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Dissertation sur Tacite 1

Avec Brutus mourant la liberté s’était pour jamais envolée de Rome ; avec Octave le simulacre en disparut aussi. Des monstres ou des imbéciles s’assirent tour à tour sur le trône des Césars, et la foule qui s’était ruée à la servitude aux pieds d’un Tibère venait avec le même zèle encenser les autels d’un Claude ou d’un Néron. Panem et circenses, du pain et des jeux, telle était la seule clameur qui troublait à Rome le silence à travers lequel s’acheminaient les générations. Jeunes et vieux, tous se pressaient vers l’idole régnante ; seuls, à l’écart, quelques hommes conservaient une attitude calme et digne.

Ce n’étaient pas des républicains ; ils ne le savaient que trop, les beaux temps étaient passés pour leur pays ; cette même plèbe qui mendiait les dons de l’empereur n’eut été que plus avide, plus rapace et plus vile, maîtresse de son sort. La vénalité des élections, l’achat des votes eût remplacé les turpitudes présentes dont on n’eût fait que changer la forme.

Ce n’étaient pas des opposants ; ils se comptaient et voyaient leur petit nombre ; les hommes étaient rares autour d’eux. Qu’eussent-ils fait dans l’abrutissement universel ? Ils souffraient, se taisaient et attendaient… peut-être la mort.

Rome avait tout perdu avec l’exercice de ses droits politiques ; l’ombre de son grand nom, voilà le lambeau de gloire qui parait encore les épaules déguenillées de la maîtresse du monde ; triste spectacle pour ses derniers enfants. La décadence graduelle mais sensible d’un peuple est à la fois un objet de mépris, d’horreur et de pitié. Et pourtant, vivre au milieu d’un immense cataclysme, en connaître les causes et l'origine, et se voir contraint de croiser les bras et de rester témoin inactif d’une perdition qu’on voudrait entraver au prix de tout son sang, n’est-ce pas une douleur poignante, surtout quand s’y joint la persuasion intime de la vanité de tous les efforts et de tous les vœux ? Hé bien ! cet atroce supplice, ils l’ont souffert, les Sénèque et les Juvénal, les Burrhus et les Tacite.

Ce dernier surtout, comme il sent la profondeur de l’abîme ! Comme il la mesure ! et de quel œil ! Ah ! dans ces heures de crise sociale, dans ces époques de désespoir, on reconnaît les âmes fortes et énergiques. Le caractère acquiert dans ces épreuves une trempe inflexible, et gagne en consistance et en dureté où les autres ont vu sombrer toute leur énergie.

Tacite n’espère plus ; Rome est sur la pente, elle a commencé à glisser ; impossible de remonter au bord du précipice : un siècle, deux siècles encore, plus ou moins selon la profondeur du gouffre, et elle viendra heurter la roche fatale où ses restes voleront en éclats. 2

Tacite ne croit plus ; il doute. Les Dieux sont trop hauts ; s’ils nous entendaient, laisseraient-ils ainsi les crimes ravager le monde et le souiller ? Y a-t-il une seconde vie ? Y a-t-il une récompense, un jugement au terme de celle-ci ?

Qui sait ? Qui sait ?

Mais Tacite, en raison de ce scepticisme produit par la vertu, se cramponne de toute ses forces à la réalité, l’étreint, la serre, et s’y attache dans une convulsion désespérée. C’est qu’il veut lui infliger un stigmate aussi long que les siècles, puisqu’il n’y a que les siècles, et rien au delà. Il a vécu dans une époque inouïe par ses crimes et par sa dégradation, hé bien, on s’en souviendra ! C’est un bourbier sanglant qui afflige son regard, hé bien ! cette boue ira à la postérité. L’humanité pourra se mirer là-dedans et se dire :

Voilà ce que tu as été ; songe à ce que tu es !

Inspiration sublime qui seule a pu donner à son style et à ses idées cette couleur d’une misanthropie sombre mais pleine de passion et de tristesse 3.

Avez-vous jamais lu cette admirable préface de la Vie d’Agricola ? C’est la première explosion de l’amertume concentrée dans son âme. Chose singulière ! ce livre paraît contenir au premier abord quelques germes 4 d’espérance ; quelques mots adressés à la louange de Trajan font penser au Panégyrique de Pline ; on reconnaît bientôt son erreur. Jam demum redit animus 5, dit-il, mais il y a là-dessous je ne sais quel geste d’incrédulité qui traduit son angoisse pour l’avenir.

