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Anthinéa

Athènes antique

À Alexandre Desrousseaux 1.

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I

Quand je suis parti pour Athènes, un poète que je trouvai sur le quai du départ me dit en souriant 2 :

— Vous allez à Athènes comme à un rendez-vous d'amour.

Et cette blanche Athènes aperçue de la haute mer, « Ô terre » murmurai-je comme la fille de Sophocle, « terre comblée des plus grands éloges, à toi de les justifier ! »

Nulle justification plus rapide. On m'avait annoncé une déception. Je n'ai rien senti de pareil. Dussé-je être montré au doigt de tous les modernes comme un écrivain dépourvu d'imagination et pauvrement ébloui des choses réelles, j'écris cet aveu sans pudeur.

Durant un mois, j'ai su ce que c'est que la grâce, j'ai su ce que c'est que la force et j'ai connu par un toucher sensuel et physique ce que c'est que la claire essence de leur parfait accord 3. Le jour se consumait avec avidité, je le voyais tomber avec une ardente tristesse. Il ne me semblait pas que j'eusse interrogé assez de places solennelles ni exercé suffisamment les puissances de curiosité et de réflexion. N'en croyez pas des notes de voyage écrites sur les lieux et expédiées par la poste. Tout cela, c'était mon métier ; ma vie, nullement. Un certain vendredi que je ne saurais me rappeler sans éclats de rire, j'écrivais à Paris que je partirais dès le lendemain 4 :

— Je prends le bateau du Pirée pour Itéa, l'escale de Delphes. D'Itéa, je gravirai à dos de mulet vers les monuments d'Apollon, et quelque embarcation à vapeur ou à voile permettra de gagner Patras. Je verrai ensuite Olympie, puis Corinthe, et Argos, d'où je reviendrai dire adieu à Athènes…

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Tout était préparé pour la course en Phocide, et autour du Péloponnèse. Mais, au dernier moment 5, le cœur me manqua et les charmes athéniens furent les plus forts. Je défis ma valise, ne pouvant me résoudre à quitter la face d'Athènes. J'avais trop à voir ou plutôt à revoir, car le premier tour 6 avait été vite fait. Il me plaisait de le refaire chaque jour. Je n'ai guère quitté la ville que pour les promenades dans la banlieue.

Les semaines charmantes ! L'antiquité sévère et douce qui m'encourageait d'un sourire quittait pour moi, l'un après l'autre, ses secrets vêtements et si quelque ignorance, comme il advint, tenait ma pensée suspendue ou que même quelque méprise éclatât et me confondît, je n'en éprouvais nulle peine ; mais, pareil aux premiers Florentins humanistes qui touchaient de leur front les volumes d'Homère qu'ils ne pouvaient pas déchiffrer, j'en étais consolé par un sentiment de la légèreté de mes fautes au prix de ma certitude et de mes plaisirs.

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II

Or, il n'était point rare que, parmi ces plaisirs, je fusse poursuivi par des esprits sombres et faux, toujours enclins à la querelle.

L'un s'appliquait avec ingéniosité à faire luire des hypothèses judicieuses :

« Si vous restiez un mois de plus, vous changeriez d'avis…

Bέλτιστε7, répondais-je, cœur excellent, il me sera toujours impossible de vivre ici un mois, un jour ou seulement une heure de plus que je n'y aurai vécu en effet. Comment faire l'expérience à laquelle vous m'engagez ? »

S'il insistait, je l'emmenais en quelque beau lieu que, depuis vingt mois de séjour, il n'avait pas encore eu la tentation d'explorer. C'est ainsi que je lui fis connaître les sculptures du Céramique 8.

Un second s'évertuait à me démontrer qu'il n'y avait rien où je venais de voir quelque chose, presque rien où j'avais trouvé infiniment, et qu'enfin je ne m'amusais point là même où ma passion m'enfonçait des heures entières.

« On voit bien que vous êtes en vacances », me répétait non sans aigreur ce fonctionnaire.

Et je n'osais lui répliquer que l'on voyait de reste qu'il était en fonction.

Un voyageur de profession, fier d'avoir aperçu un grand nombre de pagodes et de mosquées :

« Vous avez, disait-il, un esprit tout atrophié et une tête rétrécie par l'éducation classique.

— Eh ! lui répliquais-je en moi-même, l'éducation romantique n'aurait-elle point embrouillé et désorganisé ce que vous aviez de cervelle ? »

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Admettons que, de nous, ce soit moi qui fasse l'erreur. Mais l'erreur est précieuse, si elle me met en état de comprendre et de ressentir ce que l'histoire intellectuelle de l'univers nous présente de mémorable. Elle me procure une foule d'explications lucides de ce qui nous touche le plus. Au contraire, si l'on admet que vous ayez la vérité, que contient-elle de pratique, de nourricier et d'assimilable pour vous ? Un principe de curiosité infinie 9. La question par la question ! Mais pas de réponse !

Votre pensée n'est rien que du vagabondage. Tout lien avec la race de vos pères spirituels et la suite de vos civilisateurs est coupé misérablement. Ni par rapport à vous, ni par rapport aux vôtres, vous n'avez rien qui soit classé et, comme vous n'avez pu faire aucun classement par rapport à l'ordre éloigné et insaisissable du monde qu'il est particulier aux hommes d'ignorer, vous êtes une sorte de chaos ambulant, embarrassé même pour me dire quoi vous aimez. N'ayant rien choisi, ne préférant rien, végétant dans une indifférente inertie, vous affectez une mobilité extrême ; elle est, au fond, un simple mode de cette condition des cailloux que l'on roule, des bûches qu'on charrie 10, et de toutes les créatures dispensées ou délivrées de l'activité. C'est un bonheur peut-être. Qu'il soit du moins silencieux, et n'insulte pas à la vie !

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Mais fatigué soit d'une discussion superflue, soit de courses continuelles, il m'arrivait d'être assis dans un lieu désert et je sentais l'Attique accomplir en silence son ouvrage 11 au dedans de moi. Je la priais d'agir, de me modifier, en m'abandonnant à ses soins. Tantôt à l'un des carrefours où se trouve quelque monument de la ville antique, tantôt dans l'ombre fraîche des corridors du grand musée, il me suffisait de poser n'importe où le regard. Je laissais les petits éléments athéniens affluer et me pénétrer comme on ouvre l'accès de son âme, en un soir d'été, aux forces du ciel plein d'étoiles. Plus que toute méditation, cette torpeur contemplative m'inspirait le sens et la divination de la ville ; incrusté et comme pétrifié en elle, il me semblait que la vie des marbres sublimes me gagnait peu à peu 12. Les longues heures ainsi passées m'ont fait comprendre qu'on puisse aimer comme une créature de chair la matière du Pentélique 13 et crier : la voilà, et sentir son cœur battre, partout où brille une parcelle de la belle pierre dorée.

Telles étaient les pauses. L'âme y est contente de soi. Mais dans les exaltations qui suivaient, rien ne m'était pénible comme l'absence de tout esprit familier capable d'en prendre sa part. Le mien était tendu jusqu'à la congestion et des sentiments en naissaient qui déterminaient une sorte d'érosion presque douloureuse et, s'il faut le dire, d'égarement.

III

L'Acropole.

Dans un livre postérieur de plusieurs mois à mon voyage 14, M. de Vogüé parle d'un visiteur de l'Acropole qu'on surprit un matin, à genoux, manifestement en prière et peut-être en larmes, devant l'une des souples Arrhéphores qui soulèvent du front la tribune du vieux roi d'Athènes Érechthée 15. Les extases du pèlerin plongèrent ses amis dans un étonnement dont l'expression m'a toujours paru sans mesure et que je ne puis m'expliquer. Quoique traitées en héroïnes, les six caryatides sont des femmes pleines de vie 16. L'Athènes du IVe siècle ne les appela jamais que « les jeunes filles ». Pour être immortelle et sublime, leur grâce florissante n'en enferme pas moins la mémoire et la cendre d'une antique idée de l'amour. Et tout cela peut bien émouvoir un homme sensible.

Soit que la jeune athénienne lui rappelât la plus belle de ses amies ou le type de sa chimère, l'acte du personnage de M. de Vogüé s'explique et se défend par mille raisons naturelles. Je crains que nulle excuse ne soit trouvée en ma faveur quand on saura comment, sur la même Acropole, je commis bien d'autres excès 17.

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IV

Je n'y montai pas tout de suite bien que j'y fusse accouru dès le premier soir 18. Les sentiments confus, qui, durant plusieurs jours interminables, me retinrent hors de l'enceinte, m'attiraient cependant, errant et fiévreux, sous l'escarpement. Des petites rues qui y mènent, je crois bien que j'ai battu les plus ignorées. Elles sont en pente assez rude, brisées de temps en temps par un escalier. On y trouve surtout des ateliers de tisserands. Devant les dévidoirs tendus d'une belle soie safranée, les femmes et les jeunes filles font des groupes assis au milieu de petites cours chichement ombragées. Je ne les regardais que pour me tirer d'inquiétude et je me replongeais dans la méditation de l'ombre lumineuse qui tenait ma vie suspendue 19.

Vue de l'angle nord-est, la structure de l'Acropole donne une silhouette d'une force tragique ; pour correspondre à cette arête orientale, il n'y a qu'une image, l'éperon d'une grande nef. Mais, du côté sud-ouest 20, l'effet est tout contraire. La roche disparaît sous un manteau léger, dont la traîne flotte et s'étale en manière de draperie. Ces molles terres descendantes font une ligne qui sinue avec grâce jusqu'à la mer, et sans doute elle se prolonge fort avant sous le pli des eaux. J'eus plus tard à observer du haut de l'Hymette que le pays d'Athènes traduit partout le même rythme de composition ; vers la mer, rien d'abrupt où l'âpreté reçoit des tempéraments, mais, à l'intérieur, des coupures soudaines, des précipices droits et fiers, sévères beautés un peu tristes qui attestent la main dorique de Pallas, au lieu que, sur les plages, rient et respirent les travaux ioniens de Cypris.

— Et, me disais-je, ces déesses qui se partagent la nature composent de même l'esprit. L'art attique est sorti d'une conjonction fortunée de la double influence. Il n'est point sec, Cypris y veille, mais il est nu, c'est la volonté de Pallas. Sans éclater ni scintiller grossièrement, il brille d'un feu chaste pour les yeux qui sont dignes d'être blessés de lui.

