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Théodore Aubanel
Description

Las, Seigneur, tu es sûrement grand et beau,
Mais vois le merveilleux entrelacs de sa chevelure.
Swinburne, Laus Veneris.

Je passe les journées à l'atelier. Le dimanche je vais à l'Annonciade ou à Sainte-Marie Les moines trouvent que j'ai de la voix : ils me mettent une robe blanche et une calotte rouge, et je fais ma partie dans les chœurs… Le soir, je vais chez ma maîtresse et, si la nuit est belle, je la passe sur son balcon.
Lorenzaccio, II, 2.

En Théodore Aubanel les félibres vénèrent une personne de la Trinité créatrice qui les a engendrés ; les amoureux l'adorent d'avoir été si pénétrant conseiller de leurs peines. Mais les analystes doivent surtout considérer en lui ce cas surprenant d'un poète mort jeune à cinquante-sept ans 1.

Presque tous les artistes (Hugo, Corneille, Lamartine) commencent par mener une jeunesse de fantaisie et de volageries vagabondes ; ils caressent la croupe de toutes les Chimères qui bondissent vers eux de l'océan du rêve. Mais l'âge leur inspire tôt ou tard un choix entre les idées chères ; ils en agrippent une, se l'approprient, s'unissent à elle par une espèce de mariage qui ne rompt plus. Aubanel put échapper à cette monogamie littéraire. À vingt ans il n'aimait pas l'amour plus passionnément qu'à cinquante et il ne s'est pas montré plus fervent catholique à cinquante ans qu'à vingt. Dans ses deux recueils publiés à un quart de siècle d'intervalle, il ne varie point de complexion : même horreur de la laideur, de la nuit, du mal, du diable, du bourgeois, de l'antifélibre ; même adoration de la Provence, de l'art éternel, du bon Dieu, de la femme. Son œuvre n'exprime pas de préférence exclusive pour une sorte d'amour ni pour un genre de vie. Elle hésite entre terre et ciel, comme l'île de Gulliver.

L'histoire de cette instabilité serait admirable à écrire, mais il faudrait connaître instants par instants la vie d'Aubanel. J'essaierai plutôt de retrouver le rythme et la loi de ses oscillations. Je ne sais pas combien de fois il se lassa des amitiés passagères et cria vers Dieu de fatigue et d'espoir déçu ; mais je puis indiquer par quelle gradation mentale il s'élevait de son paganisme naturel à l'idéalisme catholique et platonicien ; comment de l'amour d'une femme et des tristesses y contenues, Aubanel se reposait en d'autres affections et, n'y trouvant que l'uniforme dégoût, se rejetait enfin dans les passions intellectuelles : religion, art, rêve esthétique… Et tels sont, en effet, les refuges tout indiqués au sortir des mésaventures de cœur.

Seulement, Aubanel ne s'y fixait pas. C'est ce qui le distingue de tous ses pairs. Un courant d'air extérieur le chassait comme une bulle c'est pourquoi au lieu de se cristalliser, son art est demeuré tempétueux et multiple. Mais ses haltes dans la lumière et la pure beauté ne lui étaient pas vaines. Il emportait de là un souvenir pacifiant dont l'influence à la longue s'étendit sur ses vers, en arracha les guenilles sombres, modifia la teinte de ses imaginations. Qui relit après la Grenade entr'ouverte, les Filles d'Avignon, peut croire qu'il traverse une galerie de Rembrandt allant, s'éclaircissant jusqu'au plus carminé Rubens.

Aubanel a parcouru tant de fois, et si complaisamment, ce chemin — ces trois moments d'évolution morale — que le meilleur de sa personne a dû s'y imprimer. Il ne sera pas difficile de reconstituer, d'après de telles empreintes, son vrai tempérament, comme les bons Peaux-Rouges imaginent la taille, la démarche et la physionomie des inconnus qui ont laissé une trace sur les herbes fléchies…

I

En 1852, dès la publication des premières poésies provençales, les noms de Roumanille, d'Aubanel et de Mistral s'étaient détachés en pleine clarté. C'étaient trois jeunes âmes très différentes : Mistral, imagination méditerranéenne, sereine, vaste, bleue, qui épanchait les vers comme des nappes d'eau en cataractes régulières, dans la monorythmie des strophes également belles, — Roumanille étonnant de simplicité, de candeur matoise et de bonhomie, rieur comme un bois d'oliviers, plaintif comme un baiser du vent aux oseraies, représentant la Provence d'aujourd'hui, d'autant que Mistral représente plutôt la Provence d'il y a des siècles et qu'Aubanel ne représente rien d'autre que lui-même, — une sensibilité très personnelle et très moderne.

Coloré autant que Mistral, mais plus vif, et d'un faire plus sobre et aussi plus sec, ayant la rusticité de Roumanille avec la brutalité en plus et la galéjade en moins, Aubanel à vingt-trois ans attaquait des thèmes effarants pour ses deux amis qui n'étaient pourtant pas des timides ; mais c'était lui le vrai mistral, le vent terral qui fond sur les troupeaux de bœufs. On n'a pas assez dit que son principal maître avait été Victor Gelu 2, un noir et rugueux sonneur de Chansons marseillaises qui sont d'impurs chefs-d'œuvre.

Dans un groupe de faucheurs où Mistral eût surtout déchiffré ce qui rapproche le paysan provençal de l'idéal virgilien, Aubanel percevait le grincement douloureux, la fatigue au soleil, la sueur qui salit les joues, le labeur éreintant et fatal que seul ennoblit un grain d'amour-propre artiste :

Je n'ai qu'une paire de braies
qui sont trouées au… dos,
mais nul n'est comme moi
pour marteler les faux.

Aubanel n'estimait pas qu'un sentiment eût besoin d'être noble pour être beau. Dans les Treize, dans le Neuf thermidor, qui a le luisant d'un couteau qui saigne, il glissait un frémissement de peur — la peur de la mort — qui revenait à la fin de Pour la Toussaint :

Le temps est noir ; au sud
quelle averse !
Il tonne, il pleut, le Rhône croît
la mort chemine, elle est en gaieté ;
de sa faux
elle tranche les jeunes et les vieux…

Il avait le goût des trivialités fortes avec un instinct merveilleux de les arranger en tableaux, de les opposer aux touches gracieuses. Son habileté dans le maniement du rythme était extrême. Tous ses premiers vers annonçaient le grand poète de nature et de passion qu'il fut depuis ; et tout à coup une rencontre décida de sa vie et de sa vocation, lui fit pleurer le Livre de l'amour qui, le premier de la Grenade entr'ouverte, est aussi le premier recueil d'élégies que nous ayons en provençal — je ne dirai pas avec Alphonse Daudet : le seul ; car ni Mistral, ni Roumanille, ni Anselme Mathieu 3, ni Félix Gras 4 n'ont été des impassibles : mais, incontestablement, Aubanel est le grand maestro d'amore du midi contemporain…

Je résumerai le Livre de l'Amour, qui est assez peu connu : les grains de corail de cette grenade ne sont pas devenus, malgré le vœu de Mistral, le chapelet des amoureux de notre pays. Il faut avouer qu'en Provence, Musset — édition diamant 5 — occupe encore seul les poches des éphèbes et fournit tous les textes aux lectures à deux…

Avant ce grand éclat du premier amour, Aubanel semble avoir eu l'âme tranquille et sombre, un peu farouche, de Musset à seize ans, l'âme qu'aura toujours en ses primes années quiconque doit aimer beaucoup. Il avait été gauche auprès des jeunes filles, intimidé, jusqu'au jour où il vit Zani. Ce fut, selon Mistral, à Fontségugne 6. Elle était, dit Aubanel, agenouillée devant un oratoire, sous un vieux saule, et épelait à haute voix sur du papier blanc. La prière finie, une prière de l'ancien temps — « du temps où l'on avait la foi » — il la lui demanda, enhardi tout à coup par grâce d'amour, eût supposé un contemporain de Pétrarque ou de Ronsard. Zani, très simplement, lui tendit le feuillet où s'allongeaient les lignes incertaines qu'elle avait tracées, pâles reliques dont il ne se séparait plus ; il les gardait dans le tiroir secret, tout près des lettres de Reboul 7, ce qu'il avait de plus précieux… C'est ainsi qu'ils commencèrent à s'aimer, sans se le dire, en liberté, suivant la vieille mode de Provence :

Dans les sentiers pierreux
avec ta face d'Espagnole
quand tu courais comme une folle,
quand nous courions comme des fous
au plus noir des taillis et que nous avions peur

Et par ta taille frêle
je t'attrapais, et que c'était doux ! 
Au chanter des petites bêtes de bois
nous dansions alors tous les deux.

Et dans ces jeux d'enfants un souffle fort, par moments, leur coupait la voix, frisson des jeunes désirs :

Ah ! ta petite main chaude et brune
donne-la-moi ! donne-la-moi !
Viens avec moi, il fait claire lune.
Viens, le ciel est étoilé.

Ah! ta petite main brune et chaude,
mets-la dedans ma main,
asseyons-nous, et sur ta robe
berce-moi comme ton enfant !

Sans bonheur je suis las de courir,
las de courir comme un chien fou !
Console-moi, je souffre et pleure…

On ne sait trop ce qui les sépara. Les paroles de Mistral 8 sont flexibles en plusieurs sens :

Par un sentiment de pudeur et de crainte, de crainte palpitante, comme en éprouvent parfois au moment de grimper au temple de l'Amour les amoureux de cet âge, ni lui, ni elle, tout en jouant, tout en riant, n'osèrent jamais se dire tout clair et net ce qu'ils se voulaient. Tellement que soudain Zani, la pauvre fillette, effrayée peut-être par ce trouble qui la gagnait toujours davantage et n'ayant pas, pauvrette ! l'assurance ou l'espoir de voir cette aventure venir à bonne fin, ou plutôt, appelée par une voix supérieure, un jour, à l'improviste, partit pour le couvent. Elle fut, de là, dirigée sur l'hôpital français de Constantinople et soigna les blessés de la guerre de Crimée.

