Noir ou blanc ?

Ce qui est blanc est blanc. Ce qui est noir est noir.

L’obéissance peut-elle, pour un catholique, aller jusqu’à confesser que ce qui est blanc est noir ?

Telle est la question que pose la condamnation de l’Action française par Rome en 1926, résumée en une formule inspirée de notre texte de cette semaine : la préface à L’Action française et le Vatican signée conjointement par Daudet et Maurras en 1927. Peut-être Maurras a-t-il eu, en trouvant la formule, une pensée pour son cher Dante et pour ces guelfes blancs et noirs dont il connaissait bien l’histoire et les démêlées compliquées avec la papauté. Continuer la lecture de « Noir ou blanc ? »

L’organe du nationalisme intégral

Organe du nationalisme intégral : la formule est en sous-titre de chaque numéro de L’Action française quotidienne. Elle ne doit rien au hasard.

« Organe » dépasse la dénomination habi­tuelle et aujourd’hui un peu vieillie d’un journal par lequel un courant d’idées s’exprime dans le champ de l’actualité et du débat quotidien : c’est aussi ce qui a sa place et sa fonction dans un tout. L’Action française est alors un mouvement protéiforme qui, déjà et non sans ambiguités ou déséquilibres, prétend s’adresser aussi bien aux étudiants qu’aux ouvriers, aux « intellectuels » qu’aux sympathisants populaires ou à la petite bourgeoisie, aux diverses classes sociales qu’elle ne nie pas ; elle s’est donc dotée de cercles divers, d’une revue, d’organisations satellites qui s’adressent plus particulièrement à telle ou telle partie du public. En cet âge d’or de la presse, un journal revêt donc une importance particulière pour réunir ces branches — diverses par leur nature, leur public ou leur orientation — en un faisceau qui manifestera l’unité dont elles procèdent. Continuer la lecture de « L’organe du nationalisme intégral »

Réponse à un lecteur de L’Huma

L’Action française quotidienne commence à paraître le 21 mars 1908. Outre le premier article du premier numéro, article collectif traitant du nationalisme intégral et co-signé par ceux qui seront les principales figures du journal, Maurras signe le 22 une revue de presse sous son pseudonyme bien connu de Criton. Même chose le lendemain 23. Nous numériserons à l’occasion l’une ou l’autre de ces revues de presse pour en donner une idée, sans doute ferons nous de même pour celles qui parlent d’événements ou d’écrits plus particulièrement remarquables ou histo­riques, ou encore pour celles qui développent des vues originales, mais leur masse même, leur caractère souvent très circonstanciel et le fait que parfois la plupart des lignes n’y sont pas de Maurras lui-même mais des publications dont il fait la revue en diminuent l’intérêt.

Il faut donc attendre le 24 mars 1908 pour trouver un article signé « Charles Maurras » dans L’Action française quotidienne, premier d’une très longue liste. Continuer la lecture de « Réponse à un lecteur de L’Huma »

Une imprécision corrigée

On ne peut pas tout savoir ! Faut-il s’en plaindre ou s’en réjouir ?

Toujours heureux de corriger une erreur ou une imprécision, nous devons donc remercier M. Henry D. qui, meilleur connaisseur de l’œuvre de Plutarque que nous ne le sommes, nous a donné la référence de la mention faite par Maurras d’une apostrophe parlementaire de Jaurès à Alexandre Ribot. La citation n’est pas faite très littéralement et souffre de quelque imprécision. Heureux temps où l’on savait ces textes au point de partager les mêmes erreurs sur leur détail sans même les corriger pour se les envoyer à la tête depuis la tribune de la Chambre des députés…

Nous corrigeons donc notre note numéro 6 à l’article sur Alexandre Ribot du 15 janvier 1923.

Deux jours avant la guerre

L’événement qui fut le détonateur de la guerre de 1914, l’assassinat de l’archiduc d’Autriche à Sarajevo, a parfois masqué les causes profondes de la guerre. Souvent, il a aussi fait oublier la chronologie précise des événements qui du 28 juin au 3 août conduiront à la déclaration de guerre de l’Allemagne à la France.

Durant tout ce long mois de juillet 1914 revenaient en mémoire les événements précédents qui avaient seulement menacé la paix, comme l’affaire Schnaebelé ou l’épisode de la canonnière Panther. L’incertitude domina longtemps et encore le premier août, date de l’article intitulé « Le Moral » que nous vous proposons aujourd’hui, Maurras prend quelques précautions de journaliste qui cherche à se garantir contre le retournement possible des événements.

La mort tragique de Jaurès semblera un coup de théâtre fait pour démentir les derniers espoirs, même si l’on peut douter que sa survie aurait changé grand chose à l’implacable marche des alliances. Cette mort sur laquelle nous reviendrons à l’occasion d’autres articles est connue dans la soirée du 31, alors sans doute que l’article de Maurras est déjà écrit et composé pour le lendemain. C’est du moins ce que semble indiquer le texte qui relate les circonstances de la mort de Jaurès sur la même page que notre article et nie que l’assassin Raoul Villain soit un membre de l’Action française, comme la rumeur en courait à tort — il avait en revanche été militant du Sillon de Marc Sangnier.

À quoi pense donc Maurras dans cet entre-deux où tout a déjà été dit de la guerre presque certaine, mais où l’on veut encore se raccrocher aux derniers espoirs ténus de paix ou espérer un sursis qui permettrait une meilleure préparation ?

Il songe, dans un article où certains accents sont presque intimistes, à son propre sort et au handicap qui lui interdit de mettre ses actes en conformité avec ses déclarations en prenant sa part sinon aux combats, du moins à l’effort militaire de l’arrière où il aurait dû, selon son âge, être mobilisé. Il songe aussi aux membres de l’Action française qui partiront, veut voir en eux les mieux armés moralement des patriotes, et il se souvient sans doute, sans les rappeler explicitement, de ses propres prévisions funestes de l’été 1913 sur les « cinq cent mille jeunes Français couchés froids et sanglants sur leur terre mal défendue ». On sait que le nombre des victimes dépassera de manière inimaginable pour l’époque ce chiffre de cinq cent mille, et que parmi eux l’Action française versera un tribut de sang dont elle ne se remettra jamais tout à fait.