Notre article sur Émile Pouvillon aurait été incomplet sans le rappel de ce que Maurras écrivit pour le centenaire de la naissance de Pouvillon. Il s’agit d’un passage de son article quotidien de L’Action française du 19 octobre 1940, qui sera repris dans le chapitre « Lectures et anniversaires » du recueil De la colère à la justice paru en Suisse au printemps 1942.
Ce texte confirme bien que les relations entre Maurras et Pouvillon (qui était son aîné de 28 ans) n’ont jamais cessé d’être étroites et chaleureuses, même au plus fort de l’Affaire Dreyfus :
[Mistral, Lamartine…] grands noms auxquels je voudrais en ajouter un, dont l’éclat est moindre, mais d’une très pure beauté et dont le centenaire est tombé le 8 octobre 1940 : Émile Pouvillon, Montalbanais, romancier et poète de son Quercy natal.
Les hommes de mon âge ont lu avec ravissement Césette, Jean-de-Jeanne, Les Antibel, Bernadette de Lourdes, beaux livres où l’âme du pays flambe à tout bout de champ, tantôt dans une molle terre de labour et de pâturage, tantôt sur le roc nu et dur.
L’homme était délicieux. Teint rosé, moustaches courtes. Jules Tellier lui trouvait un air d’officier de réserve en civil. Pour moi, c’était plutôt un air de bonne bourgeoisie de province ; courtoisie, réserve, bienveillance, culture vaste et profonde, fantaisie violente et secrète. À chaque passage à Paris, j’avais sa visite. L’Affaire Dreyfus elle-même ne nous sépara point. C’est que, par-dessus tout, nous liait la passion de ce sol méridional auquel il avait eu le pouvoir, la vertu, la sagesse de garder sa foi et à laquelle il dédiait une œuvre douce, d’un art très beau, et dont le bienfait total n’a pas été assez admiré selon moi.
Presque autant que de son Quercy, il eut l’amour de ses Montagnes Pyrénées qui protégeaient les champs et les coteaux de sa poésie. Ce sentiment était si vif que, lorsqu’il s’acheminait vers un autre point cardinal, du côté de ces Alpes où il devait mourir, chez ses amis Espinasse, il s’amusait à donner aux sommets de la Savoie des noms pyrénéens « pour se bercer du même vieux rêve amoureux, toujours le même », m’écrit madame Espinasse-Mongenet, l’admirable traductrice de Dante.
Cher Émile Pouvillon ! Cent années ont couru sur son berceau, trente-quatre ans sur sa tombe creusée en 1906, et malgré nos malheurs ce long temps n’aura pas nui à ce qui faisait le centre et l’âme de sa pensée : cet honneur de la Terre-mère que l’on est en train de relever et de restaurer aujourd’hui.