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L'École laïque contre la France

Un système d'abêtissement

Il faut en finir avec le carnaval de la liberté de l'esprit.

Il faut en finir avec la plus sournoise mais la plus odieuse oppression intellectuelle qui ait pesé sur un pays.

Il faut en finir avec la théocratie kantienne et roussienne qui accable écoliers et contribuables français.

Il y avait autrefois, en France, deux livres de classe, très inégalement respectables, d'une antiquité inégale, d'une popularité inégale aussi en fait comme en droit, mais qui représentaient ensemble la somme de l'esprit national. C'étaient le Catéchisme diocésain et (l'adjonction est de Nisard 1) les Fables de La Fontaine.

Le catéchisme propageait tout l'essentiel de la morale et de la religion, il apprenait aux bambins ce qu'il faut faire et ce qu'il faut éviter, et comment et pourquoi ; le pourquoi naturel et le pourquoi surnaturel, la raison du devoir, la sanction du devoir, et ces précisions réalistes n'empêchaient pas d'entrouvrir à l'intention des âmes les plus fines, ou peut-être, en vue des moments les plus heureux des âmes communes, le royaume supérieur de la grâce et du pur amour. Le curé de village qui enseignait ainsi la morale et la foi philosophait pour toute l'âme. Il en intéressait toutes les parties basses, moyennes ou sublimes. Ainsi agissait-il. Ainsi obtenait-il des résultats spirituels et moraux dont toute la vie de notre France témoigne. Mais l'école laïque a supprimé le catéchisme. Elle l'a remplacé. Elle a substitué au catéchisme le manuel de morale laïque. Elle a substitué à la morale catholique ce stoïcisme germanique de Rousseau et de Kant, qu'il est bien permis d'appeler le dégoût solide et durable de toute raison, l'écœurement fondamental de toute intelligence claire et de tout esprit bien constitué, le haut-le-cœur essentiel du simple bon sens. Le bien pur pour le bien sec ! Le devoir de croire au devoir ! L'absolu désintéressement « sur la terre comme aux cieux » à la racine de tous les actes méritoires ! La vertu si cruellement escarpée qu'il n'y ait d'autre accès vers elle que l'hypocrisie. Et, par bonheur, trop de pathos et de charabia pour être assimilé même en surface non seulement par les enfants, mais par leurs maîtres ! Au total, une fois sur dix, éducation pervertie, neuf fois sur dix, néant d'éducation, d'où il résulte que le « petit sauvage » demeure inéduqué et qu'il se produit un formidable développement de criminalité dans l'enfance et dans la jeunesse.

Il est vrai que l'école laïque ne s'est pas contentée de détourner au profit du manuel le catéchisme, elle lui a sacrifié aussi les Fables, elle a écarté aussi le répertoire exquis du bon sens national. Toute cette sagesse, toute cette malice, toute cette réflexion matoise et profonde a dû céder à des sentences utopiques, dans lesquelles le monde se conçoit renversé sens dessus dessous.

De là, un prodigieux abêtissement.

Le paysan et le pâtre d'il y a septante-sept ans voyaient peut-être voler dans la nuit de Noël des angelots joufflus et des étoiles surnaturelles, mais ils savaient parfaitement à quelle catégorie particulière appartenaient ces êtres d'élite et d'exception : ils n'en concluaient pas au bouleversement des rapports naturels ni des rapports sociaux, ils ne croyaient pas au pouvoir international d'un programme de député, et l'idée que la guerre ou tout autre fléau pût être terminé par le tribunal à Genève n'entrait pas dans leur imagination. Ni la foi ni la poésie n'y faisait de tort au bon sens.

