Que la Grande Guerre ait profondément transformé les conditions sociales, que le travail en soit sorti changé, que les femmes soient entrées massivement sur le marché de l’emploi… autant de banalités que devraient savoir tous les élèves à qui l’on parle de la Guerre.
Mais ils étaient peu nombreux à simplement les entrevoir à l’ouverture des hostilités, comme Maurras dans cet article dans L’Action française du 14 août 1914 intitulé « Le travail national ».
L’idée est bien là que le conflit va mobiliser de telles ressources que seul l’État, dans toute la force nouvelle qu’il avait acquis depuis 1870, pouvait soutenir efficacement l’effort.
Nous ne sommes ni socialistes d’État, ni socialistes tout court, mais la guerre fait très étroitement dépendre le libre facteur économique de l’autorité politique, et c’est à l’État que revient, dans ces conditions, le droit, le devoir, le pouvoir d’utiliser rapidement tout ce que la situation nationale comporte d’avantages moraux susceptibles de se transformer en avantages matériels.
Si Maurras ne parle pas expressément d’économie de guerre — et pour cause, on n’en parlera qu’avec la guerre qui commence —, il ne manque que les mots sur la réalité qu’il pressent et décrit.
Il faut bien entendu y voir l’une des raisons du ralliement à l’Union sacrée : face à la cohésion allemande, quoi que l’on pense du régime, une cohésion nationale paraissait nécessaire.
Et l’outil nécessaire dans les mains de cette cohésion c’était « le crédit ». Maurras a raison : il sera déterminant. Le crédit français ne s’écroulera pas de toute la guerre, et même la hausse des prix ne l’entamera guère. C’est ce crédit qui permettra d’emprunter pour soutenir l’effort.
Reste ce que ni Maurras ni personne n’avait prévu : la longueur de la guerre, sa dévoration de pétrole et d’acier autant que d’hommes, et les périls de cet endettement précisément rendu possible par « le crédit de la France ».