« Ô mon cœur, pourquoi n'es-tu pas mort ? » s'écriait Aubanel en la pleurant et l'appelant par son nom « au bord de la mer et de ses grandes ondades ». Mais une poésie se mêlait à son désespoir et « qui chante son mal l'enchante » avait-il dit un jour : le grand sortilège opérait. Il lui dut des heures de relâche, les Entrelueurs. — Ah ! cruelles d'abord ! ces ondées de soleil, de lumière, d'amour dans le tissu de crêpe qui emprisonne sa vie ! Toutes les joies légères qu'il eût peut-être dédaignées ou dont il eût souffert lui paraissent plus alliciantes et plus désirables parce qu'insaisissables. Comme il répondrait volontiers aux avances que le printemps et les jeunes filles multiplient autour de ses vingt ans ! Il en sait une au pays d'Arles, presque aussi belle que Zani ; il n'en est pas amoureux, mais il sent qu'il le deviendrait si l'autre n'était là, sur son front, dans son cœur, sur ses yeux qui se gonflent au seul rêve d'aimer. Ce souvenir le maigrissait. Sa sœur disait : Qu'as-tu ? Il répondait :

Nul ne peut savoir ce que je souffre :
ô mon Dieu, donnez-moi la paix !

Un peu de paix qui me restaure,
la paix, la paix qui m'a quitté…
comme un verre d'eau à un pauvre,
oh ! faites-m'en la charité !

Mais son cœur, mécaniquement, revient sur le passé. Il en évoque les minutes plus amères, et revit heure à heure la journée du départ, ce lundi ; sa joue luisait de larmes, et cependant elle ne s'est pas retournée en s'éloignant. La treille se meurt, qui ombrait le seuil. Au-dessus de la porte branle cet écriteau: « Maison à louer ». Escritéu m'as estoumaga ! Écriteau tu m'as crevé le cœur ! — Voici la chambre où elle faisait sa toilette en chantant et récitait ses heures. Le livre est encore sur la cheminée. Va-t-elle survenir ? Le vent automnal froisse les sarments dépamprés. Elle ne reviendra plus dans le miroir, si longuement qu'il répète :

Miroir, miroir, fais-la-moi voir,
toi qui l'as vue si souvent !

Encore le souvenir a-t-il son charme, amer et doux ; mais voici le désir impossible, absurde, l'innommable élancée qui brûle et exténue :

Que veux-tu, mon cœur, de quoi as-tu faim ?
oh ! qu'as-tu, que toujours tu cries comme un enfant ?…

Tu voudrais douce et longue étreinte,
baiser, baiser jusqu'à demain
son joli front, ses jeunes mains, ses mains
de tes pleurs arrosées…

Hyperexcité par le désir, le souvenir se fait hallucinant. L'âme pleine de sa brunette, Aubanel en rencontre une autre « aux yeux plus noirs que sa robe noire » et cet éclair de jais le bouleverse. Il confond : Parle-moi ! Que vas-tu me dire, ô brune Zani ? Mais non, dis-moi, comment t'appelles-tu, fillette ? — Clara.

Non, tu es Zani, Zani la brune,
tu es la jeune fille que j'ai tant pleurée !

Plus tard renouvelées, ces méprises lui parurent exquises. Un peu assoupie, la bien-aimée se ranimait alors dans son souvenir, et c'était une chère occasion de se mirer dans ses lointains yeux noirs. Le Renouveau qu'il a publié en 1880 est la plus magnifique de ces résurrections :

Comme un soleil d'hiver qui, en un soir d'orage,
s'éteint en se couchant dans les nuages déchirés,
l'amour pur que mon âme avait tant caressé
s'évanouit soudain, hélas ! et sans relâche
je pleure le bonheur que j'ai entrevu passer.
Depuis qu'au monastère l'enfant s'était enfermée
je n'avais point trouvé de sœur à l'adorée…

Le poète oublie ici Clara et bien d'autres que nous retrouverons ; c'est que voici une nouvelle Zani à qui sont répétés les brûlants propos de jadis :

Ta main, ta jeune main fraîche, donne-la-moi !
La main d'une fillette autrefois m'a brûlé ;
de la tienne descend une douceur céleste…
Ah ! le premier amour qui vous germe au cœur,
heureux ou malheureux, est toujours le plus fort !

Ce qu'il se hâte de prouver en déclarant qu'à défaut de la vraie Zani il va s'accommoder de l'autre :

De la brune Zani, va, tu es plus que la sœur ;
tu ressuscites ma jeunesse et mes rêves finis ;
voici de Camp-cabel les rouvres ; tu es Zani !
aimons-nous, aimons-nous, mignonne, avant que je meure !

Comment Aubanel se haussa de son désespoir à cette résignation digne d'Horace et de Salomon, il ne faut pas le chercher longtemps. Sans doute, il prit le grand chemin. Ses agitations aboutirent à quelque abattement dans lequel ses idées s'engourdirent ; sa douleur, à la vérité, semblait se renforcer, car elle s'épanchait en malédictions sur toute vie et en aspirations à la mort délivrante ; elle lui soufflait des vers comme ceux-ci, nuance feuille-morte :

Plainte sur plainte ; douleur sur douleur.
(Martyrologe de l'église d'Aix.)

Il y a longtemps que mon cœur accumule, —
tant de feuilles sont tombées qu'elles couvrent les chemins ;
il y a longtemps que mon cœur accumule,
il y a longtemps que mon cœur accumule un grand mal-être ;
il y a longtemps que mon coeur accumule…
Il ne reste plus dans les bois que les branchages morts.
Il y a longtemps que mon cœur accumule
le mal-être d'amour et qu'il attend la Mort :
la Mort devant moi toujours file !

Mais du moment que son chagrin philosophait, prenait cet air impersonnel et vague, le portrait de Zani cessait de l'obséder. Eh ! oui ! l'image pâlissait, et plus l'ancienne aimée s'éloignait sur le vaisseau, là-bas, plus toutes les jeunes filles qui souriaient aux yeux rougis d'Aubanel lui paraissaient semblables à Zani. L'une avait ses yeux noirs, une autre ses grands cheveux fous, toutes ce trait au moins de pouvoir l'enivrer de leur grâce. Il s'y rendit lentement, soutenu par la religion dont il implorait l'aide à la fin du Livre de l'amour et par cette poésie félibréenne qu'il devait proclamer « exaltante et consolatrice » ; la crise se dénoua comme la Nuit d'août 9 par le serment d'aimer encore et toujours :

Dépouille devant tous l'orgueil qui te dévore,
Cœur gonflé d'amertume et qui t'es cru fermé !
Aime et tu renaîtras, fais-toi fleur pour éclore :
Après avoir souffert il faut souffrir encore,
Il faut aimer sans cesse après avoir aimé ! 10

II

Ce n'est pas à Alfred de Musset qu'il faut penser pour se faire une idée de la complexion morale d'Aubanel, mais à Charles Baudelaire. Comme l'auteur du Chant d'automne où la Dame est considérée comme un asile de suppliants, une consolation d'affligés, une distraction de spleenétiques,

Ah laissez-moi, mon front posé sur vos genoux,
Goûter, en regrettant l'été blanc et torride,
De l'arrière-saison le rayon jaune et doux ! 11

comme ce grand poète, Aubanel se serrait dans l'amour ainsi qu'en un asile, et tout l'obligeait à s'y renfermer souvent. Le bonheur est un état d'équilibre ; or, son âme violente et la menue réalité ne pouvaient s'accorder beaucoup. Ses amis l'ont connu très gai et bon vivant ; mais cela ne prouve rien. Les endroits réjouis de ses premières œuvres ont un tragique latent qu'un peu de réflexion dénude. Son conte en vers La Mauvaise Planète fait tout d'abord l'effet d'un agréable badinage ; pour qui va au fond, ce comique est macabre comme du Poe.

Il paraît dans sa poésie inquiet, souffrant, sur mille points, atteint des diverses malarias que la poésie de ce siècle a collectionnées. Aubanel en fréquentait volontiers les génies sombres. Il était de plus familier avec Shakespeare et Dante. Sa profonde mélancolie va jusqu'à détonner en ce provençal, heureux et clair fracas de cymbales. Elle vous déconcerte autant qu'au bout de certains vers les noms d'Oùfélio et de Desdemouno 12. Ce ne sont pas des notes fausses, mais des notes très rares dans le Félibrige. Nos poètes sont presque tous de parfaits modèles de santé : leurs tristesses n'aboutissent à aucune dépression ; la saignante blessure de leur patriotisme n'eût jamais suppuré l'ironie féroce du refrain de La Guerre : « Femmes, vous pouvez faire des enfants ! » 13 Ils ne songeraient pas, en entendant la messe d'un vieux prêtre, que peut-être cet homme psalmodie le service funèbre pour son propre convoi. Avec leur coupe catalane où chacun s'abreuve à son tour 14, ils montrent une confiance, un abandon qui ne permettraient pas de rêver ni d'écrire ce lamento d'une forme si moderne :

Mon cœur porte le deuil des amis que j'ai perdus ;
où est-ce qu'ils sont allés ? La vie m'est amère
Oh s'ils étaient tous morts !
Où est-ce qu'ils sont allés ? La vie m'est amère.

Comparez ce que Roumanille entend dans le cri des fauvettes :

D'abord que Dieu m'a fait
Soyons fauvette et rèu, pieu, pièu 15

et ce qu'y entend Aubanel :

Le pièu-pièu d'un oiseau se plaignant dans les branches…

On l'imagine un peu triste, défiant, morose. Plié dans la robe de Zani, blotti dans son bonheur, il avouait encore son infirmité ; il demandait qu'elle le consolât de ce monde, se comparait à un chien fou que la vie pourchassait. À cette autre Zani qu'il faisait tantôt confidente de ses solitudes :

Je me tourne en pleurant vers votre doux visage,
comme le naufragé vers l'étoile du port !…

Et ces blancs rayonnements féminins lui versaient comme une énergie. Ailleurs, encore moulu d'un voyage en chemin de fer, les yeux noirs de charbon et la tête cassée :

Un baiser d'elle et tôt s'oublient,
dix lieues de mauvais chemin !

