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Du roman rustique au roman mystique

I

Un romancier, mûri par l'âge et le succès, philosophe à ses heures, mais nullement spécialiste ni obsédé de sciences philosophiques, est devenu, aux champs et à peindre l'homme des champs, un écrivain mystique. Il passait pour un descriptif. Il voyait des yeux de la tête, disait-on. Il semble résolu à ne voir désormais que des yeux de l'âme… Cependant, par ses goûts, par les tendances générales de son esprit, M. Émile Pouvillon est aussi éloigné que possible des manifestations de la Rose-Croix esthétique. Carlos Schwabe 1 l'ennuierait. Il n'a que de l'indifférence pour nos petites religions de Paris et nos divers mystiques de bouge et de boudoir. Le sens et le goût des mystères lui sont venus en plein Quercy, au milieu des paysans.

Il excellait si bien à peindre ces gens sur nature qu'on le suppliait de passer à d'autres sujets ; M. Jules Lemaître se fit, il y a longtemps, l'interprète de ce souhait 2. Mais toute la grâce maligne de l'auteur de Myrrha et de Sérénus3 ne put fléchir à cet égard l'auteur de Césette. Non seulement aucune raillerie ni prière ne put détacher M. Pouvillon des « provinces latines » où M. Lemaître regrettait qu'il se cantonnât, mais encore, de L'Innocent à Jean-de-Jeanne, de Jean-de-Jeanne à Chantepleure et aux Antibel4, tous les traits de la rusticité quercynole se firent plus marqués et plus approfondis ; ce champ borné, pierreux, sauvage, M. Pouvillon le labourait chaque année avec plus de zèle et d'amour, plus d'exactitude dans le dessin, de profondeur et de vigueur dans l'intelligence.

Et quand, Bernadette parue, le Pouvillon admis dans le ciel des mystiques s'est révélé à nous, M. Jules Lemaître ne s'y est pas trompé. Il a sur-le-champ reconnu en Bernadette une vraie sœur de Césette, de la Bernade et de Judille. Âme simple et farouche, âme close, elle a le parfum des maigres fleurs du coin de terre aimé de M. Pouvillon. Si elle n'est pas tout à fait compatriote des petites Quercynoles, elle est de langue d'oc5 comme elles, d'un pays de rudes montagnes. L'« Autre vie » qui s'épanche à Lourdes reste encore la vie du pays gascon ; le paradis consiste dans la « Vallée heureuse où reposent dans la paix du Seigneur les bergers défunts du Lavedan et de la Bigorre ». Une théologie toute locale fait le fond de la religion de Bernadette. L'universel qui s'y ajoute en est tiré et dérivé presque directement.

Le trait est essentiel. Rien ne diffère autant du vague mysticisme international auquel nos Parisiens nous ont accoutumés. Nos théurges, nos mystagogues, qu'ils soient peintres ou poètes, s'en vont à la vie éternelle par satiété et dégoût de la vie éphémère qu'ils mènent au milieu de nous. M. Pouvillon fait l'inverse. Il n'a dépassé notre monde qu'en abondant de mieux en mieux dans la patiente étude quotidienne du petit coin du monde qui l'environnait. Il a trouvé la vie éternelle comme au fond et au bout de la vie éphémère. Son~cas est-il unique ? Ou la route qu'il a choisie est-elle plus ouverte et moins « miraculeuse » qu'il ne semble au premier regard ?

II

Pour en bien décider, il faudrait d'abord nous entendre.

Il n'y a guère d'équivoque sur le sens exact que présentent ces mots de rustique et de rusticité. Que n'en est-il de même de mystique et de mysticisme ! Mais ces mots ont perdu leur sens, depuis que tous les romantiques en ont fait une si furieuse dépense. On en trouverait malaisément la définition dans un dictionnaire. Mystique est devenu, à tort et à travers, le vague synonyme de poète lyrique, d'idéaliste et peut-être, que sais-je ? d'exalté, d'exaltant ou parfois de « sentimental ». Je tâcherai de me tenir à l'étymologie. Je ne croirai point qu'un savant devienne mystique dès l'instant qu'il s'échauffe d'enthousiasme ou bien qu'il se met en colère (Le Docteur Pascal), ni une jeune fille dès qu'elle s'amaigrit à considérer les étoiles (Le Rêve6), ni un lanceur de bombes pour peu qu'il coordonne quelques moitiés d'idées avant de jeter son engin. Tout le monde a traité de mystiques Ravachol et Caserio ; c'était mésuser de la langue française. Fanatique et mystique ne sont point synonymes. Être ému et mystique sont deux états distincts. Le Souvarine de Germinal est un doctrinaire enragé ; ce n'est pas un mystique.

