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La Politique de Ronsard

Nous avons lu comme il convenait, avec délices, les deux chapitres de « Ronsard, poète de la France » que notre vieil ami Henri Longnon a publiés dans la Revue universelle 1. Mais pourquoi diable ne s'est-il pas résigné au plus facile des partages entre Ronsard et Malherbe, celui-ci grand poète lui aussi, moins grand que Ronsard, très grand tout de même ? Il est le poète de l'État, Ronsard celui de la Nation, de ses idées, de ses mœurs, de sa foi, de son roi.

Henri Longnon relève d'abord chez le poète de Marie et d'Hélène un don de clairvoyance et de prévoyance politique, dérivé je crois bien, de son humanisme. La culture antique lui a fortement inculqué le sens de la causalité à laquelle sont soumis tous les peuples. Longnon écrit par exemple :

S'il avait fallu l'urgence de la défense des églises et du culte pour jeter Ronsard aux camps, et celle de la défense de la paix publique pour le tirer de sa retraite studieuse, et lui faire élever la voix en faveur du corps de la France assassinée et démembrée, ce n'était cependant pas la première fois que le poète envisageait la gravité de la question religieuse et s'inquiétait du péril que les dissensions issues d'elle faisaient courir à la paix et à la patrie.

En 1560 déjà, l'Élégie à Guillaume des Autels et le Discours à Louis des Masures, le premier catholique, le second protestant, avaient témoigné de ses alarmes avec une éloquence égale à celle des Discours ou de la Remontrance.

Dans l'Élégie déjà, en particulier, la situation réciproque de l'Église et de la Réforme, l'inefficacité des mesures de répression violente à l'égard de l'hérésie, l'insuffisance surtout de la défense intellectuelle et morale du catholicisme à l'égard de la propagande protestante, lui étaient clairement apparues. Aussitôt il dressait et préconisait à son ami un plan, non plus de discussion défensive, mais de riposte offensive, sur le terrain qui était le sien, celui des lettres ; ce n'est plus par les armes, c'est PAR RAISONS, par VIVES RAISONS, qu'il faut répondre à l'adversaire. Ainsi, avait-il écrit, dès 1560, dans l'Élégie à des Autels :

Ainsi que l'ennemi par livres a séduit
Le peuple dévoyé qui faussement le suit,
Il faut, en disputant, par livres lui répondre,
Par livres l'assaillir, par livres le confondre.

« Si ne vois-je pourtant », ajoutait-il,

Si ne vois-je pourtant personne qui se pousse
Sur le haut de la brêche et l'ennemi repousse,
Qui brave nous assault ; et personne ne prend
La plume, et par écrit notre loi ne défend.

En effet, autant la propagande protestante, qui se fait par charretées bien camouflées de vifs libelles et de pamphlets allègres, signés d'esprits actifs, instruits, rompus à la dispute et mordants, était ardente, prompte, insaisissable, autant la riposte catholique était pesante, pédante ou bien molle, languissante et sans portée. Les docteurs de Sorbonne, des bêtes théologiques comme le pesant Béda et le traînant Pierre Doré, semblaient s'en être jalousement réservé le monopole. Et c'était bien peu, contre l'institution chrétienne 2, modèle de prose française claire et éloquente, qu'un traité dogmatique en latin Adversus clandestinos lutheranos ; bien moins encore, qu'un Anti-Calvin latin à opposer à cette foison de pamphlets insinuants ou satiriques, à ces Boucliers ou Bâtons de la Foi, à ces Marmites ou ces Anatomies, tous en français, qui semblaient sourdre de tous côtés. C'était à croire, vraiment, que toute vigueur intellectuelle se fût retirée de l'Église catholique.

« Las ! » disait Ronsard à Guillaume des Autels,

Las ! des Luthériens la cause est très mauvaise
Et la défendent bien ; et, par malheur fatal,
La nôtre est bonne et sainte, et la défendons mal.

