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11 novembre 1926
La Politique

I
« La loi d'un an et le Conseil supérieur de la Guerre »

Nous avons lu avec intérêt une note du Temps d'avant-hier soir. Le plus grand journal de la République reçoit des informations officieuses en général exactes. Celle-ci nous paraît tout à fait caractéristique de la situation :

À la séance du Conseil supérieur de la Guerre, qui a eu lieu hier à l'Élysée, sous la présidence de M. Gaston Doumergue 1, il a été surtout question du nombre minimum de divisions que la France doit entretenir en temps de paix. Tous les membres militaires du Conseil supérieur de la Guerre ont approuvé les propositions du chef d'état-major général de l'armée, conformes au projet de loi de M. Paul Painlevé 2, ministre de la Guerre. Tous ont déclaré qu'en aucun cas la France ne doit descendre au-dessous du nombre de 20 divisions d'infanterie 3 comme organisation du temps de paix sans quoi sa mobilisation serait exposée à de graves difficultés.

Le Conseil supérieur de la Guerre a ensuite examiné la question d'augmentation des cadres subalternes de l'armée (sous-officiers rengagés, militaires de carrière se liant au service militaire pour de longues périodes), qui doit être résolue avant que le service d'un an puisse être appliqué.

Cet avis des membres militaires du Conseil supérieur de la Guerre apporte donc de fortes nuances à l'approbation du projet Painlevé. Un nombre minimum est fixé : vingt divisions, parce qu'elles sont indispensables à la mobilisation. Il est seulement stipulé une condition de qualité et de temps : ce service militaire ne peut être « appliqué » si les cadres subalternes ne sont pas « augmentés ». Le service d'un an implique des cadres renforcés en quantité et en qualité. Pas de réforme ni d'amélioration des cadres inférieurs, pas de service d'un an ! Telle avouée, donc filtrée par les membres politiciens du Conseil qui renseignent la presse, telle paraît être la volonté de ses membres militaires.

Nous souhaitons que cette volonté triomphe, parce qu'elle est de salut public. Pour qu'elle triomphe, nous souhaitons qu'elle s'affirme, se définisse et, pour parler net, qu'elle se manifeste le plus clairement et le plus brillamment possible. Nous n'avons jamais désiré que les chefs de l'armée jettent leur nom dans la polémique parlementaire. Mais, tant pour leur honneur que pour le salut du pays, tant pour dégager la responsabilité d'hommes éminents que pour garantir le peuple français d'une catastrophe, nous osons exprimer explicitement le désir qu'ils fassent connaître leur pensée nue, claire, pure et entière. Que le pays électoral passe outre à leur paroles, c'est possible, probable même : le pays vrai la connaîtra et l'utilisera. Cette haute utilité ne sera pas seulement politique et civique. Elle sera aussi morale. Les chefs qui auront su dénoncer le péril seront mieux écoutés, mieux suivis, mieux obéis par leurs troupes. À l'autorité de leur commandement légal s'ajoutera la juste influence née de conseils, d'avis, de prévisions et de calculs dont la réalisation témoignera de combien de façons ils étaient dignes de commander.

II
Pour fêter la victoire

Nous faisons des cadeaux de fête, de fête de la victoire 4, à nos agresseurs et envahisseurs d'il y a douze ans.

Paris-Midi 5 annonce aux Allemands la bonne nouvelle…

Mais Paris-Midi ajoute :

C'est donc que l'Allemagne a satisfait en tous points à ses obligations… Une brochure vient de paraître à Berlin sur le dénombrement des forces militaires de l'Allemagne. Il y est dit que les associations militaires comptent plus de deux millions de membres, armés, équipés et organisés, auxquels on peut ajouter trois millions d'hommes de la Reichsbanner 6, constituée militairement, 60 000 hommes du corps communiste des « combattants du front », les 130 000 hommes de la police de sûreté, les 100 000 hommes de l'armée régulière sur lesquels on ne compte que 36 000 simples soldats, et une marine comptant 14 000 officiers et 36 navires.

Jusques à quand les représentants de l'intelligence et du patriotisme dans les deux Chambres oublieront-ils l'étroit devoir de mettre, le plus tôt possible, le traître Briand 7 en accusation ?

III
Toujours la guerre des dogmes

Un autre cadeau de fête pour l'Allemagne serait entre l'Italie et la France une brouille sanglante. Le traitre Briand y travaille de son mieux, mais ni Stresemann, ni Hindenburg 8 ne se sont endormis. Le résultat, on le voit, on le mesure. C'est l'abîme de sang au bord duquel on eût voulu nous faire glisser les uns et les autres 9.

