On sait que Maurras écrivit toute sa vie dans L’Action française, outre son article quasi-quotidien et d’autres articles d’actualité, une revue de presse fameuse qu’il signait du pseudonyme de Criton. Nous en donnerons sans doute quelques exemplaires à l’occasion, mais le caractère très circonstanciel de cette revue de presse et le fait évident que Maurras y parle peu mais y cite longuement ses collègues journalistes lui donne une coloration qui ne la fait pas précisément entrer dans les œuvres de Maurras au même titre que ses autres articles de presse.
Comment Maurras s’est-il retrouvé attelé à cette besogne sans doute intéressante pour nourrir ses réfexions, mais somme toute ingrate et assez fastidieuse dans la durée pour qu’il s’en soit parfois plaint ? Sans doute en partie parce que la notice sur une œuvre est un genre qu’il a pratiqué abondamment. C’était un passage obligé pour un jeune homme qui voulait écrire. Maurras y passa sans doute mieux que d’autres, avec des lectures ordonnées et assimilées. De la notice sur une parution récente dans une revue périodique à la revue de presse dans l’A. F. quotidienne, il n’y avait qu’un pas.
Ainsi il donnait dès 1887 de ces notices à La Réforme sociale de Le Play, mort quelques années plus tôt mais dont l’œuvre lui survivait. Nous avons réuni les deux notices sur des ouvrages récents parues cette année là dans l’organe de « l’École » comme dit Maurras.
La première concerne un ouvrage d’un monsieur Barberet, qui avait entrepris de publier des monographies monumentales sur les divers métiers. Le monument est aujourd’hui bien oublié, tout au plus ce cours texte a-t-il le mérite de nous montrer Maurras lecteur vaste et insatiable, qui parcourait les pages de Barberet sur les céramistes ou les boulangers.
La deuxième notice concerne un ouvrage de Funck-Brentano (le père, Théophile, le fils Frantz sera un des piliers intellectuels de l’Action française) consacré au nihilisme russe et à ses causes dans la philosophie allemande. De l’influence délétère du kantisme au fait que le nihilisme russe est un enfant monstrueux de conceptions philosophiques issues des lumières — et qui plus est mal assimilées — on retrouve en quelques phrases, alors que Maurras n’a pas vingt ans, l’essentiel de thèses qu’il reprendra inlassablement. Il les développera, les précisera, les répétera, ira au delà d’elles ou les étendra du nihilisme au bolchevisme puis au communisme soviétique, mais dès 1887 elles sont bien présentes à son esprit, la lecture précise qu’il a faite de l’ouvrage de Funck-Brentano nous le montre, témoin des lectures du jeune homme qui arrivait alors à Paris pour faire carrière dans l’écriture et le journalisme.