Un Latin 21 disait des meilleurs écrivains de l'Attique, tels que Thucydide et ceux de son temps : « Leur style était noble, sentencieux, plein dans sa précision et, par sa précision même, un peu obscur. » Cette précision rétablit leur mystère dans sa lumière 22. Nul œil profane ne les pénétrera aisément…

N'être point un profane, entendre le mystère de conciliation que suppose une chose belle, sentir avec justesse le mot du vieux pacte conclu entre la savante fille du ciel et la tendre enfant de l'écume, enfin se rendre compte que ce parfait accord ait été proprement la Merveille du Monde et le point d'accomplissement du genre humain, c'est toute la sagesse qu'ont révélée successivement à leurs hôtes la Grèce dans l'Europe, l'Attique dans la Grèce, Athènes dans l'Attique et, pour Athènes, le rocher où s'élève ce qui subsiste de son cœur.

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L'heure de mon initiation arriva sans que ma volonté y prît aucune part. J'étais assis près de la route carrossière qui conduit à la grille de la porte Beulé 23. C'est une suite de raidillons comparables à celle du vieux Monaco. Elle est traversée de petits sentiers faisant raccourci et complantée de beaux agaves 24 d'un bleu pâle. Comme j'avais les yeux en l'air, du côté où tendait toute ma pensée, une petite fille de neuf à dix ans passa devant moi. Je la voyais à peine. Elle attira mon attention en traînant les pieds sur le sable, puis s'arrêta en me faisant signe de mon chemin. Je ne l'avais pas demandé. Le doigt vers l'Acropole, elle me regardait en m'adressant un gentil sourire entendu. J'aurais baisé au front la jeune hiérophante ! Mais je me levai et suivis en aveugle sa direction.

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V

… Quand, au plus haut de l'escalier, je rouvris les yeux, la première colonne des Propylées se tenait debout devant moi, toute dorée, mais toute blanche, jeune corps enroulé d'une étoffe si transparente qu'on n'en saisit point la couleur, la chair vive y faisant elle-même de la lumière.

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Elle montait des solides dalles de marbre, ferme sur sa racine élargie à la base. Dans toute la longueur, comme des ruisseaux d'un feu sombre, les cannelures symétriques s'enfuyaient dans le libre élément aérien où brillait un sommet misérable et meurtri. Il fallut peu de temps pour prendre connaissance de la silhouette souffrante et souffrir avec elle, avec tout le sage univers, de tant de coups barbares qui l'ont décapitée. Son svelte chapiteau et le fardeau que porta cette belle tête gisaient ensemble sur le sol et leurs débris, comme le seuil de quelque cimetière supérieur, manquèrent me tirer des larmes. Si j'avoue n'en avoir versé aucune, oserai-je écrire ce qui suivit ? Pourquoi non, si j'osai le faire ?

Sur cette colonne, aperçue la première du chœur des jeunes Propylées, j'entourai de mes bras l'espace, autant que je pus en tenir, et, inclinant la tête, non sans prudence à cause d'une troupe d'Américains qui se rapprochaient avec bruit, prenant même grand soin que l'on me crût en train de mesurer la circonférence, je la baisai de mes lèvres comme une amie.

Ni le jeune homme que nous montre 25 M. Melchior de Vogüé, ni cet étranger fanfaron qui, s'étant introduit dans le temple de Cnide, passa la nuit entière avec la déesse de marbre et l'épousa complètement, comme le raconte Lucien 26, ni enfin le sculpteur qui aima la statue jusqu'à l'animer de son souffle, j'ai peine à croire que personne ait connu le même transport. Si le ciel en feu, si la roche dure que je foulais et le marbre que j'étreignais ne fournirent point de réponse à la vibration secrète de ce baiser, si je fus seul où je me crus mêlé à d'universelles ivresses, c'est un point qu'il est superflu de traiter, car le doute et la foi y deviennent insoutenables. Ce qui n'admet ni foi ni doute, étant certain, c'est l'état de folie lyrique où je roulai avec une complaisance infinie, sans cesser de tenir la belle substance embrassée.

Rien de tel ne m'avait été murmuré à l'oreille, depuis le jour de ma jeunesse où l'enceinte dévastée du théâtre d'Arles m'avait fait éprouver la présence réelle et, au même moment, le deuil de la vie antique. Deux légers styles corinthiens qui, pour appartenir à l'âge inférieur, me semblaient pourtant sans défaut, développaient dans ce désert, leur figure jumelle d'une merveilleuse clarté. Je me contentai cependant de leur donner le nom de deux vierges choisies parmi les vierges de Sophocle et de jurer à toutes deux, mon Antigone et mon Ismène, une pieuse visite de chaque année. Quoique j'aie tenu le serment fait à leur grâce, je n'eus jamais envie de les entourer de mes bras. Qu'avait de plus que ces Arlésiennes si douces le fût tronqué des Propylées ?

Je me demande plutôt ce qu'il n'avait point ou ce qui pouvait lui manquer avant sa blessure et du temps qu'il jouissait d'une forme intacte 27. N'était-il, à la lettre, ce que nous entendons aujourd'hui par un dieu ? Il signifiait un plaisir tout à fait exempt de douleur, un mouvement libre et un acte pur. Simple accident de la vie et de la nature, il les résumait et les expliquait toutes deux. De la vie et de la nature à qui leur destinée, le plus communément, a bien défendu d'être belles, le voici, me disais-je, qui élève comme un peuplier 28 au milieu d'un herbage nain, le bonheur insolent qui lui a valu d'être beau. Il est la fleur de l’Être. Il est le contraire de l’Être. Il est le rare, il est l'unique, en même temps que le commun et l'universel. Il est de ce chaos dont les éléments se divisent, et sa génération atteste cependant l'industrieuse main, le pouvoir unificateur 29 de la claire raison de l'homme couronnée du plus tendre des sourires de la fortune. Dans le déraisonnable, le mouvant, l'incompréhensible, il pose clairement le rythme assuré d'une loi ; de l'inimitié infinie, il tire un accord immortel.

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C'est pourquoi mon esprit goûtait avec une douceur inexprimable ce que mes yeux charmés ne se lassaient point de connaître. Ainsi l'intelligence me débrouillait sans peine le monde troublé du plaisir. La volupté qui me pénétrait d'une onde puissante, je l'honorais presque autant que je l'éprouvais, bien certain que jamais tressaillement plus juste ne se ferait dans mes entrailles. Un exercice ordinaire de la pensée montre souvent comme il est triste ou honteux d'être un homme sujet au mal et à la mort, mais j'éprouvais ici la noblesse de notre essence ; les plus hautes disciplines de la raison rapprochaient de moi la beauté.

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VI

Je ne regrette point d'être si mémorablement échappé de moi-même à ce premier vestibule de l'Acropole. La fièvre ainsi passée, je me sentis l'esprit critique, disposé à jouir des chefs-d'œuvre sans y périr.

Un autre choc me fut pourtant donné le même jour, lorsque, ayant achevé le tour de ma colonne, j'aperçus au delà d'une colonnade nouvelle la masse sombre du Parthénon.

Un long désert de pierres blanches, de marbres, de maigres buissons, courait devant le temple, par terrassements inégaux 30. Mais l'imagination dévorait cet espace. Le mur géant, labouré de vastes blessures, découvrait 31, ramassée, et concentrée en lui, une incalculable vigueur, comme un fauve 32 puissant qui va bondir et s'imposer. En approchant mieux, on retrouve 33 cette idée de libre élégance qui devait s'élever, à première vue, de l'édifice entier. L'effet de sa mutilation en aura mis à nu la force 34. Ce que nous démasquent ces ruines, c'est une énergie héroïque, dont on est tour à tour exalté et vaincu.

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VII

La table du roc solitaire qui supporte le Parthénon, l'Érechthéion, et, frêle cabane de marbre, le temple de la Victoire, semble tout d'abord parsemée d'une infinité d'ossements polis et brillants au soleil. On songe ensuite, tant la lumière est joyeuse, au vaste chantier d'un sculpteur. Mais c'est la première impression qui est la juste. Ces quartiers que l'on foule sont les membres du corps inanimé de l'ancienne Athènes. Tambour à tambour, tranche à tranche, au milieu des herbes flétries qui ne les ont pas recouverts, les styles couchés sur le sol font de véritables dépouilles et les mânes qui volent dans l'air au-dessus d'eux nous professent la mélancolie de tant de travaux. Seules de nobles mains, d'aristocratiques mains d'hommes libres, y avaient été employées. La volonté de Périclès avait banni l'esclave de ces entreprises publiques. Les meilleurs ont ici imprimé le meilleur d'eux-mêmes. Ce n'a pas été éternel.

Un vain sentiment de piété défend leurs restes. Il suffirait que cette piété faiblît, qu'une foi analogue à celle des iconoclastes nous fût prêchée comme on prêche en Russie la mutilation de soi-même et en Norvège la dislocation des sociétés 35, il suffirait qu'une série de grandes guerres ou d'autres fléaux, nous rendant attentifs à des soins plus impérieux, autorisât seulement quelque négligence ; la terre avide, la mer profonde, la férocité des enfants, l'ignorance des hommes, le ciel pluvieux et torride, auraient vite fait de reprendre et de liquider ce trésor.

Il est vrai que le Parthénon, ayant vécu, n'a aucun besoin de personne et c'est nous qui avons besoin du Parthénon pour développer notre vie. Ce qui en reste est souriant. Et l'on pourrait abattre encore ou profaner, réduire le fronton ouest au même triste état que l'oriental, broyer ou renverser les dernières colonnes, décrocher les derniers vestiges de la frise ; tant qu'il subsistera seulement de quoi inférer une conception de l'ensemble, l'âme de la Vierge éponyme s'y fera sentir dans sa force.

