« La nature allemande » : ce n’est pas de la Forêt noire qu’il s’agit, ni des charmes des Alpes bavaroises, mais bien de la nature vicieuse, pernicieuse, éternellement mauvaise des Allemands, des Allemagnes, de l’Allemagne, toutes réalités derrière lesquelles Maurras débusque l’antique Germanie sauvage et incivilisée.
Nous avons déjà abordé l’anti-germanisme de Maurras en cet été 1914 : à la fois en soulignant les explications qu’on peut lui trouver, les excuses évidentes que lui fournit le moment historique et la part résistante d’irrationnel que ce mouvement comporte et comportera tout au long de la vie de Charles Mauras.
Que tirer d’autre de ce court article du 15 août 1914 ?
Eh bien peut-être justement que cet anti-germanisme, pour écrasant et péremptoire qu’il apparaisse, n’est pas sans rencontrer chez Maurras même une limite, comme une protestation de la claire raison contre ce qu’il a de plus véhément :
Il y a des rois et des chefs allemands dont on pourra peut-être tirer un parti judicieux : ne les rejetons pas en bloc ; la fable complaisante de la bonne nation opprimée et amie n’est pas non plus à rejeter en bloc. N’adoptons rien qu’avec précaution et vigilance, et réglons tout plan d’avenir sur la vue exacte de ce qui est.
Le scrupule n’est pas bien gros, et de fait il ne pèsera pas bien lourd tout au long de la guerre. Mais on le retrouvera régulièrement et de manière croissante à mesure qu’il faut s’approcher de solutions au conflit : il y a quelque chose à sauver dans l’Allemagne, en la divisant, en comptant sur ses particularismes, en s’alliant aux forces les moins germaniques — on ose à peine dire les plus latines — que comporte encore le grand corps politique allemand issu de 1870.