En novembre 1920, l’Action française lance un journal étudiant, baptisé L’Étudiant français, qui sera bimensuel jusqu’à la guerre. Dire qu’il reste toujours et dans tous ses articles d’un intérêt certain, surtout pour un lecteur contemporain, serait excessif ; la masse de certaines nouvelles ou compte-rendus n’intéresserait qu’un spécialiste de la vie estudiantine dans le Paris de l’entre-deux-guerres. Mais, dans la pléthore de déclinaisons de l’AF en brochures, feuilles, journaux catégoriels plus ou moins réguliers, il demeure l’un des plus importants par la qualité de certains articles et celle des rédacteurs. On peut citer les noms de Philippe Ariès, de Pierre Boutang, de Robert Havard de la Montagne, Claude Roy, André Malraux, Thierry Maulnier, Lucien Rebatet… Maurras y donnera quelques articles, souvent intéressants car ils sont destinés à une publication pour étudiants, où l’on se surveille moins qu’ailleurs, où les articles sont moins contraints par la stricte actualité quotidienne que dans L’Action française, et où l’humour a souvent sa part ravageuse, en particulier dans les dessins, pour la plupart signés Mus.
Dans le premier numéro, Maurras donne un texte assez banal d’apparence, précisément intitulé « L’Étudiant français ». Il est néanmoins intéressant par deux aspects au moins. D’abord par ce qu’il met en évidence de l’interprétation faite par l’Action française, jusque dans un journal « jeune » comme celui-ci, de la guerre, de la victoire, puis de son gaspillage par la république. Le constat, on le sait, ne fera que s’aggraver par la suite. Intéressant aussi parce qu’il décrit bien la manière dont le personnel républicain a tenté, spécialement dans l’enseignement, de renouer après guerre avec les comportements, mots d’ordre et fonctionnements routiniers de l’avant-guerre : comme si de rien n’était, on cherche alors à réimposer aux étudiants et au monde universitaire, au mépris de ses libertés qu’on avait pu croire reconquises par le sacrifice, les veilles lune d’avant 14, faites du républicanisme du « vieux parti » et des doctrines obligatoires sans lesquelles on ne réussit pas aux concours, quelle que soit par ailleurs sa valeur personnelle. Ce thème sera inlassablement repris dans les numéros suivants, modulé selon l’actualité, infléchi selon les politiques du moment, mais il ne sera jamais abandonné jusqu’à la guerre : on doit pouvoir, à l’université et dans les grandes écoles plus qu’ailleurs, penser hors des chemins balisés, des consensus lâches et des creuses invocations démocratiques et républicaines. Le ton a pu vieillir, mais le propos, lui, paraît encore bien actuel.