Et, bien que mon sujet me soit fourni par Bernadette, j'éviterai de me borner à une acception trop strictement chrétienne. Non pas que l'acception ait la moindre inexactitude. Le mysticisme peut bien être « la doctrine du commerce direct de notre âme avec Dieu », mais comment serait-il cela essentiellement s'il existe des doctrines mystiques à l'usage des panthéistes, des païens et des athées eux-mêmes ? Qu'il y ait une mystique accessible à des esprits agnostiques et positifs, cela paraît assez par l'exemple inattaquable d'Auguste Comte. Görres7, dont quelques pages nous donnent le vertige, reconnaît bien lui-même, à côté de la diabolique et de la divine, une Mystique naturelle. Et il n'en faut pas davantage pour ouvrir la Mystique à la foule des mécréants.

Suivons donc simplement la définition des anciens. Les mystiques sont les esprits initiés aux grands ressorts cachés de l'ordre naturel ou surnaturel. Il semble qu'en ce sens le premier observateur venu soit, à quelque degré, un myste. Et rien, après tout, n'est plus sûr. Toutefois il est des degrés dans le mysticisme, et l'on peut se soustraire plus ou moins à la duperie du théâtre apparent des choses ; l'on peut s'acharner plus ou moins à réduire et simplifier. Le fruit de ces réductions, c'est l'initiation, superficielle ou profonde, à quelques-uns des obscurs éléments de tout.

Nous avons peu d'initiés. Quarante années d'art romantique, suivies de trente ans d'un réalisme inintelligent, ont épaissi autour de nous la muraille liquide des phénomènes qui nous sépare du fond des choses. Ce qu'on veut bien nommer l'élégance des arts modernes (ou leur insuffisance, ou leur frivolité) n'est fait que de leur négligence à l'endroit des premiers principes. Cette négligence est presque devenue un besoin impérieux dans le public ; et chez les favoris du public, un corps de doctrine esthétique.

De quoi, par exemple, se plaint M. Edmond de Goncourt visitant des œuvres classiques ? De trouver l'homme sous les hommes dans l'Iliade, les passions sous les traits des individus passionnés dans les tragédies de Racine, enfin (comme l'indiquait déjà Taine) la charpente de l'ossature terrestre sous les accidents des campagnes de Poussin. Cette vérité, trop profonde pour un notateur d'attitudes et de costumes, c'est, au fond, la mysticité. Poussin, Racine, Homère sont des mystiques par rapport à M. de Goncourt. Ils sont, d'ailleurs, bien autre chose. Et M. de Goncourt est lui-même un mystique par rapport à tel de ses imitateurs, plus dépourvu encore qu'il n'a pu l'être de clairvoyance et de réflexion. On sera toujours le mystique de quelqu'un.

Cependant le mysticisme proprement dit pourrait se définir une sorte de quintessence du spiritualisme. Montrer les âmes des personnes et des choses, c'est le propre de la spiritualité en art. La mysticité nous traduit l'âme commune de ces âmes, les lois, les points d'identité de ces substances distinctes, leur plus simple structure initiale, leurs matériaux primitifs.

Et nous distinguerons pareillement le mysticisme d'avec l'idéalisme pur ; si scolaires que puissent sembler ces discussions, elles ont l'avantage de préciser le sens des mots. Un idéaliste s'applique à ce que l'idée et la vie participent l'une de l'autre. De son mieux, il les lie ensemble ; il rédige des fables, des romans moraux, des drames à thèse, des histoires philosophiques. Il fait Candide ou Télémaque. Mais ce sont des idées qu'il tâche d'incarner. Il procède pour ainsi dire a priori, et lui-même s'en doute un peu. Le mystique, au contraire, a la conviction, qui peut d'ailleurs être entièrement illusoire, de n'inventer point ses idées, mais de les recevoir de la vie, de les y percevoir et de les retirer de la gangue du monde ; ce sont toujours, à son avis, des idées essentielles, constructives et constitutives de l'univers, en bref celles-là mêmes que Goethe et Platon appellent les Mères. Positive ou métaphysique, il a la tête d'un croyant, et il n'est jamais dilettante.