Il n'en est plus de même, le Manuel a mêlé le Ciel et la Terre. Les fables vraies, les justes fables de La Fontaine qui gardaient et qui défendaient, ont cédé aux fables menteuses et niaises, aux fables qui livrent et trahissent, les fables de Léon Bourgeois 2 et d'Édouard Herriot. Et le pis est que ce malheur n'est pas, comme pourrait le croire l'historien de l'an 3000, un résultat involontaire et inconscient d'une aveugle dégénérescence de race. Il est voulu. Il est visé. Il est systématiquement poursuivi. Nous payons pour qu'il soit touché. Une part de nos contributions annuelles est portée à l'État pour que, à chaque petit Français qui atteint l'âge d'aller à l'école, des sommes soient versées, des frais soient faits pour lui ôter des mains le catéchisme, lui rendre les Fables suspectes et lui imposer, avec toutes les marques et estampilles de l'État, le stupide petit Manuel qui lui enseignera de véritables billevesées sur la nature essentielle du réel et du possible, du bien et du mal !

Une religion d'État

Tout le régime d'enseignement désigné sous le nom de laïcité représente un système complet d'embrigadement et de domestication des intelligences et des consciences populaires. Hors du peuple, dans les classes aisées, moyennes et supérieures, il y a des voies ouvertes toutes grandes pour échapper à cette trituration administrative des cervelles et des cœurs selon le procédé de Rousseau et de Kant qu'imposa la bande des huguenots sectaires et des kantistes bismarckiens qui entouraient Jules Ferry vers 1880 ! Un fils de famille bourgeoise a chance d'apprendre une autre morale que la prétendue éthique indépendante et ses burlesques fariboles : un enfant du peuple, non. Le pauvre petit avalera Rousseau et digérera Kant mis en pilules de la marque Buisson-Pécaut-Monod 3 et Cie. Il n'aura pas le moyen de recevoir une autre éducation, ces sottises lui seront imposées par la loi de l'État, et avec l'argent de l'État, c'est-à-dire notre argent à tous. La secte kantienne et roussienne ne paye pas des établissements pour propager ses chimères anticatholiques et anticritiques, lesquelles sont aussi, par-dessus le marché, tout à fait anarchiques. Ce groupe s'est emparé de l'État, il s'y est installé, et c'est de là, par là, que sa marchandise anti-intellectuelle s'écoule.

Que mon lecteur ne se fâche point des épithètes un peu rudes. Elles sont au-dessous de la vérité. Toute la France finira par savoir quel mécanisme d'abrutissement (et aussi quel instrument de démoralisation), constitue la morale rousso-kantienne dans l'enseignement primaire. Cela tue le pays. Cela tue l'esprit du pays. L'Université le sait bien, et tout ce qui pense dans l'Université, enseignement secondaire et supérieur. Mais cette haute Université est bâillonnée. Elle ne peut parler. Elle est d'État. L'État la tient et il la tue, comme il est en train de tuer, cet État républicain, toute bonne chose française.

On le voit, c'est à un point de vue national, au point de vue de l'intelligence non confessionnelle, comme à un point de vue de simple moralité effective, que je me place pour éclairer le pays sur la véritable réalité du laïcisme : ce régime, cet État, est un régime de théocratie ou de sacristie, tous les mots d'ordre secret y sont d'ordre religieux et une dogmatique implicite y est imposée à ses adhérents de cœur et d'esprit, à ceux, qui ont véritablement reçu l'initiation aux derniers mystères, ou qui doivent voir, comme ils disent, la lumière du trente-troisième appartement 4.

On me dira :

— Quelle dogmatique ? Quelle idée enfermée dans ce dogme ?

Je réponds :

— C'est bien simple : l'anticatholicisme, c'est-à-dire la haine des idées, des sentiments, des images du culte et de l'ordre, qui ont composé les 90 centièmes de la tradition mentale et morale du peuple français.

Oui, nous payons des prêtres, et de véritables congrégations de prêtres et de docteurs, dans les écoles normales primaires, pour entretenir cette religion d'État contre l'État.

Oui, l'État paye de son argent et de notre argent, pour faire fermenter ces graines d'anarchie et le mieux renverser, révolutionner et ruiner, lui, État.

Est-il au monde rien de plus bête ? Et le mystère de nos consomptions et de nos convulsions n'est-il pas suffisamment défini par ce contre-sens meurtrier ?

Ça ne peut pas durer. La France ne peut entretenir, couver, payer une école contre la France. Notre école primaire doit être « nationale ». Elle ne l'est plus.