D'Elle, Aubanel aime toutes les poses et tous les vêtements, et toutes les incarnations : « le féminin superbe si putride qu'il soit » 16 et les pures Cardelines qui n'ont jamais embrassé que leurs petites sœurs ; celles qui se dégagent, yeux hardis et candides, et les rieuses ignorantes qui s'en vont balancées sur l'ânesse du rêve, comme la claire apparition de L'Entrelueur 17.

Ce n'était pas une reine, une reine et son train,
galopant noblement sur sa cavale blanche
et qui, dans les grands bois, soulève jusqu'aux branches
toute la poudre du chemin ;

noblement galopant sur sa cavale blanche,
ce n'était pas une reine avec dames et valets,
qui d'un mot de sa bouche et d'un seul coup d'œil
vous fait la joue rouge ou pâle ;
ce n'était qu'un enfant sur un âne gris
qui le long d'un sentier s'en allait plan-planette 18
et pour le premier coup je voyais la fillette
qui, bien sûr, ne m'avait jamais vu…
De fichu, elle n'en avait pas; c'était au temps de la chaleur,
avec un brin de mûrier la fille s'éventait :
au doux balin-balant 19 de l'âne qui trottait
pendaient ses beaux pieds déchaussés…

Cette rencontre avait lieu au temps de ses premiers regrets. Mais il en oubliait Zani fugitive, et c'était avec une joie délayée de mélancolie qu'il se tournait pour voir le groupe agreste s'enfoncer sous les jeunes pins :

Ô Beauté ! comme il faut que tu sois puissante
pour avoir, de mon cœur, de ma vie amoureuse,
un court moment ôté le fiel !

Tout autre ennui s'envolait pareillement de sa vie, pour peu qu'il frôlât dans la rue quelque beau brin de fille : Vénus d'Avignon aux prunelles profondes et verdoyantes « comme des yeux d'enfant ou Vénitienne aux regards perdus très loin, par là-bas… Leur plastique à toutes flambe en des vers de connaisseur et d'amoureux qui s'avouait gourmand du nu comme un pinson de cerises, — teints hâlés, pâlots ou blondissants, cheveux châtains, cheveux noirs, cheveux roux, étalés en éventail sur les poitrines mates,

Ô mantille d'éblouissements
où les seins font deux reliefs !

« Elles sont toutes belles ! » Il pousse quelque part ce cri d'un cœur capable de les comprendre toutes et d'honorer chacune d'un amour distinct : l'histoire de Zani prouve qu'il aima comme Pétrarque ; peut-être verra-t-on que l'amour à la Boccace ne lui fut pas étranger. Pimenté de remords, assombri par le profil de Satan ricaneur dans les coins de la salle du bal ou glorieux, au grand soleil des justes noces, précédé du contrat des familles 20, dans les embrassements du lit conjugal, l'amour chez Aubanel est toujours salué des épithètes divines, et parce que l'amour et la beauté résident en elle qu'il trouve aux genoux de l'Ève immortelle d'adorables raffinements d'inflexion, vraies caresses du verbe à la faire frémir de ses pieds radieux à la pointe de son éblouissante chevelure :

Ne passe plus, tu me fais mourir
ou laisse-moi te dévorer
de baisers

Et dans toute l'œuvre d'Aubanel, je ne découvre pas une méchante femme. Il n'aime pas donner le fouet à l'enfant malade ; comme Vigny et Michelet, devant ses défaillances, il éprouve une pitié compliquée de dévotion. On verra comme il fut compatissant pour cette Fanette qu'on l'accuse d'avoir brutalisée. Zani l'a quitté ; pas d'autre plainte que ces vers inquiétants :

Bonne comme le pain et douce comme un ange,
une enfant m'a fait ce mal étrange…

Et tous ses madrigaux (le Vieux Château, la Main, la Perle) sont des chefs-d'œuvre ; ses strophes à l'Aure sont de vrais baisers dans le rythme très doux qu'ont les remous du vent sur les petites branches ; et dans ses jours d'exaltation il composait tout l'univers de ces baisers-là.

Sept baisers remplissent la terre, y sont sans cesse implorés, donnés ou refusés, le baiser cuisant de la rafale, l'incandescent baiser du soleil, le frais baiser des sources, et le baiser d'amour qui est le plus chaud, et le baiser des mères qui est le meilleur :

Et la terre farandole
De baisers jamais saoule…

Vous avez, n'est-ce pas ? reconnu un pendant à l'amoureuse cosmologie de Musset :

Oh vous le murmurez dans vos sphères sacrées,
Étoiles du matin, ce mot triste et charmant… 21

Seulement Aubanel, tourne à l'horrible la fin de la pièce, car le dernier de ces baisers terrestres, c'est la Mort qui le donne à la Terre. Le poète l'ajourne à cent ans et déclare qu'il l'attend la bouche pleine de chansons. Il n'a pas voulu troubler l'ébriété du morceau par une finale triste, mais ce dernier et fatal baiser jette un froid ; cette mort peleto 22 lancée au galop de son cheval pâle, ces os qui claquètent et cet invincible baiser que la Terre en reçoit sans en dessoûler, attestent que les idées d'Aubanel sur l'amour avaient leurs rembrunissements.

Oui, l'amour est le grand remède. Mais sa puissance ne va pas jusqu'à guérir les blessures dont il se troue. La femme ferait tout oublier, en fait de tristesses, si elle n'en recélait inépuisablement. Elle est d'abord si différente de l'homme ! Lui, ne peut savoir jusqu'à quel point son entier amour est partagé ; s'il croit aisément l'échange absolu, sa confiance est à la merci du plus vague soupçon. Puis, cet amour est rarement pur. Quand il l'est, le corps souffre un martyre, et dans l'autre cas, certaines âmes sont froissées en leur intimité. Enfin, si cet amour est assez vigoureux pour étouffer ou consumer toute résistance intérieure, il rencontre au dehors la société, presque toujours ennemie. La loi civile ne reconnaît l'amour que sous une forme exceptionnelle, la morale est plus dure que la loi, la religion plus dure que la morale, l'opinion plus dure que tout. Proscrit de tant de parts, il doit contenir ses démonstrations jusqu'aux extrémités de l'effort humain. Voilà pourquoi, s'il se révèle, ses rapides lueurs se colorent de sang.

C'est vraiment le reflet d'une bouche d'enfer que projette sur l'œuvre d'Aubanel Celui qu'il avait invoqué comme un charme élyséen : infernale, la sirène « amère comme la mort », dont le chant et l'œil tentateurs noient le matelot ; infernale, l'angoisse de la chair sous les nuits d'été :

Quand le corps ardent brame, que l'âme est lasse
de lutter, quand la chair étrangle l'esprit
rêvant, enivré, aux nudités splendides…

et infernale aussi comme une peine du dam, au fort de ces tourments qui épuisent les plus robustes, la nostalgie des enfantines puretés qui soudain vous prosterne :

Rentre au logis et tombe à genoux misérable !
Devant Dieu, devant tous, pleure et dégonfle-toi !

Les lacunes, les méprises, les vilenies de l'amour humain, Aubanel a-t-il voulu réunir toutes ces tristesses dans son drame, le Pain du péché ? Il y a, en tout cas, résumé son expérience et ses dégoûts.

 

Assise à la porte du mas, Fanette rêve et rêve, et regarde jouer ses enfants. Son mari l'a emmenée d'Arles, l'a enfouie dans ce coin perdu de la Crau. Certes, Malandran est le meilleur des hommes, Malandran l'aime, mais ni comme elle voudrait, ni comme il faudrait qu'on l'aimât, la coquette et la câline, avec les longues embrassades et les cajoleries des premières matinées d'amour. Elle voudrait, au moins, être la seule aimée ; or elle a cette rivale auguste, la terre :

La terre, sa maîtresse est dure, mais il l'aime ;
il lutte avec elle, l'empoigne et la tient dans ses bras
tant, de l'aube à maintenant, que, puis, le soir, il est las. 
À la nuit, qu'il revient, il baisse la tête dans un coin,
il mange sans parler sa soupe, bourre-bourre 23,
pensif et sérieux, il n'a jamais loisir
de vous dire un seul mot pour vous faire
plaisir. Le repas achevé, si, puis, il ouvre la bouche
il ne parle que de son blé, de ses foins, de ses souches,
ou cause avec ses valets de l'œuvre de demain,
et du temps qu'il fera. Sa lanterne à la main,
il fait le tour des étables et monte ensuite se coucher.
Émue, à son lit, je le suis, pauvrette !
Mais la nuit il vous oublie autant que le jour !
Et je suis jeune pourtant ! mon cœur crève d'amour
mon corps est plein de braise, j'ai du feu dans les veines ;
et tout le sang me bout et mon pauvre cœur geint.
Mais à qui dire ça ?…
À Malandran je ne veux ni ne puis le dire,
il me hocherait la tête et me regarderait
tout étonné. Il n'y entend rien. Il sait bien si je l'aime
seulement !

En ce beau monologue où le décor surgit tout seul sans un vers descriptif, et surtout dans le rejet qui le termine en accompagnement au soupir de Fanette dans ce simple soupir, tout le drame se pose analytique et palpitant ; il sort de l'horrible mur de silences qui s'est élevé entre Malandran et sa femme.