Tout le bonheur de Rome dépend en effet d’un homme dont la mort peut être le signal d’une crise nouvelle ; d’ailleurs, les remèdes sont plus lents que les maux : que reste-t-il parmi les gens de bien ? quelques vétérans survivant aux autres et à eux-mêmes. Le reste se complaît dans son inertie et se plonge avec délices dans cette eau dormante qui d’abord faisait à tous une même horreur. N’était-ce le sentiment profond qui l’anime, Tacite aurait cent fois jeté la plume de dégoût : mais il ne veut pas seulement donner aux hommes un échantillon de la dégradation dont ils sont capables, il se propose aussi de venger la conscience du genre humain outragée par la domination de monstres et de répondre par un cri vainqueur à cette fumée, à ces bûchers où se consumaient les livres des sages, et où la tyrannie s’était flattée d’étouffer la voix du peuple romain et la liberté de ses paroles et de ses discours : memoriam quoque… cum voce perdidissemus, nous dit-il, si tam in nostra potestate esset oblivisci quam tacere. 6

Les Annales et les Histoires sont le grand ouvrage de Tacite : c’est là surtout qu'il a montré à nu la force de son âme et le scepticisme de son esprit qui semble douter comme Brutus de la vertu elle-même. Ainsi lorsqu’il a raconté le magnanime dévouement de Paullina voulant mourir avec Sénèque son époux, mais rappelée à la vie par force, l’historien ajoute : Incertum an ignarae. 7

O Horrible ! O most horrible ! pourrait-on dire avec Hamlet, quand on vient de lire Tacite.

Mais si l’on écarte ce scepticisme bien excusable d’ailleurs, vu l’époque où il a écrit, quelle connaissance de cœur humain ne trouve-t-on pas en lui ! Son livre est avec raison le bréviaire des hommes d’État. Comme d’un seul mot il caractérise toutes les bassesses des cours ! Lisez plutôt le récit de la mort de Britannicus tout palpitant de passion, sans rien perdre toutefois de la gravité historique : Trepidatur a circumsedentibus ; diffugiunt imprudentes ; et quibus altior intellectus resistunt defixi et Neronem intuentes… Ita post breve silentium repetita est convivii laetitia. 8

La mort fauche-t-elle un de ses pâles sujets ? un court silence, étonnement ou douleur, et la gaieté du festin recommence… « on jette enfin de la terre sur la tête et en voilà pour jamais. » 9 Je ne puis penser au trait de Tacite sans me rappeler celui de Pascal : tous deux font frissonner.

L’histoire intime, l'histoire d’une cour, d’un palais, d’un homme, voilà ce que Tacite excelle à peindre et à raconter. Comme il nous prépare par exemple à la mort d’Agrippine ! D’abord s’agitent dans l’ombre les intrigues de Poppée, ses perfides suggestions, les propos des esclaves et des affranchis ; peu à peu, à mesure que les faits s’éclaircissent, les physionomies apparaissent plus distinctes. Racine a consacré toute une tragédie à peindre les incertitudes de Néron débutant dans la voie du crime. Il ne faut qu’une phrase à Tacite. Néron a ordonné de noyer sa mère, mais avant de s’en séparer : prosequitur abeuntem, arctius oculis et pectori haerens ; sive explenda simulatione, seu periturae matris supremus aspectus, quamvis ferum animum retinebat. 10 C’est effrayant !

Les Dieux et Agrippine sont ligués contre Néron ; celle-ci en effet s'échappe à la nage et, bien que commençant à se douter de la perfidie, elle envoie son affranchi pour annoncer son salut à l’empereur. Mais Néron est déjà instruit ; comme un écolier pris en faute, il tremble, pavore exanimis 11, va de Burrhus à Sénèque, de Sénèque à Burrhus, qui se le renvoient l’un à l’autre pour éviter de se prononcer. Néron se jette enfin dans les bras d’Anicet 12, il recourt à cet affranchi et, joyeux de son acceptation, montre à nu 13 les bassesses de son âme dans ce mot fameux : illo die sibi dari imperium auctoremque tanti muneris libertum. 14 Voilà l’esclave ; l’histrion a son tour dans la scène où, recevant Agerrimus, il lance une épée entre les jambes de ce dernier, crie au meurtre, fait jeter en prison l’envoyé d’Agrippine ut exitium principis molitam matrem et, pudore deprehensi sceleris, sponte mortem sumpsisse confingeret. 15 C’est du Machiavel assaisonné de Tabarin. Mais tout cela n’est rien auprès du chapitre qui raconte la mort d’Agrippine.

Le politique et l’homme d’État s’effacent et laissent la place au peintre et au poète. Les premières lignes ont quelque chose de vague et de terrible ; à la nouvelle du danger couru par Agrippine un peuple considérable s’est porté sur la plage ; à la lueur des torches on se demande avec une anxiété croissante les nouvelles de l’impératrice ; la troupe d’Anicet, armée, menaçante, refoule loin de la villa ces groupes nocturnes ; le silence succède au tumulte, la solitude se fait tout autour. Les portes sont enfoncées, les serviteurs massacrés ; Anicet pénètre dans la chambre impériale ; il n’y a qu’une faible lumière et qu’une seule femme auprès d’Agrippine qui se demande avec angoisse pourquoi ce subit changement dans l’aspect du rivage. Serait-ce l’annonce de ses derniers moments ? Le tumulte des soldats confirme ses craintes. Et comme la servante effrayée s’enfuit à ce fracas : — Et toi aussi tu m’abandonnes, murmure-t-elle, et pressée de tous côtés par les soldats d’Anicet, elle leur présente son sein en s’écriant : ventrum feri ! 16 et tombe percée de coups.