Nous l'avons dit et redit :

Mieux gouvernée que nous, l'Italie aurait eu le moyen d'être plus sage que nous. Mais les difficultés intérieures et les progrès extérieurs ont dû lui monter à la tête. Nos vœux sont pour la paix, la confiance et l'accord. Quant aux pronostics, nous estimons sage de ne pas en faire.

L'Italie peut dire : « changez vos gouvernants. » L'action fasciste s'est faite rapidement grâce aux concours qu'elle a rencontrés dans la structure de l'État monarchique, dynastique, aristocratique italien. Elle avait été précédée d'une évolution nationaliste non moins rapide qui avait été servie par les mêmes facteurs. Au fond, les hommes de Regno et de l'Idea nazionale, comme ceux de l'Impero et du Popolo d'Italia, les Federzoni 10 comme les Mussolini avaient le cœur de l'État pour eux. Nous l'avons contre nous. L'œuvre est plus difficile. Elle est plus lente : elle se fait. À travers les assassinats de héros, le martyr d'un enfant, les intrigues et les trahisons de police, cette œuvre d'Action française marque son progrès tous les jours. Les fascistes italiens devraient souhaiter qu'elle se termine avant que la maçonnerie et la juiverie aient réussi à jeter les deux nations latines l'une contre l'autre au grand bénéfice des Allemands.

IV
Sur un conte

Après la lettre de Mgr l'évêque de Montauban et surtout la réponse vengeresse que nous avons publiée avant-hier, il nous semblait convenable, presque obligatoire, de fermer les yeux, les oreilles, la pensée elle-même à certaines provocations venues de la presse libérale et démocratique-chrétienne. C'était, nous semblait-il, le désir évident d'un grand nombre d'esprits autorisés. Il nous suffisait que, en réponse au débordement, il s'élevât de temps à autres des protestations comme celles que signait d'un pseudonyme, dans le Courrier de Bayonne, journal qui n'est pas des nôtres, un catholique, un prêtre animé des nobles sentiments que nous avons coutume de rencontrer dans le clergé français. Citons ces belles lignes, fraternelles et justes :

L'attitude si digne des catholiques d'Action française indique qu'ils sauront tenir compte des remontrances pontificales et prendre les mesures nécessaires.

Mais il eût été si beau de voir les autres catholiques se taire ! Quand un père fait des observations ou des remontrances à quelques-uns de ses enfants, ne convient-il pas que les autres s'abstiennent de manifester une joie indécente et qui dénonce une fâcheuse désaffection ? Cette joie est-elle uniquement inspirée par l'amour de la saine doctrine ? Hélas !

Depuis que cette plainte d'un noble cœur nous était tombée sous les yeux, je m'abstenais même de compulser le triste feuilleton que l'on débitait contre nous 11. Mais on me communique, tirées du journal La Vie catholique, des lignes que j'ai le devoir de rectifier :

Nous tenons de haute source et de manière sûre que l'intervention récente avait été décidée par Pie X en 1914. Le cardinal de Cabrières intervint pour que sa publication fût suspendue jusqu'après une rétractation qu'il se faisait fort d'obtenir de Charles Maurras. Pie X consentit à ce sursis, et le cardinal vint à Paris où toutes ses démarches auprès du chef de l'Action française échouèrent. La guerre survint, Pie X mourut, l'affaire resta en suspens sans jamais avoir été abandonnée.

Il n'y a pas un mot de vrai.

C'est à la mi-janvier 1914 que le pape Pie X avait arrêté les poursuites dont mes livres étaient l'objet. Le colonel Larpent, dans la généreuse brochure consacrée à ma défense (Pour connaître Charles Maurras), rapporte les paroles de Pie X à ce sujet. Tout le public intéressé les a lues. Tout ce public peut les relire aux pages 14 et 15 de l'opuscule.

À la fin de juillet 1914, ces paroles étaient confirmées par le pape à notre éminent et cher ami Camille Bellaigue qui les a fidèlement rapportées dans une lettre que tout le public intéressé a certainement lue aussi.

— Mais, dit-on, le pape avait changé d'avis par la suite.

