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Le Duc
Albert de Broglie

La première et dernière fois que je vis le duc Albert de Broglie fut, l'autre hiver, en un rendez-vous que s'étaient donné une centaine de chefs de groupes et d'écrivains royalistes ; le grand air de jeunesse qui était répandu sur toute sa personne m'avait fait hésiter à reconnaître un ancien ministre de Mac-Mahon, académicien depuis 1862 et que je savais presque octogénaire. Il paraissait soixante-cinq ans. Il s'avançait à pas légers, ferme et droit sur des jambes fines, les grands traits du visage extraordinairement clairs. Sur ces traits vifs, je pris plaisir à suivre les mouvements divers qui agitèrent la réunion.

Elle était présidée par un membre du Parlement ; et comme celui-ci affirmait, non sans précaution, que le règne futur de Philippe VIII ne pourrait se passer du parlementarisme, on l'interrompit. Non, non ! criaient des voix nombreuses au fond de la salle, où s'étaient groupées les dernières recrues du « parti », non ! plus de parlementarisme ! Les vétérans légitimistes ajoutaient leur approbation. Je renonce à décrire la suite des petites lueurs brillantes qui coururent à ce moment sur le visage du duc de Broglie. Il avait éprouvé, sans conteste, la sensation du ridicule parfait : — Plus de parlementarisme ! Quoi, alors ? Une dictature ? Mais à cette idée nette s'en joignait une autre, confuse, celle d'un vif étonnement. Le ridicule était un fait, ce fait s'était produit ; mais qu'il se fut produit, voilà ce dont le noble duc ne voyait ni l'explication ni la génération. Un embarras très évident, en même temps qu'une ironie visible à souhait, s'était peint sur ce front où la vie intellectuelle abondait.

Albert de Broglie est mort et, selon l'usage établi dans la famille, à quatre-vingts ans. Les Broglie participent d'une extrême longévité. Celui qui fut ministre de Louis-Philippe et qui passe pour le grand Broglie (bien à tort ; si l'on veut comparer, non le succès, mais les talents, il n'y a de grand Broglie que celui qui vient de s'éteindre), le duc Victor de Broglie avait poussé à quatre-vingt-cinq ans sa verte vieillesse. Né sous Louis XVI, ayant vu la Révolution et le premier Empire, il faillit assister à la fin du second, étant mort tout juste huit mois avant le 4 septembre et la proclamation de la troisième République à laquelle il léguait le plan de la Constitution qui la règle aujourd'hui. Des cinq ascendants directs du feu duc, un seul, contemporain de la Révolution, eut une carrière assez courte, mais l'erreur est imputable à la guillotine qui le faucha à quarante ans. Les autres approchèrent le seizième lustre ou le dépassèrent.

Mais, vivant longuement, ils vécurent avec puissance. Ces petits gentilshommes d'une petite république du Piémont arrivaient à peine chez nous, la première année du règne de Louis XIV, qu'ils réussissaient à se nantir des meilleures places dans la diplomatie, l'Église et les armées. Leurs six générations enjambent deux cent cinquante ans d'histoire de France ; pas une qui ne soit marquée d'une distinction rare et forte. Chaque Broglie étant notable à quelque degré et dans un genre, leur suite forme un de ces chefs-d'œuvre de vigueur propagée et continuée qui plaident en faveur du système des sélections héréditaires. Pas de génie, à proprement parler, mais, comme eût dit l'abbé de Musset 1, s'il eût parlé sans rire, des talents, de la facilité et l'application au labeur.

Le feu duc réunit ces qualités de force. Très bien doué par la nature, il a travaillé et, comme on disait autrefois, « labouré » jusqu'au dernier terme. Il n'a cessé de soutenir chez son libraire, dans les revues et les journaux, le poids de sa réputation et de sa politique ; à l'Académie, son parti et ses amitiés ; dans le monde, mille devoirs ; enfin, autour de lui, une clientèle vaste et diverse. Un autre eût été encombré. Il faisait face à tout. Rongé du mal, il s'en accommoda pour vivre et jusqu'à mourir… Ces faits, dont le moindre est constant, nous fournissent sans doute une idée assez différente des images que l'on put se faire de lui tant d'après ses idées que sur sa vie publique ; mais la vie, les idées de M. de Broglie ont eu, entre bien d'autres torts, celui de le défigurer. L'on va voir comment.

I

Albert de Broglie n'est pas le premier de sa race qui ait souffert par la faute de ses idées. Ses idées étaient déjà celles de son père, qui les tenait du sien.