C'est par goût qu'il l'a choisie et qu'elle l'a accepté. Mais tout de suite il s'est cru son maître éternel ; pour toute preuve d'amour, il l'a associée à la vie de son « mesnage » comme dirait le vieux Olivier de Serres. Il l'a sacrée reine du mas et traitée dès lors en égale, sans plus lui condescendre, cessant la mièvre cour des fiançailles et se croyant dispensé de la conquérir chaque soir. Pour ce trop de confiance, il la perd.

Car voici Veranet, le vainqueur, monté sur sa cavale, aux claquements allègres du fouet. Sa chemise s'entr'ouvre sur sa poitrine où frise le duvet noir. Dès le premier coup d'œil Fanette tressaille. Il vient d'Arles, il apporte les nouvelles de la lice où elle se promenait après vêpres, quand un cœur de seize ans battait sous son fichu clair. Et comme Desdémone entendant Othello et Mireille Vincent 24, Fanette voudrait l'écouter « l'écouter encore et passer sa veillée et sa vie à l'ouïr ». Mais ce chérubin de la Crau n'a pas encore coupé ses ailes :

— Lesquelles te plaisent mieux, les blondines ?
Les brunes ? Les châtaines ?

— Oh ! je n'ai pas réfléchi,
toutes me font plaisir quand je les vois passer.

Elle, à qui on résiste, s'enhardit. Lui, par sauvagerie de bel éphèbe, circonspection paysanne, et aussi par rugosité indégrossie de terrien, persiste en des fuyances :

— Dis, tu n'aimerais pas qui t'aimerait ?

— Je n'aime personne !

— Tu veux que je t'aime, moi, tu veux ?…

Ce qu'il y a d'animal, d'irraisonné, de furieux, dans ces provocations au baiser, les innocente presque. Comme Fanette oublie sa dignité de reine de mas, nous oublions aussi quel plexus de devoirs et de peines confond les destinées de Fanette et de Malandran. Devant nous se dresse et se tord la femme en mal d'amour dont le bram affolé éveille des échos dans toute chair. Mais Véranet entendra-t-il ? Cédera-t-il ? Pour une fois que deux amoureux sont en présence, s'étreindront-ils ?

Et l'amour va triompher, afin que sa victoire développe au maximum l'antipathie de Fanette et de son mari, et que soit achevée leur infortune à tous les trois.

Les amants se joindront, grâce au chœur, le chœur dialogué, vivant, à la Shakespeare, d'une poésie vulgaire, un peu canaille : il est composé des ràfi, les ouvriers loués pour la moisson. Ils ont entrevu le manège de Fanette, lorsqu'un instant ses doigts insinuaient leur flamme aux doigts de Véranet. Rangés autour du puits et tirant l'eau du souper, ils criblent le jeune homme de plaisanteries au gros sel :

Troisième valet : Elle te brûlait la main, pas vrai ?

Véranet : Que veut-il, cet animal ? Et tais-toi !

Premier valet : Le soleil à l'envers lui a tourné la cervelle !

Troisième valet : Peut-être son astre n'est-il pas si loin d'ici.

Cinquième valet : Elle était altérée !… Et sa soif, mes amis, on ne l'a pas encore étanchée.

Quatrième valet : Jamais pareil bonheur ne m'arrivera à moi, pauvre valet ?

Cinquième valet : Pas vrai, elle doit avoir la main douce ?

Véranet : Elle s'occupe de moi autant que le vent qui souffle.

Premier valet : Et ses doigts sur la corde aux tiens s'entrelaçant ?

Quatrième valet : Et le feu de ses rougeurs ?

Troisième valet : Et ses coups d'yeux brûlants ?

Cinquième valet : Oh ! ils te dévoraient, ses yeux, ils te carbonisaient !

Deuxième valet : Ses yeux, ses mains, ses attitudes, sa bouche, te priaient d'amour…

Premier valet : Il faut qu'elle t'aime !

Véranet : Oh ! Fanette, allons donc !

Quatrième valet : Regarde-la, tiens, regarde-la !

Tous : Chut !

(Fanette dans le mas passe devant la porte et s'arrête un moment à regarder Véranet et la valetaille qui se lave les mains.)

Oh ! si c'était vrai, murmure Véranet. 25

Le lendemain, dans un grand cadre de lumière, les cavales trottant autour de l'aire sur les gerbes foulées, le refrain des ràfi tintant dans l'air en feu, l'heure de midi sonne ; les travailleurs se dispersent pour le repas. Plus pâle que Phèdre, entre Fanette qui s'est lâchée à la poursuite de Véranet ; et le voici, lui-même. D'un élan, elle lui fait boire tous les aveux. Son amour inouï, elle cherche à se l'expliquer, trouve des raisons folles et naïvement elle les dit pêle-mêle avec les vraies. Et les rauques syllabes de la passion montent à la gorge du jeune homme, sous ce contact brûlant :

Autant que j'aime ta vie et que je méprise ma mort,
je t'aime, ô Fanette ! autant que ton péché est noir !

Fanette :
Il est noir, mon péché, je le sais…
Mais jamais vous n'en avez assez une fois que vous avez becqueté
tellement il est savoureux !

La conscience du mal lui demeure bien, en effet, mais non la résistance. Plus loin son monologue nous la montre bien trop tentée pour sentir vraiment cette noirceur du péché — trop tentée de désirs dont voici l'intensité :

Je le veux, il me le faut, je l'aime, je l'adore. Hier,
Véranet m'a prise toute ! Mon cœur bat
pour lui, à se briser ; pour Véranet s'allume
un mal fiévreux que rien ne guérira !
C'est un amour terrible
c'est un amour terrible et fou, cet amour

Oh ! Malandran bien sûr, bien sûr, me tuera…
Que Malandran me tue, mais qu'une nuitée
j'aie de Véranet les chaudes étreintes !

Retour de Véranet. Elle avait eu soif. Il lui apporte de l'eau. Mais c'était de la soif d'un baiser que cuisaient les lèvres de Fanette : elle le prend, d'autorité, ce baiser fou, et clame :

Oh ! comme j'ai faim de toi ! Oh ! comme de toi j'ai soif !
À tes lèvres depuis que je me suis abreuvée
tes baisers m'ont davantage altérée !
Nul ne nous voit, Véranet, nul ne nous voit, nul ne nous voit !

On entend Malandran appeler ses travailleurs. L'éphèbe veut répondre. Mais Fanette à genoux gémit, et le retient, le supplie, et il cède et l'emporte en courant vers les jeunes pins…

Voilà donc Fanette assouvie. Revenue au mas, un malaise l'a pénétrée. Les meubles se défient d'elle, le regard de la servante Mian l'incommode. En parlant à Véranet, ses mains tremblent et si elle songe à Malandran, quelle honte !

Plus blême que la mort, je regarde ce lit
où il va s'endormir croyant à la moitié
qu'il tient entre ses bras, qui dort sur sa poitrine
et où, maintenant, il ne fait plus entrer qu'une — catin.

Et ce n'est pas un trope, ce lit où Fanette aux côtés de Malandran n'a pas dormi, et il n'a rien de commun avec les vagues couchettes apostrophées par les reines de tragédie.

Tout juste, Malandran se fait plus aimable que d'ordinaire. Fanette lui découvre des coins de tendresse auxquels elle avait jusque-là dédaigné de prendre garde. Il l'appelle « mignonne ». Elle le remarque : « Il m'a dit, mignonne ! Ô Dieu, pitié ! » Comme la récolte est très belle, il demande à sa femme de choisir entre un fichu de dentelle et une croix en or avec quatre tours de chaîne. Des cadeaux maintenant !… Ah elle n'y tient plus ! Elle laisse tout, mari, maison, enfants (elle en a trois), et Véranet l'enlève au grand galop de sa cavale.

Au quatrième acte, les amoureux arrivent à une auberge. Ils sont fourbus. — Est-ce simple fatigue ? Est-ce prompte satiété d'amour ? Véranet jette des mots brutaux ; les caresses viennent, mais par passades ; il boit comme un trou. Une chanson égrillarde, une chanson de matelot en goguette :

La petite de quinze ans…

fuse à ses lèvres ointes de vin et de baisers. C'est là le jeune Dieu qui chantait en plein air, dans le trot étouffé des chevaux de Camargue, qui chantait ennimbé de la poussière d'or ? lui, ce garçon épais qui suce la bouteille ? Ah ! Fanette, Fanette !

Des coups de poing ébranlent la porte, Malandran a suivi la piste, le voilà qui brise tout pour arriver à sa femme. Véranet se dresse pour la défendre : ne l'a-t-il pas conquise ? « Assieds-toi, petit ! » jette le rude homme, et il attend que Fanette le suive. Elle ne bouge pas. C'était donc de plein gré qu'elle était partie ? Il n'avait pas voulu le croire. À présent, il l'a vu et s'en va. Mais auparavant, par inspiration, il se dirige vers la table où mangeaient les amoureux, plie tout dans la nappe pain, vin, rôti, et part dans la nuit comme un tonnerre de Dieu :

Gueuse, ils s'en souviendront, de ce jour, tes enfants !

Ses enfants ! — Fanette se précipite à la suite de son mari. Mais l'amoureux ? Ah ! qu'il est loin de sa pensée.

Fanette a songé à ses fils : son amant ne lui est plus rien ; ceci n'a pas besoin d'être expliqué, je pense. Mais comment se fait-il que, la faute commise, Fanette ne puisse plus compter sur la miséricorde de Malandran ? En bonne psychologie, la jalousie aurait dû poivrer, exaspérer la passion de ce dernier. Mais en Malandran l'amoureux se complique d'un vrai chef de famille, et de tous les réactifs qui dissolvent les sentiments individuels, tels que la jalousie et l'amour, l'honneur familial est le plus puissant. Il faut comprendre tout ce que vaut l'honneur, la bonne renommée, dans ce Midi essentiellement sociable : c'est un philosophe méridional qui a défini l'homme animal politicum, et nos compatriotes vivent en autrui autant et plus qu'en eux-mêmes. Le souci des actes et des jugements du prochain fait le tout de l'existence, là-bas ; c'est ce souci si vif qui protège les mœurs contre la suggestion ardente du soleil et du sang. Si Audiberte 26, cette aigre sœur des Mireille, se vante avec tant de hauteur d'être honnête « au sens féminin », comme dit Daudet, sachez qu'il n'y a presque pas de quoi. Sa vertu tient beaucoup à sa peur des chuchoteries de voisines sur le pas des portes.