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J'ai peine à comprendre qu'on ait méconnu cette force. Des écrivains de notre siècle qui ont visité Athènes, je n'en trouve pas un qui l'ait remarquée 36. Lamartine, sublime aveugle, arrêté là-bas, dans la plaine, s'éprit du temple de Jupiter Olympien parce que le péristyle en est élevé, riche et ainsi digne de Baalbek ; malgré les adieux au « gothique » que le Parthénon lui inspire, il en emporta des idées de faiblesse et d'exiguïté. Renan a fait la même faute, et tout ce qu'il a dit et chanté de beau sur Athènes en devient assez irritant. Dans Saint Paul, une jolie page sur l'âme grecque est empoisonnée de dédain. Il revient à plaisir sur le caractère aimable et fin, mais, ajoute-t-il, sans portée comme sans grandeur, de l'atticisme : petits plaisirs, petite poésie et petites gens. Lorsque Joseph de Maistre, faisant une revue grondeuse des dons intellectuels de la Grèce, néglige en passant d'y mentionner Aristote, le lecteur entend bien que son auteur s'amuse ; il s'amuse donc de ce jeu. L'on aimerait trouver chez Renan le même sourire. Mais on voit bien qu'ici Renan est loin de plaisanter. Où Maistre raille, Renan marque un sérieux extrême. Ainsi, je ne le puis écrire sans tristesse, apparaît une des larges plaies que le romantisme, l'Allemagne et son christianisme 37 avaient ouvertes dans cette délicate pensée.

Ceux qui ont écrit l'Organon38, bâti ce Parthénon, inventé l'ordre des sciences et conduit tous les arts au degré de la perfection, ces petites gens de la Grèce ne m'ont pas permis de lire jusqu'à la fin la fameuse Prière d'Ernest Renan 39, que j'avais emportée un jour sur l'Acropole.

— Ce rythme, me disaient leurs ombres, ce rythme chanteur est de nous. Bien que d'une cadence outrée, retiens-le si tu veux et rappelle-toi de chasser les paroles qu'il accompagne ; non qu'elles soient toutes mauvaises, mais les meilleures sont corrompues par le voisinage…

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Et en effet. On ne dit pas : « Il y a un lieu où la perfection existe, il n'y en a pas deux, c'est celui-là » pour objecter un peu plus loin au génie de ce lieu unique « qu'il y a de la poésie dans le Strymon glacé et dans l'ivresse du Thrace ». Que pouvons-nous avoir affaire d'une chansonnette gothique dans le lieu de la perfection ? On ne redit pas devant une déesse, à quatre reprises, « toi seul » (seule jeune, seule pure, seule sainte et seule forte), pour lui souhaiter, en adieu, une tête plus « large » avec les moyens d'embrasser « divers genres de beauté ». Ou les mots sont de simples souffles et ne présentent aucun sens, ou l'on ne peut écrire : « Quand je vis l'Acropole, j'eus la révélation du divin », si l'on doit conclure, à propos des « plâtras » de Byzance, qu'ils produisent également, à leur mode, un « effet divin ». Renan ajoute : « Si ta cella 40 devait être assez large pour contenir une foule, elle croulerait aussi. » Assurément ! Mais quel est ce besoin d'y loger une foule ? Et pourquoi la loger dans un bel édifice dont le rapport avec la multitude consistait à en être vénéré du dehors ?

Devant la face orientale du Parthénon, au point où la théorie 41 des Panathénées devait aboutir après avoir développé tous ses anneaux, se voient les ruines d'un bâtiment circulaire que Rome avait eu l'impudence de se dédier en ce lieu. Jetés au ras du sol, d'un coup de justice divine, les décombres du temple de la Déesse Rome étaient le siège favori d'où j'aimais à me pénétrer des vigueurs, des fiertés et de la destinée éternelle du Parthénon. De quelque côté qu'on l'observe, ce modèle architectonique sort de la terre d'un mouvement impérieux et définitif ; là même où les gens du métier signalent une imperfection, elle n'atténue point, j'ose dire qu'elle souligne le caractère de la force et de la fermeté.

Je ne sais à quoi peuvent servir ici le mot de petitesse et celui d'étroitesse. Encore un coup, nous ne sommes pas devant une église, mais devant un autel et un tabernacle ; il sert de musée, de trésor ou de magasin, non d'abri aux fidèles. Ceux-ci se contentent de l'entourer. Seules doivent y pénétrer des personnes choisies. Dans ce reposoir en plein air, séjour des dieux mais non oratoire des hommes, sorte de construction qui, par le fini du détail et les justes mesures de son élévation, procédait quelque peu de la statuaire, on saisit comment l'art athénien, l'art grec tout entier, développe sa plénitude. Il comble les promesses de son goût et de son génie.

Il eût pu faire un autre effort. Le Grec n'était pas incapable de bâtir un immense hangar de marbre et de donner ainsi ce que les amateurs modernes appellent une sensation de grandiose. On entrevoit à Éleusis ce qu'il a fait, par une succession d'agrandissements, en vue de recevoir des milliers de pèlerins. Un tremblement de terre a rasé le temple-colosse d'Éleusis. Mais je crois que l'âge eût suffi. Un bâtiment qui doit servir à de nombreux et pressants usages n'a pas besoin d'être une construction achevée ni inébranlable. L'immédiatement utile n'a qu'une heure, car l'utile change sans cesse et c'est à quoi ont été pipés nos Romains. Leurs constructions d'utilité économique peuvent subsister, il est rare qu'elles rendent de grands services. Ces aqueducs où l'eau a cessé de couler, ces grandes voies impraticables donnent un sentiment de puissance, mais illusoire et presque ridicule. Voici une puissance, et elle ne peut plus ! une utilité, inutile 42 ! Que vaut la chose dont le prix est de servir, du moment qu'elle ne sert plus ?

Avec un sens exquis des rapports et des convenances, c'est pour leurs monuments religieux, les mieux soustraits aux vicissitudes mortelles, que les Grecs réservèrent le privilège d'une solidité à toute épreuve. Ainsi en décida leur sagesse à son meilleur temps.

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VIII

Les collections.

Le matin, je faisais mes dévotions sur l'Acropole. L'après-midi venu, s'il m'arrivait de remonter, c'était pour visiter les deux musées qu'on a taillés dans un pli de la roche ; le plus souvent, je restais dans la ville basse et finissais ma journée rue de Patissia, au musée national qui abrite tant de trésors. Trop courtes visites ; chaque nuit le sommeil me ramenait, de mes divers logis d'Athènes, au pied des Hygies, des Hermès, des Victoires et des Pallas, que j'avais adorés de jour.

Notre musée du Louvre, surtout dans la section de sculpture antique 43, offre au premier regard l'image horrible d'un fouillis. Non que l'ordre y fasse défaut. Seulement la clef de cet ordre n'est pas mise en la main de tous. Au contraire, dans chacun des musées d'Athènes, l'enfant ou l'ignorant n'a qu'à regarder devant soi, non seulement pour se réjouir, mais pour classer, et raisonner ses impressions 44. Ordre hypothétique sans doute, attributions tout inductives, mais nécessaires. Une promenade tient lieu de grandes lectures. On y voit toute vive l'histoire de l'art du sculpteur chez les anciens Grecs.

L'honneur de ce bel ordre appartient à M. Cavvadias, éphore général des antiquités du royaume hellénique. M. Salomon Reinach l'en a loué avec une grande chaleur. On murmure à Paris que le complimenteur ne louait que lui-même. M. Reinach aurait été le conseiller et même l'assistant et l'inspirateur de M. Cavvadias. Pensez ce que vous voudrez de ce bruit. Moi j'y prêtai peu d'attention 45. Pourquoi un Athénien de bonne race n'aurait-il pas daté ses antiquités nationales sans avoir 46 pour second ou pour maître un israélite 47 ?

Au seuil du musée de Patissia est le dépôt 48 des antiquités mycéniennes. Là revit l'âme mecklembourgeoise de l'explorateur Schliemann ; âme naïve et forte, qui sur la terre et sous la terre, pour sa tombe et pour sa maison 49, employa l'appareil et le style des mycéniens. Mon sentiment, s'il faut le dire, fut d'abord que j'entrais dans une annexe du musée du Trocadéro. À chaque page de mes notes, je trouve dénoncé et presque flétri avec une extrême abondance ce que je nommai doucement les sauvageries de Mycènes. Cette fureur avait pour cause le contraste qui éclatait entre des curiosités pures et les beautés de premier ordre au milieu desquelles je ne cessais d'errer 50.

C'était oublier l'émotion presque religieuse qu'inspire un passé très lointain 51. Plusieurs de ces ouvrages dont la grossièreté ne me donnait que du dégoût nous sont prouvés antérieurs aux convulsions d'un îlot volcanique dont la date est connue ; ils remontent ainsi authentiquement à deux mille ans avant notre ère… De plus ces découvertes sont très nouvelles 52. La science est ancienne. Elle est un peu blasée sur ses triomphes d'autrefois. Pour moi, qui ne l'étais sur rien, ma curiosité toute fraîche bondissait à tous les objets. Aucun moulage, aucune gravure ne m'avaient permis de prévoir la subite impression que me communiquaient, vivant devant moi dans leur marbre, une Victoire renouant sa sandale, les Taureaux de la frise, ou la tribune d'Érechthée. L'inépuisable trésor de mon ignorance me procurait les moyens de les admirer avec le sentiment 53 de la surprise extrême. Le Masque d'Agamemnon, comme Schliemann appelle son feuillet de métal battu, ne me paraissait ni plus neuf ni plus récemment mis au jour que des chefs-d'œuvre catalogués depuis longtemps 54. C'est de l'heure de mon débarquement au Pirée et de ma première visite que ceci ou cela datait également. Quel motif de préférer le moins beau ou le laid et de perdre mon temps chez les inférieurs 55 ?

Autre chose m'indisposait encore, c'est l'abus fait du nom d'Homère par les historiens de l'art de Mycènes. Leurs comparaisons soutenues entre l'art homérique et l'art mycénien sont insupportables. Sans doute l'Iliade et l'Odyssée fournissent plus d'une réminiscence évidente de la civilisation que les Achéens fugitifs apportèrent, lors de l'invasion dorienne, dans la Grèce des îles et la Grèce d'Asie. Quoique postérieur, et de beaucoup, à ces translations historiques, l'âge d'Homère avait gardé les débris de l'art achéen 56, et sans doute aussi le poète savait-il par la tradition ce qu'avaient été autrefois Mycènes la dorée, la douce Argos, et les autres cités de l'Achaïe en fleur 57. Les poèmes d'Homère peuvent donc renseigner sur les temps mycéniens et, comme dans le livre de M. Helbig 58, les antiquités de Mycènes peuvent nous éclaircir quelques-unes des difficultés homériques 59. Ajoutons, s'il le faut, que le premier noyau des sujets d'Homère 60 se place au moment de la grande prospérité mycénienne. Toutes ces vues, plus ou moins incertaines, portent sur les matériaux dont le poète s'est servi 61. Mais elles ne fournissent pas la moindre clarté sur l'art et sur la poésie 62.