Lorsque Victor Claude de Broglie monta sur l'échafaud, il fit transmettre à son jeune fils, alors enfant, le vœu exprès que celui-ci « restât fidèle à la Révolution française, même ingrate et injuste ». La duchesse, remariée, exécuta pieusement la volonté du premier époux et le jeune Victor de Broglie, revivant la vie et les pensées de son père, revécut, à l'échafaud près, les mêmes déboires. Comme son père, qui avait servi la Révolution avant d'en sentir les rigueurs, le duc Victor de Broglie fut l'instrument du libéralisme démocratique avant d'en être la victime. Les meilleurs amis de sa mémoire ont renoncé, je pense, à excuser son attitude sous la Restauration ; lui-même, quand les événements l'eurent averti, dut la déplorer. Son nom et sa situation élevée (il était pair de France), sa fortune, son influence, ses vertus lui donnaient les plus beaux moyens de s'employer avec gloire pour sa patrie. Il pouvait soutenir, maintenir, affermir le plus sérieux et le plus pratique des gouvernements qu'ait connus la France au dix-neuvième siècle. Il lui plut de faire de l'opposition libérale.

Plus qu'un Guizot, plus qu'un Périer, plus qu'un Thiers, il aida à précipiter Charles~X. Ses attaques, comme celles de tous ses collègues du centre droit, eurent une influence que ces politiques profonds n'avaient point calculée. Mais la critique exacte commence à distinguer que les vrais politiques de la Restauration siégèrent sur la droite ; devant les libéraux, aveugles, fanatiques, révoltés contre la leçon de la nature et de l'histoire, c'étaient les disciples de M. de Bonald, dont la sagesse traditionniste évoquait les réformes indispensables à la vitalité de l'État et de la société en France. Les ultras attaquaient, quand les libéraux les défendaient de toute leur force, ces institutions de l'an VIII, ce Code civil, cette théologie de l'individu dont il faut convenir aujourd'hui que la France périt. Le duc Victor de Broglie n'a cessé de soutenir à la tribune de la Restauration nos causes de faiblesse, nos principes de mort, qui étaient alors dans leur nouveauté ; ce qu'il appelait amoureusement « l'état actuel de la société », « l'état de nos idées et de nos habitudes », « l'état intérieur et domestique du pays », enfin « la nation française, telle que les quarante dernières années nous l'ont faite ». Il était l'avocat, le protecteur et, au sens romain, le patron de cette France dissociée et décérébrée, dont s'est plaint Maurice Barrès. Grâce à lui, elle put se dissocier et se décérébrer plus encore, en exécution de son principe générateur, selon les prévisions ou les constatations de l'école positiviste, Comte et Le Play, Renan, Taine et Balzac.

Certes, le duc Victor eut ses heures de repentir. Il a écrit, sur sa conduite et sur celle de ses amis, un certain nombre de pages amères et touchantes. Juillet lui ouvrit le pouvoir, mais l'effraya ; et quand la monarchie parlementaire eut causé les explosions démocratiques, qui à leur tour déterminèrent, par la force de leur anarchie, un accès de démocratie césarienne, ce libéral alla jusqu'aux larmes de pénitence. Sa sincérité fut profonde. Mais sa clairvoyance, jusqu'à quel point fut-elle portée ? Il déplora ses actes ; il ne quitta point ses idées. Quatre-vingt-neuf et les idées empruntées à la charte anglaise demeurèrent, dans la stricte force de cette comparaison religieuse, son Évangile. Dans un testament politique écrit à la fin du second Empire, Vues sur le gouvernement de la France, ouvrage inédit, publié par son fils, le duc Victor écrit l'élévation suivante sur le droit divin du parlementarisme :

Admirable mécanisme qui n'est pas fait de main d'homme ; simple développement des conditions attachées, par la Providence, aux progrès des sociétés civilisées ; appareil où chaque organe se trouve à son rang, presque sans qu'il ait été besoin d'y pourvoir ; où chaque fonction s'accomplit par l'énergie de sa propre nature, où toutes les forces du corps social s'entr'aident en se limitant réciproquement ; économie facile et puissante où tous les intérêts sont placés sous la garde de tous les droits.

Telle étant l'atmosphère d'idées politiques dans laquelle vivait le vieux duc même repenti et dans laquelle le duc Albert naquit et grandit, il importe de mesurer quelle fut sur le père et le fils la puissance de ces idées. Victor de Broglie avait épousé, en 1816, Albertine-Ida-Gustavine de Staël, fille de l'auteur de l'Allemagne. La duchesse de Broglie était méthodiste zélée, et le duc ardent catholique ; mais cette diversité religieuse était apparente ou ne touchait qu'aux points secondaires du culte. L'un et l'autre avaient le même Dieu, le même rite, la même Église ; ils croyaient également à la Liberté, et sans doute tous les sacrifices, toutes les concessions, toutes les démarches conciliantes qui ne leur étaient point dictées par l'affection ou par une communauté d'habitudes, de vie, d'origine et de monde, leur venaient de cette commune religion de la Liberté. Les contrariétés inhérentes aux divergences confessionnelles, ces époux les offraient joyeusement en holocauste, ou comme un sujet de mortification méritoire, au fantôme métaphysique pour lequel ils ressentaient un égal amour. Nous savons tous les maux que cette Liberté habillée en idole a faits à la France ; n'oublions pas le bien qu'elle a répandu chez les Broglie. Ils lui ont dû la paix, la joie même de leur foyer. L'époux voyant l'épouse cheminer seule vers le temple, l'épouse séparée d'un mari courant à l'église, tous les deux, s'ils sentaient quelque serrement de cœur trop humain, le réprimaient avec délices, en se disant : « Pour la Liberté ! » D'une maxime ridicule, incompréhensible et qu'un honnête homme de notre époque aura toujours du mal à traduire en mots cohérents, « la liberté de chacun n'a d'autres bornes que la liberté d'autrui », de cette misère philosophique et morale, ces époux qui s'aimaient ont su composer du bonheur.