Telle est la catastrophe de ce drame où s’agitent toutes les dépravations et les misères d’une nation et d’une cour corrompue.

Cette corruption intérieure n’était pas le seul nuage qui planât sur le ciel de Rome. L’orage s’amoncelait vers le nord, où les tribus germaines pressées d’un côté par les mers et les solitudes, de l’autre par les aigles impériales devaient tôt ou tard avoir une revanche éclatante et terrible. Si les provinces fermentaient et se montraient impatientes du joug romain, si Rome descendait de jour en jour les échelons de sa gloire et de sa grandeur passée, il y avait sur le Danube et sur le Rhin, des peuples jeunes, hardis, indomptés, sauvages et belliqueux qui n’avaient besoin que d’un prétexte ou d’un chef pour se précipiter sur l’empire et l’écraser de leur masse. Tacite fut le premier à sonner le tocsin. 17 Car sa Germanie qu’on a voulu réduire aux mesquines proportions d’une satire 18 est sans doute le résultat de ses observations durant ses voyages à la suite d’Agricola 19.

Ailleurs, n’a-t-il pas exprimé les sentiments des barbares, en même temps que ses prévisions, dans la fière harangue de Galgacus : et nullae ultra terrae ac ne quidem mare securum, imminente classe romana. Ita praelium atque arma quae fortibus honesta, eadem etiam ignavis tutissima sunt… Nos terrarum ac libertatis extremos… Sed nulla jam ultra gens, nihil nisi flectus et saxa ; et infestiores Romani quorum superbiam frustra per obsequium et modestiam affugeris. Raptores orbis, postquam cuncta vastantibus defuere terrae, et mare scrutantur ; si locuples hostis est, avari, si pauper, ambitiosi… aufrere, trucidare, rapere, falsis nominibus imperium, atque ubi solitudinem faciunt, pacem appellant... 20 Sans doute le chef breton n’exprima pas ses sentiments avec cette énergie et cette profondeur ; mais on ne peut nier que ces idées ne flottassent dans les esprits, chez les voisins de Rome aussi bien que dans ses provinces, vers les IIIe et IVe siècles. Tacite les a devancées : il a vu par où s’écroulerait le colosse aux pieds d’argile, l’alliance des provinces avec les barbares débordant de toutes parts. Quelle ressource possèdent encore les Romains ? Leurs armées ? écoutez Tacite parlant par la bouche de Galgacus : Omnia victoriae incitamenta pro nobis sunt ; nullae Romanes conjuges accendunt, nulli parentes fugam exprobraturi sunt ; aut nulla plerisque patria aut alia est ; paucos numero… 21

Les mercenaires n’ont pu défendre Carthage, pourront-ils défendre Rome ? Ils ne le voudront pas — et l’historien constate une fois encore le plus douloureux symptôme d’abaissement chez un peuple : la perte de l’esprit public.

C’est ainsi que Tacite jetait autour de lui ses regards scrutateurs et qu’il s’écriait avec le paysan de Jérusalem : Voix du côté de l’Orient, voix du côté de l’Occident, voix du côté des quatre vents, voix contre Jérusalem et contre le temple, voix contre tout le peuple ! Malheur ! Malheur sur Jérusalem ! 22 Et il ajouterait volontiers, lui aussi : Malheur à moi ! Car au milieu des ruines, voyant s’écrouler les murailles et s’effondrer les tours, témoin dans un siècle d’oubli et de festins qui dansait sur les cadavres et les débris amoncelés, que lui reste-t-il que de pousser cette dernière clameur, novissima verba 23, et après avoir rempli le sacerdoce historique qu’il s’était imposé d’exhaler le consommatus est de la langue, de la vertu et de la grandeur de Rome ? 24

Il n’est pas donné à tous de sentir et de comprendre des hommes de cette trempe ; les génies sublimes et puissants ne sont pas accessibles à tous les esprits ; il est une médiocrité qui s’effraie, qui s’indigne, qui se scandalise des plus vigoureux élans, des touches les plus profondes ; malheureusement le vent fait souvent tourner les têtes de ce côté-là 25, et c'est cette médiocrité d'intelligence et de goût qui domine dans la foule et fait l'opinion.