L'art d'Homère veut qu'on l'étudie en lui-même. Il importe peu que les sujets de ses descriptions ressemblent aux objets déterrés ici ou là-bas. Il ne s'agit point de savoir comment s'adaptait le timon au char, ni les courroies au brodequin, mais bien de quelle sorte, dans les récits d'Homère, se constitue le plan homérique, comment s'y fait jour un beau sentiment et quelle est donc, en soi, la beauté unique d'Homère. C'est seulement à regarder ces derniers points qu'on s'aperçoit qu'il faut vénérer, dans ces vieux poèmes, le premier titre du genre humain à l'humanité.

Les personnes entichées de l'esprit évolutionniste et d'une espèce de mystagogie que l'on n'a pas encore nommée, sont prises d'une véritable angoisse de l'âme à l'idée d'un Homère restauré 63 et glorifié. « Homère barbare » est sacré 64. Elles cherchent comment une époque aussi arriérée dans l'art industriel a bien pu nous donner un modèle d'art poétique, car il leur semble que le monde va toujours à pas réguliers comme un gros de soldats prussiens. Les industries, les arts plastiques, la poésie et l'éloquence doivent, à les entendre, s'avancer simultanément et sur un même parallèle, faute de quoi l'on nie tout avancement partiel. La plus légère application aux réalités de l'histoire fera sentir la grande vanité du système. Il n'y a que ces progressistes et les sots pour croire au développement synchronique de l'art. Comparez le pinceau brillant, mais toujours contraint, du vieux Giotto, aux libres paroles de Dante, dont il est le contemporain ; vous sentirez peut-être comment Homère a pu paraître parmi des ouvriers ignorants, des céramistes grossiers et des statuaires trop simplificateurs.

Ce doux Homère incorporé de force à la barbarie mycénienne ne fournissait pas le dernier de mes griefs contre les salles de Schliemann. Le soir même de mon arrivée en Attique, le grand théâtre d'Athènes avait annoncé une représentation d'Antigone jouée par des étudiants et des institutrices sous la conduite du savant professeur Mitriotis. C'est là qu'eut lieu mon premier différend 65 avec Mycènes. Dès le rideau, la sensation en fut violente ; cette scène où l'original de Sophocle allait retentir montrait au fond de son décor, devant le portique royal, toute une colonnade de l'ordre détesté… Au lieu de ce style dorique, noble, fort, dont la base, conformément à la nature et à la raison, fournit un support spacieux, on mettait sous mes yeux des accouplements de colonnes plus resserrées au stylobate qu'à l'échine, suivant une mode d’Égypte ou d'Assyrie qui fut imitée à Mycènes ; l'inverse parfait du dorique, puisque la pointe en semble enfoncée dans le sol. Que l'histoire du théâtre ou que le milieu légendaire de la fable thébaine justifiât cette ordonnance, je me gardai, comme d'une insulte à Sophocle, d'en faire le moindre examen ; mais je me retirai en maudissant l'archéologie, et Schliemann, et Mycènes, l'invention de bases plus étroites que les sommets, et le manque de goût familier aux cuistres, mais au surplus persuadé que la représentation n'aurait jamais lieu ou que la pièce n'irait point jusqu'à la scène 66, aucun vers du poète de la logique naturelle ne pouvant se résoudre à sonner sous des colonnades insérées sens dessus dessous !

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IX

L'époque mycénienne comprend trois siècles à tout le moins. Mais, en y rapportant les objets découverts parmi les cendres de Théra, il faut admettre un laps de près de huit cents ans durant lesquels les arts plastiques purent croître et décroître, fleurir, mûrir et décliner à plus d'une reprise. Non seulement les Achéens originels durent procéder, comme toutes les races, par tâtonnements, par retours, s'instruisant à l'expérience et parfois oubliant ce qu'ils en apprenaient ; mais de plus, n'étant pas formés en corps de nation et, malgré la voie de la mer, leurs communications étant difficiles 67, le degré d'expérience et d'habileté dut varier aussi 68, des campagnes de l'Ionie à celle du Péloponnèse et aux roches volcaniques de l'Archipel.

Cependant ces Grecs nouveau-nés, ces Grecs barbares ou sauvages, pleins de réminiscence asiatique et égyptienne, ces Grecs qui sont parfois dénués de figure grecque ne prêtent pas toujours à sourire ; tous leurs travaux ne m'ont pas fait songer aux antiquités du Guatemala. Leurs monstres, leurs poupées, leurs bonshommes de terre crue dont quelques-uns rappellent, au premier abord, des œuvres d'art qu'on peut admirer dans nos foires, il les faut regarder de près. Un détail de la ligne, un trait de l'imagination, une particularité du travail étonnent et retiennent par la révélation de l'exquis 69. On reconnaît alors le pouce ingénieux, l'ongle habile du peuple qui sera quelque jour le meilleur ouvrier de la terre ; on s'explique déjà 70 qu'il doive 71 devenir le plus intelligent et le plus subtil raisonneur, et c'est à peine si l'on ose poser le vieux problème : les ouvriers mycéniens furent-ils 72 des Grecs ?

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La chasse au lion incrustée sur un poignard du quatrième tombeau ouvert à Mycènes est d'un mouvement admirable ; la tête du taureau étoilé d'argent et d'or, trouvée au même endroit par Schliemann, est presque belle ; on ne peut en nier le grand caractère. Et, si les masques sont hideux, regardez les taureaux sauvages et les taureaux domptés qui décorent les vases de Vaphio. Pour la justesse, pour un air de grâce et de naissante liberté, pour le rayon de vie animant la forme robuste, de telles œuvres souffrent aisément la comparaison avec tous les meilleurs essais que tenta bien plus tard, au commencement du VIe siècle, l'école d'Égine. Si les vases de Vaphio sont de la fin de l'ère mycénienne, on incline à penser que sans l'invasion des Doriens, la belle saison de l'art grec se serait produite trois ou quatre siècles plus tôt.

M. Maxime Collignon 73 ne croit pas que cette invasion ait tué brusquement la civilisation de Mycènes ; elle en aurait plutôt ralenti, appauvri et enfin tari la sève natale. Les indigènes émigrèrent ; ils coururent les îles, se fixèrent çà et là dans l'Asie mineure, dont ils colonisèrent différents points où la race grecque n'était pas encore installée. Bien des acquisitions se perdirent dans ce voyage. Il fallut construire des villes, commencer de nouvelles mœurs, faire face à des besoins qu'on ne connaissait pas. D'autre part, dans la Grèce propre, les Doriens, en véritables barbares venus du Nord, durent prendre le temps de se polir sous un ciel plus clair et plus doux au commerce des autochtones. Cela tint quelques siècles jusqu'à la naissance d'Homère.

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X

Passons vite. Ces âges n'intéressent que l'historien 74. Ce que nous cherchons dans la Grèce, c'est ce qui lui donne son rang sur le monde antique et moderne, ce par quoi elle se distingue de tout le reste, ce qui fait qu'elle est elle et non la barbarie. C'est l'âge de la grécité proprement dite, de l'hellénisme pur qui dura deux ou trois cents ans 75 environ pour la statuaire. On en reconnaît le début au VIe siècle, lorsque en Attique et dans les îles, l'art se transforme, s'assouplit et se délivre des rigides modèles venus d'Orient. Appuyés sur la tradition toujours embellie et accrue, fiers de leur force, les artistes recherchent alors dans la nature des modèles à surpasser. La période, si elle fut exquise, fut courte ; mais tout homme est forcé d'y lever 76 les yeux quand il se soucie de son ordre intellectuel.

Épuisée de guerres intérieures, la Grèce éteint sa flamme quand l'Asie d'Alexandre communique à ses conquérants, non le type d'un nouvel art, mais un état d'inquiétude, de fièvre et de mollesse qu'entretinrent les religions de l'Orient. Adonis et Mithra décomposèrent les premiers le monde ancien 77. Qu'on ne croie pas que les artistes grecs aient hellénisé ces conceptions ennemies ; ils n'y réussirent jamais 78. Mais ils furent certainement barbarisés par elles.

Alors 79, cette lumière de l'imagination et de la pensée qui ne dessèche ni la passion ni la verve, mais commande à l'une et à l'autre en leur imprimant une immortelle vivacité, ce caractère de raison et de puissance qui est le propre de la Grèce, disparaissent ou s'atténuent dans les œuvres des Grecs, et, ces œuvres n'étant plus grecques qu'à demi, on peut les négliger comme on le fait des copies comparées à l'original.

XI

Autant que ces copies tardives, les premières ébauches s'effacent devant les chefs-d'œuvre. Mais 80, le fait de vivre à Athènes m'avait rendu aussi injuste 81 pour les sculpteurs d'Égine que je l'avais été pour les potiers et les forgerons mycéniens.

On a trouvé en 1886 dans les substructions de l'Acropole quatorze statues d'un beau marbre, brillant et colorié. Elles furent placées debout dans une salle du musée supérieur 82. J'avais coutume de franchir presque en courant la salle des quatorze prêtresses de Minerve. Leurs yeux bridés, comme dans les visages mongoliques, leurs narines, leur front bizarre, enfin cet étrange sourire, nommé éginétique sans doute parce que les statuaires d'Égine furent les premiers à l'effacer de leurs œuvres 83, ce sourire uniforme et indéfini, sur des joues reluisantes comme l'ivoire me causaient une espèce de chagrin qui me faisait fuir. N'écrivis-je dix fois le brouillon d'une lettre à l'éphore général des antiquités sur le tort que faisaient selon moi à tant de chefs-d'œuvre les idoles d'une Athènes encore impolie !

Les quatorze prêtresses me courrouçaient par leur toilette 84. Il m'était impossible d'y reprendre ni la fine élégance, ni cette habileté souveraine dont l'ouvrier en avait désigné le plus léger pli. Le vêtement tourne et palpite avec une lente mollesse et, dans les chevelures 85, la perfection minutieuse du travail semble le disputer à la complication et à la subtile richesse des coiffures bien copiées.

— Mais quoi ! m'écriais-je, toujours courant, l'Athènes des Pisistratides, cette Athènes qui vit une première édition critique d'Homère, fut donc une ville sans goût ? Les dames y allaient, chargées d'ornements ridicules ? Elles n'entendaient rien au précepte de Fénelon, qui veut de chastes draperies, appliquées sur des formes pures, comme il semble qu'on en ait vu à l'époque de Phidias ? Combien tout ce luxe est fâcheux !