Comme le pape Pie X est mort le 20 août de la même année, il faudrait situer dans un espace de quelques semaines le revirement que l'on imagine. Admettons. Il faut admettre aussi que le cardinal de Cabrières a fait, à cette époque (à la veille, au début de la guerre !) des « démarches nombreuses » auprès du « chef de l'Action française », et qu'elles ont échoué. Le cardinal de Cabrières n'a jamais fait ni ce voyage à Paris ni ces démarches auprès de moi. Supposons-les. Elles ont échoué. Soit. Mais quel sentiment eût gardé le cardinal à notre égard ? Assurément, le moins sympathique. Il est pourtant de fait qu'en 1920, le cardinal de Cabrières daigna nous inviter dans la cathédrale de Nîmes à la cérémonie commémorative des morts de l'A. F. C'était le 18 avril. Devant Maxime del Sarte, devant moi, ce prince de l'Église en chaire fit le panégyrique de nos morts et daigna remercier nos vivants des services rendus à la cause de l'ordre et de la paix catholique. Quand il eut béni notre cénotaphe au cimetière, le cardinal daigna aussi nous recevoir à sa table, il poussa même la bonté jusqu'à présider l'assemblée toute politique et civile dans laquelle nous prîmes la parole, Maxime et moi. Le cardinal de Cabrières avait l'âme grande, mais l'esprit haut, difficile et pur. Il savait où placer ses amitiés, il ne transigeait pas avec les devoirs de sa charge. Les marques solennelles de sa bienveillance publique ne se seraient pas attardées sur moi si le conte de La Vie catholique renfermait la moindre parcelle de vérité.

Cependant ce conte courait. Il court encore. Quelqu'un de bien placé a voulu en avoir le cœur net. La réponse autorisée a été ce qu'elle devait être : il n'y a rien de vrai, tout est imaginaire dans le roman de ce prétendu « repentir » de Pie X. Ni il n'a signé, ni il n'a rien voulu signer de contraire à l'acte de la mi-janvier 1914.

Cette rectification catégorique était due à la haute source et à la manière sûre de La Vie catholique.

V
Courses d'un rat empoisonné

Les journées de Gressent 12 se passent à courir pour se couvrir. Le misérable essaye d'échapper au chef de haute trahison, comme il a tenté d'échapper à celui de trahison simple : en invoquant des patronages, en alertant des autorités, en essayant de provoquer des témoignages favorables, italiens ou français. À travers ces fuites désordonnées, il meurt de peur à la pensée que le gouvernement aurait, après tout, le moyen de le mettre en prison.

L'idée que Briand le garde, naturellement, le rassure. Alors il reprend son antienne Monzie, son antienne Finaly, parle de caviar, mais la poutargue dont il le régale ne peut avoir donné d'indigestion à M. de Monzie et le nom du collaborateur valoisien-finalyste Alexinsky reste inexorablement caviardé. Gressent ne se résout pas à expliquer pour quoi ni comment le rédacteur chargé par lui des affaires franco-italiennes avait été choisi citoyen italien, ni pourquoi ce compatriote de MM. Mussolini et Nitti prenait par téléphone le mot d'ordre de l'ambassade où Gressent-Valois ne connaît personne, dit-il. 13

Mon pauvre Gressent-Valois, ça sent mauvais pour vous. Votre cuisine sent très mauvais. Vous êtes communément traité de casserole, de casserole de Briand, et le gouvernement italien qui, croyant subventionner un ennemi farouche du gouvernement maçonnique français, s'aperçoit avec étonnement que ses subventions sont allées à un simple valet de plume d'Aristide. Ainsi la vilenie de votre caractère rabaisse d'un degré, presque au plan de l'inconscience, l'acte matériel de votre haute trahison payée.

Du temps où je n'avais à vous reprocher qu'une trahison à l'égard de l'Action française, j'avais coutume de dire que je vous savais l'esprit trop brouillon pour admettre votre responsabilité entière. On vous répétait ces propos, et vous les preniez pour des compliments. C'est même ce qui vous faisait dire que je ne croyais pas aux accusations énoncées par moi ici même. Vous voici éclairé peut-être. Peut-être aussi qu'une fois de plus vous ne comprendrez qu'à moitié 14. Alors il faut changer de style et vous parler, comme à Schrameck 15, un dialecte approprié :

— Allons, ouste, coquin ! Explique-toi réponds ou tais-toi, va-t'en, disparais !

VI
La quête d'avant-hier soir

Ma charge de quêteur me fait un devoir d'adresser un remerciement ému aux innombrables Parisiens qui ont bien voulu répondre à l'appel de nos jeunes amis qui leur tendaient la main pour L'Action française à la sortie de nos deux réunions.