II

Issu d'un libéral et d'une libérale, plutôt que d'une protestante et d'un catholique, Albert de Broglie était appelé à de grandes destinées. En laissant de côté tout ce qui n'est pas sa personne, idées ou circonstances, peu d'hommes semblaient mieux désignés pour jouer un rôle considérable. Il s'y était préparé avec un grand soin ; pratiquement, tant qu'il put participer aux affaires, c'est-à-dire tout jeune encore (il eut trente ans l'année du coup d'État), et plus tard à travers l'étude et les voyages.

Son instruction était étendue, ses lettres solides. Il savait les langues, l'histoire, le droit, la diplomatie, l'administration. Il a donné en se jouant des pages de critique littéraire auxquelles il n'y a rien à redire. Elles sont d'un esprit plus qu'averti et profondément pénétré de l'histoire et de la poésie de notre langage. La petite étude sur Malherbe, écrite à soixante-quinze ans, serait parfaite s'il avait mis plus d'attention à en corriger les épreuves, de manière à ne pas y laisser traîner des citations inexactes et des vers faux.

Moins bon philosophe (le don de la philosophie était réservé à son frère, le malheureux abbé de Broglie, qui est mort tragiquement 2), il s'était cependant entraîné à cet exercice. Une version critique du Systema theologicum de Leibniz, qu'il a traduit Système religieux, en témoigne. Ainsi, désireux de gouverner son pays, le jeune patricien s'était rompu lui-même de bonne heure à toute haute discipline. À son brillant zénith du dix-neuvième siècle, l'heureuse Angleterre a connu cette fortune de n'être, en somme, dirigée dans les voies les plus positives que par une élite d'esprits supérieurement cultivés et instruits, familiers ordinaires de l'élite du genre humain. C'est du vers grec, de la critique biblique et de la controverse philosophique que ses hommes d'État sont partis à la conquête de l'univers.

Cette intelligence si riche était libre. Un juge qui n'est point prévenu (c'est M. Ledrain 3) n'hésitait point à admirer l'équité, la souplesse, la flexibilité de l'historien de l'Église au quatrième siècle. Si Dom Guéranger 4 attaqua les tendances hétérodoxes de M. de Broglie, je ne vois pas qu'il ait contesté chez lui la volonté et le désir, également fermes, d'être un catholique très strict. M. de Broglie eut pu céder aux objections de Dom Guéranger, lui donner satisfaction sur tous les points, corriger dans les six volumes tout ce qui était trouvé à reprendre, y compris le fameux passage dans lequel le jeune duc paraissait dire, sans le vouloir dire peut-être, que le Christ ne savait sans doute pas le grec ; ces amendements de détail n'eussent rien changé au ton de l'ouvrage. C'était le ton de la sympathie universelle. Un homme est libre qui, à travers toute polémique, peut sentir à l'égard de son adversaire assez de sympathie pour le comprendre tout entier, le goûter, aller à l'aimer. Une âme passionnée se permet ces dérogations. Elles ont leur noblesse, et ne cèdent rien sur le fond.

Avec quelle vive amitié M. de Broglie, pourtant sévère, traite Julien 5 ! Rien ne saurait montrer l'ouverture de cet esprit comme la description d'Athènes, quand Julien s'y perfectionnait dans l'étude des poètes et des philosophes, avec Basile et Grégoire de Nazianze 6, les futurs Pères d'une Église que l'audacieux réactionnaire allait ébranler. Je tiens à citer cette page :