La même horreur d'être mésestimé, qui rend les femmes chastes, contribue, le cas échéant, à rendre féroce la tribu des maris déshonorés. C'est parce qu'on l'aura blessé dans le vif des instincts les plus innés à sa race, parce qu'on lui aura supprimé le droit de porter la tête fière et l'œil haut, que le Provençal trompé deviendra implacable.

La conduite de Malandran a paru énigmatique ou sauvage aux boulevardiers et aux boulevardières qui ont entendu, au Théâtre libre, la belle adaptation de Paul Arène 27… Mais Malandran, lui, ne se croit que souverainement juste. C'est que sa vengeance, qui est bien celle d'un homme irrité et brutal, s'énonce et se donne cours au nom de tous les siens flétris par son propre malheur ; il la juge impersonnelle, désintéressée. Les ascendants et alliés atteints par l'opprobre de Fanette souffrent et crient dans sa poitrine ; et il s'y joint tous les sentiments de justice et d'honnêteté absolue qui, s'éveillant du fond de cette conscience calme, renforcent de leurs énergies accumulées sa fureur d'amant trahi et de mari humilié. On ne voit pas comment Malandran aurait pu éviter de s'estimer le justicier de la famille et l'homme d'un devoir abstrait. Aussi va-t-il dans le châtiment jusqu'où le vengeur eût peut-être reculé. Sans pitié pour elle ni pour soi, il fait l'ablation de son amour, sacrifie — héroïquement — cette chair, la sienne après tout, à l'ordre impérieux, écrasant, surhumain, qui lui rugit dans les entrailles.

Rentré au mas, « ici les bâtards ! » Il examine les trois enfants l'un après l'autre. Mais la fureur brouille ses yeux et des ressemblances folles sautent à sa pensée. Gabrièlon lui rappelle un valet chassé du mas autrefois. Noélet a tout l'air d'un bohémien qui roula sur la grande route voisine, car ses cheveux sont noirs. — Mais, dit le vieux Belmont,

ton père avait comme lui les cheveux noirs.

— Il avait comme lui les cheveux noirs, mais lisses,
et l'enfant est frisé.

— Ton père ; je l'ai vu,
jeune, il frisait ainsi.

— Ô mensonge du diable !
tu as bien mieux connu ma femme, misérable,
car Nénet est blondin comme elle et comme toi !

À table, les bâtards ! Malandran déplie la nappe, la nappe de l'auberge, et il coupe le Pain du péché, le partage entre les enfants. « Mangez ! mangez ! Nénet, un échaudé ! toi Noélet de la viande ! Encore un coup de vin, Gabriélon ; le morceau était le sien, achève-le ! » Et il les bourre. «  C'est votre gueuse de mère qui vous l'envoie. » Mais un grand cri à la porte :

— Mangez pas ! Mangez pas ! Que ce pain empoisonne !

C'est Fanette exténuée qui interrompt le repas symbolique, qui trouve la force d'implorer son pardon, de crier que ses enfants sont bien de Malandran, d'expliquer, oui, d'expliquer sa faute. Oh ! elle n'a cédé que cette fois ! Elle se met à genoux, disant ses rêves de jeune fille, ses fringales d'affection que le mariage n'a point satisfaites, puis cette rencontre tardive, la triomphale survenue de « l'amour despouderant », l'amour qui dépossède les volontés :

Pourquoi n'as-tu pas été, toi, ce que m'est l'autre !
tu es mon mari, c'est vrai, mais l'autre est mon roi.

Lui, dans ce récit, n'entend que des ordures. « Assez ! Assez ! » Mais elle :

Ah ! si tu savais ce que c'est qu'une pauvre femme,
quand l'amour l'a ensorcelée, quand l'amour la brûle,
tu aurais pitié de moi…

Et Malandran sera d'autant moins pitoyable pour elle qu'il ne pourra jamais SAVOIR. Sous son cuir calleux de travailleur, il a vécu longtemps sans méfiance. Rien n'a pu l'avertir des infinis espaces idéaux qui le séparaient de sa femme, ces gouffres que l'adultère éclatant a creusés, élargis et illuminés. Du plus profond, du plus lointain de son ignorance, il la juge et il décrète avec simplicité la mort morale de Fanette :

Je confie quant à moi ma vengeance au remords,
et qu'il vienne ou non, pour moi tu es déjà morte.
— Tu as raison, morte pour toujours !

Elle a pris un couteau sur la table et se l'est planté au cœur. Il repousse du pied le cadavre. On dit aux enfants :

— En mourant, de son sang elle vous a mouillés, pecaïre !
— Et tachés pour la vie ! Peuh ! les taches de sang !
Les taches de l'honneur ne s'en vont pas, enfants !
Sa tombe n'aura point de croix qui la protège ;
valets, creusez son trou à la pluie, à la grêle.
Fors le vers affamé, que nul ne sache l'endroit !
Emportez le cadavre !

— Ai ! il n'est pas encore froid
— Morte comme un damné, comme un chien enterrée,
ah ! le Pain du péché est amer, camarades !

Notez, je vous prie, que de ce dénouement inspiré par l'idée de justice, la justice réelle, la justice absolue est absente totalement : c'est l'eschyléenne fatalité qui écrase ici l'honneur et là l'amour, parmi le chœur splendide et sanglotant des poitrines broyées. Il m'importe peu que ceci aille contre l'interprétation reçue. Je ne puis croire qu'Aubanel ait voulu réviser la parole du Christ sur la femme adultère, écrire un gros chapitre de morale en action. Il n'y a pas plus de thèse dans le Pain du péché que dans Madame Bovary. On y constate seulement, entre autres faits d'expérience, que le Pain du péché est amer pour ceux qui y ont mordu, et pour d'autres aussi. Mais on y sent vibrer avant tout le gémissement de la passion misérable qui, à chacune des scènes du drame, comme à tous les moments de la vie, se trouve contrariée, et subit, et produit, après des gestes de triomphe, des catastrophes dans la mort.

 

Ceci revient à déclarer la vanité du vrai amour sur la terre. Aubanel invitait volontiers ses amoureuses à s'embarquer pour l'Idéal :

Puisqu'en terre il ne se peut
être amoureux sans avoir peur,
allons-nous-en dans les étoiles !
Tu auras la clarté pour dentelles,
tu auras les nuées pour rideau
et je jouerai comme un petit chien
à tes petits pieds, ma fillette !

Et comme elles ne quittaient guère le sol, il se disait que, même allégé de matière et lorsque tout l'embellirait, l'amour terrestre tisserait une cage encore exiguë au désir élancé :

Car boirais-tu pour vin les rais purs des étoiles,
l'enivrement n'est pas dans les flancs du broc !
Tu aspirerais à la femme encore plus aimante,
une fée aux baisers plus que fous, plus qu'ardents :
tu ne l'auras jamais l'amour bleu, éternel !
Et l'éternel désir, ô mon cœur, te bourrelle !

III

Ce pèlerinage indéfini du désir, de femme en femme et d'amour en amour, Aubanel l'avait noté à la fin du livre de Zani, avec un désespoir mitigé par la foi :

Il n'y a qu'une joie véritable
dans ce monde si mauvais,
mais celle-là est sans pareille
la joie de t'aimer, mon Dieu !

Et quand Aubanel se mettait à aimer son Dieu, c'était toujours la même passion démonstrative et profonde. Il revêtait les âpres insignes du Christ comme, trouvère, il eût porté les couleurs de sa Dame ; il vivait son Credo, se signant devant les églises et les statuettes de la Vierge, marchand pieds nus dans les processions avignonnaises, chargé du crucifix, sous la cagoule des pénitents blancs, frictionnant les cholériques et se faisant appeler « son second bon Dieu » par une pauvresse qu'il avait tirée d'affaire. Tous ces actes religieux ou charitables étaient accomplis avec la simplicité brave de ceux qui croient. Pourquoi diable Alphonse Daudet est-il allé le blaguer de son titre d'Imprimeur de S. S. Léon XIII 28 ?

Eh ! oui, imprimeur du pape : c'est un vieux titre comtadin qu'Aubanel avait hérité du temps du schisme d'Avignon. D'ailleurs, rien n'est si conforme à l'esprit félibréen que ce catholicisme au plein jour. La religion romaine fait partie du legs de « provençalismes » que Mistral et ses amis défendent contre le « cosmopolitisme ». Ah ! si l'on n'était pas en république, je sais bien qui irait supplier le pape ennuyé de Rome de bien vouloir réintégrer son vieux château des Doms 29 ! Le directeur de l'Armana 30 est même persuadé que le bon Dieu doit être quelque peu mainteneur de la cause. Nerto 31 est surtout un poème catholique ; la moitié de l'œuvre de Roumanille a été écrite pour les sociétés de propagande et de bienfaisance religieuses. Et quand il avait protesté à la porte des Récollets contre l'expulsion des Pères 32, quand il s'était fait appréhender au corps et condamner à l'amende par le juge de paix, Aubanel savait écrire aussi des vers d'un merveilleux catholicisme.

Il est vrai que ces vers ne sont pas les seuls. Tous les niais à logique carrée s'en indigneront. Alléguer qu'Aubanel descendait du capitaine grec tueur de Sarrasins 33, violeur de Sarrasines, de qui viennent et la sanglante rougeur de ses strophes et sa passion des femmes et du soleil, alléguer cela ne satisferait pas ces séraphins. Il est certain cependant que ce petit homme trapu, aux noueuses épaules, aurait eu besoin d'un entraînement spécial pour arriver à l'ascétisme. L'admirable est plutôt, à mon sens, que sa ferveur religieuse ait toujours fini par avoir le dessus sur les autres ferveurs, en des conflits que les sonnets suivants vous peindront.