L'histoire de France à l'école

C'est l'enseignement de l'histoire, de l'histoire de France qu'il faut surtout considérer dans cette école.

Je ne m'arrête pas aux dispositions des instituteurs dernier cri qui jugent toute Histoire inutile ou même dangereuse faute de certitude : les méthodes de la critique transcendante ont été mises aux mains d'esprits enfants qui ne sont pas encore parvenus au point où ils se rendraient compte que n'importe quelle discipline de l'esprit humain, philosophique ou scientifique, spirituelle ou morale, tombe sous les mêmes objections, expose aux mêmes risques, le néant seul ou la foi nihiliste pouvant échapper (jusqu'à un certain point) à des doutes pareils.

Restons dans la zone, moins absurde, des maîtres d'école qui croient à l'histoire et enseignent l'histoire, mais, du point de vue révolutionnaire, contestateur, opposant, schismatique, tel qu'ils l'ont appris des fondateurs de l'enseignement. L'esprit de leurs leçons peut se définir une sorte de religion de tous les échecs, de tous les ratés de l'histoire de France. Si nous avions dans nos annales quelque relation de la manière dont nos brunes populations de Ligures et d'Ibères furent. vaincues et refoulées par les grands diables blonds du type gaélique, ces historiens s'attendriraient et pousseraient de grands soupirs sur tous les malheurs issus de l'événement. Ils prennent leur revanche avec la conquête romaine. Ah ! si le grand diable blond Vercingétorix l'avait emporté sur le petit brun qui venait de Rome ! Ah ! si César avait été vaincu !

Cependant, les Français, tels qu'ils sont, sont les fils de la victoire des Gaulois sur les Ibéro-Ligures et des Romains sur les Gaulois. N'importe. Il faut gémir. Il faut regretter. Clovis s'est-il converti ? Ah ! s'il était resté bon païen, bon Germain ! Il défait les Goths ariens : ah ! si l'arianisme l'avait défait ! Surviennent Charles Martel, Charlemagne ; ces maladroits ont refoulé les cavalcades sarrasines et de ce fait, la belle civilisation arabe n'a pas fleuri chez nous, quel malheur ! De la civilisation catholique et romaine maintenue et développée, pas un mot, ou des mots dédaigneux et rapides, pires que le silence. Les Capétiens s'installent : s'ils ne s'étaient pas installés ! Si l'anarchie féodale ou communale l'avait emporté ! Le nord vient à bout du midi, le catholicisme de l'albigisme : c'est un désastre ! c'est un deuil ! Les magnificences du XIIIe siècle, le règne européen de la France, l'apothéose de saint Louis ne compteront pas. Mais quand, aux XIVe et XVe, la France envahie, puis déchirée, se débarrasse avec Jeanne d'Arc de l'hégémonie anglo-normande, même chanson en sens inverse : l'affreux triomphe des Armagnacs et des Dauphinois alliés à la bonne Lorraine a empêché la formation d'un puissant royaume du Nord qui eût commencé aux îles Orcades et se fût arrêté à la Loire ! Mais Charles VII, mais Louis XI, mais Louis XII, la prodigieuse prospérité de la fin du XVe siècle seront escamotés jusqu'à l'approche d'un nouveau sujet de regrets et de larmes : la non-conversion de la France au protestantisme. Comme on aimerait cette chère patrie si elle se fût faite huguenote ! Mais non : Henri IV abjure, et ce sont Richelieu, Louis XIV, cent cinquante ans d'influence, une gloire qui semble comparable, peut-être supérieure, à la période correspondante du Moyen Âge. Ne croyez pas que nos historiens en soient le moins du monde touchés.

Ils ne reprennent de cœur qu'à la Révolution. C'est que la Révolution leur semble « la revanche commune des vieux Ibéro-Ligures sur les Gaulois, des Gaulois sur les Romains, des Francs païens et des Goths ariens sur Clovis, des Arabes sur les Carolingiens, des manichéens sur les Capétiens, des Anglais sur les Valois, des protestants sur les Bourbons. Par exemple, la décadence causée par cette belle revanche ne les émeut pas : ni la fin de notre marine à Trafalgar, ni les cinq invasions poussées jusqu'au cœur du pays, de 1792 à 1914, ni la baisse de la natalité, ni la hausse de la criminalité, ni la diminution de notre influence par le monde entier ne sont retenues. On n'aimait pas l'histoire qui avait fait la France : comme on adore celle qui la défait !