Transporté dans cet asile des Muses, au pied de l'Acropole et du Parthénon, près du temple qui retentissait encore des vers de Sophocle, sur cette Agora qu'ébranlait l'écho des paroles de Démosthène, Julien respira pour la première fois avec délices un air qui ranimait ses sens et qui remplissait sa poitrine. En peu de temps, par son rang aussi bien que par ses talents, il devint le héros de ces écoles brillantes qui animaient la ville de leurs tournois d'éloquence et de leurs jeux d'adresse. Sophistes, rhéteurs, élèves, tout le monde s'empressait autour de lui. C'était pour tous un charme inattendu d'entendre la langue des poètes et des écoles, l'idiome natal du sol attique, parlé avec grâce et dignité par une bouche royale. Lutter d'éloquence ou discuter de métaphysique avec un prince ; le voir admirer des temples, verser quelques larmes sur leurs ruines, quelle consolation pour les sectateurs fidèles, mais humiliés, des divinités déchues ! On ne le pressait sans doute pas trop de s'expliquer ; on ne s'étonnait pas de le voir encore commenter les Écritures et suivre le culte chrétien. On sentait la sympathie dans l'accent de sa voix et dans le tour de sa pensée, avec cette perspicacité discrète qui est le partage des faibles et des vaincus. Et puis, le soir, quand l'ombre était venue, quand l'œil du gouverneur ou des « curieux » ne pouvait plus le suivre, ne se disait-on pas qu'on le voyait souvent se rendre au temple d'Éleusis 7 où siégeait le pontife le plus renommé de la Grèce, l'héritier des mystères de la bonne déesse et le correspondant actif et zélé de tous les philosophes asiatiques ? Puis on se passait, pour le lire avec émotion, un discours composé par le prince lui-même au sujet d'un différend entre Corinthe et Argos. Ce petit écrit aurait pu être composé par un païen de profession, tant on y parlait avec respect des souvenirs homériques d'Argos et des jeux séculaires de Corinthe. Il n'en fallait pas davantage pour que tous les dévots du vieux culte offrissent en secret des sacrifices aux dieux en faveur du jeune prince et de son prochain avènement à l'empire.

Ces succès, ces honneurs, ces jouissances d'artiste, ces extases de croyants surexcités par de secrètes opérations magiques, tout contribuait à plonger Julien dans une espèce d'ivresse ; mais, n'osant s'y abandonner tout entier, par un reste de prudence et par la crainte des regards qui le surveillaient, tour à tour excité et contenu, rongeant son frein et prêt à le briser, il éprouvait dans tout son être un ébranlement qui se trahissait dans son attitude. « Je le regardais, disait plus tard un de ses camarades d'étude, et je voyais une tête toujours en mouvement, des épaules branlantes et agitées, un œil égaré, une démarche chancelante, un nez en l'air qui aspirait l'ignorance et le dédain… Et je me disais : — Quel monstre Rome nourrit-elle ici ?

Ce tableau délicieux des écoles d'Athènes se complète par les portraits non moins étudiés, non moins délicats, des jeunes Grégoire et Basile, ardents chrétiens. Le duc de Broglie n'avait qu'à jeter les yeux autour de lui, dans la société des Lacordaire, des Montalembert, des Swetchine 8, pour trouver des modèles plus on moins ressemblants aux deux jeunes héros. Et, de toute façon, la tâche lui était facile. L'auteur n'avait qu'à suivre le cours des sentiments et des passions dont il vivait. Le Julien, d'un art tout aussi compliqué, exigeait de plus un effort de sensibilité et d'intelligence critiques. Le duc de Broglie a fait cet effort toutes les fois qu'il l'a fallu.

Bien muni pour la vie active, il ne manquait pas non plus d'ambition pour s'y élancer. Il eut d'abord l'ambition des Broglie, qui fut souvent de jouer un rôle. Il eut celle du bon citoyen, bien assuré de sa valeur et et qui se sait particulièrement utile à tous. Jusqu'à cinquante ans il désira gouverner. Et, ayant perdu la partie à cinquante-six ans, il en porta amèrement le deuil. Vers la fin du règne de Napoléon III, il s'était mis à la tête des libéraux. L'école de Nancy 9 jouissait de ses sympathies. Il la protégeait même un peu. En 1869, il exposait, dans sa profession de foi aux électeurs de Bernay, qu'il n'était point « animé d'une hostilité systématique contre les pouvoirs existants, mais tout dévoué aux principes de 89 ».

À défaut de l'Empire libéral, un empire ultra-libéral l'eut peut-être conquis. Le pouvoir semblait fait pour M. de Broglie, comme M. de Broglie pour le pouvoir ; en quoi il ne se trompait pas, aucun Français n'étant plus apte, en temps normal, sous un chef légitime, à présider à la destinée des autres Français. Parallèlement aux princes de la maison de France, il était prétendant à la première place dans leurs conseils. Il se sentait de taille à tenir près d'eux toutes les charges les plus lourdes d'une régence ou d'une vice-royauté.

Cette ambition, si haute qu'on la juge, n'est pas à blâmer. Elle différait de l'ardeur brouillonne d'un Frondeur ou d'un Important 10 ; non seulement justifiée, elle était aussi tempérée par le grand sens qu'avait M. de Broglie du bien public. On ne lira jamais un discours, une circulaire ou un document politique émanant de cet homme sans être frappé de l'ampleur avec laquelle il savait embrasser l'intérêt général français.

Seul peut-être de toute sa génération, il eut l'idée constante, le sentiment pratique de la continuité des affaires d'un même peuple. Par une sorte de miracle de bonne foi, qui n'a été refait par aucun de ses successeurs, il ne manqua jamais de faire le calcul des conséquences de ses actes ou de ses conseils. Cela, presque sans y songer ; tant le souci de l'avenir lui semblait naturel à tout politique sérieux ! Mais, par une candeur dont il se fût gardé à la réflexion, il oublia souvent que ses adversaires n'étaient pas à compter pour des politiques sérieux. Le jeu parlementaire exigeant, pour être bien joué, un égal sérieux des deux camps, le duc de Broglie le supposa. C'était son postulat gratuit, mais nécessaire.