De là, cette émotion dont on a fait toute l'essence du mystique et qui n'est qu'un trait de son caractère. « C'est à regret que je te révèle ce mystère sublime… Il y a des déesses augustes qui siègent dans la solitude ; autour d'elles point de lieu, encore moins de temps. Le trouble vous saisit lorsqu'on parle d'elles. Ce sont les Mères. » Ainsi dit Méphistophélès dans la scène fameuse. Le Faust s'écrie « Les Mères ! »

Et, comme il lui est demandé : « Est-ce que tu trembles ? », il répond : « Les Mères ! les Mères ! Ah !, cela résonne d'une façon étrange. » Pascal nous avait déjà dit quelle vive terreur, quel trouble saisit l'être et le désorganise lorsqu'il vient à songer de quoi il est fait et de quoi sont faites les choses. Le vulgaire ne pénètre point de sang-froid dans les retraites où sont assises les idées-mères de la vie et de la pensée.

Mais il se peut aussi que ce frémissement découvre dans son fond quelque chose de maladif. On nomme aujourd'hui religieux les esprits qui s'ouvrent le plus volontiers à certains émois tout nerveux. Observez que ce sont les mêmes esprits, un peu incultes ou enfants, que déconcertent et abusent trop aisément les moindres petits faits de la vie normale. Tels, quelquefois, les personnages de M. Maeterlinck. Nous les voyons désorientés, incertains et pénétrés d'une inquiétude qui n'est pas dénuée de poésie à cause de la nuit qui vient, d'un bruit soudain qui se produit, ou d'une coïncidence un peu singulière dans le concours des choses. Cela n'est pas d'un bel exemplaire d'humanité. Tacite démontait les ressorts puérils de la religion des Germains et ajoutait avec le dédain, mêlé de respect, d'une intelligence supérieure : « Arcanus hinc terror, sancta que ignorantia8 ». Ne confondons pas l'émotion issue d'ignorances grossières ou de la faiblesse d'esprit avec les religieux sentiments qui naissent en nous dans la présence ou dans le voisinage d'un principe dont nous approchons le mystère.

Dans les têtes bien faites, et tout au moins chez les races supérieures, cette religion du mystère peut et doit même être sereine. La gravité, le recueillement, la piété suffisent au vrai myste. C'était la paix, dit-on, qu'emportaient d'Éleusis les contemporains de Socrate. On leur donnait à contempler quelques règles fondamentales de la nature et ils sortaient en rendant grâce à qui renouvelait cette provision de sagesse.

Mais, qu'elle soit sereine ou toute chancelante de surprise et d'effroi, la philosophie d'un mystique doit résulter d'un sentiment réaliste des choses ; nous en sommes tombés d'accord et il est facile de nous en assurer par des faits. Ni la logique ni la fertilité d'imagination, ni assurément la vivacité de la vue ne manquent à M. Zola. Les idées vers lesquelles il aime à faire quelquefois converger ses images ont du luxe, de la force et de la grandeur ; mais ce sont, la plupart du temps, de simples fantaisies de peintre. Elles ne sortent pas de l'objet, elles n'en sont pas l'âme, il les a machinées, formées de toutes pièces. Les synthèses qu'il lui arrive de nommer, bien justement, des symphonies, sont des « synthèses », mais « subjectives » au genre de rêverie qui est personnel à M. Zola. Elles sont aussi arbitraires que les pensées dont le Vicaire savoyard salue le lever du soleil ou celles dont Manfred apostrophe les monts. Avec Jean-Jacques, avec Wagner, avec Byron et tous les bons lecteurs de Fichte, qui décorent très consciemment de leurs rêveries des fantômes mythologiques, M. Zola verse son moi sur la nature. Ce n'est pas elle qu'il veut entendre ; quand bien même il l'affirme, nous ne pouvons l'en croire.

Et, pour montrer le cas inverse, Maurice de Guérin dans Le Centaure9, Alfred de Vigny dans La Maison du Berger10, n'atteignaient à ce genre de mysticité, qui est vraie et puissante, qu'en se délivrant du procédé romantique. Enfuis au désert comme Manfred et le Vicaire de Rousseau, ils n'ont point essayé de le peupler de vains caprices ; c'est eux-mêmes qu'ils y cherchaient et, tels que le Solitaire de La Fontaine, c'est eux qu'ils y ont découverts. Loin de se disperser, ils se sont recueillis dans une longue et scrupuleuse observation, une ample expérience des réalités de leur âme. Ces réalités intérieures les passionnaient ; c'est d'elles, c'est d'un point ferme de la nature, qu'ils descendaient jusqu'à ces vérités cachées où les rejoint, par un chemin tout différent, par le chemin du réalisme extérieur et descriptif, M. Émile Pouvillon.