On permettra à un écrivain de mon âge, témoin de tant de crises aujourd'hui révolues, de marquer qu'il en fut à peu près de même aux débuts de la révolution dreyfusienne vers 1897. Notre cause était bonne. On la défendait mal. On faisait des émeutes, non des livres, non des brochures. On laissait quelques pesants juristes disputer autour de M. Méline ou de M. Charles Dupuy, et personne (ou si peu !) ne montrait l'absurdité de la position dreyfusarde. C'est aux dreyfusiens, c'est au dreyfusianisme, c'est à l'école des Droits de l'homme qu'il faut nous attaquer, répétaient les futurs fondateurs de l'Action française. Et Barrès fut le premier, longtemps le seul, à les entendre et à les comprendre, au point d'écrire un jour (lui, l'ennemi juré de toutes les généralités abstraites) qu'il ne voyait aucune possibilité de restaurer la chose publique sans une doctrine… C'était reprendre en d'autres mots le vers de Ronsard :

… et personne ne prend
La plume, et par écrit notre loi ne défend.

Henri Longnon poursuit :

Cette défense nécessaire, il prit sur lui de l'improviser. Il fallait frapper vite et fort, attaquer l'adversaire dans ses propres lignes, et, puisqu'il multipliait les pamphlets en français, lui répondre par des pamphlets en français, que le peuple lirait comme il lisait ceux des huguenots. Il sonna le rappel de la Brigade, réveilla Baïf, réveilla Belleau, réveilla des Autels et Daurat. Et, tout le premier, il prit l'offensive. Coup sur coup, il publie donc, après l'Élégie à des Autels, les deux Discours des misères de ce temps, La Remontrance au peuple de France et, après les ripostes de l'adversaire, la Réponse aux injures et calomnies de je ne sais quels prédicants et ministres de Genève, c'est-à-dire les chefs-d'œuvre en notre langue du tocsin patriotique, de la satire politique et de l'invective raisonnée.

L'intelligence n'était donc pas tout entière du côté de la Réforme ? « L'espoir changea de camp, le combat changea d'âme » ; les catholiques intimidés reprirent confiance en soi. Ils avaient Ronsard à leur tête.

Si pressant cependant qu'ait retenti à son cœur l'appel de la Patrie, il n'en est pas moins certain que, par son entrée dans la bagarre politique, le poète compromettait délibérément sa sécurité, sa popularité et jusqu'à son légitime prestige de grand poète et de poète savant. Abnégation généreuse, s'il en fut. Mais l'idée même que, le premier en France, il avait été à se faire de la Poésie l'y prédestinait et l'y entraînait. Idée sublime du Poète et de sa mission, qu'il avait puisée dans sa formation grecque. Homère, Pindare surtout peut-être, considérés non seulement comme artistes, mais comme maîtres de « vertu », avaient été ses initiateurs.

Dans son entrée en lice, épisode hautement significatif, comme nous le verrons, de la lutte de l'Humanisme et de la Réforme, certains voudront peut-être voir un exemple historique de ce qu'ils ont appelé la « trahison des clercs 3 ». Ronsard peut mépriser leur jugement ; il a derrière lui Homère, Pindare, Virgile et toute l'Antiquité. Édifier et servir était toute la doctrine qu'il tenait de ses maîtres. Il les eût reniés et se fût renié lui-même si, de la plume qu'il leur devait, il n'eût fait une épée.

À l'apparition de la Ligue de la Patrie française, fruit des efforts de Barrès, de Spronck et des futurs fondateurs de l'Action française, Amouretti, Vaugeois, Pujo, moi-même, il devint clair que « l'intelligence n'était donc plus tout entière » du côté de la révolution.

Ronsard fut impartial envers ce qu'il y avait de juste dans la Réforme, dénonciation des abus ecclésiastiques, appel à la réforme spontanée de l'Église par l'Église… ; mais ce qui l'emporte dans ces discours, c'est un admirable accent de piété pour la terre de France :

De Bèze, je te prie, écoute ma parole…
La terre qu'aujourd'hui tu remplis toute d'armes,
Y faisant fourmiller grand nombre de gens d'armes…
De Bèze, ce n'est point une terre gothique,
Ni une région Tartare ni scythique ;
C'est celle où tu naquis, qui douce te reçut,
Alors qu'à Vézelay ta mère te conçut,
Celle qui t'a nourri et qui t'a fait apprendre
La science et les arts, dès ta jeunesse tendre.

Et plus loin :

L'autre jour en pensant que cette pauvre terre,
S'en allait, ô malheur ! la proye d'Angleterre,
Et que ses propres fils amenaient l'étranger
Qui boit les eaux du Rhin, afin de l'outrager,
M'apparut tristement l'idole de la France…
Comme une pauvre femme atteinte de la mort.