Les instituteurs et l'État

Nous ne nous laisserons pas entraîner dans la diversion que peut désirer l'adversaire. Il ne s'agit nullement d'injurier les instituteurs, ni de les accuser d'antipatriotisme. Nous disons qu'ils sont des victimes. « Ils », c'est-à-dire leur très grande généralité. Leblaye 5 est un instituteur antipatriote jusqu'à la trahison, comme Malvy, Turmel, Duval, Caillaux, Almereyda 6 sont des radicaux et des socialistes antipatriotes qui ont poussé au même crime la logique de leur doctrine. Mais les fautes et les crimes sont personnels. Si, comme on le prétend, sur 150 000 instituteurs publics, il y en a 15 000 de communistes, n'ayant de patrie qu'à Moscou, c'est tout d'abord un grand malheur dont il faut demander compte au mode de formation de ces fonctionnaires publics. Comment s'y est-on pris pour qu'une élite populaire chargée d'enseigner au peuple l'État et la Nation, se soit ainsi tournée contre l'État et contre la Nation ?

On dit qu'une élite de cette élite s'est bien battue 7. Mieux elle s'est battue, plus il faut avouer qu'elle était digne d'un enseignement supérieur et d'une formation meilleure. Ceux qui ont vu dans le livre du père Bessières 8 l'histoire des instituteurs que ce jésuite a connus au front savent quels sentiments animaient ces héros. C'est pour nous une raison nouvelle de demander pourquoi, par quelle perversion intellectuelle ou morale les programmes républicains ont refusé à ces enfants du peuple la nourriture qui était mise à la portée des seuls enfants de la bourgeoisie.

Il y a une doctrine nationale, sociale, politique, élaborée entre 1850 et 1900 par les plus fortes têtes du siècle écoulé et qui, ruinant l'essentiel de l'esprit romantique et de l'esprit révolutionnaire, sauvait de la critique anarchique et ouvrait à l'esprit des directions presque convergentes. Il ne sert de rien de dire que c'étaient des voies royalistes ou catholiques. Renan et Taine inclinaient plutôt à la confession protestante si Comte et Le Play tendaient à se rapprocher du catholicisme. Comte, Taine, Fustel concluaient à une République aristocratique, ou bourgeoise, ou sociocratique, si Renan et Le Play inclinaient à la monarchie. Un État républicain, résolu à préférer la paix intérieure à la guerre civile et le progrès dans l'ordre à la dissension sur les ruines eût naturellement porté l'attention de ses élèves-maîtres ou de leurs professeurs sur ces études d'accord social où la conscience nationale se fût affinée dans le respect du passé et l'espérance de l'avenir. Pas une de ces doctrines qui ne fût, en un sens, laïque, même celle de Le Play (elle attribuait à la concurrence et à l'émulation du protestantisme et du catholicisme la splendeur du progrès moral au XVIIe siècle). Pas une de ces doctrines qui ne pût entrer le plus naturellement du monde dans une doctrine d'État, large, modérée, respectueuse des idées respectables, même assez tolérante des autres pour ne pas éloigner de la ligne du moindre mal. Ces doctrines diverses représentaient la leçon spontanée que de très grands esprits, infiniment supérieurs aux maîtres de la Révolution, avaient tirée soit de nos épreuves intérieures, soit de notre défaite d'il y a cinquante ans. Elles étaient le fruit direct de la libre réflexion d'un peuple désireux de vivre ou de revivre. Lorsque, en 1900, à défaut de l'État inerte ou hostile, l'Action française en eût opéré la synthèse, ces doctrines entrèrent pour une grande part dans cette renaissance de l'orgueil français qui aura fait le caractère des quatorze années qui suivirent. Notre enseignement libre, ajouté aux enseignements religieux, qu'il doublait, secondait, au lieu de les contredire, notre enseignement fit ce que l'enseignement officiel avait manqué. Mais pourquoi celui-ci l'avait-il manqué ? Sous quelle suggestion ? Par quelle trahison ? Comment l'État pouvait-il donner de tels enseignements contre lui-même ? La réponse est simple : ce contre-État est sorti d'une contre-Église. Si les vieilles idées antiphysiques, antiscientifiques du XVIIIe et du XIXe siècles se sont « confusément réfugiées » dans nos écoles normales, si des générations d'élèves-maîtres et de jeunes maîtres ont été méthodiquement élevés et dressés contre les meilleures des acquisitions les plus laïques du XIXe siècle, c'est par la volonté et pour l'utilité d'une secte ou plutôt de la section d'une secte, celle qui a voulu obtenir par l'école, sous la troisième République, ce que le prêche avait manqué sous François Ier.