Pouvillon est assurément tout le contraire d'un ermite. Il ne pratique point le culte du moi. Il n'est pas mythologue. Ni nymphe, ni centaure, ni faune, ni fée ne se mêlent à ses belles histoires de notre temps. Des paysans ; c'est le monde où se plaît ce mystique. Il a fui d'une haine égale les villes et la solitude. Ses vrais champs, ce sont les « cultures ». Son genre de roman rustique, il l'exerce au village ou tout au plus dans les gros bourgs ou dans les fermes écartées ces deux extrémités de la civilisation campagnarde sont les termes de son domaine. Rarement on le voit tirer à part et méditer ou rêver pour son propre compte. Marchés et pâturages, labours et noces villageoises, c'est en gravant les traits de cette vie commune qu'il a mis à nu quelques-unes des causes qui travaillent obscurément aux racines de la vie humaine et sans doute de toute vie.

III

Il s'en tenait encore aux feuilles et à l'écorce dans le premier recueil des Nouvelles réalistes ; mais dans Césette on pouvait voir et admirer avec quelle aisance ce romancier rustique allait au cœur des choses. Preuve sans doute d'un talent vigoureux et déjà mûri. Preuve peut-être aussi, j'en risque l'hypothèse, que si, partout, les choses ont un fond dont il soit permis de saisir quelques points, ce fond se trouve à la campagne plus accessible et moins éloigné des surfaces.

Personne ne me fera dire que la vie de campagne est simple, car nulle vie n'est simple, sinon peut-être en rêve et dans une demi-douzaine des chefs-d'œuvre de l'art. Du moins, aux champs, les complexités courantes paraissent assez bien démêlables et saisissables à l'œil nu. Elles n'imposent point des études trop variées ; leur sens lisible est presque à fleur de terre et à fleur d'âme.

L'homme y connaît, et par une expérience directe, d'où lui viennent le pain et la viande dont il se nourrit, la laine dont il s'habille. Un manteau lui représente une brebis qu'il a vu tondre. II sait à quoi servent ses peines quotidiennes, il connaît pour l'avoir senti quel cercle de besoins et de désirs met en mouvement ses travaux.

Les étoiles, le vent, les saisons ont chez lui des noms domestiques, des usages pratiques, des vertus immédiates. Le bourgeois parisien de François Coppée, qui dit sur le pont des Saints-Pères : « Le ciel est rouge, il fera vent demain », est une façon de poète, de savant ou de dilettante en ces matières de météorologie. Et son mot est un mot de luxe ; c'est un mot de badaud, de curieux désintéressé, qu'il prononce là, et il pourrait ne point le dire. Ce mot ne lui est inspiré d'aucune grande nécessité de sa vie. Rien n'est plus naturel, au contraire, que l'émotion et la surprise de Césette, lorsqu'elle a émigré à quelques lieues de la ferme natale, devant le spectacle d'un soleil qui se couche parmi les chênes « au lieu de mourir au bout du pré comme il faisait chaque soir aux Amarines ». Le soleil de Césette est un dieu familier, serviteur et seigneur dont il a fallu que, pour vivre, elle observât avec soin toutes les démarches ; celui du Parisien n'est qu'une tache au ciel et dont il sait bien se passer la moitié du temps.

Il n'est plus à la ville de relations suivies et continues entre nos œuvres et nos jours ; et il n'existe presque pas plus de solides raisons de mourir à l'automne que d'aimer au printemps, ce dont le campagnard s'acquitte avec une certaine exactitude. L'emploi des âges, tel que le veut la nature, se perd comme l'emploi des heures. Devenus citadins, les pères et les fils, les vieillards et les jeunes hommes mènent la même vie. Et les liens sociaux ont en ce cas le sort des liens naturels. L'extrême division du travail semble ôter toute force de vraisemblance à ce sentiment que les hommes soient solidaires et dépendants les uns des autres. Tant de moyennes s'intercalent, par exemple, entre l'acheteur et le producteur que tous les deux doivent perdre le sentiment direct du service mutuel qu'ils se rendent.

