Le neuvième et dernier conte du Chemin de Paradis, troisième et dernier de la série des « Harmonies », n’est pas véritablement un conte, car il ne contient ni action ni personnages. C’est l’évocation d’une rupture amoureuse, déclinée en 28 chants, formant comme une suite d’hommages et d’actions de grâce à la Mer. Mais ces louanges ne sont qu’esquissées, drapées sous le fin voile de mystérieuses paraboles ; on n’y trouve rien qui ferait penser à un bruyant éclat de culte païen arrivant en finale d’un recueil dont maints commentateurs n’ont voulu retenir que les aspects anti-chrétiens.
De fait, ce dernier conte a été sans doute le moins commenté de tous. Et le recueil s’achève ainsi, sur l’évocation d’une brutale rupture, sans rien nous suggérer qui soit à charge ou à décharge ; on devine que le coup a été violent, mais l’on ne sait rien de ce qui l’a entraîné, rien des séquelles qu’il a provoquées. C’est au lecteur de composer son histoire, comme il l’entendra, entre les multiples lectures que la forme elliptique de la rédaction du « fabliau » aura pu lui suggérer.
Le Discours à la louange de la double vertu de la mer est sans doute, au vu de sa structure en chants, l’un des premiers à avoir été composé. On peut lui associer de multiples échos dans l’œuvre à venir de Charles Maurras, du Mystère d’Ulysse au Mont de Saturne. On peut surtout y voir, au delà de la fin d’une aventure sentimentale dont il importe peu de savoir laquelle des nombreuses conquêtes du jeune Maurras elle concerne, une autre rupture douloureuse, celle entre l’auteur et la mer elle-même, survenue lorsque Maurras dut renoncer en raison de sa surdité à s’orienter vers la carrière d’officier de marine dont il rêvait.
Un Maurras marin nous eût peut-être valu quelques chroniques à la Pierre Loti. Il aurait peut-être croisé le duc d’Orléans au large du Spitzberg. Mais nous n’aurions pas eu le Chemin de Paradis…