J'égalais ce faux luxe à celui d'un débris mycénien sur lequel on peut distinguer que les épouses déplorables des morts que Schliemann déterra, portaient, quinze grands siècles avant Notre-Seigneur, trois rangs de volants à leur jupe.

Puis, considérant l'œil bridé des quatorze prêtresses du premier Parthénon :

— Hélas ! disais-je, qui m'ôtera de là ces Chinoises !

À plus forte raison, considérais-je sans faveur, tant sur l'Acropole qu'au musée national, ces pierres liturgiques à peine dégrossies qu'on est convenu d'appeler des xoana. Le véritable xoanon, sorte d'idole primitive, fut taillé dans le bois, comme l'étymologie en témoigne. Nos xoana de pierre ne ressemblent point mal à la silhouette de quelque lourde contrebasse. Elles étaient informes. Peu à peu, si l'on veut accepter les idées qui sont encore reçues à cet égard, après mille hésitations de l'ouvrier, une tête apparut dans le corps 86 ; les bras, les jambes se marquèrent, sans trop se séparer ni s'éloigner du tronc. Un équarrissage grossier acheva l'apparence humaine. M. Homolle a trouvé à Naxos l'une de ces ébauches. Plus tard et, peut-être sur des modèles égyptiens, ces figures rigides esquissèrent un mouvement ; dès lors, malgré l'enfance extrême ou l'absence de l'art, on les prit pour de mystérieux animaux dont le populaire fit grand cas 87. Quand le crétois Dédale eut rapporté d'Égypte ces premières formes en marche, le Grec, encore naïf, déjà malicieux, inventa de les attacher le soir, dans la crainte qu'elles ne prissent la fuite pendant la nuit. Ainsi du moins parlent les théoriciens de l'histoire des arts en Grèce. S'ils ne se trompent pas, il faut que l'invasion dorienne ait plongé les gens du pays dans l'état de stupidité.

Ce jeune peuple grec n'avait cependant point perdu, dans cette nuit profonde, ses qualités d'observation. Il ajouta au mouvement des figures égyptiennes la science du modelé. Il fit bomber et se creuser comme la paroi d'un beau vase, comme la quille d'un vaisseau, la fleur de la poitrine humaine touchée d'un ciseau complaisant 88. Lorsqu'il eut remplacé la pierre par le marbre, ce qu'il réussit de meilleur et le plus vite, fut peut-être cette poitrine. Je me souviens d'une figure d'homme, un Apollon peut-être, ou une dédicace à Apollon, qui est au musée de la rue de Patissia. L'objet est presque affreux, dans son ensemble 89, épaules trop carrées, bras anguleux, visage à l'état d'ébauche fumeuse ; mais, de la naissance du cou, une série de plans légers, exécutés avec une attention, un art, un goût charmants, avec une précision voisine de la science, fait couler le regard jusqu'à la naissance des seins. L'ouvrage n'est pas beau. Mais c'est un précurseur, un divin messager de la beauté, qui est prochaine 90.

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XII

Ainsi les salles archaïques du musée de Patissia me développaient clairement, trop clairement peut-être pour que l'histoire véritable y eût son compte, les transitions du type amorphe jusqu'au type déterminé et pur. Mais, je vous prie, dans le musée de l'Acropole, quelle transition imaginer seulement entre la salle VI et la salle VII ?

On rencontre dans la première ces quatorze dames mongoles chargées d'ornements inutiles, couvertes de cadenettes et de bijoux, qu'il me plairait de prendre pour les poupées persanes ou médiques, chargées des rôles d'Atossa et de ses compagnes dans le poème d'Eschyle 91. Or, la salle suivante s'illumine d'une des merveilles de l'atticisme.

Quel est le rapport nécessaire de ceci à cela ? On me dit bien qu'à l'élégance des poupées primitives s'est ajouté le grave accent des œuvres que façonnaient, à la même époque, Argos et Sicyone ; mais, outre que la combinaison n'est pas sûre, que les intermédiaires invoqués prêtent au doute, le fait même d'une combinaison pareille est à lui seul bien merveilleux. Oui, le miracle est là ; l'explication offerte, si on l'admet, n'explique rien. Je suis presque tenté de voir ici ce que l'on nomme, chez mes amis les philosophes, un commencement absolu. Dès ce bel ouvrage de marbre, tête d'éphèbe pensif et même un peu sombre, l'homme ouvrit un cycle nouveau. Je serais tenté de dire qu'il a créé.

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Comment vous décrire ceci ? En copiant mon catalogue ? « 689. Tête archaïque de jeune homme découverte en 1887, à l'est du musée, à la place où est bâti le petit musée. Elle se classe parmi les meilleures têtes archaïques d'hommes conservées jusqu'à nous, et ressemble par la disposition de la chevelure à la statue du Musée national, no 45, connue sous le nom d'Apollon sur l'omphalos. » Ainsi s'exprime M. Cavvadias. M. Maxime Collignon analyse davantage. Il relève au grain de ce marbre les traces d'une couleur restée fraîche, jaune d'ocre dans les cheveux, rouge aux lèvres, jaune encore au globe des yeux, brun au bord des paupières. Mais tout cela est secondaire. Le même auteur décrit avec soin la coiffure qui est étrange pour une tête virile, il nous apprend qu'elle se nommait crobylos92. Je préfère à ce renseignement, d'ailleurs profitable, la suite du discours de M. Collignon :

Quant au type du visage, quel progrès n'accuse-t-il pas sur celui des têtes précédentes ! Plus de sourire conventionnel, plus de saillie exagérée des yeux. Les traits réguliers et purs, le nez droit, la bouche sévère avec la lèvre inférieure un peu saillante composent un visage juvénile dont le charme grave nous repose de l'éternel sourire des figures archaïques.

Cela est très bien dit. Cela me donne envie de revoir ce visage gracieux et fort. Mais il est incroyable à quel point la mémoire, fidèle gardienne des sentiments et des pensées, est quelquefois rebelle à nous rendre précisément le trait d'un visage, même adoré. J'ai heureusement devant moi la photographie du chef-d'œuvre donnée par un Athénien 93. On en pardonnera l'humble aveu, rien ne vaut une bonne photographie pour rendre au juste l'impression des originaux de marbre. Présentée au rayon du jour, la feuille diaphane en devient toute lumineuse et l'on voit y filtrer, sous le trait ferme des figures, cette clarté blanche et brillante qui anime le doux paros 94.

Même effet, ce soir où j'écris à la lumière de ma lampe. Le jeune homme songeur, qui dut naître bien des années avant que parût Phidias, ce contemporain de la fin du VIe siècle ou des premières années du Ve ressuscite au pâle rayon. Il s'éveille, nous entendrons 95 quelles pensées doivent rouler dans cette forme. Elles seront énergiques et éloquentes. Cet éphèbe n'est point un amant occupé de nourrir son chagrin, ni un politique mûrissant son projet, ni même un sophiste, un rhéteur ou un philosophe mathématique. On songe à l'Érasme d'Holbein, avec la pureté, la noblesse, la sainteté, qu'on ne trouve pas dans l'Érasme. En même temps que s'infléchit ce beau front sous la courbe et sous le poids sacré du plus magnifique cerveau 96, l'oreille, presque aussi écartée que celle d'un faune, se tend ; le nez respire ; l'œil pointe ; l'air du visage et l'inflexion de la tête entière semblent sonder, mesurer, calculer et évaluer, d'un juste et précis instrument ; enfin les lèvres, qui en disent le plus long 97, ces lèvres étant extrêmement rapprochées, la supérieure en retrait, et l'inférieure avancée tout au contraire, les lèvres goûtent et savourent. N'en doutons plus, nous assistons à un effort de sensibilité et d'intelligence critiques. Un politique ou un athlète qui préparent quelque mouvement effectif, un sage argumentant, un amoureux supputant les risques de son malheur montreraient moins de calme, un recueillement moins parfait. L'objet du sentiment montré ici passe nos communs intérêts. Ou je me trompe fort, ou le sérieux éphèbe se sent supérieur. Il juge la terre et le ciel.

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De là vient peut-être la curiosité qu'il me donne. Mais il retient par d'autres caractères moins incertains. Ce chef-d'œuvre de l'archaïsme athénien a de merveilleux analogues dans l'histoire de l'art. Outre certaines têtes florentines du temps de Giotto, celles-là même dont notre imagination remplit sans le vouloir les cantiques de Dante, il rappelle plus d'une tête du Moyen Âge français. Quand je l'examinai pour la première fois, j'ai soudain tressailli de la joie inquiète qui devait me venir, le soir du même jour, lorsque les vénérables murailles franques de Daphni, filles des ducs d'Athènes, se montrèrent tout à coup au-dessus des arbres. Je crus voir ma patrie au fond d'une terre étrangère.

Nulle communication historique n'existe cependant entre telles têtes gothiques et l'éphèbe de l'Acropole. Un grand souci de la nature, un exercice séculaire aux délicatesses de l'art, par là une forte maîtrise, enfin cette commune gravité de l'esprit devaient suffire à engendrer une analogie si parfaite entre les deux arts. Et plus on s'en rend compte, mieux on en est touché 98. Mais il entre dans cette émotion un regret. On se demande quelle iniquité de la fortune a permis à cet archaïsme attique de mûrir et d'atteindre au juste degré par la naissance et l'influence du plus sublime esprit humain, au lieu que ce maître désiré, nécessaire, ce Phidias indispensable, fut refusé cruellement à notre archaïsme français.

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XIII

Et voilà le plus grave des chagrins de l'Histoire ; elle institue une comparaison jalouse, elle glisse mille regrets. Cependant Phidias n'a pas été perdu pour nous, puisque sa tradition a fini par nous revenir. On ne gardait de lui qu'un nom ou des traces incertaines et inconscientes, quand la lumière de la Renaissance brilla d'abord en Italie. Seule, une âme ignorante, amie de la brutalité, se plaindra de la Renaissance. Cependant 99, les fouilles nouvelles, opérées dans la Grèce propre ont mieux marqué la vraie force de Phidias. Elle était défigurée par l'académisme, à force d'en être polie ; une fausse interprétation du génie classique avait représenté comme durci et raidi 100 par la mort ce qui est au contraire une fleur de vie essentielle, ne tirant son auguste apparence immobile que de la perfection, de l'abondance et de la vigueur de son mouvement. Phidias et les siens ont poursuivi les traits purs et fixes de l'homme à travers les aspects les plus chancelants de la vie 101.

