Albert Jhouney, sur Maurras

Rapportée par La Plume (n°62 du 15 novembre 1891, p. 403) cette appréciation d’Albert Jouney — dit Jhouney — sur Maurras, parue dans une autre revue, L’Étoile.

M. Charles Maurras a les aptitudes natives d’un métaphysicien, ce qui communique à ses thèses une puissance systématique, une sève que la critique pure n’offre que trop rarement.

À ces puissances de haute abstraction qu’il n’étale pas, mais qu’on sent fortement présentes, il joint, ce qui fait souvent défaut aux esprits abstraits, un goût de couleurs, de mouvements, un appétit de l’art, un instinct passionné des mystères du soleil, une énergie de mer brûlante et de vent africain.

Aussi est-il de ceux dont je suis les démarches morales et intellectuelles avec le plus d’intérêt, et même là où le désaccord existe entre nous, je suis tenté par la chaude magie qu’exhale cette raison ardente. J’attends avec impatience le livre que Charles Maurras consacrera uniquement à ses propres méditations, celui où il développera toute sa force en liberté et déchaînera ses audaces personnelles. Je ne partagerai peut-être pas toujours ses théories, mais j’en admirerai la vigueur consciente, la hauteur, les rayons violents comme dardés par l’arc d’argent d’Apollon-Champion.

Jhouney, outre ses propres productions souvent dans une veine occultiste alors très en vogue, collabora à plusieurs ouvrages avec Papus ou Péladan et s’intéressa particulièrement à la cabale et au Zohar.

Le système des poètes romans

Revue La Plume
Revue La Plume, couverture.

La Défense du système des poètes romans a paru dans une revue un peu particulière, à laquelle Maurras collabora dans les années 1890 : La Plume.

Revue « artiste » : il y en avait tant à l’époque ! Mais à lire simplement les sommaires de ce bimensuel, on reste impressionné : il n’est pas rare que l’on trouve dans le même numéro les noms mêlés de Paul Verlaine, Jean Moréas, Anatole France, Émile Verhaeren, Willy (qui y tenait une féroce rubrique de critique musicale), Maurice Barrès, Léon Bloy, Banville, Coppée, Félicien Rops, Aristide Bruant… Et tant d’autres, dont Charles Maurras, qui y défendit en particulier les conceptions poétiques de l’École Romane, groupée autour de Jean Moréas, lequel avait rompu difficilement avec le symbolisme pour revenir à une esthétique plus latine, sinon grecque, à partir de 1891-92.