Durant la polémique qui devait aboutir à la condamnation de l’Action française par Rome fin 1926, et encore après elle, un élément particulier vient perturber la lecture des arguments échangés, déjà passablement embrouillés par les redites, les réponses croisées et autres subtilités ecclésiastiques : Maurras a souvent marqué un temps de retard.
Non qu’il cherche ses arguments : l’A.F., ses dirigeants catholiques, ses organisations, ont souvent répondu point par point et sans délai, comme le démontre le Réquisitoire de Bordeaux, suivi à peu de jours des réponses de l’A.F. et de l’U.C.F.
C’est qu’à l’époque Maurras est encore « agnostique ». Du moins, en faisant abstraction d’une lente évolution personnelle sans doute déjà amorcée, est-il catalogué comme tel. Aussi est-il quelque peu gêné dans cette polémique et n’intervient-il qu’à retardement. D’abord parce qu’il n’est pas le mieux placé pour répondre d’une orthodoxie à laquelle il ne prétend pas personnellement ; mais aussi parce qu’il convient, à chaque pas fait vers la condamnation, de ne pas alourdir par la polémique des griefs qui peuvent précisément être utilisés pour nourrir cette condamnation. Et une fois la condamnation acquise, il conviendra de ne pas trop compromettre les efforts des amis qui ne cesseront de travailler à un rapprochement.
Cette stratégie sera lente à porter ses fruits. Il faudra des années et le long enlisement du pontificat dans des impasses de plus en plus criantes (mais que l’on pouvait déjà prévoir devant l’impuissance du Vatican à soulager le drame des Cristeros mexicains) avant que Pie XI ne se laisse fléchir et ne commence à entamer des discussions de bonne foi, qui aboutiront sous son successeur.
C’est ce qui explique que Maurras ne répondra vraiment à la lettre du cardinal Andrieu de l’été 1926 qu’au début de 1927, réagissant à la condamnation elle-même en contestant d’abord le document qui lança les hostilités entre l’A.F. et le Vatican quatre mois plus tôt ; manière également de ménager les catholiques d’A.F. en faisant porter aussi peu que possible la contestation sur les paroles ou l’attitude du pape lui-même. Un peu plus tard, retrouvant des griefs vieux de la guerre, c’est l’Osservatore romano qui servira d’adversaire officiel pour ne pas avoir à se livrer ouvertement à une bataille contre Pie XI.
Aussi Maurras se borne-t-il sur le moment à faire paraître contre Andrieu une réponse a minima le 2 septembre : c’est ce court texte intitulé Réflexions que nous vous proposons. Il nous permet de terminer la numérisation du premier chapitre de L’Action française et le Vatican.