Dans notre exploration progressive de L’Action française et le Vatican, nous avions laissé Maurras qui, le 9 janvier 1927, annonçait lui-même la condamnation par Rome.
Nous poursuivons dans le même receuil avec une intervention assez laborieuse d’un grand nombre d’évêques français, où la signature de Mgr Penon, au moins, avait été usurpée par ces promoteurs en avance sur leur temps de la collégialité épiscopale.
Mais la condamnation n’a pas suffit : devant son peu d’effet sur des catholiques guère enclins à se laisser dicter leur conduite politique par un petit groupe de rescapés du Sillon et de prélats promoteurs de la démocratie-chrétienne, fussent-ils appuyés par toute l’autorité de Pie XI, Rome passa à des peines plus tangibles. Ainsi parut le décret qui interdisait les sacrements aux malheureux chrétiens qui avaient le malheur de lire un journal particulier, ou encore de ne pas se repentir assez publiquement de l’avoir lu. Et ce journal c’était L’Action française, pas L’Humanité ou quelque publication socialiste « bouffeuse de curé »… le tout était en réponse, comme le dit l’A. F., à des questions dont on peut se demander si elles avaient effectivement été posées « par l’évêque innommé d’un diocèse inconnu ». Pour faire bonne mesure, on chassait aussi des patronages et autres groupes catholiques de toutes natures les impénitents lecteurs de L’Action française ou des Amants de Venise.
Ceux qui après cela, voulaient encore croire à la sincérité des ecclésiastiques qui avaient machiné la condamnation allaient avoir une nouvelle occasion de laisser tomber les écailles de leurs yeux puisque l’A. F. rédigea une plainte contre le cardinal Andrieu, convaincu d’avoir pris ses informations fausses à des sources pour le moins équivoques. La plainte ne fut jamais reçue par Rome, ni même repoussée officiellement, comme le raconte Robert de Boisfleury.
Petite consolation, le duc de Guise envoie à Maurras et Daudet un message de soutien. Il se garde bien sûr de prendre ouvertement parti mais la nouvelle est d’importance et l’A. F. lui donne quelque publicité puisqu’un article de Maurras lui est consacré le 12 janvier 1927.
Article en deux parties : la première est assez convenue pour ne pas sembler solliciter les termes de la lettre du Prince, et se borne pour l’essentiel à rappeler quelques développements de la condamnation. La deuxième partie est plus politique, de polémique contre Briand, et, de ce fait, elle est aussi moins suspecte de s’en prendre à Rome. Pourtant, à travers Briand, c’est bien Rome qui est visée, la Rome qui a soutenu l’équivoque pacifiste professionnel et a recherché son alliance : Maurras prend un malin plaisir à rappeler les menées anticléricales et anti-catholiques de Briand, premier coup. Il rappelle l’attitude ferme qu’avait alors prise Pie X, dont Rome cherche alors à contester le soutien qu’il apporta à Maurras, deuxième coup. Enfin il souligne que l’appui financier des lecteurs à leur journal n’a pas été entamé par la condamnation, troisième coup.