Sans ce postulat, le parlementarisme ne pouvait exister, et, sans le parlementarisme, il ne voyait pas de salut.

III

Nous tenons ici les deux composantes de M. de Broglie. Probe, patriote passionné pour l'ordre moral, comme il disait, pour la grandeur de la France, pour sa gloire propre et la gloire de sa maison, d'esprit libre en tout ce qui échappait à la politique, préparé par l'étude et les traditions tant à l'intrigue de couloir et d'antichambre qu'à la haute administration, de charpente solide et résistante : voilà ce qu'il était. Et c'était tout lui-même, mais n'était que lui-même. Une idée en somme étrangère, un culte que les Broglie ne pratiquaient que depuis deux générations, l'idée, le culte du libéralisme parlementaire, entés sur tous ces dons, eurent le résultat d'un greffage mortel. Talents, savoir, activité, passion, tout fut desséché.

Il ne faut point dire néanmoins que M. de Broglie ait constamment échoué dans sa politique. Des deux actes fondamentaux que l'histoire lui attribue, le premier fut un vrai succès. Le duc de Broglie réussit parfaitement à éloigner du trône Henri V. Il sut inspirer à ce prince le sentiment que le roi, quel qu'il fût, devrait se résigner à l'avoir pour second, c'est à dire pour maître.

Le Comte de Chambord ne s'y résigna point et souleva, pour en finir, la question du drapeau. Il redoutait l'insidieux réseau dans lequel cet agile et ardent diplomate l'eût fatalement impliqué ; M. de Broglie eût apporté à ce travail le même zèle infatigable, le même fini qu'au premier.

Exactement comme son père sous la Restauration, n'eût-il pas combattu contre un despotisme d'ancien régime, pour 89 et pour les principes du droit nouveau ? Ces principes, étant sacrés, devenaient des fins religieuses. Le feu duc devait, à ses moments perdus, regretter la magnifique opposition qu'il eût pu organiser contre les ultras de 1873 11, s'ils avaient triomphé de ses premières embûches. Du moins, ces embûches, fort artistement composées, rendent-elles un bon témoignage de son attachement à l'autel de la Liberté, en même temps que de sa dextérité et de sa finesse. S'il eût été le maladroit que l'on prétend, sa réussite sur ce point eût été moins complète.

Mais, en éliminant le Comte de Chambord, on ne voit pas que le duc de Broglie ait assuré le trône au Comte de Paris, ni même qu'il se soit conservé à lui-même la haute main sur le pouvoir. Plus tôt qu'il ne l'imaginait, il eut son tour de chute. Il avait dédaigné la faveur du peuple, quand il déplaisait à son roi. Il expia cette indépendance d'une âme fière.

On lui organisa l'impopularité, par les plus indignes moyens. Ni les élections partielles ni les élections générales ne se prononcèrent pour lui. Au Seize-Mai 12, ce doctrinaire du parlementarisme devint, en compagnie de bonapartistes, le chef du cabinet constitué par le maréchal contre la Chambre… On connaît aujourd'hui que le rôle de M. de Broglie y fut modérateur. Nous n'avons pas à l'en louer. Son premier tort fut de se charger d'une entreprise qui lui convenait mal ; le second, de la manquer une fois qu'il l'eut acceptée. Le troisième, une fois manquée, de ne pas la recommencer.

M. de Cassagnac 13 a raconté que, dans la nuit de leur effondrement électoral, il donna justement au duc de Broglie ce conseil, si simple et naturel, de recommencer. « Je ne peux pas ! » gémit le duc, les bras au ciel. Rien de plus vrai. Il ne pouvait même pas le vouloir. L'équipée naïve du coup d'État légal lui était apparue, dès le premier jour, absurde. Mais un coup d'État illégal lui aurait donné l'idée précise d'une impiété. Toute sa religion originelle protestait contre les actes inconstitutionnels. Son énergie, sa patience, son application, son industrie aux mille ressources étaient disponibles pour d'autres œuvres, fussent-elles héroïques ; aucunement pour celle-ci. Volonté, ambitieux désirs, sourdes envies, rien ne l'y portait. Il avait tout osé contre son roi parce qu'il se disait : « La Liberté le veut. » Il n'osa rien contre les radicaux réélus, parce qu'il se disait : « La Liberté ne le veut pas. » Il eût su tenir tête aux caprices des opinions ; cependant l'Opinion, conçue comme une réalité politique, le troublait et l'intimidait. De Gambetta ou de lui, c'était lui, très certainement, qu'elle impressionnait le plus. Le tribun ne pouvait manquer d'être sceptique sur une quantité qu'il faisait et qu'il défaisait presque à son gré. Le duc la redoutait à l'égal d'un pouvoir inconnu et demi divin.