Le premier est une épigramme contre un ami frigide :

Toujours il parle des jeunes filles et toujours en palpite.
Il voudrait toutes les embrasser
pour peu qu'une vienne à passer,
brune ou blonde, aussitôt il la suit et la désire ;

et il se consume sans cesse aux feux de leurs paupières ;
il parle de les caresser
on dirait qu'il va tout mettre en lambeaux,
le fichu, le corset, le tablier, la jupe…

Mais par hasard si une jeune fille, un jour, lui saute au cou,
effrayé, il se défait de son embrassade… il a peur
des baisers de son joli museau.

Cours, mignonne, ris et cours !
Où allais-tu butter, pauvre belle ? Que veux-tu ?
Il est de pierre, il est de marbre, il est de fer, il est de bois.

En réponse à ces vers, sans doute écrits une nuit où les gouttes de sang roulaient plus vite que des soleils dans les orbites enchevêtrées de sa chair, Aubanel, en un baiser rafraîchissant posé sur les pieds de son Christ, exhala ce calme et grand panégyrique de la pureté. Je n'y vois d'égalable que la tirade du Juste dans Aristophane 34 :

Non, le jeune homme n'est pas de marbre ni de fer.
En face de la jeunesse et devant la beauté
tout son sang bondit et bout dans sa chair de misère :
un étrange aiguillon et le fouette, et le poinct.

Mais il lutte : il ne lui sied point d'être un taureau, ni un mulet.
De l'empoisonnement public il n'a rien goûté,
et s'il adore l'amour, il abhorre le mystère
et le charme mortel de l'horrible iniquité.

Quand passent brunes, blondes, et rousses, et châtaines,
les hardies drôlesses et les tendres pucelles,
il fuit… et d'être chaste il a l'âpre et doux bonheur.

Et le bon Dieu lui parle, et il va le front tranquille
dans un corps sain portant son âme de lys.
Toujours, ô beau jeune homme, reste grand, reste pur !

Aubanel, comme Paul Verlaine, concevait et écrivait parallèlement « des ouvrages d'une absolue différence d'idée », des morceaux « où le catholicisme déploie sa logique et ses illécébrances 35, ses blandices 36 et ses terreurs, et d'autres purement mondains sensuels avec une affligeante bonne humeur et pleins de l'orgueil de la vie ». L'auteur des Filles d'Avignon aurait pu signer cet acte de mauvais chrétien : « Je crois, et je pèche par pensée comme par action ; je crois, et je me repens par pensée, en attendant mieux… » 37 Une nuance toutefois : Aubanel, moins conscient que Verlaine, établissait moins nettement le naturel illogisme de son art, — et la clairvoyance en pareille affaire ressemble affreusement à l'insincérité. Mais ce n'est qu'une ressemblance.

Assez peu nombreux, les vers catholiques d'Aubanel sont tous extraordinairement beaux. Au temps de Zani, il en composait qui vous transissent par le seul accent dont ils disent : moun Dièu ! Ce moun Dièu provençal, frêle, léger, aigu, comme une ogive, profond comme un soupir, est d'une autre expression que notre sourd « mon Dieu ». Mais à ces oraisons de chemins de croix, je préfère encore les ravissements aux paradis dantesques, les triomphaux cantiques, épanouis en roses d'or :

Rose d'Afrique, notre Dame,
pitié, pitié pour nos âmes.
Notre terre est brûlée, ô rose, envoie-nous
comme une douce pluie
la rosée de tes feuilles,
le parfum de ta fleur !

On peut objecter qu'il y a là plus d'imagination que de piété. Mais lisez La Croix : « J'ai versé telles gouttes de sang pour toi, » disait Jésus à Pascal. Pascal voyait et touchait ces précieuses gouttes divines. Aubanel, voit fleurissant, peuplé d'oiseaux, sur un mont de Judée, l'arbre qui doit servir au crucifiement ; il entend les coups de hache du juif qui l'abat et l'équarrit ; il sent les chauds baisers des saintes femmes qui errent sur les fibres dures, les larmes de Jean qui coulent tièdes, et les rouges filets de sang que l'eau et les pleurs teignent de pâle et qui muettement s'égouttent des cinq plaies… Pure fresque espagnole. Aubanel savait après cela s'adoucir et zézayer dans la langue de Roumanille ces délicieuses strophes à Mme C*** L***, en lui envoyant une statuette de la Vierge. C'est là, je crois, qu'il compare la chambre qui abritera de ses rideaux blancs la dévote image à une calanque agitée seulement d'un petit vent frais : n'étaient-ce pas de telles fraîcheurs qu'Aubanel allait respirer sous les églises d'Avignon ?

Mais il s'était creusé d'autres abris, d'autres calanques. Il fréquentait surtout ce petit temple assez païen que les sages du XIXe siècle ont restauré suivant leur goût composite et bibelotier. Construire sous son crâne un retiro, le tapisser de jolis rêves et varier de fois à autre ces décors, de peur de s'attacher trop étroitement à l'un d'eux, s'enfermer là-dessous, y abolir les lois et les limitations murales de la vie, — ce vous a un air de fou ? C'est le commencement de la sagesse. Tous les artistes dits pondérés, tous ceux qui causent des impressions d'allégresse ou seulement de sérénité, habitèrent une de ces illusoires retraites, soit qu'ils la tinssent de nature, soit qu'ils l'eûssent construite par quelque inspiration. Ils lui doivent le bonheur de leur œuvre et de leur vie. D'autres même, qui ont exprimé la beauté tortue, infirme, laide, pratiquèrent assidûment cet idéalisme. Je ne citerai que Balzac.

Aubanel fit plusieurs stations dans ce beau lieu reposant. C'est là qu'il découvrit le fortuné pays où l'on se marie dès qu'on s'aime, où l'on doit divorcer dès qu'on ne s'aime plus : le curé ne fait pas de difficultés, ni le bedeau, ni les parents, au pays de Vieille Chanson. De là sortent également les Forgerons qui martèlent le soleil couchant sur l'enclume incandescente du Rhône et, dans les treillis dorés de l'aube, ces brillantes Noces de Feu, accordées à la chanson des violes, en des ruisseaux de pourpre sur les escaliers, parmi les susurrées des sources d'argent qui veinent la blondeur matutinale des nuées, sous les pas des beaux chevaliers de brocart et des dames gemmées de très pâle émeraude et de rubis vivant. Ces deux pièces — deux hauts reliefs incrustés en vis-à-vis aux deux pentes du ciel, — sont les chefs-d'œuvre d'Aubanel, à mon goût et je crois bien que ce furent ses deux visions les plus continûment agréables : c'est que les Forgerons et les Noces de Feu n'ont d'autres personnages que de beaux et brillants objets matériels qu'il est aisé de conserver intacts, joyaux du souvenir, dans ce paradis cérébral. Certes, l'amour sait bien cristalliser toutes les perfections autour du nom d'une femme, — mais elle, a bec et langue pour nous rappeler au réel. Au lieu que les nuées du soir et du matin se prêtent souplement aux volontés du rêve sans lui donner jamais le moindre démenti…

Quand Aubanel rentrait dans la réalité, les pantins de Vieille Chanson s'évanouissaient, mais non l'éclat du « saint soleil ». Le soir, à l'heure où les rochers, les arbres et le Rhône s'enveloppent de housses rouges, il retrouvait la fournaise où travaillaient ses superbes ouvriers et quand elle mourait en cendre violâtre, d'autres splendeurs visibles émergeaient de l'ombre et lui coulaient dans l'œil leur subtile caresse. Le félibre s'arrangea peu à peu de façon à ne plus apercevoir qu'elles, à se laisser masquer le mystérieux abîme ambiant par ces légers points d'or aux acuités d'abeilles. La nuit s'incendia, et les sombres choses du cœur perdirent là leur plus parfait emblème ; et comme une idée sans l'image corrélative n'existe pas pour le poète, les idées sombres s'envolèrent. Le noir domine dans la Grenade entr'ouverte. Dans les Filles d'Avignon, c'est le rouge vermeil. Jadis il frissonnait sous les ténèbres. Maintenant, il les nie au nom de l'Idéal, ne leur reconnaît plus le droit d'exister. Ainsi que cela paraît clairement dans son Soleil couchant, il refoule dans le même trou négatif de l'inexistable toute noirceur, physique ou psychique. Il s'écrie ailleurs :

Luise tout ce qui est beau ! que ce qui est laid se cache !

bien décidé à s'oublier dans la savourance exquise de ce qui luit.

Et à mesure que la nature prenait dans son œil des lignes plus pures, Aubanel entrait plus profondément en elle ce qui lui permettait de s'oublier un peu et d'atteindre à l'art « objectif ». Le poète du Livre de l'amour avait vu dans les arbres, le vent et la mer une immense famille de cœurs compatissants ou ironiques, — ce qui est, à vrai dire, la seule méthode capable de traduire des sentiments et qui fait de la terre et du ciel des compagnons pleureurs ou réjouis des affections humaines. Mais Aubanel, grâce à cet assérénement final, s'appropria à la longue l'autre procédé, la reproduction impersonnelle et toute plastique des horizons ou des brins d'herbe ; il laissa ses sensations s'exprimer avant d'avoir passé par le cœur. L'enlevé de ses fantaisies avait déjà rapproché de Banville ce Baudelaire provençal ; il devenait à présent un Théophile Gautier pour la justesse du regard, le précis enclos des formes, la sûreté de la main. Que dites-vous de ses hirondelles « volant comme des fleurs noires que l'aure 38 emporte » des taches d'or qui jouent comme des papillons dans le clair obscur des sous-bois, de ce Ventoux crépusculeux : « toute la lumière du jour échelle à ses flancs roses ! », de ce battement de narines, sur le passage

des filles qui vont le matin
mener les chèvres à la montagne :
leurs pieds noirauds, déchaussés,
ont le parfum du thym…

Sa strophe se change, aux heures gaies, en symphonie de bouquets excitants qu'aspire le soleil ; je cite en provençal pour les gens d'outre-Loire.

