« La loi est dure, mais éternelle : toutes les fois qu’une civilisation affronte une barbarie, la barbarie, même succombante, blesse la civilisation. Il faut s’y résigner ou consentir à une extrémité autrement effroyable, la victoire pure et simple de la barbarie. »
On connaît l’antienne : la France c’est la civilisation l’Allemagne c’est la barbarie. Certes. Mais le ton change subtilement ce 23 août 1914. Il n’est plus seulement à flétrir l’Allemagne. Comment se comporter soi-même ? doit-on répondre aux exactions par d’autres exactions en réprésailles ? On sait que les prétendues exactions allemandes seront largement utilisées par la propagande de guerre — et leur symétrique le sera tout aussi généreusement en Allemagne — au début du conflit. Que Maurras en parle n’a donc rien de surprenant. On est néanmoins soulagé de voir comme céder ce que son anti-germanisme pouvait avoir de plus évidemment excessif aux premiers jours la guerre pour retrouver une plus juste mesure morale, une manière de s’interroger qui ressemble plus au Maurras épris de claire raison que l’on connaît.
Et le mouvement est un peu le même avec « les nouvelles d’hier » du jour précédent, le 22 août : le ton de Maurras reste optimiste car les événements ne l’ont pas encore détrompé, mais il se fait plus mesuré, on n’en est plus à la galvanisation des énergies qui présidait sans nuance aux premiers articles de guerre. Là aussi on retrouve un débat des faits, une volonté de lucidité quant aux événements militaires et à leurs enjeux, une analyse politique même qui reprend clairement le dessus.
Cela ne signifie pas que l’émotion sera absente des grandes péripéties de la guerre : Maurras la partagera naturellement à plusieurs reprises, parfois même trompé par de fausses nouvelles ou de pures et simples propagandes de guerre, comme le reste de la presse. Reste le sentiment avec ces deux articles que la nouveauté de la guerre qui avait fait l’exaltation des premiers jours s’émousse un peu : Maurras comme toute la France s’installe dans le conflit, sans imaginer encore qu’il durera tant, mais les interrogations morales, la place à leur accorder et les nouvelles de la guerre loin des communiqués triomphaux qui promettaient d’être à Berlin en quelques jours et de ramener Guillaume II la corde au cou vont être leur lot durant un peu plus de quatre longues années.