Dans la politique moderne, il n'existe pas de plus grande cause de faiblesse. Je ne crois pas que le duc de Broglie ait jamais fait monter la formule du libéralisme au même degré de mystique rêverie où l'avait élevée son père. Outre qu'il était beaucoup plus intelligent et plus raisonnable, outre que le dix-neuvième siècle, en France et hors de France, en donnant déjà sa mesure, y avait également donné sa leçon, un contemporain de Taine et de Comte ne pouvait s'exprimer comme un collègue de Chateaubriand et de La Fayette. Albert de Broglie a quelquefois atténué son expression de la chimère paternelle, et sa pensée ressemble alors, à s'y méprendre, au sentiment des grands Anglais, qui ne libéralisent point en l'air et s'occupent tout simplement, en esprits justes et pratiques, de trouver le point d'accommodement entre les forces probables de la Couronne, les forces probables des Communes et les forces probables de l'aristocratie.

Dans la préface de ses Essais de littérature et de morale, le duc de Broglie représente sa doctrine comme un système. de « support mutuel », de « conciliation », et finalement de « transaction ». Mais pourquoi nomme-t-il un tel système un « Idéal » ? Le système n'a rien d'un Idéal, quelque sens qu'on veuille prêter à ce mot allemand. Il ressemble plutôt à un expédient. Tous ceux d'entre nous qui ont songé avec courage et résolution aux moyens de régler le présent désordre français savent que rien d'utile ne se fera sans concession ni composition. Un esprit tolérant et conciliateur y est indispensable, comme beaucoup d'intelligence, de diversité, de souplesse. Il faudra des expédients. Les expédients ont du bon, mais à la condition d'être appelés et exigés par les circonstances. Ils se trouvent à la disposition des hommes, mais les hommes ne sont aucunement à leur merci. Loin de former un principe ou de correspondre à un idéal, l'expédient ne vaut rien par lui-même ; il vaut les services qu'il rend. Introduire des expédients libéraux en des sujets qui se passent d'expédients et dans lesquels l'autorité peut réussir à se faire accepter toute seule et dans son entier, constitue une sorte de crime d'État. Compliquer de l'expédient parlementaire l'acte, parfois inévitable, par lequel un pouvoir met quelques soldats dans la rue pour faire taire les mutins, est plus qu'un crime, plus qu'une faute même : c'est un non-sens.

Mais les non-sens les plus forts sont dits et pratiqués par les gens d'esprit s'ils en ont fait une affaire de conscience. Quelque formule qu'il donnât de la Liberté et du gouvernement constitutionnel, le duc de Broglie y tenait sa conscience pour engagée. C'était, comme s'expriment d'après Aristophane, dans le sens d'imagination gratuite, d'utopie et de chimère un peu coupable, les écrivains de l'Action française, c'était la « Nuée » de ce noble esprit. Elle a gâté, réduit, déformé méthodiquement la suite de sa vie et de sa pensée politique. Je crois pourtant qu'il n'a jamais cessé d'y être fidèle.

« Écrivez l'histoire, Monsieur, ne vous mêlez plus de la faire. » Cette dure apostrophe, qu'Armand de Pontmartin 14, après le Seize-Mai, lui jetait de son feuilleton de La Gazette de France, ne fut point écoutée du duc de Broglie. S'il se remit à écrire l'histoire, et l'écrivit parfaitement, comme en ont témoigné Le Secret du Roi et tant d'autres mémoires délicats, pénétrants, rapides, et d'un pittoresque discret, mais vif, dont le règne de Louis XV faisait les frais, M. de Broglie n'en quitta point le dix-neuvième siècle, ni le souci de donner figure au vingtième. Je ne crois pas qu'il ait senti ni ses fautes, ni l'étendue de son malheur.

Battu devant les électeurs sénatoriaux, battu encore en 1885 devant le suffrage universel, en des conditions qui durent flatter son amour-propre un peu sauvage (toute la liste conservatrice passa, lui excepté), il était battu plus complètement devant l'Opinion, sa précieuse icône. Ni les ignorants ni les doctes, ni la bourgeoisie ni le peuple, ne défendent plus aujourd'hui les doctrines du parlementarisme. Si une institution a perdu tout crédit, c'est bien celle-là. En dépit du testament de son auguste père, le Comte de Paris la quitta et, depuis quinze ans 15, les plus radicales tendances autoritaires et militaires se manifestent dans les profondeurs de la nation. La nation demande qu'on fasse taire les bavards et que l'on mette les avocats à la porte ; les théoriciens expliquent que la machine du parlementarisme est essentiellement inutile et pernicieuse, car elle remplace le travail par le bruit, l'action par la critique, la politique nationale par la politique de clan. Le duc de Broglie eût pu compter autour de lui, et peut-être dans sa maison, ceux qui restaient fidèles au parlementarisme. Le sentiment de sa défaite en aurait été plus amer.