Dans la nuit de mardi à mercredi, j'avais à mes pieds un énorme carton, c'était le produit, monnaie et billets, surtout monnaie, des beaux présents recueillis à la salle Wagram : 2 942 fr. 20. Un autre lourd paquet formé d'une épaisse couverture de laine solidement liée contenait 1 675 francs de piécettes reçues au Cirque de Paris : à part était mise une forte liasse de coupures (dont l'immense majorité de moins de cent francs) faisant une somme de 2 555 francs. Bref, bien près de 7 000 francs 16 ainsi recueillis sou à sou…

Autrement dit, il y avait un peu moins de 4 000 francs en pièces de monnaie, et celles-ci étaient au nombre de 4 800 !

Quel indice de la véritable composition de notre public 17 !

Charles Maurras
  1. Gaston Doumergue (1863–1937), président de la République de 1924 à 1931.

    Les notes sont imputables aux éditeurs. [Retour]

  2. Paul Painlevé (1863–1933), mathématicien, professeur à la faculté des sciences et à l'École polytechnique, il entre en politique à l'occasion de l'affaire Dreyfus et devient membre de la Ligue des droits de l'homme. Il est député socialiste de Paris puis de l'Ain, ministre de l'Instruction publique, puis de la Guerre, il devient président du Conseil en mars 1917, au moment de l'offensive Nivelle : c'est lui qui fait appel à Pétain. Il occupe différents postes ministériels après la victoire et est notamment en charge de la Guerre de novembre 1925 à octobre 1929, hors une brève interruption en 1926. Il fera bien voter la loi d'un an dont il est question dans cet article, en 1928. [Retour]

  3. Soit 300 000 hommes si l'on retient le nombre de 15 000 hommes par division ; nous donnons cet ordre de grandeur afin de comparer aux chiffres que va citer Maurras infra pour les troupes allemandes. [Retour]

  4. Rappelons que cet article est daté du 11 novembre 1926, huit ans jour pour jour après l'armistice de 1918. [Retour]

  5. C'est l'édition de la mi-journée de Paris-Soir, journal fondé en 1923 par le militant anarchiste Eugène Merle. Le journal s'assagira à tel point qu'en 1930 le titre sera racheté par Jean Prouvost, représentant de la fameuse famille capitaliste lainière du Nord. [Retour]

  6. La Reichsbanner Schwarz-Rot-Gold, organisation para-militaire de la République de Weimar, inspirée par les partis et les syndicats qui s'y partageaient le pouvoir (la « Coalition de Weimar », regroupant socialistes, libéraux et parti catholique). Initialement composée d'anciens combattants, elle comptera jusqu'à trois millions de réservistes censés défendre le régime contre les menaces d'extrême droite comme d'extrême gauche. Le cas est à peu près unique d'une organisation para-militaire constituée pour défendre une coalition modérée et centriste d'intérêts hétéroclites ; arrivé au pouvoir sans que la Reichsbanner ne s'y oppose, le N. S. D. A. P. la dissoudra, par une mesure tranquillement légale, en 1933. [Retour]

  7. Rappelons que l'A. F. faisait à l'époque de violentes campagnes contre la politique d'entente franco-allemande d'Aristide Briand, ministre des Affaires étrangères, accusé de donner des gages bien réels à l'Allemagne contre des « chiffons de papier ». [Retour]

  8. Alors respectivement ministre des Affaires étrangères allemand et président de la République de Weimar. [Retour]

  9. Les jours précédents avaient été marqués par un rebondissement inattendu et singulièrement embrouillé des assassinats de Marius Plateau et Philippe Daudet : le ressortissant italien Ricciotti Garibaldi, portant les mêmes nom et prénom que son père, et petit-fils du « héros des deux mondes », était apparu lié à la Sureté générale française, régulièrement mise en cause dans ces assassinats et les enquêtes qui s'y rapportaient. On parla un temps d'un complot ourdi de France contre Mussolini, par l'entourage de Briand — Peycelon était en particulier en cause. Rétrospectivement « l'abîme de sang » qu'évoque Maurras paraît un peu exagéré, mais la tension avait pu paraître vive entre la France et l'Italie durant plusieurs jours, avant que des communiqués apaisants ne soient délivrés de part et d'autre, si bien qu'on en vint à dauber sur le complot de « Ricciotti Panopli ». Georges Valois, dont il va être question plus bas, était lui aussi apparu comme lié à la fois à l'Italie et à la Sûreté générale. [Retour]

  10. Luigi Federzoni (1878–1967) nationaliste italien qui eut un rôle dans l'engagement de l'Italie aux côtés des alliés lors de la Première Guerre mondiale. Il devint ensuite un membre influent du parti fasciste, fut ministre de l'Intérieur entre 1924 et 1926, président du Sénat de 1929 à 1939. Lors de la session historique du Grand Conseil fasciste du 25 juillet 1943, il vota pour la motion qui devait précipiter la chute de Mussolini. [Retour]

