On ne trouvera pas sous la plume de Maurras d’article à l’occasion de la mort de Pie X : d’abord la guerre est là qui accapare son attention, ensuite la nouvelle était attendue et n’a pas éclaté comme un coup de tonnerre supplémentaire en cet été 1914.
Pour ce 21 août 1914, c’est pourtant bien la note que Maurras fait sur l’article de Vaugeois — qui lui même parle de la mort du pape —, qui est recueillie dans les Conditions de la victoire en 1916. Bien plus : l’article du jour de Maurras, qui, lui, parle de la guerre, restera curieusement négligé et ne sera pas repris en recueil.
Deux éléments permettent sans doute d’expliquer ce choix curieux. D’abord les polémiques à propos de l’attitude du Vatican durant la guerre se seront développées entre temps. Peut-être même Maurras médite-t-il déjà en 1916, alors qu’il compose le premier volume des Conditions de la victoire, un autre recueil sur le sujet spécifique de l’Église et de la France durant le conflit, Le Pape, la Guerre et la Paix (1917). Ne pas négliger complètement la mort de Pie X prend alors tout son sens, d’autant que l’article du 21 août 1914 est déjà une polémique contre Le Temps ; or l’on sait que Le Pape, la Guerre et la Paix est essentiellement un ouvrage de polémiques entre journaux.
Ensuite, les péripéties économiques de l’été 14 ont déjà été abordées dans le recueil, et Maurras hésite sans doute à y revenir. Il a de même supprimé des Conditions de la victoire divers articles qui revenaient un peu longuement sur le sujet du canon de 75, estimant sans doute qu’un seul suffisait.
L’article est de ce point de vue intéressant et révélateur de la part qu’a prise Maurras même dans les impasses qu’on fait presque sans y penser sur son œuvre. On connaît la petite chanson : Maurras, surtout littéraire, ne serait pas intéressé par l’économie, laisserait volontiers le sujet à d’autres, et en particulier à Bainville. C’est en partie vrai, mais en partie seulement et les choix sélectifs de Maurras même y ont leur part. Ainsi la disparition en recueil de cet article « Du travail ! » que nous réintégrons à la suite du texte sur Pie X.
Et quelle meilleure illustration de la méthode maurassienne, de sa volonté de lucidité qui s’impose même aux réquisitions morales, que ce passage inattendu pour ceux qui se contentent de vues trop rapides et trop convenues :
« La période guerrière s’accommoderait d’un certain collectivisme spartiate auquel pour mon compte je verrais moralement moins de dommages que d’avantages s’il n’y avait à considérer que l’ordre moral. Mais les biens matériels ne sont pas inépuisables, non pas même ceux de l’État, non pas même ceux de la Société, et pour les maintenir dans leur nécessaire abondance, un chose importe avant tout : leur production, donc le travail avec toutes ses conditions. »