Que chacun paie les frais de son culte

Il est bien, fâcheux que les 50 ou 60 000 Français et Françaises à qui était due la fondation du Quotidien 9 n'aient pas procédé pour le laïcisme de l'enseignement de la même manière que pour le laïcisme de journal ; de petites actions de cent francs auraient pu être souscrites, le capital constitué eût été affecté à la distribution, de la morale de Rousseau et de l'évangile de Kant. Ce groupe privé eût ouvert des écoles privées et les parents à qui la chose eût convenu y eussent librement envoyé leurs enfants. La leçon de morale indépendante aurait tout naturellement formé un certain nombre d'anarchistes. Mais ces ennemis de la communauté n'auraient pas été fabriqués au nom de l'État, organe central de la communauté : les contribuables qui n'aiment pas l'anarchie n'y auraient pas été de leur poche.

L'expédient de la neutralité est, en fait, une rêverie. Ni mille ans, comme l'élection capétienne, ni un an, ni un jour, cet expédient ne passe dans les faits. C'est une idée pure et, comme telle, pas bien fameuse. Les manuels scolaires de l'école officielle française sont-ils des livres neutres ? Entre Rome et Genève, entre la morale indépendante et la morale traditionnelle, entre le réalisme national et l'idéalisme révolutionnaire, ces petits livres pratiquent-ils la neutralité ? Est-ce qu'ils peuvent la pratiquer ? Est-ce que les inspecteurs, évêques du laïcisme, qui surveillent la lecture et la récitation de ces pauvres bouquins, sont des évêques neutres ?

Ce qui a existé, c'est l'école rituelle de l'église dont MM. Buisson, Rabier, Liard, Monod, Lapie et quelques autres ont été les prélats, les papes et les clercs. Et cette école a donné les affreux résultats dont témoignent : 1o l'état d'esprit d'une forte minorité d'instituteurs socialistes et communistes ; 2o le développement de la criminalité ; 3o la baisse de la natalité et tous les fléaux publics dont ce pauvre Hervé tient le registre plaintif après les avoir aggravés, jadis et naguère, tant qu'il a pu.

Mais on pourrait négliger ce fait, d'ailleurs patent, que cette école est une très mauvaise école. Du point de vue de la justice, il suffit pour condamner cette école que, enseignant la doctrine de quelques-uns, elle soit payée par tous et obligatoire pour tous, en particulier pour ceux qui n'ont aucun moyen de se défendre contre ses inventions, ses conjectures, ses frénésies et ses fanatismes.

L'école de quelques-uns doit être payée par quelques-uns.

L'école que tous paient ne doit enseigner que ce qui peut être admis et approuvé par tous. Il n'y a pas à sortir de là.