  11. L'article, à partir de la phrase suivante et jusqu'à la fin du titre IV, est reproduit dans le recueil L'Action française et le Vatican, dans la section « Le cardinal de Cabrières » elle-même insérée dans le chapitre neuvième intitulé « Pie X et Charles Maurras ». Dans le recueil figure une phrase d'introduction : « Les 11 et 23 novembre, Maurras avait déjà rétabli la vérité à propos d'un conte pour lequel on avait invoqué la mémoire du cardinal de Cabrières. » [Retour]

  12. Georges Valois, de son vrai nom Alfred-Georges Gressent (1878–1945) oscilla toute sa vie entre des radicalités qui nous paraissent aujourd'hui opposées et qu'on pourrait dire de droite et de gauche : tour à tour anarchiste, sorélien, communisant, il adhère à l'Action française par anti-capitalisme et y devient l'animateur du Cercle Proudhon. Il collabore à la Revue critique des idées et des livres. On a pu dire que sa volonté d'allier maurrassisme et syndicalisme révolutionnaire préfigurait le fascisme. En 1925, il quitte l'A. F. et fonde Le Faisceau, premier parti fasciste hors d'Italie, avec l'aide du richissime parfumeur Coty et du producteur de cognac Jean Hennessy. Le mouvement se dote d'un journal, Le Nouveau Siècle. Le parti comme le journal périclitent dès 1928. L'A. F. et Maurras en voudront sans mesure à Valois de cette « trahison » et le poursuivront plusieurs années de leurs articles vengeurs. Valois sera ensuite socialiste sans parti, corporatiste, se décrira comme « non-conformiste » et finira dans la Résistance. Il meurt en déportation en février 1945. [Retour]

  13. Ces allusions tournent autour du fait que Valois avait confié la rubrique des rapports franco-italiens, dans son journal, à un Italien qui se révéla être un agent d'influence de l'ambassade italienne. Qui était alors payé ? l'Italien ? Gressent ? les deux ? l'Italien était-il un agent double ? Quels liens ces gens entretenaient-ils avec des financiers et politiques français ? Nous n'expliquons pas plus avant les allusions de Maurras, il faudrait pour les éclairer utilement reproduire des articles entiers de L'Action française des jours précédents. Monzie c'est Anatole de Monzie (1876–1947), prototype du politicien de la Troisième République, dix-huit fois ministre, il est alors parlementaire de la gauche démocratique. Finaly c'est Horace Finaly (1871–1945), banquier d'origine juive hongroise dont l'influence fut immense durant le Cartel des gauches (Caillaux s'irrita de ce qu'il bénéficiait d'un bureau au ministère des Finances sans y avoir de fonction officielle), et qui sera un ferme soutien du Front populaire, ce que L'Action française lui reprochera par une campagne de presse acerbe ; mais Maurras avait déjà mis en cause Finaly dans les malversations de Philippe Berthelot, secrétaire général du Quai d'Orsay, en 1921, lors du scandale de la Banque industrielle de Chine. En 1940 Horace Finaly se réfugiera à New York ; il y mourra en 1945. [Retour]

  14. Explicitons : c'est que la formule employée par Maurras est susceptible de deux lectures contraires ; soit Maurras sait l'esprit de Gressent trop brouillon pour que Maurras admette la responsabilité entière de Gressent, dont le caractère brouillon jouerait alors comme une demi-excuse ; soit Maurras sait l'esprit de Gressent trop brouillon pour que lui Gressent, en raison même de cet esprit brouillon, admette sa responsabilité entière. [Retour]

  15. Abraham Schrameck, ministre de l'Intérieur en 1925 : Maurras lui avait adressé en juin 1925 une lettre publique de menaces, le tenant pour responsable d'une vague de violences contre des militants de l'Action française que par ailleurs la police désarmait pour qu'ils ne puissent se défendre. L'épisode était encore dans toutes les mémoires. [Retour]

  16. Afin de donner une idée des sommes en cause, convertissons en euros de 2010 ce total arrondi en francs de 1926 : 4 220,37 €. [Retour]

  17. Ses adversaires soupçonnaient alors Georges Valois de toucher, outre les fonds de Coty et d'Hennessy qui étaient ses financiers officiels, des fonds italiens. L'insistance de Maurras sur les petites pièces et la modestie des donateurs populaires de l'Action française est sans doute un écho de ces soupçons quant à l'origine, sue ou supposée, des fonds de « Gressent-Valois ». [Retour]

Texte paru dans L'Action française du 11 novembre 1926, partiellement repris en 1927 dans L'Action française et le Vatican.

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