Dans la note 28 de la dissertation sur Tacite, concernant une citation de « Raphaël, XCII » nous avions dû avouer notre ignorance car nous n’avions pas retrouvé cette référence dans les œuvres de Lamartine.
L’affaire est éclaircie, et notre texte corrigé de la manière suivante :
Cette citation est extraite du quatre vingt douzième paragraphe (XCII) du Raphaël de Lamartine, et non du dix septième (XVII) comme il est indiqué par erreur dans l’extrait du « cahier d’honneur » publié en 1965. Sur la copie d’origine, le C est indiscutable et ne saurait se confondre avec un V. Maurras reprend presque l’intégralité du texte de Lamartine, mais en modifie la texture, faisant des phrases plus longues, moins saccadées.
L’éloge de Tacite prend place, dans ce volume de souvenirs qu’est Raphaël, entre une évocation de Cicéron (XCI) et une réflexion sur l’art oratoire (XCIII). Lamartine décrit en détail le féroce appétit de lecture, surtout des auteurs de l’Antiquité, qui fut le sien autour de sa vingtième année ; ce qui rapproche les deux écrivains…
Voici le texte complet du paragraphe :
Quant à Tacite, je ne tentais même pas de disputer ma passion pour lui. Je le préférais même à Thucydide, cet Homère de l’histoire. Thucydide expose plus qu’il ne fait vivre et palpiter. Tacite n’est pas l’historien, mais le résumé du genre humain. Son récit est le contre-coup du fait dans un cœur d’homme libre, vertueux et sensible. Le frisson qu’il imprime au front, quand on le lit, n’est pas seulement l’horripilation de la peau, c’est le frisson de l’âme. Sa sensibilité est plus que de l’émotion, c’est de la pitié. Ses jugements sont plus que de la vengeance, c’est de la justice. Son indignation, c’est plus que de la colère, c’est de la vertu. On confond son âme avec celle de Tacite, et on se sent fier de la parenté avec lui. Voulez-vous rendre le crime impossible à vos fils ? voulez-vous passionner la vertu dans leur imagination ? Nourrissez-les de Tacite. S’ils ne deviennent pas des héros à cette école, c’est que la nature en a fait des lâches ou des scélérats. Un peuple qui aurait Tacite pour évangile politique grandirait au-dessus de la stature commune des peuples. Ce peuple jouerait enfin devant Dieu le drame politique du genre humain dans toute sa grandeur et dans toute sa majesté. Quant à moi, je dois à cet écrivain non pas toutes les fibres de ma chair, mais toutes les fibres métalliques de mon être. C’est lui qui les a trempées. Si jamais nos temps vulgaires prenaient le tour grandiose et tragique de son temps et que je devinsse une digne victime d’une digne cause, je dirais en mourant : « Rendez honneur de ma vie et de ma mort au maître, et non pas au disciple, car c’est Tacite qui a vécu et qui est mort en moi ! »