Et l'ordre social tend lui-même à perdre de son relief dans les grandes cités modernes, justement parce qu'il a des représentants plus nombreux et qu'il se mêle moins ostensiblement à la vie. Un juge à la campagne est le Juge. M. le président de la Cour de cassation est un monsieur en tout semblable aux autres Parisiens de son temps et de sa fortune.

Moins tranchées, moins sensibles, les différences professionnelles des citadins sont donc ainsi moins faites pour décider de la configuration des âmes et du plan de la vie. Elles sont par là même infiniment moins capables de résister à la variation des âges. Le type de nos commis de grands magasins est né d'hier, et il suit les flots de la mode. Un berger, un valet de ferme, un marchand de bestiaux pensent et parlent dans Césette à peu de choses près comme ils parlaient dans l'Odyssée :

Que te manque-t-il ici ? ajoutait le vieux. N'as-tu pas du pain de blé à ta faim, et même un peu plus, car je t'ai vue plus d'une fois en jeter à ta chienne, à ta Charmante. Si tu as à te plaindre de quelqu'un, que ce soit du bouvier ou de Rouxil, parle, nous y mettrons ordre. Mais, te donner un congé, bien fâché, je ne puis pas. Patiente un peu, ma fille. Si c'est la grande amitié pour tes parents qui te met en souci, tu n'as que quelques jours à espérer. La foire d'Anglas-la-Cramade tombe à la fin d'août. Là, tu trouveras certainement ta mère ou quelqu'un de tes frères, et tu les embrasseras à loisir.

Que la politesse sentencieuse du langage ainsi prêté à un paysan n'inquiète personne. Je sais bien qu'elle est naturelle. C'est ainsi qu'on aura répondu à Césette. Car M. Pouvillon connaît ses campagnards presque autant qu'il les aime. Il ne les flatte guère. Il ne se fait point d'illusion sur le vulgaire des cupidités rustiques, le cal des cœurs et le manque absolu d'indulgence dans les esprits. Nous pouvons donc le croire s'il nous assure que l'éloquence nue, circonspecte, élégante, des anciens jours vit toujours fraîche chez les vrais paysans de chez lui.

Mais c'est surtout l'amour, dont la saveur est demeurée à la campagne le plus voisine de l'antique. Pour peu que deux enfants y partent de concert à la découverte du grand secret, des paroles d'une simplicité éternelle naissent soudain pour chaque nouveauté qu'il leur arrive de ressentir.

Elle soupirait : « Pourquoi es-tu venu me chercher au Pré-Raïnal ? j'étais si tranquille.

— Et moi ? répondait l'autre, avant que tu n'arrives au Ramaïrel, je ne savais pas ce que c'est de se chagriner. Et maintenant ! »

L'exemple est tiré de Césette. J'en pourrais donner d'autres d'après Jean-de-Jeanne ou Les Antibel. Il y aurait même un traité presque complet des premières passions de l'amour à extraire de ces diverses idylles rustiques. Jamais l'auteur ne s'abandonne à la moindre digression de psychologie, le rapport naturel des faits ressort des faits nus ; tant le milieu est transparent, libre, pur, dégagé des embarras qui compliquent la vue de l'observateur citadin.

Telle anecdote sur la coquetterie des mâles, chez M. Pouvillon, un Romanès11 l'eût recueillie comme une bonne contribution, encore que très simple, à la science des amours et de la beauté naturelle. Telle peinture d'une obsession amoureuse, telle plainte seraient de même à colliger et à classer pour leur ingénuité qui entr'ouvre des profondeurs. Ces seuls mots de Jean-de-Jeanne à Judille :

— Ah ! Mauvaise ! Mauvaise ! que t'ai je fait ?… Te souviens- tu quand nous étions petits tous deux ?… J'étais ton souffre-douleur, et je le suis encore à présent. Mais comme je suis plus fort et plus aimant, je souffre aussi davantage.

De pareilles philosophies se retrouveraient à leur place sur le théâtre simplifié des poètes classiques, dont les personnages sont de délicats analystes ; mais elles sont très vraies et très justes aussi, à l'autre extrémité, sur les lèvres d'un jeune paysan qui ignore tout ce qui n'est pas l'état présent de son cœur. L'ombre légère qui le presse détache mieux en lui l'essence véritable du violent émoi qu'il subit et la profonde vérité sort de lui précise, concrète, physique et simple comme un cri.