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Tant de découvertes abondent, depuis cent ans, dans toutes les parties du monde qui fut aux hellènes, qu'il est devenu difficile d'admettre sans explication ce qu'enseigna l'ancienne philosophie de l'art sur l'essence du génie grec et sur la figure du beau ; mais, à la réflexion, on trouve plus absurde encore de borner, comme le voudraient quelques modernes, l'examen des chefs-d'œuvre de l'époque ou de l'école de Phidias à un commentaire historique. Indépendamment de leur immense influence, il faut bien leur reconnaître un autre mérite qu'aux chefs-d'œuvre des autres milieux et des autres temps. Le soin même que l'on a pris (Taine dans sa Philosophie de l'art, M. Boutmy dans sa Philosophie de l'architecture en Grèce) de courber ces ouvrages aux règles du commun 102 n'a servi qu'à faire sentir qu'ils ne s'y courbent point et pour quelle raison.

J'ai relu comme tout le monde l'ouvrage de M. Boutmy, publié avec une intéressante préface sous ce titre nouveau, Le Parthénon et le génie grec. C'est un beau livre, si lucide qu'il est impossible de le lire une fois sans en distinguer le vice fondamental. M. Boutmy s'efforce avec ingéniosité de rattacher l'œuvre des architectes et des sculpteurs du Parthénon au genre d'imagination, au tour d'esprit, au goût d'hommes d'un certain groupe, vivant à un certain moment dans un certain endroit. Il est vrai qu'il y réussit. Ce qu'il affirme est juste. Par sa structure 103 comme par son ornement, dans son architecture comme dans sa décoration, le Parthénon est chose essentiellement athénienne. M. Boutmy, sur cet article, aura gain de cause. Il a raison. Où il se trompe, c'est quand il tend à nier (lisons bien ses dernières pages) que cet édifice athénien soit aussi l'expression parfaite d'une pensée humaine supérieure aux variations de l'histoire et de la nature. Il se trompe, et il a rassemblé les matériaux les plus propres 104 à faire éclater son erreur ; il s'est lui-même réfuté au chapitre admirable où, définissant l'athénien, il établit que, justement, le signe distinctif de l'homme d'Athènes était de posséder, à un degré de force unique, ce par quoi les hommes sont hommes, la raison.

« Ce peuple d'hommes d'élite », comme Lamartine nomma les Athéniens, eut ceci de particulier : il prit plaisir à imaginer les relations stables, permanentes, essentielles. L'esprit philosophique, la promptitude à concevoir l'Universel pénétrait tous ses arts, principalement la sculpture, la poésie, l'architecture et l'éloquence. Dès qu'il cédait à ce penchant, il se mettait en communion perpétuelle avec le genre humain 105. À la bonne époque classique, le caractère dominant de tout l'art grec, c'est seulement l'intellectualité ou l'humanité. Les merveilles qui ont mûri sur l'Acropole sont par là devenues propriété, modèle et aliment communs ; le classique, l'attique est plus universel à proportion qu'il est plus sévèrement athénien, athénien d'une époque et d'un goût mieux purgés de toute influence étrangère. Au bel instant où elle n'a été qu'elle-même, l'Attique fut le genre humain.

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XIV

Ces réflexions suffisent à justifier le principe des humanistes de la Renaissance dont elles excusent jusqu'aux abus et aux erreurs. Elles fournissent le moyen de refaire une hiérarchie dans les arts selon le degré d'humanité des ouvrages que l'on compare. Ce degré, reste à le sentir. Reste à avoir bon goût. Il n'est pas impossible, si l'on en a quelque semence, de le perfectionner. Il suffit de se mettre en présence des belles choses en les laissant venir à soi.

Aucune action n'est plus réelle. On se sent modelé par la beauté vivante, comme repris et retouché par le regard d'une amie délicate et fière. Hors de cette nature exquise, de cette sainte tradition, tout est faible, chétif et secrètement vicié. Je tourne à la hâte les pages des notes que j'ai prises dans les petites salles fraîches de ce musée de l'Acropole où l'on a placé les restes de la frise du Parthénon. Ce sont des pages qui me regardent au fond de l'âme.

Vers les plus beaux de ces fragments, les trois Divinités assises, ou les Jeunes gens aux taureaux, combien de vœux et de prières ! mais, en retour, tombant jusqu'à moi de si haut, quelle confirmation, quel conseil de volonté, de force et de vie ! La Victoire sans tête, sans ailes, et qui vole plutôt qu'elle ne court tout en renouant sa sandale, cette jeune déesse emporte sur les ondes de son vêtement déployé les plus grandes leçons de style, c'est-à-dire de mesure et d'enthousiasme. Le cœur ne sait que préférer 106 de la vitesse impétueuse ou de la grâce naturelle, magnifiquement accordées.

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XV

À l'Acropole, il n'y a guère que des ouvrages archaïques ou semi-archaïques, et des chefs-d'œuvre purs. Rue de Patissia, le musée central, extrêmement varié, permet au visiteur des comparaisons instructives. Après le laid des mycéniens et des primitifs, on peut voir le laid des auteurs de la décadence.

Je ne les voyais presque pas ; tous mes après-midi coulaient de préférence devant cette œuvre d'une pieuse volupté, le bas-relief de Cérès, de Proserpine et de Triptolème trouvé à Éleusis, ou devant les fragments rapportés d'Épidaure, deux torses d'Esculape assis d'un aspect si majestueux que mon ignorance prit d'abord ce fils d'Apollon pour l'auguste enfant de Saturne. Je visitais aussi la Néréide équestre et cette Amazone tronquée de la tête et de tous les membres, qui, enlevant un cheval 107 non moins mutilé, par la puissance de l'allure et finesse des formes, enivre à jamais le regard.

Je traînais avec une complaisance presque éternelle dans la petite abside où de pauvres têtes, brisées, hachées et martelées laissent, sous un angle, entrevoir la majesté d'un dieu ou le rire d'une déesse. Le svelte Hermès d'Andros, le bas-relief de Mantinée, qui supportait un ouvrage de Praxitèle et qui lui-même reste, ne serait-ce que pour la draperie des Trois Muses, une délicieuse merveille, le joli groupe (exécuté d'après Céphisodote) de Plutus riant à sa mère, la douce Paix, mille choses parfaites me tenaient ainsi prisonnier.

Je traversais les salles de l'art hellénistique, alexandrin ou gréco-romain pour courir aux stèles funèbres qui prolongeaient mes rêveries du Céramique ; à la collection infinie des lampes, des vases, des lécythes ; à ces Tanagrines charmantes qui serviraient à faire entendre, si on l'oubliait, ce qu'il peut tenir de grandeur en un petit poème. De toute façon, les galeries de sculpture postérieure à l'atticisme ne me servaient que de vestibule.

Cependant, un jour, une envie me pressa de voir en détail comment se corrompirent, chez un peuple si bien doué, le génie et l'intelligence des arts, et ma pensée osa fixer ce qu'elle avait fui jusque-là. Je vis paraître presque sans transition, après les nobles caractères qui m'étaient devenus chers, les hideuses têtes syriennes du type de Lucius Vérus, puis les chefs lourds et massifs du rustre latin… Une sorte d'athlète, d'un travail curieux et violent, tendait sa musculature prétentieuse ; des éphèbes aux bras arrondis, des Aphrodites tremblotantes et flexibles comme des joncs ; des vérités trop ressemblantes ou des faussetés trop menteuses ; un air de dissolution et de contrainte tout à la fois. Épicure et Zénon confrontés et quelquefois entrechoqués dans le même marbre ; de ci de là, quelques efforts heureux, qui me remettaient en mémoire que le premier déclin de la statuaire hellénique fut sublime après tout, puisque notre Vénus du Louvre y a brillé, dit-on… Et toujours je ne sais quel air inachevé, ou d'achèvement trop sensible, l'absence ou l'incertitude des traditions et l'oubli de la liberté ! Mais les qualités les plus rares, jetées à profusion et comme au pillage.

« Il y a dans l'art un point de perfection comme de bonté et de maturité dans la nature 108… »

Le beau fruit grec en déhiscence me confessait encore le mystère de son destin. Il me faisait comprendre la signification du point mystérieux, maximum de vigueur et de densité, qui domine et qui enveloppe le reste 109 ; ce qui semble au-dessus, ce qui semble au delà n'est étendu ni accru que de vide pur. L'énorme et le géant ne sont aimés que de la foule 110 ; leur boursouflure se dégonfle et, en se dégonflant, publie que les grandeurs sont tenues en abrégé dans la perfection. Celle-ci sera l'élément auquel se rapporter. C'est sur lui qu'il faut régler tout.

Seul, un buste au milieu de cette galerie lugubre manqua de me faire sourire. Il représentait un pauvre homme d'empereur, le vieil Hadrien, épanoui dans son atticisme d'école. Je le jugeai fort à sa place, et le saluai en rêvant. Hélas ! tout compte fait, le monde romain s'acquitta mal auprès de la Grèce. À quoi pensaient-ils donc, ces administrateurs modèles, qui ne sauvèrent pas 111 leur éducatrice des pièges que lui ouvraient son intelligence et son ouverture d'esprit ? Ce furent de mauvais tuteurs. Non seulement ils ne surent point la guérir des lèpres sémites 112, mais, tout le mal qu'Alexandrie n'avait pu faire au monde grec, Rome, on peut le dire, le fit. Il est vrai que Rome, à son tour, périt du même mal, en entraînant son lot d'hellénisme et d'humanité 113.

Athènes antique 26

XVI

Je transcrirai mon impression finale ; elle fut la plus forte de la journée. Je l'éprouvai dans un recoin, à droite d'une porte, devant le buste d'un homme jeune encore, à la barbe longue terminée en boucles épaisses, au nez fin, aux joues creuses, les pommettes délicatement aiguisées, les orbites proéminentes et comme usées par le souci. Une ossature mince soutenait ce visage fiévreux, d'un caractère inquiet et souffrant. Joignez, autant qu'il me souvient, de grands cheveux roulant à flots sur les épaules, comme pour souligner, dramatiser, outrer un masque de douleur dont tous les traits finissaient en pointes subtiles. J'ouvris le catalogue de M. Cavvadias. Je ne fus pas surpris d'y lire :

419. Buste de jeune homme barbu trouvé au théâtre de Bacchus à Athènes. L'expression et les traits du visage nous rappellent l'image de Jésus-Christ. Art très intéressant.