Eme lou murmur dou vènt dins li broundo
Eme lou refrin dou gai rossignou,
Moun cor que desboundo,
Dins soun estrambord cantara la bloundo.
Bono e bello tant que d'elo sian fou,
Eme lou councert
Au vènt dins li broundo
E li trignoulet dòu gai rosignòu !

Avec le murmure du vent dans les frondaisons,
avec le refrain du gai rossignol,
mon cœur qui déborde,
dans son enthousiasme, chantera la blonde,
bonne et belle, tant que d'elle nous sommes fous,
avec le concert
du vent dans les frondaisons
et les trilles du gai rossignol !

Ces vers, qui sont des derniers écrits, témoignent aussi du travail constant d'Aubanel et des perfectionnements qu'il a sans relâche apportés à sa poésie. Se parfaire en son art, telle dut être en réalité, sa vraie calanque, ou la plus chère. Il avait défini le rythme une incantation, un charme, une magie enveloppante, et vraiment il demeura captif de l'exquise féerie qu'il s'était évoquée. Chaque jour elle le serrait mieux de lumineux réseaux. Un latin a dit assez bourgeoisement des belles lettres qu'elles font diversion aux tracas, adoucissent les séparations et les deuils, vous suivent à la ville, aux champs, à l'armée. Mieux que la société d'un bouquin, la poésie consola Aubanel de ses ennuis quotidiens et elle décuplait ses joies accidentelles, en les faisant passer dans ses glorieux prismes.

Les circonstances, à cet égard, favorisaient Aubanel. Il venait au premier moment de la Renaissance provençale ; il trouvait une langue si longtemps délaissée des plumitifs que le peuple avait eu le loisir de lui refaire une jeunesse, — et en outre de sa beauté du diable, cette langue avait la solide et durable harmonie d'un dialecte gréco-latin. En s'amourachant d'elle et en doublant sa poésie d'un apostolat, Aubanel se préservait à l'avance du découragement qui envahit l'ouvrier des lettres, s'il se propose un but de satisfaction solitaire. « Objectivez vos affections ! » nous sonne le vieux Kant. Aubanel s'objectiva, se confondit, s'oublia dans la propagande de l'idée commune, grâce à laquelle il évita cette atroce maladie de Flaubert qui a frappé tous les lettrés contemporains. Lui-même, sentait ce que son génie devait d'excitation et de réconfort au génie du verbe national qu'il acclamait dans ses discours.

Nous la maintiendrons, s'écriait-il, la seule langue qui dise comme nous le voulons, comme il nous poinct au cœur, nos amours et nos haines, nos tendresses et nos colères, la beauté de nos filles et la fierté de nos garçons. 39

Et c'est d'ailleurs la cause félibréenne qui sut tirer d'Aubanel, si grand poète, un orateur de flamme et d'argent vif. Les discours de Mistral, plus régulièrement beaux, traînent une toge vaste comme la pourpre d'un triomphe ; ceux d'Aubanel ont le justaucorps, le haut de chausses qui bouffe et les braies collantes du XVIe siècle, sans oublier, à la ceinture, la fine lame italienne qui poussera des pointes dans le plastron des « francihots ». Il y a de ces deux genres d'éloquence un exemple qui sera aussi célèbre dans trois cents ans que la joute oratoire de Cicéron et de César.

Des notaires équilibrés avaient traité longtemps les félibres de fous. Mistral, agacé, répondit en se drapant dans son manteau que la folle illusion est la mère du travail et que l'action humaine ne s'exécute pas sans l'appel des mirages :

Ah ! bien sûr nous sommes des fous ! s'écria à son tour Aubanel au centenaire de Pétrarque qu'il présida, bien sûr nous sommes fous de notre ciel, fous de notre terre, fous de notre chaud soleil, du rire de nos filles, de la grâce de notre langue ! Et nous voulons chanter, pleurer, aimer dans le doux parler de notre berceau et de nos mères, dans ce langage divin qui a été la résurrection de toutes les littératures du Midi, — tant pis pour ceux qui l'ont oublié !

 

Mais son plus grand acte d'amour à la Provence, ce poète ne pouvait l'écrire qu'en vers. Sa poésie tout entière y est ramassée et aussi sa foi de catholique, ses convoitises d'homme, ses nostalgies de néo-grec, ses piétés d'artiste, les mêmes qui lui arrachaient devant l'ombre de Pétrarque un alleluia : « Ah! la beauté est tout ! » Cette Vénus d'Arles, il faut l'accepter telle quelle, sans l'écorner de commentaires timorés ; car elle est la synthèse de Théodore Aubanel. On a voulu excuser sa rayonnante nudité en assurant qu'elle est chaste : ce n'est pas vrai. Cette Vénus symbolise les hautes amours, mais aussi les désirs de la chair. On a regretté la profession de foi chrétienne qui la termine : comment n'a-t-on pas vu que le christianisme a seul rendu possible un tel élan d'âme et de corps ? C'est le jeûne obligé, qui rend troublant ce chaud embrasement du marbre. Un païen n'eût jamais aspiré avec cette fièvre aux baisers nus d'Aphrodite. Il était nécessaire de constater ces choses afin de pouvoir admirer sans hypocrisie. Je citerai la Vénus d'Arles tout entière :

Tu es belle, ô Vénus d'Arles, à faire venir fou !
Ta tête est fière et douce, et tendrement ton cou
s'incline ; respirant les baisers et le rire,
ta fraîche bouche en fleur que va-t-elle nous dire ?
Les amours d'un ruban avec grâce ont noué
tes longs cheveux sur ton front par petites ondes frisés.
Ô blanche Vénus d'Arles, ô reine provençale !
point de manteau ne cache tes superbes épaules :
on voit que tu es déesse et fille du ciel bleu
ta belle poitrine nous fascine et l'œil plein d'éclairs
se pâme de plaisir devant la jeune hauteur
des pommes de ton sein si rondes et si pures.
Que tu es belle !… Venez, peuples, venez téter
à ses beaux seins jumeaux l'amour et la beauté.
Oh ! sans la beauté, que serait-ce, le monde ?
Luise tout ce qui est beau, que tout ce qui est laid se cache !
Fais voir tes bras nus, ton sein nu,
tes flancs nus, montre-toi toute nue, ô divine Vénus !
La beauté te vêt mieux que ta robe blanche ;
laisse à tes pieds tomber la robe qui à tes hanches
s'entortille, cachant tout ce que tu as de plus beau !
Abandonne ton ventre aux baisers du soleil !
Comme le lierre s'attrape à l'écorce d'un arbre
laisse dans mes brassades étreindre en plein ton marbre,
laisse ma bouche ardente et mes doigts tremblants
courir amoureux partout sur ton corps blanc !
Ô douce Vénus d'Arles, ô fée de jeunesse !
Ta beauté qui clairoie dans toute la Provence
fait belles nos filles et sains nos garçons ;
sous cette chair brune, ô Vénus, il y a ton sang
toujours vif, toujours chaud. Et nos filles alertes,
voilà pourquoi elles s'en vont la poitrine découverte
et nos gais jeunes gens, voilà pourquoi ils sont forts
aux luttes de l'amour, des bœufs et de la mort !
Et voilà pourquoi je t'aime et ta beauté m'ensorcelle,
et pourquoi, moi chrétien, je te chante, ô grande païenne !

J'aimerais qu'on la gravât en frontispice, au-devant de l'œuvre d'Aubanel, cette Vénus au voile qui retombe, en son geste attirant de genitrix et victrix, mère des peuples et reine de beautés, ses pieds harmonieux effleurant un calvaire illuminé comme une Alpille, — et près d'elle Aubanel, en cagoule de flagellant, se prostrant aux genoux rompus de son Christ, mais s'efforçant en vain contre le fol attrait de son autre idéal, la Beauté dans la Grâce et dans l'Amour. Et telle apparaît bien cette œuvre, quand on peut oublier les vers qui la commencent et leur fraîcheur sauvage, et leur charme de fleurs brisées, ce Livre de l'Amour qui n'admet d'autre figuration qu'un cœur ouvert, saignant, avec cette devise :

Entrez dans mon cœur, la porte est ouverte.
Entrez dans mon cœur, et regardez-y !
Pas vrai, que mon mal n'a pas son pareil ?

Note sur la bibliographie d'Aubanel

M. Ludovic Legré, exécuteur testamentaire d'Aubanel, et Jean Aubanel, le fils du poète, nous doivent et sans doute nous préparent une édition vraiment complète de son œuvre.

Aujourd'hui, La Miougrano entreduberto est presque épuisée.

Li Fiho d'Avignoun n'ont jamais été mises en vente. Aubanel en distribuait quelques exemplaires à des amis ; encore, sur un ordre de son archevêque, cessa-t-il cette distribution ; on avait insinué à ce prélat homme du nord, étranger à notre langue et à nos usages, que les Filles d'Avignon étaient un livre obscène. Le Dr Pamard dans un bel éloge d'Aubanel prononcé à l'Académie de Vaucluse a fait bonne justice des calomniateurs (Avignon, Séguin, 1887). Paul Mariéton avait également fait allusion à ce sujet délicat dans une étude publiée du vivant d'Aubanel.

Lou Pan dòu Pecat n'a jamais été vendu. Impossible de le trouver ailleurs que chez quelques félibres et à la Bibliothèque nationale.

Divers poèmes sont encore inédits, notamment deux drames, dont on fait grand mystère, et dont l'un passe pour perdu.