IV

Je ne sais si j'aurais osé, avant les Antibel et cette Bernadette, vous montrer un Pouvillon si particulier ! Mais ses derniers ouvrages donnent le droit d'affirmer qu'il y a, de sa part, un parti arrêté de saisir chez ses paysans les formes de nos passions et de nos sentiments dans la simplicité de leur état naissant. L'abondance de ces petites anecdotes qui révèlent les idées-maîtresses des choses donne même de l'embarras. Ce ne sont pas des traits isolés, mais, si on l'ose dire, une transcription continue du système de la nature. Il ne cesse de nous montrer tous les esprits élémentaires, gnomes obscurs, causes secondes, qui reconstruisent, sans relâche, depuis que la vie est la vie, chaque pan écroulé du vieil univers.

Ces esprits ne sont pas nombreux, encore que présents partout. On en a vu les plus puissants, « ceux qui siègent » selon Sophocle, « dans l'empire des choses, parmi les grandes lois », j'entends le Désir et l'Amour. Ceux-là, le romancier rustique les fait se trahir à chaque instant, en ces troublantes sensations qu'il excelle à nous peindre et qui, dit-il dans Chantepleure, « expriment l'unité mystérieuse de l'être. » Il en marque les rythmes de succession et de conflit. L'accidentel, le romanesque même de quelques-uns de ses récits, un lis qui fleurit dans la nuit auprès de Césette qui pleure ou les simples cahots d'une carriole chargée d'amoureux, au retour d'une fête, aident encore à son dessein et font participer de pauvres jeunes gens perdus dans la campagne aux obscures tendances de tout ce qui vit. Indications fines, discrètes, mais d'une grande précision.

Toutefois je préfère à ces mises au jour de nos fonds individuels, qui sont un peu bien monotones, l'ingénieuse découverte que fait parfois M. Émile Pouvillon de la raison et de la fin, du fondement et du mobile de nos sentiments sociaux. Personne n'a aussi bien marqué les deux ordres de pensées qui gouvernent d'ordinaire les hommes associés, celles qui leur viennent du métier qu'ils exercent et celles qui leur sont suggérées par le lieu qu'ils habitent. La profession et l'habitat, ces deux forces presque immuables à la campagne, tiennent un très grand rôle chez M. Pouvillon.

Ses vieillards réfléchis, ses jeunes hommes ambitieux agitent volontiers la question toujours vivante de la préséance des travaux ; cela fait aussi travailler la tête des filles. Rappelez-vous la jolie querelle de la paysanne et de son ami l'oiseleur, dans Jean-de-Jeanne :

Trouverais-tu, dit l'oiseleur, plus malin de contraindre une paire de bœufs solidement liés au joug à mener droit la charrue que d'obliger un oiseau du ciel, une fine alouette, à descendre d'en haut pour mettre son cou dans un lacet ?

Et, d'autre part, si l'on veut voir quelque portrait de félibresse inconsciente, de nationaliste ingénue et follement amoureuse de son clocher, qu'on songe à la tante Sérène. Elle est née de l'autre côté du Tarn, au petit bourg d'Ourliounac, mais elle est condamnée à vivre au village de Sourmeilles :

Elle tirait grande vanité de son origine. Rien ne se faisait bien, à l'entendre, hors de son pays natal ; les choses et les gens y étaient d'une essence supérieure. Elle observait religieusement les quelques particularités de langage ou d'accent qui différenciaient le patois des plateaux de celui de la rivière. Elle avait aussi gardé l'habitude de porter le fichu un peu ouvert par devant, et elle aurait préféré passer sa vie tête nue que de commander ses bonnets ailleurs qu'à Ourliounac, où les couturières ont, paraît-il, une façon de les monter plus seyante et de meilleur goût.