Si 26 l’on jette un coup d’œil sur l’histoire littéraire, on en sera bientôt convaincu. Homère et Eschyle tant admirés dans l’Antiquité furent plutôt subis qu’acceptés par les modernes jusqu’au XIXe siècle. Aristophane effarouche Fénelon et Boileau ; Lucrèce est oublié pendant des siècles ; Plaute et Juvénal sont sacrifiés à Horace et à Térence ; Dante est parodié par Voltaire, Shakespeare est traité de sauvage ivre par le même personnage : à cette liste de glorieux martyrs de la routine et du purisme il ne manquait plus que Tacite, et Tacite a subi le sort commun. Il a eu ses détracteurs, et ses Aristarques, bonnes gens qui ont regardé au microscope des hardiesses qui étonnent déjà à l’œil nu. Fénelon entre autres lui fait son procès (et sans rire) sur l’énergique brièveté de son style, sur la profondeur de sa politique et l’audace de ses peintures et de ses idées. Longues phrases que résume sa bienheureuse devise Ne quid nimis — en vertu de quoi, défense d’être trop beau. Vive Horace ! vive Térence ! mesure parfaite, goût exquis, art délicat, tout se trouve à son juste degré chez ces heureux écrivains. Mais Tacite ! mais Juvénal ! Allons donc ! ils ne laissent pas de repos à nos imaginations, on est toujours hors d’haleine à les suivre, ce qui est très malsain.

Tels étaient la plupart des critiques au XVIIe siècle ; mais notons vite une illustre exception : Bossuet qui appelait Tacite le plus grave des historiens, et celui qui burina le portrait de Cromwell devait s’y entendre.

À l’âge suivant, Tacite ne fut pas plus heureux. Arouet, triste roi d’une triste époque, menait à l’assaut du grand historien la tourbe du XVIIIe siècle, le traitait de hâbleur, et réhabilitait Agrippine et Néron, Tibère et Domitien. Tel patron, tels clients. Toutes ces réclamations ne valent pas grand chose partant d’une telle bouche : mais quand bien même on voudrait prendre Voltaire au sérieux (qui s’en met d’ailleurs peu en peine), il ne serait pas difficile de renverser tout son échafaudage ; car tout ce que dit Tacite sur l’état de Rome au temps des empereurs est confirmé par Juvénal !

— Juvénal ! mais je le récuse ! oubliez-vous que, selon le vers de l’immortel Boileau, ce poète

Poussa jusqu’à l’excès sa mordante hyperbole ?

— Au diable votre immortel Boileau, devant lequel Juvénal s’incline au moins autant que Racine devant Chapelain ! Passons donc condamnation là-dessus ; item sur les auteurs chrétiens excommuniés d’Arouet, mais Suétone? Suétone qui sur le même ton et avec la même placidité retrace la vie de Néron et celle d’Horace ! Qu’en dites-vous… ?

— Suétone ? ah ! saperlotte ! je n’y avais pourtant pas pensé ! au fait : Testis unus, testis nullus, vous le savez bien !

Quelle belle chose que d’avoir si bien étudié le droit ! dit Paul Albert : il a bien raison.

Ces vains reproches, notre siècle en a fait table rase ; et ce n’est pas sa plus petite gloire que d’avoir ainsi relevé les statues des génies calomniés. De beaux hommages ont été rendus à Tacite. Tout le monde connaît le dithyrambe qu’entonne M. J. Chénier ; un autre poète, Lamartine, a célébré avec non moins de magnificence et plus de justesse, ce me semble, la passion, l’énergie, la profondeur de l’historien romain :

Tacite, dit-il, n’est pas l’historien, mais le résumé du genre humain. Son récit est le contre-coup du fait dans un cœur d’homme libre, vertueux, sensible. Le frisson qu’il imprime au front quand on le lit, c’est le frisson de l’âme. Sa sensibilité est plus que de l’émotion, c’est de la piété ; ses jugements sont plus que de la vengeance, c’est de la justice ; son indignation, c’est plus que de la colère, c’est de la vertu. On confond son âme avec celle de Tacite, on se sent fier de sa parenté avec lui. Voulez-vous rendre le crime impossible à vos fils ? Voulez-vous passionner la vertu dans leur imagination ? Nourrissez-?les de Tacite. S’ils ne deviennent pas des héros à cette école, c’est que la nature en a fait des lâches ou des scélérats. Un peuple qui aurait Tacite pour Évangile politique grandirait au-dessus de la stature commune des peuples. Quant à moi je dois à cet écrivain non pas toutes les fibres de chair, mais toutes les fibres métalliques de mon être. C’est lui qui les a trempées. Si jamais nos temps vulgaires prenaient le tour grandiose et tragique de son temps, et que je devinsse une digne victime d’une digne cause, je dirais en mourant : « Rendez honneur de ma vie et de ma mort au maître et non pas au disciple, car c’est Tacite qui a vécu et qui est mort en moi 27. » (Raphaël, XCII) 28.