Plus amer encore eût été le même sentiment si son intelligence, demeurée étendue et claire, avait pu constater à quel point le parlementarisme avait mérité le double jugement de la foule et des sages. Du wilsonisme 16 au panamisme, du panamisme à l'affaire Dreyfus, tous nos scandales ont été d'origine parlementaire. L'affaiblissement général de l'ordre français, la machine administrative encrassée de routine, les révolutions introduites dans le personnel administratif, l'ancienne centralisation bureaucratique énervée, détruite même, sous l'influence des représentants élus, et cependant le même fonctionnariat renforcé, centralisé plus étroitement en vue du service électoral qu'on attend de lui, des alliances précieuses. mais délicates, tantôt purement négligées, tantôt brusquées et mendiées avec une hâte coupable, la marine et les colonies abandonnées à l'anarchie la plus stagnante, l'armée tour à tour accablée des injures d'en bas et des injustices d'en haut, finalement livrée au bon plaisir des fanatiques ou des sots, pourvu qu'ils soient de la clientèle d'un ministère, enfin les finances à la disposition de mandataires chargés de ruiner le public en faveur des particuliers, ce sont d'autres fruits, très directs, du parlementarisme.

Ils étaient suffisamment clairs ; le duc de Broglie, qui les voyait, a, je pense, rendu le dernier soupir sans rattacher ces fruits corrompus à leur arbre. Il s'était endormi et rassuré sur une distinction fort ingénieuse que ses amis et lui avaient imaginée, il y a un quart de siècle. « Le parlementarisme est faussé, disaient-ils, et faussé en vertu du mécanisme républicain. » Mais ils n'ont jamais expliqué ce qu'un pareil faussage avait d'accidentel et non d'essentiel. En quoi d'ailleurs un souverain, même héréditaire, une fois superposé à ce mécanisme, l'aurait-il empêché de devenir ce qu'il est devenu ? L'unique supériorité de la monarchie sur la présidence élective aurait été de le pouvoir supprimer plus facilement. Mais à quoi bon constituer une machine à supprimer ? Ne vaudrait-il mieux épargner au prince la peine de signer l'ordonnance de suppression ? Le duc de Broglie ne se l'est jamais demandé. Toutes les constitutions qu'il a jetées sur le papier jusqu'au dernier jour comprenaient, comme celle qu'il nous a confectionnée et votée, le vieux rouage du parlementarisme.

Un de ses derniers articles du Moniteur, qui fut remarqué à bon titre, commentait une réponse de son jeune ami, M. Godefroy 17, aux juges de la haute Cour. M. Godefroy avait dit : « Les deux se valent ! » Les deux, c'était, d'une part, la troisième République, et, de l'autre, une dictature. Le mouvement, le nerf, la flamme revinrent sous la plume d'Albert de Broglie pour décrire et flétrir le régime et le nom maudits : Dictature ! Son sens délié de la politique et de l'histoire l'abandonnaient ; une âpre fougue, une froide rage, les mêmes qui parurent dans ses actes de 1873 contre les projets de dictature royale, étincelaient parmi les beaux plis de son ample phrase quand il lui arrivait de toucher à son grand sujet. On sentait, à le lire, un extrême désir de se montrer fort désagréable et pointu envers qui en jugeait d'une autre manière que lui. Innocemment, du reste, sans intention mauvaise, ni d'offense ! Mais son dieu le tenait, et cet homme si poli confessait sa foi.

Ainsi la Liberté, entendue religieusement, ne s'est pas contentée de perdre une belle vie. Elle a aigri un beau caractère, ou elle l'a laissé s'aigrir. N'inspirant point de tolérance, ne créant point d'aménité, à quoi donc servait le sentiment de la Liberté ?

L'autorité peut être dure dans le privé, mais elle rachète son inconvénient par des avantages publics. Les libéraux confessionnels ont, en un vain partage, la liberté sans ses plaisirs, l'autorité sans sa puissance ; tristesse de Zénon et relâchement d'Épicure… C'est ce dont la plupart des Français se sont aperçus. Beaucoup d'entre eux renoncent déjà à l'illusion, à la Nuée qui perdit successivement trois ducs de Broglie. Ah ! si l'histoire de ces grandes et malheureuses personnes hâtait, dans notre peuple, une abjuration, tranchait une indécision, dissipait enfin quelque doute, cet immense service posthume rendu au public les déchargerait de tout blâme. On les plaindrait, mais on plaindrait aussi la France dépouillée, par leur faute autant que par la sienne, du service de leurs talents et de leurs vertus.

Charles Maurras
  1. Cet abbé est un personnage de la comédie d'Alfred de Musset Il ne faut jurer de rien. À la scène II de l'acte I, au cours d'un dialogue burlesque, il émet cette réplique :

    Je trouve la scène de l'évêque fort belle. Il y a certainement du génie, beaucoup de talent, et de la facilité.