L'image est souriante, presque risible. C'est la caricature esquissée de très bonne grâce de ce que la Revue des deux mondes désignait, l'an dernier, du terme dédaigneux de provincialisme. Prenez garde. Tante Sérène nous fait apercevoir l'origine, ténue et humble comme l'origine de tout, du sentiment de la patrie. « J'aime mon village mieux que ton village. J'aime ma province mieux que ta province… » Les personnes qui ont habité les pays de frontières, où les différences se marquent fortement, savent bien l'importance de ces particularités de modes, de prononciation, même de nourriture. Ôtez-les, le reste fuira. Il n'y a qu'elles de proprement naturel dans le patriotisme. Ce que devient le patriotisme éclairé et dépouillé, par fausse honte, du travers de tante Sérène, du vif sentiment de clocher, il semble que les bons anarchistes le fassent voir et que, du reste, tous les esprits clairvoyants soient disposés à le comprendre. M. Jules Lemaître qui, en 1885, riait du particularisme fidèle d'Émile Pouvillon, a écrit, l'autre hiver, dans la Revue bleue à propos de Veuillot, deux ou trois phrases sur la décentralisation, les plus significatives peut-être qui aient été dites depuis longtemps sur ce sujet. M. Jules Lemaître met en pratique sa doctrine et il prend le chemin de fer pour aller siéger au conseil municipal de son petit village.

Une autre idée substantielle de la vie sociale, et qui se trouve écrite en traits lumineux dans la vie rustique, est bien celle de l'héritage. L'héritage est un personnage de tragédie, où il est presque aussi vivant que la Sorcière et la Nourrice. Ni la sorcière, ni la nourrice ne font assurément défaut aux études quercynoles de M. Pouvillon mais c'est encore le Bien transmis ou à transmettre qui tient le plus de place. Sur ce point, notre législation, qui est, depuis cent ans, dirigée contre la nature, a tenté de détruire les instincts des rustiques. Ces instincts vivent, néanmoins ; et telle institution qui nous manque ou qu'on a abolie, les paysans se la créent ou se la recréent inconsciemment, en tout cas, sentent et raisonnent comme si elle existait.

Je songe en écrivant ces lignes à l'usage du bien de famille qu'il est question de rétablir. On le trouverait dans le cœur des personnages de Pouvillon. Une femme dans Chantepleure revient obstinément à sa cabane aliénée :

Une fois là, gîtée avec ses petits, impossible ni par la persuasion, ni par la force, de la renvoyer… Les contrats de vente passés, les signatures données par-devant notaire, elle ne sait pas ce que cela veut dire : « C'est ici que je fus engendrée et mise au monde, affirme-t-elle, vous ne m'en tirerez que les pieds devant. »

Admirez comme la raison immédiate et décisive a serré l'énoncé du fait.

Mais c'est de l'héritage le plus naturel, le plus direct, qui est celui du sang et de l'âme, que M. Pouvillon a su nous donner des images de la plus profonde philosophie. Le choc d'un bâton résonnant contre les pointes du rocher natal lui a suffi un jour pour nous faire saisir ce premier lien charnel, qui va d'une terre à un homme, du vieux calcaire du Quercy à Pierre Lortal, le héros de Chantepleure. En voici un autre trait, singulier et fort.

Pierre Lortal, revenu aux degrés de l'autel domestique, est visité du souvenir des morts qu'il y chérit. Il revoit l'ombre des aïeux qui l'y précédèrent sans qu'il les ait connus ; ils défilent dans le chemin qui s'ouvre à l'entrée de la maison paternelle :

Des générations de Lortal avaient habité, étaient morts sur ce coin de terre. Dans ce pré, qui blanchissait sous la lune, de petits Lortal insoucieux avaient mené leurs ouailles, et d'autres adolescents avaient jeté leur premier soupir d'amour au bord de cette fontaine, donné on rendu leur premier baiser d'amour à quelque retour de veillée, dans l'obscurité de ces châtaigniers aux branches retombantes. Par ce chemin pavé de rochers, argenté par l'eau des sources, de jeunes épousées étaient venues en habits de jadis, droites dans la charrette à côté de l'armoire nuptiale ; et, plus tard, les filles, les petites-filles de celles-là, mariées à leur tour, parées de même, s'en étaient allées dans la charrette, tournant le dos à la maison paternelle, droites, tristes, par le même chemin12. Et les lèvres des amoureux s'étaient flétries, les jeunes épousées étaient devenues vieilles femmes, des figures ridées de fileuses triant l'étoupe au seuil du logis. Les beaux jeunes hommes avaient perdu leur sève ; cassés par l'âge, ils s'étaient rencoignés, les sabots dans les cendres, chantant à voix chevrotante les chansons de leur jeunesse et du pied balançant le nourrisson au berceau.