Au reste les objections s’évanouissent bien vite quand un peuple a passé par les mêmes crises et les mêmes souffrances. Lorsqu’une société agonise, lorsqu’elle se sent souffrir de la même plaie que lui étale un grand historien dans les siècles passés, elle éprouve bientôt pour lui une véritable sympathie. Elle se penche dans la glace qu’il lui présente, elle s’y voit, s’y reconnaît et souvent recule effrayée de sa propre laideur.

Alors on ne chicane plus sur les mots et les syllabes, on n’élève plus une voix vertueuse pour revendiquer les droits du genre humain outragé 29, en dépit d’Arouet on convient de tout et l’on se plonge même avec une certaine volupté dans la misanthropie amère de Tacite, jusqu’au point de s’écrier avec lui : corrumpere et corrumpi saeculum vocatur. 30

Charles Maurras
  1. Nous disposons de deux versions de ce texte : d'une part une copie d'écolier, qu'une note griffonnée par l'abbé Penon au verso situe en 1882, d'autre part un extrait du « cahier d'honneur du collège d'Aix » publié en 1965 dans le quinzième numéro des Cahiers Charles Maurras, où la dissertation est datée de septembre 1883. La copie elle-même est raturée en maints endroits et difficile à déchiffrer. Quant à l'original du « cahier d'honneur », nous ignorons s'il a été conservé et nous ne pouvons que faire confiance à la transcription qui en a été faite ; toutefois, divers indices donnent à penser qu'en dehors des erreurs typographiques qui s'y sont glissées, certains passages ont été interprétés au mieux ; en particulier, la ponctuation a été manifestement revue selon les règles de l'usage actuel.

    Les écarts entre les deux versions du texte correspondent pour l'essentiel aux passages que l'abbé Penon a critiqués dans les marges de la copie d'origine. Le jeune Maurras, chargé quelques mois plus tard de recopier son texte dans le « cahier d'honneur » destiné à réunir les meilleures dissertations du collège, a reformulé ces paragraphes en suivant les remarques de son précepteur. Nous avons choisi de rester au plus près possible du premier texte, et de reprendre en note la version du « cahier d'honneur » lorsqu'elle s'en écarte notablement.

    L'abbé Penon conserva ce cahier par devers lui. Devenu évêque de Moulins, il dût se retirer en 1926 pour raisons de santé à l'abbaye de Frigolet, où il mourut en 1929. Lors de son départ, il confia le cahier au chanoine Léon Côte, un professeur de lettres au collège du Sacré-Cœur de Moulins dont il appréciait la pédagogie. Après la mort de Maurras, le chanoine montra le cahier au duc de Lévis-Mirepoix, qui le cita dans son discours de réception à l'Académie Française le 18 mars 1954 — rappelons que le duc de Lévis-Mirepoix succéda au fauteuil no 16 à Charles Maurras, et que son successeur à ce même siège fut Léopold Sédar Senghor.

    C'est le même Léon Côte, devenu archiprêtre de Vichy, qui mit en forme et publia quelques extraits de ce « cahier d'honneur » dans les Cahiers Charles Maurras : une présentation générale dans le no 8, page 39, puis divers textes dans les livraisons suivantes. La dissertation sur Tacite est le dernier ; elle paraît deux ans plus tard (no 15, pages 20 et suivantes). Des différentes datations qui sont proposées, on peut juste conclure que le texte a été vraisemblablement composé puis revu par Maurras entre son quatorzième et son quinzième anniversaire. [Retour]

  2. Paragraphe fortement raturé. Sous « la roche fatale où », on distingue une première esquisse : « le roc contre lequel ». [Retour]

  3. Ce dernier mot, repris dans la publication de 1965, est difficilement identifiable sur la copie, tant les ratures sont fortes. Il semble qu'en première inspiration le jeune Maurras ait écrit « de passion et d'énergie ». [Retour]

  4. Dans la publication de 1965, « germes » devient « restes ». Plus loin, « quelques mots » devient « une phrase ou deux ». [Retour]

  5. « Maintenant seulement l'âme revit. » Vie d'Agricola, III. Le vrai texte de Tacite est : Nunc demum redit animus. Maurras a bien écrit jam sur sa copie ; la rectification est faite dans le cahier d'honneur. [Retour]

  6. « Nous aurions perdu la mémoire, s'il était en notre pouvoir d'oublier ; comme nous aurions perdu la parole, s'il était en notre pouvoir de nous taire. » Vie d'Agricola, III. Le mot ipsam qui disparaît à l'extrémité de la ligne, dans le pli de la copie, est curieusement remplacé par des points de suspension dans le texte imprimé en 1965. [Retour]