Au temps où se brassent en certains cerveaux tant de théories politiques purement spéculatives, où Hotman et Bodin écrivent l'un sa Franco-Gallia, l'autre sa République, où chez les Protestants, s'ébauche la conception de l'individualisme libéral, Ronsard, lui, garde une idée réaliste de la politique.

…Je m'ébahis des paroles subtiles
Du grand Platon, qui veut régir les villes,
Par un papier et non par action ;
C'est une belle et docte invention,
Qui toutefois ne saurait satisfaire ;
Elle est oisive, il faut venir au faire.

Une idée réaliste, particulièrement, de la constitution naturelle de la France. Il estime que, chez nous du moins, instituer une antinomie idéale, moins encore, une simple distinction pratique entre le peuple et la royauté, c'est méconnaître la tradition nationale. Bien plus, ce qui est plus grave, la nature des choses ; et qu'à vouloir y pousser, et à opposer l'un et l'autre, on court à la ruine de l'État et de la Nation. Et, là-dessus, il a un grand mot :

Peuples et Rois ne sont qu'un même corps.

Aphorisme de profond politique, image de grand poète (c'est tout un en l'occasion) qui ne veut pas seulement dire cette banalité qu'il n'y a pas plus de peuple sans roi que de roi sans peuple, mais signifie d'un trait vivant que sans un roi, une nation n'existe pas plus que n'existe un organisme humain sans une tête.

Aussi ne s'étonnera-t-on pas de l'entendre conseiller ainsi Charles IX dans une de ses Églogues :

Jamais, si tu m'en crois, ne souffre par la tête
De ton peuple ordonner tes statuts, ni tes lois ;
Le peuple variable est une étrange bête,
Qui, de son naturel, est ennemi des rois.

Comme dit Henri Longnon, Ronsard était foncièrement anti-démocrate.

À ces grandes pages s'en ajoutent d'autres qui, touchant aux mystères de la beauté et de la poésie, abordent d'autres problèmes de l'histoire dont ils rétablissent la véritable nature.

C'est une tradition à l'Action française d'avoir toujours protesté contre l'opposition routinière du Moyen Âge et de la Renaissance (le Moyen Age étant lui-même une suite de renaissances, dès les palais carolingiens) ou contre les assimilations de la Renaissance avec la Réforme qui sont, au contraire, des antagonistes évidents, malgré la rencontre des époques ou plutôt en raison de cette rencontre. Henri Longnon nous peint le prince de la Renaissance française, et son plus haut poète, bataillant à la manière de Bossuet et au nom de l'esprit classique, de l'esprit platonicien le plus pur, contre l'opinion ou le sens propre dans cette « théogonie mythologique audacieuse et saisissante » :

On dit que Jupiter, fâché contre la race
Des hommes, qui voulaient par curieuse audace
Envoyer leurs raisons jusqu'au ciel, pour savoir
Les hauts secrets divins que l'homme ne doit voir
Un jour, étant gaillard, choisit pour son amie
Dame Présomption, la voyant endormie
Au pied du mont Olympe ; et, la baisant soudain,
Conçut l'Opinion, peste du genre humain.
Cuider en fut nourrice, et fut mise à l'école
D'Orgueil, de Fantaisie et de Jeunesse Folle.

L'orgueil, la vanité, l'absence de jugement, la passion sont donc les traits essentiels de ce monstre intellectuel.

Plus loin, de forts panégyriques de la Raison rendent le même témoignage de la même liberté d'esprit… Notre ami le souligne :

Chose infiniment remarquable, cette distinction de la Science et de l'Opinion est précisément un lieu commun de la dialectique et même de la métaphysique de Platon. Que ce soit dans la République, le Banquet, le Cratyle, le Phèdre, ou le Philèbe, le Maître y revient incessamment. Dans le Cratyle en particulier, la Science, épistêmè, est le soin que prend toute âme noble d'adhérer aux principes éternels des choses, sans jamais s'en séparer ; tandis que l'Opinion, doxa, n'est que le mouvement de toute âme vide de savoir, qui part à la poursuite des objets, sous quelque apparence qu'ils se présentent. D'où il suit que la Science exprime directement ce qui repose sur l'immuable vérité, tandis que l'Opinion n'a d'autre fondement que la possibilité, la vraisemblance, la supposition. Ainsi a-t-on pu dire que la Science suit la vérité, tandis que l'Opinion en est encore à la chercher.