Un enseignement moral dressé contre les mœurs sociales, un enseignement historique dressé contre le passé du genre humain et contre la gloire de la nation, voilà ce qu'aujourd'hui le contribuable français est obligé de subventionner et, qui plus est, d'avouer, d'autoriser, de patronner au nom de la France ! Voilà ce que commande et impose, pour ses fins d'intérêt propre, le petit groupe qui s'est emparé de l'État, à l'ensemble des autres Français. Mais, plus l'exigence est absurde et inique, plus le moindre murmure qu'elle soulève soulève aussi l'indignation dans le groupe des profiteurs. Que l'État ne recommande plus, ne subventionne plus des doctrines qui le détruisent, que le contribuable non roussien, non kantien et non monodien ne soit plus astreint à payer les frais du culte monodien, kantien et roussien, ces prétentions si justes, si naturelles et si simples donnent des attaques de nerfs au petit groupe conquérant qui trouve si commode de nous faire payer pour lui !

Preuve que la forme de sa conquête ne le rassure pas.

Il s'est imposé par surprise. Il sait qu'il ne durerait pas si ses titres étaient considérés de près.

Charles Maurras
  1. Désiré Nisard, 1806-1888, homme politique, écrivain et critique — à ne pas confondre avec son frère Charles. À l'appui de cette parenthèse de Maurras sur le rôle de Nisard, citons l'étude de Ralph Albanese, La Fontaine à l'école républicaine : du poète universel au classique scolaire, Rookwood Press, 2003, p. 8 :

    Saluant en La Fontaine le créateur d'un genre particulier, Nisard considère les Fables comme une sorte de catéchisme laïque, d'où la valeur œcuménique du poète dont l'œuvre rapproche les esprits et fait disparaître les antagonismes de tout ordre. Grâce à son bréviaire poétique propre à tous les âges, La Fontaine incarne l'esprit de la « formation permanente » nous offrant une sorte d'itinéraire spirituel à travers la vie.

    Comme celle-ci les notes suivantes sont des notes des éditeurs. [Retour]

  2. Léon Bourgeois, 1851-1925, est un homme politique français, député radical élu contre le général Boulanger, plusieurs fois ministre, président de la Chambre des députés de 1902 à 1904, théoricien du solidarisme. Il est le premier président de la Société des Nations en 1919 ce qui lui vaut le prix Nobel de la paix en 1920. Aujourd'hui encore sa mémoire est particulièrement honorée par le Grand Orient de France. [Retour]

  3. Ferdinand Buisson, Félix Pécaut, Gabriel Monod : toutes figures très politiques de l'enseignement officiel de la troisième République. [Retour]

  4. Pour un lecteur de 1928, ces expressions désignent et visent de manière transparente la franc-maçonnerie. [Retour]

  5. L'affaire de l'instituteur Leblaye date de 1925 : il s'agit d'un instituteur accusé d'avoir eu un comportement qualifié par l'Action française de traîtrise et qui fut réintégré dans l'enseignement après en avoir été chassé. Malgré l'agitation faite autour d'elle, l'affaire Leblaye ne prit jamais vraiment. C'est que d'autres scandales lui faisaient alors concurrence en particulier sur le thème des libertés universitaires ; de plus une lutte violente avait lieu entre Action française et partis du Cartel des gauches alors à peine parvenu au pouvoir. La mise en minorité du ministre par le Sénat sur l'affaire Leblaye apparaît dans ce contexte comme une simple péripétie parlementaire du printemps 1924. [Retour]

  6. Tous personnages combattus par l'Action française durant la guerre de 1914 et après-guerre parce qu'elle les considérait avoir trahi. Au moment de l'affaire Leblaye évoquée par Maurras la réprobation à leur égard commence à fléchir et l'on parle même ouvertement, à gauche, de leur réhabilitation. [Retour]

  7. Durant la grande guerre. [Retour]

  8. En novembre 1915, le jésuite Albert Bessières transforma « l'apostolat de la cigarette » — l'envoi de colis aux soldats par les enfants catholiques — en un mouvement davantage tourné vers l’eucharistie : la « Croisade des enfants » appelée à devenir la « Croisade eucharistique ». Cela explique la grande popularité après-guerre du père Bessières chez les catholiques français. Il sera en outre un auteur prolifique édité jusque dans les années 1950 pour divers ouvrages, dont des souvenirs de guerre. [Retour]

  9. Lancé en 1921, Le Quotidien est le journal du Cartel des gauches. [Retour]

Texte paru dans l'Almanach de l'Action française pour l'année 1928.

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