vivre, médite en ce sens le sage Euphorion.
Maurras nous entraîne au temps où l’extrême Sud de l’Italie n’était pas la région pauvre, désolée et mafieuse que l’on connaît de notre temps, mais au contraire la partie la plus riche et la plus puissante de la Grande Grèce, il y a vingt-six ou vingt-huit siècles de cela. Nous y côtoyons les pythagoriciens, Empédocle, Milon de Crotone… et la ville de Sybaris, qui fut effectivement détruite et noyée par le détournement du fleuve Crathis, et dont on n’a exhumé les ruines que quelques années après la mort de Maurras. La description, pourtant fort chaste, des voluptés savantes pratiquées par les Sybarites a subi quelques coups de canif dans l’édition de 1921, que nous privilégions, mais en conservant en note le texte original du recueil de 1895. Les illustrations sont reprises de l’édition de luxe de 1927, ornée d’aquarelles de Gernez.