  7. « Comment savoir si elle en eut conscience ? » Annales, XV, 64. Texte complet : Hortantibus militibus servi libertique obligant brachia, premunt sanguinem, incertum an ignarae : « Exhortés par les soldats, ses esclaves et ses affranchis lui garrottent les bras et arrêtent les flots de sang ; on ignore si elle en eut conscience. » [Retour]

  8. Britannicus empoisonné se tord de douleur devant la cour attablée autour de Néron : « Le trouble s'empare de ses voisins de table ; les moins prudents s'enfuient ; mais ceux dont l'intelligence est plus profonde demeurent à leur place, immobiles, fixant Néron… si bien qu'après quelques instants de silence, les convives retrouvent leur gaîté. Annales, XIII, 16. Voici le texte que le jeune Maurras remplace par des pointillés : Ille, ut erat reclinis et nescio similis, solitum ita ait per comitialem morbum, quo prima ab infantia adflictaretur Britannicus, et redituros paulatim visus sensusque. At Aggripinae is pavor, ea consternatio mentis, quamvis vultu premeretur, emicuit, ut perinde ignarem fuisse atque Octaviam, sororem Britannici, constiterit ; quippe sibi supremum auxilium ereptum et parricidii exemplum intellegebat. Octavia quoque, quamvis rudibus annis, dolorem, caritatem, omnes affectus abscondere didicerat, c'est-à-dire : « Néron quant à lui restait allongé, feignant l'indifférence, puis expliquant que Britannicus traverse une de ces crises d'épilepsie dont il est coutumier depuis son plus jeune âge, et qu'il recouvrera sous peu la vue et les sens. Mais le visage d'Agrippine montrait une telle peur et une telle consternation que, malgré ses efforts pour en dissimuler l'effet, il apparaissait évident à tous qu'elle n'était pas plus dans le complot qu'Octavie, la sœur de Britannicus. Elle avait compris qu'on lui arrachait son denier soutien et que le chemin des parricides était désormais ouvert. Octavie aussi ; mais malgré son jeune âge, elle avait appris à cacher sa douleur, son affliction, tous ses sentiments. » [Retour]

  9. Pascal, Pensées, 210. [Retour]

  10. « Il reconduit (sa mère) à son départ, l'étreint très fort en lui baisant les yeux et la poitrine ; soit qu'il eût besoin de cet excès de dissimulation, soit que la vue d'une mère promise à la mort ait alors profondément ému son âme, aussi dénaturée qu'elle fût. » Annales, XIV, 4. [Retour]

  11. « Anéanti par l'épouvante », Annales, XIV, 7 : Pavore examinis et jam jamque adfore obtestans vindictae properam, c'est-à-dire : « Tétanisé de terreur, il est convaincu qu'elle va bientôt accourir, ivre de vengeance. » [Retour]

  12. Affranchi haï d'Agrippine, qui s'était auparavant proposé à Néron pour le débarrasser de sa mère. [Retour]

  13. Ce texte devient dans la transcription du cahier d'honneur : « recourt à cet affranchi et propose de le voir assumer la responsabilité du meurtre, découvre à nu… » [Retour]

  14. « C'est en ce jour que je reçois l'Empire, et je tiens ce si grand bienfait de mon affranchi. » Annales, XIV, 7. [Retour]

  15. Ibidem. Phrase complète : Ipse audito venisse missu Agrippinae nuntium Agermum, scaenam ultro criminis parat, gladiumque, dum mandata perfert, abicit inter pedes ejus, tum quasi deprehenso vincla inici jubet, ut exitium principis molitam matrem et pudore deprehensi sceleris sponte mortem sumpsisse configeret, c'est à dire : « (Néron) ayant appris qu'Agerrinus était venu lui demander une audience, il prend les devants et prépare une mise en scène propre à le mettre en accusation. Pendant que le messager s'explique, il lui jette un glaive dans les jambes, puis le fait enchaîner comme un assassin pris en flagrant délit, afin de pouvoir feindre que sa mère avait voulu le faire tuer, et que, honteuse de voir son crime découvert, elle avait choisi elle-même de se donner la mort. » [Retour]

  16. « Frappe au ventre ! » Annales, XIV, 8. Texte complet : Jam in mortem centurioni ferrum destringenti protendens uterum “ventrem feri” exclamavit multisque vulneribus confecta est, c'est-à-dire : « Au centurion ayant déjà dégainé le fer pour lui donner la mort, elle désigne son sein en s'exclamant “Frappe au ventre !” et s'effondre transpercée de part en part. » [Retour]

  17. Annotation en marge de l'abbé Penon : « Confusion entachée d'anachronisme. » Dans la version du cahier d'honneur, le texte devient : « Tacite reconnut ce danger, il fut le premier à le faire. » [Retour]