En premier lieu, Lou Pastre appelé quelquefois Cabral, et précédé d'un sonnet provençal qui débute ainsi :

Mon drame est simplement une œuvre de nature.
Je l'ai écrit pour les mâles et non pour les châtrés.

L'action du Pâtre « se passe là-haut, dans les combes du Ventoux. C'est un gardien de troupeau, sauvage et brutal, comme l'antique Polyphème, et lui, vivant dans le désert tout seul avec ses bêtes, un jour voit apparaître une imprudente Galathée, qui vient à la montagne, seulette, ramasser de l'herbe. L'emportement, le rut de cet effréné, plus féroce que son bétail, et l'horrible tragédie qui s'ensuit font le sujet du spectacle… »

C'est Mistral, qui dans son discours de réception à l'Académie de Marseille, résume ainsi le premier des drames inédits. Le second a pour titre Lou Raubatòri (le Rapt).

Il y est question d'une fiancée belle comme le jour que, la veille de ses noces, à la foire de Beaucaire, des Bohémiens ont enlevée ; ils l'amènent en Espagne et veulent la forcer de se marier avec un d'eux. La belle ne veut pas et se défend de toutes ses forces, tant et tant que ses bourreaux lui font jurer de guerre lasse qu'en ne pas se mariant avec son ravisseur elle n'épousera jamais un autre. Mais voici que son fiancé, un beau matin, l'a délivrée et quand, tout triomphant, il lui dit Viens avec moi, elle, sublime et désespérée, répond qu'elle a juré sur le Christ de ne pas se marier et se fait religieuse.

M. Jean Aubanel a, de plus, entre les mains d'intéressantes lettres qu'il se propose de publier.

Charles Maurras
  1. Aubanel, né en 1829, avait un an de plus que Mistral, onze de moins que Roumanille. Il présida en 1874 les Jeux floraux célébrés à Avignon en l'honneur du centenaire de Pétrarque et fut fait chevalier de la Légion d'honneur en 1886. Il est mort en novembre 1886. [Retour]

  2. André Jean Victor Gélu — on met généralement l'accent de nos jours —, plus connu sous le nom de Victor Gélu, poète marseillais, 1806-1885. (n.d.é.) [Retour]

  3. Anselme Mathieu, poète provençal, 1830-1885. (n.d.é.) [Retour]

  4. Félix Gras, autre poète provençal, 1844-1901. (n.d.é.) [Retour]

  5. On appelle édition diamant une édition d’un petit format, généralement faite sur papier très fin et très soignée. (n.d.é.) [Retour]

  6. La tradition — magnifiée par poèmes et gravures — veut que le Félibrige ait été fondé le 21 mai 1854 au château de Font-Ségugne (on orthographiait aussi Fonségugne ou Fontségugne, Châteauneuf-de-Gadagne, Vaucluse), sous le patronage de Sainte Estelle, par six poètes provençaux regroupés autour de Frédéric Mistral. Ils sont appelés li primadié : Joseph Roumanille, Théodore Aubanel, Paul Giéra, Jean Brunet, Anselme Mathieu et Alphonse Tavan. La réalité est plus complexe et difficile à débrouiller : étaient présents effectivement Mistral, Giéra, Aubanel et Tavan. Brunel n'était pas présent ce jour-là et Roumanille, malade, n'avait pu quitter Saint-Rémy. En revanche Jules Giéra, frère de Paul, était présent à Font-Ségugne, ainsi qu'au moins une autre personne qui n'est pas identifiée malgré les efforts des historiens. Voir en particulier R. Jouveau, Histoire du Félibrige (4 vol.), auto-édité, imp. Bene, Cavaillon, 1970 à 1987. (n.d.é.) [Retour]

  7. Jean Reboul, 1796-1824, boulanger et poète, nîmois et royaliste, surtout connu pour L’Ange et l’Enfant, poème de 1828. (n.d.é.) [Retour]

  8. Discours de réception à l'Académie de Marseille. [Retour]

  9. Il s'agit de la dernière strophe du poème célèbre d'Alfred de Musset (1836). (n.d.é.) [Retour]

  10. Et Zani ? demandera-t-on. L'oubli du poète ne fut jamais absolu. Sœur Clémentine (de son nom de famille Jenny Manivet) a reçu ponctuellement, jusqu'aux derniers jours d'Aubanel un exemplaire de tous les vers qu'il publiait. Il y joignait, dit la Revue felibréenne, un stock de pieuses brochures qui faisaient la joie de la religieuse et de son couvent. La Vénus d'Arles et les Paillettes d'Or dans le même ballot, voilà du pur Aubanel. Mais n'y a-t-il pas quelque chose de touchant dans cette fidélité, de l'hommage ?

    Zani est morte le 2 novembre 1887, un an, jour pour jour, après son Félibre. [Retour]

  11. Ce sont les trois derniers vers du Chant d'automne des Fleurs du Mal. (n.d.é.) [Retour]

  12. Il s'agit des personnages de Shakespeare, aux noms traduits ici en provençal. (n.d.é.) [Retour]

  13. M. Félix Hémon, dans son étude sur Aubanel (Nouvelle Revue, 1886) s'est bien curieusement trompé sur le sens de ce, cri ; il l'a pris pour un encouragement à la reproduction ! [Retour]

  14. Cette coupe, emblème du Félibrige, était présentée au congrès du Félibrige, lors de la Sainte Estelle, assemblée qui se déroulait chaque année dans une ville d'Occitanie différente. L'honneur de la présenter revenait au Capoulié. Cette présentation était suivie par le chant de l'hymne félibréen, intitulé précisément Coupo Santo, œuvre de Frédéric Mistral sur la musique d'un Noël provençal du XVIe siècle de Saboly, et la Coupo Santo passait de mains en mains, représentant la communion des félibres. Elle fut offerte aux félibres provençaux par les félibres catalans le 30 juillet 1867 pour remercier Mistral d'une collecte organisée par celui-ci au profit du poète catalan Victor Balaguer, 1824-1901, alors exilé, ainsi que pour marquer l'amitié qui régnait entre les deux provinces. Son pied représente deux statuettes, l'une pour la Catalogne et l'autre pour la Provence. Trois inscriptions y sont gravées : « Présent offert par les patriotes catalans aux félibres provençaux pour l'hospitalité donnée au poète catalan Victor Balaguer en 1867 » ; « On la dit morte, mais moi je la crois vivante — V. Balaguer » ; « Ah ! Si on savait me comprendre ! Ah ! Si on voulait me suivre ! — F. Mistral ». (n.d.é.) [Retour]

  15. Prononcez rèou comme une diphtongue et pièou-pièou comme des triphtongues. [Retour]

  16. Lou femelan superbo emai fugue pourri. L'honnête Barbier va plus loin : Nos femmes belles d'impudeur… [Retour]

  17. Deuxième livre de la Grenade. [Retour]

  18. Très lentement et très doucement. Intraduisible. [Retour]

  19. Se peut traduire, à la grosse, par balancement, mais sans équivalent sérieux. [Retour]

  20. Alor, fier et sage, le païre — Au pacheja coume de rei ! [Retour]

  21. Alfred de Musset, Rolla, V. (n.d.é.) [Retour]

  22. Squelette. XII. [Retour]

  23. Intraduisible. [Retour]

  24. Les deux héros de Mistral, Mireille fille d'un riche fermier de la Crau et Vincent un pauvre vannier. (n.d.é.) [Retour]

  25. J'emprunte cette traduction à l'étude d'Albert Savine sur Th. Aubanel et le théâtre provençal. Étapes d'un naturaliste. Paris, 1885. [Retour]

  26. Personnage provençal d'Alphonse Daudet. (n.d.é.) [Retour]

  27. Paul Arène, 1843-1896, adapta en vers français Lou Pan dòu Pecat ; cette adaptation fut représentée pour la première fois au Théâtre libre, à Paris, le 27 avril 1888 et publiée la même année chez Alphonse Lemerre. (n.d.é.) [Retour]

  28. Le Temps, 4 novembre 1886. — Ces détails sur le catholicisme d'Aubanel sont empruntés à une étude de Me Ricard, qui les a lui-même traduits d'une plaquette de Dom Luis Bussi, ecclésiastique italien fort épris d'art félibresque. [Retour]

  29. La terrasse que forme le rocher des Doms, faisant face sur le Rhône à Villeneuve-lez-Avignon, est un des haut-lieux avignonais. Il est aujourd'hui aménagé en promenade. (n.d.é.) [Retour]

  30. L'Almanach provençal alors édité chaque année par le Félibrige. (n.d.é.) [Retour]

  31. Œuvre de Frédéric Mistral. (n.d.é.) [Retour]

  32. Il s'agit de l'interdiction d'enseigner aux membres des congrégations non autorisées, et leur expulsion des établissements d'enseignement du fait des décrets de Jules Ferry du 29 mars 1880. (n.d.é.) [Retour]

  33. Ce capitaine grec Seysialdi, son ancêtre maternel, émigra dans le comtat Venaissin après la prise de Byzance. — Du côté des Aubanel, qui datent aussi du XVe siècle, influence contraire : c'étaient, d'après le docteur Pamard, des « catholiques rigides, tranquilles et rangés ». [Retour]

  34. Dans les Nuées. (n.d.é.) [Retour]

  35. Néologisme inspiré du latin et attribué à Verlaine ; il signifie charmes. (n.d.é.) [Retour]

  36. Mot précieux tiré lui aussi du latin et signifiant charmes, attraits. On le trouve également chez Verlaine. (n.d.é.) [Retour]

  37. Paul Verlaine, Les Poètes maudits. — Pauvre Lélian. [Retour]

  38. L'aure : « le vent » en occitan. (n.d.é.) [Retour]

  39. Discours de Forcalquier, 1876. [Retour]

Texte paru paru dans la Revue indépendante tome XII, nos 33, 34, 35, juillet-septembre 1889, p. 80-104, 259-280.

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