Non, je n'eus aucune surprise. Je sentis pourtant le besoin de courir au grand air pour dissiper le trouble où me jetait ce brusque retour du nouveau monde et du Nazaréen par qui tout l'ancien s'écroula. C'était le dernier jour d'avril et l'un des premiers du véritable printemps. Jusqu'au soir, je courus les monceaux de ruines informes, répandus en des terrains vagues entre la rue d'Hermès et la pente septentrionale de l'Acropole. Dans l'enclos déserté de l'ancien gymnase de Diogène, où quelques moutons paissaient l'herbe, je me couchai au sol et regardai sans dire ni penser rien, la nuit qui approchait. Il me semblait qu'ainsi, sous la croix de ce dieu souffrant, la nuit s'était répandue sur l'âge moderne. Mais les nuits de l'Attique ne sont jamais tout à fait sombres. Je fis un mouvement. La fluide clarté que développaient les étoiles me désigna avec insistance et autorité, sur un morceau de marbre pâle, ce mot, inscrit en lettres majuscules, ΧΟΡΟΣ.

Choros veut dire danse. Une danse est un mouvement concerté et réglé qui laisse dans l'esprit de belles figures. Ces lettres assemblées me gonflèrent le cœur d'espérance mystérieuse. Elles me firent voir des générations de morts ressuscités, de dégénérés refleuris. De la terre aux étoiles, tout passe, tout revient, tout est lié en chœur. Des circuits infinis correspondent à tous les vœux. Un chrétien s'afflige, l'impie ! Mais il n'est rien qui ne soulève la volonté tendue d'une esprit préparé et fort.

J'étais entré au gymnase de Diogène, pleurant la mort de Phidias et la décadence du monde ; mais le beau mot répété dans l'onde brillante, ΧΟΡΟΣ, ΧΟΡΟΣ, dévora tout ce qui n'était plus digne de Phidias. L'idée du chœur universel m'ayant éclairci la pensée, je repris passage sur le vaisseau qui me ramena chez les miens, apportant dans mes mains vides plus de trésors que n'en avait Ulysse quand il regagna sa patrie.

Charles Maurras
  1. Cette dédicace figure dans l'édition originale d'Anthinéa recueil où ce texte est repris (1901), puis dans celle de 1912, et disparaît ensuite. Il ne peut s'agir du musicien Alexandre Desrousseaux, auteur du célèbre Petit Quinquin, puisque celui-ci est mort en 1892. Force nous est alors d'admettre que Maurras a dédié son texte à Alexandre-Marie Desrousseaux, fils du précédent, qui avant de devenir sous le nom de Bracke-Desrousseaux, ou Bracke tout court, un militant socialiste très anticlérical et farouchement marxiste, fut un helléniste réputé que le jeune Maurras côtoya à plusieurs reprises (voir à ce sujet le texte de la préface que Maurras donna en 1927 à l'ouvrage de Maurice Coulon consacré à Raoul Ponchon). On comprend mieux alors pourquoi la dédicace ne figure plus dans les éditions postérieures d'Anthinéa ; Bracke est devenu entre temps pour Maurras un adversaire politique acharné. Les deux polémistes de L'Action française et de L'Humanité se rendaient coup pour coup. (n. d. é.) [Retour]

  2. Dès l'édition de 1912, cette première phrase sera raccourcie en « Un poète français m'avait dit en riant, le jour de mon départ ».

    Nous nous sommes efforcés de présenter de la manière la plus simple possible les évolutions entre le texte de 1901 et les versions tardives.

    Dans l'introduction (chapitres I et II), où les différences sont parfois sensibles, nous avons conservé l'expression la plus étoffée, et repris la variante en note. Dans le reste du texte (chapitres III à XV), les corrections ne touchent, presque toutes, qu'au style et nous avons privilégié la version retouchée, renvoyant en note à chaque fois le texte de 1901. Enfin, pour le chapitre XVI, qui a été entièrement supprimé à partir de l'édition Crès de 1922, nous avons repris le texte de 1901.

    Comme pour les autres livres d'Anthinéa précédemment publiés par nos soins, nous avons repris les illustrations de Renefer datant d'une édition de luxe de 1927. (n. d. é.) [Retour]

  3. Dans l'édition de 1912 et les suivantes : « l'essence claire de leur accord ». (n. d. é.) [Retour]

  4. Dans l'édition de 1901 : « j'écrivais à Paris : — Départ demain. Je prends le bateau ». (n. d. é.) [Retour]

  5. Dans l'édition de 1901 : « Mais soudain, le cœur me manqua ». (n. d. é.) [Retour]

  6. Dans l'édition de 1912 et les suivantes : « J'avais trop à revoir, car le premier tour ». (n. d. é.) [Retour]

  7. « Excellent », « meilleur », en particulier au sens moral. (n. d. é.) [Retour]

  8. Dans l'édition de 1912 et les suivantes : « Je lui fis connaître le Céramique ». Maurras reviendra longuement en 1928 dans Corps glorieux ou Vertu de la Perfection sur ses visites de 1896 dans ce lieu qui n'était alors qu'une petite nécropole. (n. d. é.) [Retour]

  9. Dans l'édition de 1901, le paragraphe se termine ici, par un point d'exclamation. (n. d. é.) [Retour]

  10. Dans l'édition de 1901, « des cailloux et des bûches ». (n. d. é.) [Retour]

  11. Dans l'édition de 1901, « je sentais alors les choses faire en silence leur ouvrage ». En conséquence, à la phrase suivante : « Je les priais (…) à leur soin. ». (n. d. é.) [Retour]

  12. Dans l'édition de 1901 : « que je devinsse animé de la même vie qu'un de ses marbres ». (n. d. é.) [Retour]

  13. Le marbre de la montagne du même nom, au nord-est d'Athènes. (n. d. é.) [Retour]

  14. Il s'agit de Jean d'Agrève, ouvrage de Marie-Eugène Melchior de Vogüé (1848–1910), paru en 1898. Maurras reparlera de ce personnage plus loin dans Anthinéa, au chapitre Figures de Corse. (n. d. é.) [Retour]

  15. Maurras parle des caryatides de l'Érechthéion, livrant une des interprétations possibles quant aux personnages représentés. Maurras écrit Érechtée, Errhéphores et cariatides, nous rétablissons les orthographes maintenant usuelles. Les Arréphores étaient quatre fillettes qui avaient pour tâche de préparer les péplos utilisés lors des processions panathénaïques. (n. d. é.) [Retour]

  16. Dans l'édition de 1901 : « Les extases de son ami plongèrent M. de Vogüé dans un étonnement profond. Pourquoi ? Les six caryatides, quoique traitées en héroïnes, sont des femmes. » (n. d. é.) [Retour]

  17. Dans l'édition de 1901 : « Soit que la jeune athénienne lui rappelât la plus belle de ses amies ou lui montrât le type même de sa chimère, l'acte du compagnon de M. de Vogüé s'explique et se défend par mille raisons naturelles. Je crains bien que nulle excuse de ce genre ne soit trouvée en ma faveur quand on saura comment, sur le même Acropole, je me livrai au même excès devant une simple colonne. » (n. d. é.) [Retour]

  18. Dans l'édition de 1901 : « Je ne suis pas monté tout de suite sur l'Acropole. Cependant j'y étais accouru dès le premier soir. » (n. d. é.) [Retour]

  19. Dans l'édition de 1901 : « en suspens ». (n. d. é.) [Retour]

  20. Dans l'édition de 1901 : « Mais, du côté opposé, vers le sud-ouest ». (n. d. é.) [Retour]

  21. Cicéron, Brutus, VII. (n. d. é.) [Retour]

  22. Dans l'édition de 1901 : « Cette précision fit le mystère de leur lumière ». (n. d. é.) [Retour]

  23. La porte fortifiée, d'époque romaine, qui donne accès aux Propylées. (n. d. é.) [Retour]

  24. Dans l'édition de 1901 : « de grands aloès ». Voir la note 8 de notre édition des Trente Beautés de Martigues. (n. d. é.) [Retour]

  25. Dans l'édition de 1901 : « que reprend ». (n. d. é.) [Retour]

  26. Lucien de Samosate, philosophe et écrivain en langue grecque du second siècle de notre ère. (n. d. é.) [Retour]

  27. Dans l'édition de 1901 : « Tout. Car il avait tout. Je me demande, en vérité, ce qui lui put manquer avant d'avoir été meurtri et du temps qu'il jouissait de sa forme intacte. » (n. d. é.) [Retour]

  28. Dans l'édition de 1901 : « d'être belles, il élève, comme un peuplier ». (n. d. é.) [Retour]

  29. Dans l'édition de 1901 : « la main industrieuse, le pouvoir ordonné ». (n. d. é.) [Retour]

  30. Dans l'édition de 1901 : « buissons s'étendait, par terrasses inégales, devant le temple et m'en séparait ». (n. d. é.) [Retour]

  31. Dans l'édition de 1901 : « figurait ». (n. d. é.) [Retour]

  32. Dans l'édition de 1901 : « bétail ». (n. d. é.) [Retour]

  33. Dans l'édition de 1901 : « Après examen, l'on retrouve ». (n. d. é.) [Retour]

  34. Dans l'édition de 1901 : « L'effet de la mutilation a été de mettre tout d'abord à nu la vigueur. » (n. d. é.) [Retour]

  35. Maurras fait certainement allusion ici à Tolstoï et à Ibsen, ainsi peut-être qu'aux Skoptzy russes. (n. d. é.) [Retour]