  18. Annotation en marge de l'abbé Penon : « D'après P. Albert. » [Retour]

  19. Agricola était le beau-père de Tacite. [Retour]

  20. « Il n'y a plus de terre en sécurité au-delà de la nôtre, ni même de mer, car la flotte romaine nous y menace. Ainsi le combat et les armes, qui font l'honneur des braves, sont-ils aussi la voie la plus sûre pour les pleutres… Nous sommes placés aux confins du monde et de la liberté… Mais au-delà, il n'y a aucun autre peuple, rien d'autre que des flots et des rochers ; et plus dangereux encore, ces Romains dont il est vain de penser apaiser l'arrogance, que ce soit par la soumission ou par la complaisance. Brigands du monde, depuis qu'ayant tout dévasté ils n'ont plus aucune terre à ravager, ils écument les mers ; avides de rapines quand l'ennemi est riche, de domination quand il est démuni ; voler, massacrer, réduire en captivité, voilà ce que dans leur expression mensongère ils appellent l'autorité ; exterminer en tous lieux, voilà ce qu'ils appellent la pacification… » Vie d'Agricola, XXX. [Retour]

  21. « Tous les éléments favorables à la victoire sont pour nous. Ici, les Romains n'ont ni épouses pour enflammer leur courage, ni famille pour flétrir leur lâcheté s'ils se dérobent ; ils sont de nulle part, ou d'une autre patrie que Rome ; les véritables Romains sont bien peu nombreux… » Vie d'Agricola, XXXII. [Retour]

  22. Citation de Flavius Josèphe. L'ensemble de ce paragraphe a été assez profondément modifié dans la version du cahier d'honneur, mais avec les mêmes structures de phrases et les mêmes mots. La citation est ainsi amenée : « Lorsqu'on voit Tacite jeter ainsi le cri d'alarme et prédire en quelque sorte la destruction de Rome, on se rappelle involontairement ce paysan de la Judée dont parle Josèphe, et qui, parcourant les rues de la ville sainte, faisait partout retentir cette clameur sinistre… » [Retour]

  23. Titre du livre quatrième des Harmonies poétiques et religieuses de Lamartine : Novissima verba ou Mon âme est triste jusqu'à la mort. [Retour]

  24. Dans le cahier d'honneur, « imposé » devient « proposé » : « qu'il s'était proposé, d'exhaler le deuil de la langue, de la vertu et de la grandeur romaines. » [Retour]

  25. Cette dernière proposition, que l'abbé Penon qualifie en marge de « phrase peu claire », disparaît du cahier d'honneur. [Retour]

  26. Ce paragraphe ainsi que ceux qui suivent (jusqu'à la citation de Paul Albert incluse) ont été entièrement refondus dans la version du cahier d'honneur. L'abbé Penon avait en effet longuement reproché au jeune Maurras le caractère trop tranché de son propos. Voici ce qu'il écrivit en marge de la copie : « Il ne faudrait pas trop médire de Fénelon et le mettre au nombre des bonnes gens. Cherchez un peu de vrai dans son appréciation, quoiqu'elle soit excessive. » Et Maurras recomposa ainsi son texte :

    « On en sera bien vite convaincu si l'on jette un coup d'oeil sur l'histoire littéraire. Homère et Eschyle tant admirés par les Anciens furent plutôt subis qu’acceptés par les modernes jusqu’au XIXe siècle. Aristophane effarouche Fénelon et Boileau ; Lucrèce est oublié, méconnu ; Plaute et Juvénal sont sacrifiés à Térence ; Dante est parodié par Voltaire, Shakespeare est traité de sauvage ivre par le même personnage : à cette liste de glorieux martyrs de la routine et du purisme il ne manquait plus que Tacite, et Tacite a subi le sort commun. Qu'il ait été attaqué par les pédants et par les beaux esprits, on n'en est nullement surpris ; mais voir Fénelon mêler, à une juste appréciation, des réserves pleines de minutie et même d'injustice, c'est ce qui étonne quiconque sait le mérite et l'autorité littéraire d'un tel juge.

    Le fait est que le génie de Tacite lui convenait moins qu'à Bossuet. L'idée qu'il se formait d'un sublime le démontre clairement : “Je veux, dit-il, un sublime si familier, si doux, si simple, que chacun serait tenté de croire qu'il l'aurait trouvé, quoique peu d'hommes soient capables de le trouver.” Évidemment, tel n'est pas le caractère du sublime de Tacite ; on ne peut, non plus, le comparer à un éclair subit et passager ; c'est plutôt le froid d'un glaive qui traverse la poitrine et va jusqu'à l'âme. Et Bossuet le sentait profondément, lui qui nommait Tacite “le plus grave des historiens”, lui empruntant même plusieurs de ses traits. Celui qui burina le portrait de Cromwell devait s'y entendre.

