Ce n’est pas si souvent que notre site peut rejoindre l’actualité pour d’autres raisons que des commémorations ou des rencontres purement historiques.
Aussi nous citerons volontiers, un article publié sur le site du Nouvel Observateur, où M. Hervé Algalarrondo ajoute un petit post-scriptum à son texte sur Nicolas Sarkozy intitulé « Cet homme est-il dangereux ? » :
Brice Hortefeux a créé la polémique, le 30 août, en déclarant, lors d’une conférence de presse destinée à faire le point sur le démantèlement des camps roms illégaux : « La France n’est pas un terrain vague » Eh bien, il s’agit d’une citation de Charles Maurras. Le chef de l’Action française a écrit en 1912 : « Ce pays-ci n’est pas un terrain vague. Nous ne sommes pas des bohémiens nés par hasard au bord du chemin. Notre sol est approprié depuis vingt siècles par les races dont le sang coule dans nos veines ».
Libération s’en est fait l’écho et quelques bonnes âmes se repassent de main en main la citation ces jours-ci, utilisant le nom de Maurras pour scandaliser les bien pensants et tenter de discréditer M. Hortefeux dans l’opinion, laquelle entend plus souvent parler de Maurras en mauvaise part qu’elle n’a l’occasion de lire ses articles en entier.
D’où vient donc cette citation, du moins si l’on suppose qu’il ne s’agit pas de la simple rencontre fortuite de deux formules ?
De L’Action française du 6 juillet 1912, où Maurras signe un assez long article à la place de sa traditionnelle rubrique « La Politique ». Or cet article joliment intitulé « L’Hospitalité » porte précisément sur ce que l’on appellerait aujourd’hui la politique migratoire.
Le détour initial que fait Maurras par un article antisémite de Léon Daudet publié quelques jours plus tôt ne facilite pas l’abord du texte ; ne signalons que pour mémoire la banalité des clichés antisémites vers 1912 et rappelons que la gauche n’en était pas indemne. Mais au total et si l’on veut bien lire plutôt que se comporter en partisan, que dit Maurras ? que la France devrait être ouverte à tous les talents, comme elle l’a été aux talents italiens sous Louis XIII. Il y a eu des Concini, il y a eu des Broglie et des Mazarin : tout apport étranger n’est pas bon ou mauvais a priori, il convient d’évaluer, de peser, de considérer au regard de l’intérêt national. Disons le mot : il s’agit de discriminer pour accepter ce que des éléments étrangers peuvent avoir de précieux ou d’enrichissant, et de rejeter ceux qui représenteraient un appauvrissement ou un danger.
On pourrait presque dire que c’est bien l’immigration choisie que prône Maurras, indifférent à l’humanitarisme niais comme au racisme génétique qu’il n’a jamais admis : l’intérêt de la France est-il d’accepter tels étrangers ou bien de les refouler ? c’est la seule question légitime pour cet article de L’Action française qui finit en éloge d’un « métèque » s’il en est, le Grec plus Français que bien des nationaux de naissance qu’était devenu le poète Jean Moréas.