  36. Dans l'édition de 1901 : « marquée ». (n. d. é.) [Retour]

  37. Dans l'édition de 1901 : « le christianisme ». La correction est d'importance. (n. d. é.) [Retour]

  38. Groupement d'ouvrages d'Aristote sur la logique. (n. d. é.) [Retour]

  39. La Prière sur l'Acropole date de 1865 alors que Saint Paul est de 1869. (n. d. é.) [Retour]

  40. La cella est la chambre intérieure d'un temple, qui renferme la statue de la divinité. (n. d. é.) [Retour]

  41. Au sens ancien de procession, suite de personnes. (n. d. é.) [Retour]

  42. Dans l'édition de 1901 : « une utilité, et elle est inutile ! » (n. d. é.) [Retour]

  43. Dans l'édition de 1901 : « de sculpture, et de sculpture antique ». (n. d. é.) [Retour]

  44. Dans l'édition de 1901 : « ses différentes impressions ». (n. d. é.) [Retour]

  45. Dans l'édition de 1901 : « Je n'y portai que peu d'attention ». (n. d. é.) [Retour]

  46. Dans l'édition de 1901 : « sans qu'on lui donnât ». (n. d. é.) [Retour]

  47. Salomon Reinach était le frère de Joseph Reinach, dont on sait le rôle dans les rangs dreyfusards. (n. d. é.) [Retour]

  48. Dans l'édition de 1901 : « Le visiteur du musée de Patissia voit d'abord le dépôt ». (n. d. é.) [Retour]

  49. Dans l'édition de 1901 : « pour sa maison et pour sa tombe ». (n. d. é.) [Retour]

  50. Dans l'édition de 1901 : « de me promener ». (n. d. é.) [Retour]

  51. Dans l'édition de 1901 : « J'oubliais quelle émotion presque religieuse inspire un passé très lointain. » (n. d. é.) [Retour]

  52. Dans l'édition de 1901 : « J'oubliais de plus que ces découvertes sont nouvelles. » (n. d. é.) [Retour]

  53. Dans l'édition de 1901 : « les sentiments ». (n. d. é.) [Retour]

  54. Dans l'édition de 1901 : « connus et classés depuis longtemps. » (n. d. é.) [Retour]

  55. Dans l'édition de 1901 : « Quel motif aurais-je eu de préférer le laid ou le moins beau et de perdre mon temps chez l'inférieur ? » (n. d. é.) [Retour]

  56. Dans l'édition de 1901 : « de l'art de Mycènes ». (n. d. é.) [Retour]

  57. Dans l'édition de 1901 : « et Argos, et les autres capitales de la florissante Achaïe ». (n. d. é.) [Retour]

  58. L'Épopée homérique. Paris, Didot. [Retour]

  59. Dans l'édition de 1901 : « quelques difficultés d'Homère ». (n. d. é.) [Retour]

  60. Dans l'édition de 1901 : « homériques ». (n. d. é.) [Retour]

  61. Dans l'édition de 1901 : « dont s'est servi Homère ». (n. d. é.) [Retour]

  62. Dans l'édition de 1901 : « la poésie d'Homère ». (n. d. é.) [Retour]

  63. Dans l'édition de 1901 : « rétabli ». (n. d. é.) [Retour]

  64. M. Anatole France fut le premier à rire de ce dogme. [Cette note et la phrase à laquelle elle se rapporte ne figure pas dans le texte de 1901. (n. d. é.)] [Retour]

  65. Dans l'édition de 1901 : « le premier heurt ». (n. d. é.) [Retour]

  66. Dans l'édition de 1901 : « jusqu'à son terme ». (n. d. é.) [Retour]

  67. Dans l'édition de 1901 : « communiquant entre eux sans beaucoup d'aisance ». (n. d. é.) [Retour]

  68. Dans l'édition de 1901 : « dut varier aussi parmi leurs ouvriers ». (n. d. é.) [Retour]

  69. Dans l'édition de 1901 : « par ce qu'on y trouve d'exquis ». (n. d. é.) [Retour]

  70. Dans l'édition de 1901 : « on s'explique même ». (n. d. é.) [Retour]

  71. Dans l'édition de 1901 : « qu'il puisse ». (n. d. é.) [Retour]

  72. Dans l'édition de 1901 : « étaient-ils ». (n. d. é.) [Retour]

  73. Histoire de la sculpture grecque, 2 volumes, chez Didot. [Retour]

  74. Dans l'édition de 1901 : « n'intéresseront que des historiens ». (n. d. é.) [Retour]

  75. Dans l'édition de 1901 : « Or cette période de grécité proprement dite et d'hellénisme pur dure deux ou trois cents ans ». (n. d. é.) [Retour]

  76. Dans l'édition de 1901 : « d'y élever ». (n. d. é.) [Retour]

  77. Dans l'édition de 1901, la phrase se termine en forme de blasphème : « le monde ancien avant que le juif ne survînt ». (n. d. é.) [Retour]

  78. Dans l'édition de 1901 : « car jamais ils n'y réussirent. » (n. d. é.) [Retour]

  79. Adverbe absent du texte de l'édition de 1901. (n. d. é.) [Retour]

  80. Dans l'édition de 1901 : « Pour ma part ». (n. d. é.) [Retour]

  81. Dans l'édition de 1901 : « me rendait presque aussi injuste ». (n. d. é.) [Retour]

  82. Dans l'édition de 1901 : « du musée de l'Acropole ». (n. d. é.) [Retour]

  83. On a voulu voir bien des choses dans le sourire éginétique. Voici ce que j'ai lu de plus satisfaisant sur l'art des Éginètes : « Un contraste constant et très frappant résulte de l'imbécillité des têtes et de la beauté des corps. Les membres, quoiqu'un peu maigres et anguleux, sont d'un grand style et d'un beau caractère ; les têtes, traitées de façon toute archaïque, sont uniformément revêtues d'un sourire idiot… » Sans dire de quel lieu ces justes paroles sont prises, surtout sans en nommer l'auteur, elles me semblent bien répondre aux imaginations développées dans Le Sourire d'Athéna de M. André Beaunier. (Note de 1912.) [Retour]

  84. Dans l'édition de 1901 :« par l'appareil de leur toilette ». (n. d. é.) [Retour]

  85. Dans l'édition de 1901 : « Tout palpite, tout vit, tout tourne avec une lente mollesse sur la poitrine et les flancs de chacune d'elles. De même, dans les chevelures ». (n. d. é.) [Retour]

  86. Dans l'édition de 1901 : « une tête se dégagea du xoanon ». (n. d. é.) [Retour]

  87. Dans l'édition de 1901 : « dès lors, elles parurent, malgré l'enfance extrême ou l'absence de l'art, de mystérieux animaux dont le populaire faisait grand cas ». (n. d. é.) [Retour]

  88. Dans l'édition de 1901 : « qu'il touchait d'une ciseau complaisant et sûr ». (n. d. é.) [Retour]

  89. Dans l'édition de 1901 : « presque horrible pour tout le reste ». (n. d. é.) [Retour]

  90. Dans l'édition de 1901 : « Mais c'est un précurseur et un divin messager de la beauté ; elle est prochaine. » (n. d. é.) [Retour]

  91. Dans l'édition de 1901 : « dans Les Perses d'Eschyle ». (n. d. é.) [Retour]

  92. Dans l'édition de 1901 figure ici une phrase supplémentaire : « Voilà qui nous fait bien savants. » (n. d. é.) [Retour]

  93. Dans l'édition de 1901 : « J'ai heureusement devant moi la reproduction du chef d'œuvre, exécutée chez Didot ; j'ai mieux peut-être, puisque j'ai la photographie de l'ouvrage, donnée par un athénien. » (n. d. é.) [Retour]

  94. Le marbre de Paros. (n. d. é.) [Retour]

  95. Dans l'édition de 1901 : « Il se réveille devant moi. Nous entendons » (n. d. é.) [Retour]

  96. Dans l'édition de 1901 : « et comme sous le poids sacré du plus magnifique des crânes ». (n. d. é.) [Retour]

  97. Dans l'édition de 1901 : « le plus expressif ». (n. d. é.) [Retour]

  98. Dans l'édition de 1901 figure une phrase supplémentaire : « L'explication accroît l'émotion. » (n. d. é.) [Retour]

  99. Dans l'édition de 1901 : « Mais ». (n. d. é.) [Retour]

  100. Dans l'édition de 1901 : « rectifié ». (n. d. é.) [Retour]

  101. Dans l'édition de 1901, cette phrase est presque tournée à l'inverse : « Phidias et les siens ont mis à nu les les traits purs et fixes de l'homme avec l'aspect le moins chancelant de sa vie. » (n. d. é.) [Retour]

  102. Dans l'édition de 1901 : « aux règles de la loi commune ». (n. d. é.) [Retour]

  103. Dans l'édition de 1901 : « Ce qu'il affirme est vrai. Évidemment, par sa structure ». (n. d. é.) [Retour]

  104. Dans l'édition de 1901 : « qui sont propres ». (n. d. é.) [Retour]

  105. Dans l'édition de 1901 : « Quand il cédait à son penchant, il était mis en communion soudaine avec le genre humain. » (n. d. é.) [Retour]

  106. Dans l'édition de 1901, le mot que est absent, sans doute une coquille du typographe. (n. d. é.) [Retour]

  107. Dans l'édition de 1901 : « sur un cheval ». (n. d. é.) [Retour]

  108. La Bruyère, Les Caractères, Des Ouvrages de l'Esprit, 10e paragraphe. (n. d. é.) [Retour]

  109. Dans l'édition de 1901 : « du point mystérieux. Dans chaque genre, il y a ce point à toucher, maximum de vigueur et de densité, d'où se domine et s'enveloppe tout le reste ». (n. d. é.) [Retour]

  110. Dans l'édition de 1901 : « que du peuple ». (n. d. é.) [Retour]

  111. Dans l'édition de 1901 : « ils ne surent sauver ». (n. d. é.) [Retour]

  112. Dans l'édition de 1901 : « de la lèpre sémite ». (n. d. é.) [Retour]

  113. Le texte des éditions postérieures à 1912 s'arrête ici, sur les mots suivants :

    Les précédentes éditions portaient à cette place un chapitre XVI qui commençait par les mots : « Je transcrirai mon impression finale… » et qui tenait une soixantaine de lignes. Je l'ai supprimé. Il m'a paru satisfaisant pour la pensée d'un certain nombre d'amis catholiques vivants ou morts et pour mon témoignage de profonde reconnaissance de sacrifier ce chapitre en mémoire de la grande âme du pape Pie X.

    (n. d. é.) [Retour]

Ce texte fait partie du recueil Anthinéa dont la première édition date de 1901. Il reprend des textes parus antérieurement dans la Gazette de France à partir de 1895. Les illustrations que nous reproduisons sont issues d'une édition de luxe d'Anthinéa en 1927, illustrée par Renefer.

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