Le rapprochement est lumineux et la conséquence hors de discussion ; c'est à sa formation d'humaniste sous Daurat 4 et Lambin 5 que Ronsard doit la distinction dialectique de la Science et de l'Opinion. Cela ne saurait nous surprendre. Mais, comme il était poète, et poète mythique de la lignée d'Hésiode et de Platon lui-même, cette dialectique ne pouvait, en sa pensée, demeurer une notion scholastique ; elle devait se faire image, elle devait devenir une personne animée, marchante, combative. Et de cette allégorie il tira le mythe du monstre Opinion peste du genre humain. On était loin avec lui du train-train de l'apologétique sorbonnale !

Il sied donc de considérer la polémique de Ronsard avec les libellistes huguenots comme un épisode représentatif du conflit intellectuel, avoué par tous les Protestants du XVIe siècle, entre l'Humanisme et la Réforme.

On ne saurait exagérer l'importance de cette polémique dans l'histoire des idées et dans celle de la politique. Et peut-être apparut-elle plus grande encore aux contemporains qu'elle ne nous apparaît ; et plus encore aux protestants qu'aux catholiques.

Quel qu'ait été le service rendu par lui, on craindrait d'exagérer le mérite de Ronsard et son prestige sur ses contemporains, en lui faisant honneur de cette borne mise à la propagation des idées nouvelles. Tel n'était cependant pas l'avis des huguenots eux-mêmes. Un de leurs libellistes, François de l'Isle, pouvait écrire vers 1580, que l'échec de la Réforme en France était imputable à « Ronsard, Jodelle, Baïf et autres vilains poètes ».

L'Humanisme et la Poésie ont donc été, à l'aurore des troubles cruels qui désolèrent la France de la seconde moitié du XVIe siècle, la ligne de défense et de contre-offensive non seulement du catholicisme, mais de l'unité nationale, de l'ordre public et de l'ordre intellectuel. Ce n'est pas là une simple rencontre ; le salut de la Foi, de l'État, des Mœurs, des Arts et de la Pensée ne peut être qu'œuvre de Raison et de Tradition, qui ne font elles-mêmes qu'une, n'étant que deux aspects différents de la même Idée. Il n'en est pas moins piquant de remarquer, à la barbe de ceux qui se plaisent un peu naïvement à opposer le « paganisme » de la Renaissance au « christianisme » du moyen âge, que c'est au plus « païen » des poètes de cette Renaissance que le catholicisme et la patrie française ont dû leur salut.

Henri Longnon dit bien. Ça, faisons-leur la barbe ! Mais hâtons-nous de noter, comme il le fait peu après, que le « vilain poète », en sa qualité de « collaborateur des rois », se mit à la tête des défenseurs de la paix intérieure, de la tolérance et de la réconciliation nationale. Ainsi :

Aucune gratitude ne le put jamais résoudre à approuver un acte royal qu'il condamnait. De l'impulsion à laquelle, en un jour de terreur folle, savamment suggérée, céda Charles IX de massacrer tous les protestants, il n'a pas soufflé mot ; l'horreur du sang versé eût suffi à l'en empêcher, si la honte d'avoir vu son Roi manquer au premier devoir d'un Roi n'eût tout commandé de haut.

Et puis, quand l'heure de parler, en politique, en prud'homme et en bonhomme va sonner, Ronsard court au-devant d'elle, il est d'une douzaine d'années en avance sur les auteurs de la Satire Ménippée, il est des premiers partisans d'Henri IV…

Tant que la lutte resta indécise entre catholiques et protestants, tant qu'il lui parut que, par la plume, les édits et les armes (ainsi pensaient, d'ailleurs, aussi bien les Huguenots que les Ligueurs) on pouvait espérer défendre et sauver la communion religieuse et politique, ardemment il lutta pour cette unité de foi qu'il jugeait, ainsi que ses adversaires, le fondement naturel et normal de la société chrétienne et française.

