Nous poursuivons la publication des contes du Chemin de Paradis avec aujourd’hui le premier d’entre eux, premier de la série des « Religions » : Le Miracle des Muses, où Maurras met en scène le sculpteur Phidias, devenu amer et jaloux tant de la vilénie des hommes que de la perfection des Dieux qu’il a lui-même ciselés, au point de dénier à son art toute inspiration divine, ce dont il est immédiatement puni.
On sait peu de choses du vrai Phidias, auteur de la statue d’or et d’ivoire de Zeus à Olympie qui fut la troisième des sept merveilles du monde antique. Arrivé au faîte de la célébrité, il fut accusé de malversations et chassé d’Athènes, et partit finir ses jours à Olympie. Maurras l’y imagine aigri, multipliant les blasphèmes ; mais tant qu’il ne fait qu’insulter des Dieux, il ne se passe rien. D’ailleurs, les Dieux existent-ils ? Ne sont-ils pas que fiction des hommes ? Mais quand Phidias sort du cadre des bravades verbales gratuites, quand il en vient à vouloir réduire l’Art au seul tour de main de l’homme, à lui refuser toute dimension surnaturelle, alors c’est un blasphème véritable qu’il profère, et la sanction est immédiate.
On a le droit d’insulter Zeus, ce ne sont que vains crachats en l’air ; mais insulter les Muses, c’est autrement plus grave, c’est se retrancher de la Vie. Comme l’expliquait Moréas dans la préface du Pèlerin passionné : si l’on ôte du poème la « divine surprise », il ne reste plus que des mots rythmés, sans âme, sans mystère, pour tout dire sans intérêt.
Le Miracle des Muses fut publié pour la première fois dans la Revue hebdomadaire, le 25 février 1893. Le texte du conte n’a été que très peu modifié dans l’édition de 1921 et les suivantes ; notons néanmoins une scène où, dans la première version, Phidias fait exécuter à ses élèves des exercices sur un buisson de branches d’arbuste, lequel deviendra une masse d’argile dans les éditions finales.