Elle s’appelait Paule Minck. Ou bien elle se faisait appeler ainsi ; cela importe peu. Qui s’en soucie aujourd’hui ? Il serait fort étonnant que les habitants de Revin ou de Narbonne, villes où une rue porte son nom, soient davantage informés.
On sait peu de choses sur elle, infiniment moins que sur sa consœur communarde Louise Michel qui bénéficie de tous les honneurs de la célébrité posthume.
Quelques moments de sa vie sont relatés à l’identique par diverses sources, sans détails ni contexte, ce qui jette le doute sinon sur leur authenticité, au moins sur leur importance réelle.
Née Paulina Mekarska, en 1839, Paule Minck consacra toute sa vie tumultueuse à l’action révolutionnaire la plus radicale. Elle fut de tous les combats, de la Commune à l’affaire Dreyfus, et de toutes les causes, à l’extrême gauche de l’extrême gauche. On raconte que c’est à la suite d’une conférence qu’elle donna en 1881 que le jeune Ravachol se convertit à l’anarchisme. Elle désirait prénommer son fils Lucifer Blanqui Vercingétorix Révolution, mais l’état civil lui refusa cette grâce.
Pour en savoir plus sur cette Paule Minck, il faudrait aller compulser quelques alcôves de bibliothèques anarchistes. Mais, comme c’est en ce genre d’endroit qu’on trouve le plus grand nombre et le plus grand choix de héros martyrs proposés à l’admiration des fidèles, et qu’ils y sont tous, égalité oblige, également saints, également dignes de dévotion, il y est malaisé d’établir leurs mérites comparés et de démêler le vrai du faux.
Mieux vaut dès lors faire confiance à un observateur de l’autre bord, et, concernant Paule Minck, nous avons la chance d’en tenir un, particulièrement avisé : Charles Maurras.
C’est le fédéralisme qui les fait se rencontrer. Il a alors 26 ans, elle 55. Ils sont de l’équipe de La Cocarde de Maurice Barrès. D’emblée ils s’affrontent, et peu à peu ils vont s’estimer.
Paule Minck mourut le 28 avril 1901. Elle fut incinérée au Père-Lachaise le 1er mai, mais l’urne contenant ses cendres a été perdue depuis, privant ainsi féministes et anarchistes d’un lieu de pèlerinage. La légende raconte que ses amis venus lui rendre hommage ce soir-là en profitèrent pour manifester bruyamment et se heurter à la police. Mais nous en apprendrons plus aujourd’hui sur Paule Minck, sur sa pensée et sur la logique de cette pensée, en lisant le bref article de souvenirs que Maurras lui consacre, le matin de ce premier mai, dans la Gazette de France, et qui sera repris en 1916 dans le recueil Quand les Français ne s’aimaient pas.