Mais quand enfin il vit que :

Ni prison, ni exil, ni la fière menace
De la corde et du feu, ni la loi ni la face
De Sénat empourpré,

n'intimidaient les consciences protestantes, et, qu'à vouloir faire des martyrs des deux côtés, on ne faisait que creuser davantage le fossé qui divisait les Français, qu'approfondir un abîme où la France elle-même finirait par s'engloutir, il estima que l'expérience suffisait. La cause était jugée : il fit son deuil de l'unité de foi abolie et, en bon patriote, il ne songea plus qu'à sauver ce bien supérieur : l'unité nationale. Désormais, il réprouve la politique de répression politique, et ce ne sont plus, uniquement, que des conseils de mesure et d'amour qu'il donne aux ministres du Roi :

Il faut, pour gouverner un peuple divisé,
Avoir, comme tu l'as, l'esprit bien avisé,
Non pas à faire pendre ou rompre sur la roue,
Jeter un corps au feu, dont la flamme se joue,
À faire une ordonnance, à forger un édit,
Qui souvent est du peuple, en grondant, contredit,
C'est la moindre partie où prétend la Justice.
La Justice, crois-moi, c'est d'amender le vice,
Se châtier soi-même, être juge de soi,
Être son propre maître et se donner la loi.

Au temps où il écrit ces vers, 1581, Ronsard est donc rallié à ce groupe d'esprits réfléchis qui devait, douze ans plus tard, se définir dans la Satire Ménippée ; à ce parti, composé avant tout de patriotes, protestants ou catholiques, qui, désespérés de voir le pays se déchirer pour des questions de dogme et de discipline, fraya le chemin du trône à Henri IV, restaurateur de la Patrie.

En ce temps-là, Ronsard a déjà fait adhésion à la politique de tolérance.

Désormais, il met tout son espoir dans l'avènement au trône de France du légitime héritier : Henri de Bourbon, duc de Vendôme et roi de Navarre, de qui, à titre de Vendômois, il était né vassal :

Je l'ai connu dès sa première enfance,
Comme ayant pris mon être et ma naissance
Dans le pays qui fléchit à sa loi,
Rien n'est meilleur, rien plus doux que ce Roi ;
Rien plus humain, rien n'est de plus affable ;
Ce n'est qu'amour, il n'est rien de semblable !

Sully seul, qui, dès son enfance, avait été attaché au Prince, eût pu parier de lui avec autant d'autorité.

En bon platonicien qu'il était, le dernier mot de la sagesse politique de Ronsard, fut un acte de Foi dans les destinées de la France, la vertu de la Monarchie, et la grandeur de Henri IV :

De vivre un jour vassaux de sa grandeur
Ô Nicolas, nous serions trop pleins d'heur.

Ronsard avait bien raison : les Poètes (non pas tous ! les grands seulement) sont Prophètes de Vérité.

C'est que le grand poète était un poète classique et l'on ne saurait mieux expliquer ce terme qu'en l'appliquant aux belles et sereines pages qu'on vient de citer. Elles méritent d'être apprises par cœur par beaucoup de jeunes Français.

Charles Maurras
  1. « Pierre de Ronsard et la Réforme » in Revue universelle, tome XV, no14 daté du 15 octobre 1923. Comme celle-ci, les notes suivantes sont des notes des éditeurs. [Retour]

  2. L'Institution de la religion chrétienne, de Jean Calvin, en latin, publiée en 1536 et traduite en français par l'auteur en 1541. [Retour]

  3. Allusion de Longnon à La Trahison des clercs, ouvrage de Julien Benda, paru initialement en 1927 et qui sera réédité en 1946 avec une longue préface de l'auteur qui en aggrave le sens anti-nationaliste. [Retour]

  4. Jean Daurat, 1508–1588, humaniste, engagé comme précepteur du jeune Baïf, Ronsard profita aussi de ses leçons. Daurat devint en 1547 principal du célèbre collège de Coqueret. [Retour]

  5. Denis Lambin, 1516–1572, humaniste, éditeur, considéré comme l'un des plus grands érudits de son temps. Le verbe lambiner ferait référence à sa manière particulièrement lente de prononcer les discours et leçons. [Retour]

Texte paru dans L'Action française les 24–25 et 27 avril 1943, puis repris en volume dans le recueil posthume Critique et Poésie.

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