    (n.d.é.) [Retour]

  2. Auguste-Théodore Paul de Broglie, 1834-1895, frère cadet du duc Albert. Polytechnicien, il devint tardivement prêtre (en 1870) et fut l'auteur de nombreux ouvrages. Il mourut abattu au revolver par une paroissienne à qui il rendait visite ; celle-ci, sujette à des crises de folie, l'accusait d'avoir violé le secret de la confession. Cette mort provoqua de nombreuses polémiques, tant sur la fréquentation des femmes par les prélats que sur l'opportunité de revenir à l'enfermement des fous. (n.d.é.) [Retour]

  3. Eugène Ledrain, 1844-1910, érudit spécialiste des questions d'Orient, auteur d'une traduction savante de la Bible. (n.d.é.) [Retour]

  4. Dom Prosper Guéranger, 1805-1875, restaurateur de l'ordre des bénédictins en France et refondateur de l'abbaye de Solesmes. (n.d.é.) [Retour]

  5. Flavius Claudius Julianus, 332-363, surnommé Julien l'Apostat par la tradition chrétienne, empereur à part entière de 361 à 363. Il doit son surnom à sa tentative de restaurer la religion antique dans l'empire romain, alors qu'il avait été élevé dans la religion chrétienne. (n.d.é.) [Retour]

  6. Basile de Césarée, 329-379, et Grégoire de Nazianze, 329-390, furent effectivement condisciples du jeune Julien, avant de devenir les figures emblématiques de la lutte contre l'arianisme. (n.d.é.) [Retour]

  7. Ville proche d'Athènes où se trouvait le grand temple de Demeter (Cérès) qui fut détruit par les Wisigoths en 395. (n.d.é.) [Retour]

  8. Anne Sophie Swetchine, 1782-1857, aristocrate russe convertie au catholicisme en 1815, vint s'installer ensuite à Paris où son salon devint le lieu de rencontre attitré des catholiques libéraux. (n.d.é.) [Retour]

  9. Cette École de Nancy ne préfigure en rien celle des arts décoratifs, née après 1900, qui est la seule à porter ce nom aujourd'hui. Il s'agit du groupe qui, en 1865, rendit public un projet de décentralisation soumis à Napoléon III --- voir L'Idée de la décentralisation. (n.d.é.) [Retour]

  10. La « cabale des Importants », en mai 1643, précéda la Fronde de quelques années. Toutes deux étaient dirigées contre le cardinal Mazarin. (n.d.é.) [Retour]

  11. C'étaient bien des ultras. Il faut lire dans Paris pendant les deux sièges le beau projet de constitution royaliste élaboré par Louis Veuillot sous leur inspiration. [Retour]

  12. Le 16 mai 1877 est une date charnière dans l'histoire de la Troisième république. Le républicains sont majoritaires depuis un an à la Chambre, mais non au Sénat. Le Président royaliste Mac-Mahon engage une épreuve de force avec le premier ministre Jules Simon, qui démissionne. Albert de Broglie forme alors un « gouvernement d'ordre moral », mais la Chambre lui refuse sa confiance. Gambetta prend la tête d'un mouvement de protestation. La crise débouche sur de nouvelles élections ; les républicains n'y emportent qu'une courte victoire, mais ils prennent la majorité au Sénat et les royalistes sont laminés. Albert de Broglie démissionne le 19 novembre et Mac Mahon reconnaît sa défaite ; la voie est ouverte au renforcement irréversible du pouvoir républicain. (n.d.é.) [Retour]

  13. Paul de Cassagnac, 1842-1904, journaliste politique, député bonapartiste du Gers à partir de 1876, connu pour ses nombreux duels. (n.d.é.) [Retour]

  14. Armand Ferrard, comte de Pontmartin, 1811-1890, journaliste et critique littéraire légitimiste. (n.d.é.) [Retour]

  15. Écrit en 1901 (note de 1928). [Retour]

  16. Daniel Wilson, 1840-1919, richissime député radical, épouse en 1881 la fille du Président Jules Grévy. En octobre 1887 éclate le scandale du trafic des décorations, dont il est la plaque tournante. Jules Grévy est contraint à la démission, mais son gendre reste député et n'est pas inquiété. C'est le premier de la longue série des gros scandales qui secouèrent la Troisième République ; l'affaire de Panama le suit de quelques années. (n.d.é.) [Retour]

  17. Eugène Godefroy, responsable parisien de la Jeunesse Royaliste (voir à ce sujet l'article de François Callais : « La Jeunesse Royaliste. Préfiguration de l'action française », Histoire, économie et société, 1991, no 4, p. 561-589). Le procès en Haute Cour dont il est question est celui du « complot » de Paul Déroulède, suivi par le fameux épisode du « Fort Chabrol ». Le verdict fut rendu le 4 janvier 1900 ; entre autres condamnés au bannissement, André Buffet et Eugène de Lur-Saluces, les représentants en France du duc d'Orléans, durent s'exiler à Bruxelles, où Maurras alla les rencontrer pour commencer à écrire ce qui allait devenir l'Enquête sur la monarchie. (n.d.é.) [Retour]

Texte paru le 2 février 1901 dans La Revue hebdomadaire.

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