    À l’âge suivant, Tacite ne fut pas plus heureux. Arouet, triste roi d’une triste époque, menait à l’assaut du grand historien la tourbe du XVIIIe siècle, le traitait de hâbleur, et réhabilitait Agrippine et Néron, Tibère et Domitien. Tel patron, tels clients. Toutes ces réclamations ne valent pas grand chose partant d’une telle bouche : mais quand bien même on voudrait prendre Voltaire au sérieux (qui s’en met d’ailleurs peu en peine), il ne serait pas difficile de renverser tout son échafaudage ; car tout ce que dit l'historien sur l’état de Rome sous Domitien est confirmé par Juvénal. Et si l'on m'objecte les “hyperboles” que lui reproche Boileau, que dire de Suétone qui sur le même ton et avec la même placidité, retrace la vie d'Horace et celle de Néron ? Non, l'on ne peut nier la bonne foi et la véracité de Tacite ; elle est aussi indiscutable que son mérite littéraire.

    Lui-même nous l'a dit. Il est réellement, selon ses propres paroles, sine ira et studio quorum causas procul habeo. Quoique pessimiste d'inclination, il ne charge pas la vérité ; il raconte les faits tels quels, dans leur nudité ; on peut différer sur l'appréciation qu'il en porte, mais jamais lui en contester l'existence ou la réalité. »

    La citation latine ci-dessus, absente de la version primitive, est la fin du premier paragraphe des Annales : « sans colère ni parti-pris, sentiments dont les raisons me sont étrangères. » [Retour]

  27. Il n'est pas interdit de faire le rapprochement entre ce paragraphe et le futur destin de Maurras lui-même ! [Retour]

  28. Cette citation est extraite du quatre vingt douzième paragraphe (XCII) du Raphaël de Lamartine, et non du dix septième (XVII) comme il est indiqué par erreur dans l'extrait du "cahier d'honneur" publié en 1965. Sur la copie d'origine, le C est indiscutable et ne saurait se confondre avec un V. Maurras reprend presque l'intégralité du texte de Lamartine, mais en modifie la texture, faisant des phrases plus longues, moins saccadées.

    L'éloge de Tacite prend place, dans ce volume de souvenirs qu'est Raphaël, entre une évocation de Cicéron (XCI) et une réflexion sur l'art oratoire (XCIII). Lamartine décrit en détail le féroce appétit de lecture, surtout des auteurs de l'Antiquité, qui fut le sien autour de sa vingtième année ; ce qui rapproche les deux écrivains…

    Voici le texte complet du paragraphe :

    « Quant à Tacite, je ne tentais même pas de disputer ma passion pour lui. Je le préférais même à Thucydide, cet Homère de l'histoire. Thucydide expose plus qu'il ne fait vivre et palpiter. Tacite n'est pas l'historien, mais le résumé du genre humain. Son récit est le contre-coup du fait dans un cœur d'homme libre, vertueux et sensible. Le frisson qu'il imprime au front, quand on le lit, n'est pas seulement l'horripilation de la peau, c'est le frisson de l'âme. Sa sensibilité est plus que de l'émotion, c'est de la pitié. Ses jugements sont plus que de la vengeance, c'est de la justice. Son indignation, c'est plus que de la colère, c'est de la vertu. On confond son âme avec celle de Tacite, et on se sent fier de la parenté avec lui. Voulez-vous rendre le crime impossible à vos fils ? voulez-vous passionner la vertu dans leur imagination ? Nourrissez-les de Tacite. S'ils ne deviennent pas des héros à cette école, c'est que la nature en a fait des lâches ou des scélérats. Un peuple qui aurait Tacite pour évangile politique grandirait au-dessus de la stature commune des peuples. Ce peuple jouerait enfin devant Dieu le drame politique du genre humain dans toute sa grandeur et dans toute sa majesté. Quant à moi, je dois à cet écrivain non pas toutes les fibres de ma chair, mais toutes les fibres métalliques de mon être. C'est lui qui les a trempées. Si jamais nos temps vulgaires prenaient le tour grandiose et tragique de son temps et que je devinsse une digne victime d'une digne cause, je dirais en mourant : “Rendez honneur de ma vie et de ma mort au maître, et non pas au disciple, car c'est Tacite qui a vécu et qui est mort en moi !” » [Retour]

  29. Membre de phrase qui devient dans le cahier d'honneur : « on ne crie plus à la calomnie et à l'hyperbole. » Mais sous la signature on lit une annotation  qui change « revendiquer » en « réclamer » et « outragé » en « calomnié ». [Retour]

  30. « Corrompre et être corrompu, tel est l'esprit du siècle. » La Germanie, XIX. Tacite fait l'éloge des Germains, qui justement sont indemnes de cette corruption : Nemo enim illic vitia ridet, nec corrumpere et corrumpi saeculum vocatur c'est à dire : « Car dans ce pays nul ne se rit des vices ; ce n'est pas l'esprit du siècle que d'y corrompre ou de s'y laisser corrompre. » [Retour]

Texte de 1882.

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