Je ne sais comment on aura pu sentir cette page. C'est peu de dire qu'elle m'émeut. L'émotion y répand une merveilleuse lumière. Ces allées, ces venues, ces arrivées et ces départs des épouses nouvelles et des mères futures dans la suite des générations des Lortal, ces chemins ouverts sous la lune, aboutissant à la même antique maison, ces charrettes et ces armoires nuptiales, je vois bien que cela s'est sculpté dans mon souvenir comme un haut-relief mystique de la tradition. Ce que Bonald et Comte exprimèrent jadis en maximes abstraites, ce dont Le Play nous présenta les composantes dans ses tableaux d'observation et ses monographies, le voilà senti et vivant. Il y avait longtemps que l'écrivain père de cette vie me semblait un maître ; j'ose dire qu'à cette page, publiée en 1890, lorsque nous ignorions le prélude des Antibel et que Bernadette de Lourdes n'était peut-être pas conçue, personne n'eut de peine à reconnaître en M. Émile Pouvillon l'un de ces clairvoyants réalistes, initiés de la nature, à qui ne suffit pas le vain défilé des objets, mais toujours occupés du désir d'épier les causes, les raisons, les agents lumineux, les moteurs ténébreux, qu'ils soient de ce monde ou d'ailleurs.

V

Bernadette est de l'autre monde ; et je me suis promis de ne pas me mêler d'examiner ce livre. Mais j'aurais peut-être le droit d'y distinguer tout ce qui nous donne quelque clarté sur la psychologie religieuse des paysans, si les romans antérieurs ne me renseignaient bien. On les y voit multiplier les oraisons à sainte Patience, comme les paysans de M. Paul Arène les prodiguent à saint Pansi. De vieilles fées gauloises, vêtues de la robe des vierges ou déguisées, d'un coup de baguette chrétienne, en sainte patronne des bois, comme sainte Urgèle, la patronne et l'amie d'Urgèle et de Fabri13, donnent lieu à des fêtes, à des pèlerinages. Enfin, dans ces contrées rustiques, résonnent des mots d'une vérité si forte que l'éternel échange de prières et de grâces qui va de la terre au ciel et du ciel à la terre y apparaît aussi sensible qu'aux jours de la vieille Étrurie. Écoutez, s'il vous plait, ce personnage de Chantepleure, maire de sa commune, libre-penseur, républicain, mais premièrement vigneron :

— Au premier cep planté, j'ai lié moi-même une médaille de Notre-Dame de Lourdes. On dit que ça a préservé ceux de l'Albenque. Et puis, si ça ne fait pas de bien, ça ne peut pas faire de mal…

La religion ne serait pas une synthèse véritable des pensées et des sentiments de l'humanité si des intérêts trop humains n'y pouvaient pas entrer. C'est, au fond, la noblesse de l'idée de miracle que d'émerger ainsi de sentiments très simples, de l'idée de notre faiblesse, de notre pauvreté, de notre isolement et de notre impuissance au sein de la dure nature. Par cette idée très populaire et très courante du miracle, conçue d'après l'expérience de la pensée rustique, M. Émile Pouvillon avait passé le premier cercle des choses visibles ; et c'est de là qu'il fut conduit de cieux en cieux, et j'entends d'idées en idées. Il prit d'abord une vue nette de l'importance extrême de ces mondes d'idées. Il aperçut qu'elles couronnaient la nature. Les vrais naturalistes en doutent rarement, et Claude Bernard le croyait. Réaliste sincère, M. Émile Pouvillon discerna l'ordre spirituel qu'elles fondent au plus pur de l'humanité. Sans se déconcerter des contradictions ni des contradicteurs, il est allé tout droit à ces idées fondamentales.

Entre tant de lieux de pèlerinage, il s'en fallait que Lourdes fût le mieux disposé pour la poésie religieuse. L'endroit est plutôt laid, depuis que tant d'industries l'ont dégradé de jour en jour. Mais, en sa qualité de myste, Émile Pouvillon pénétra aisément la secrète beauté de ces grottes de Massabielle, de ce gave, de cette petite Bernadette ; c'est une beauté toute idéale et intellectuelle. En nul autre coin de terre chrétienne n'a été marquée d'une façon si explicite ni si claire l'éminente sainteté des idées. Dans sa robe couleur de lumière et ceinte d'une écharpe aux nuances de l'air, Notre-Dame de Lourdes a tenu à une bergère toute ignorante et simple un langage platonicien :

— Je suis l'Immaculée Conception.

La remarque n'est pas de moi, mais de M. Henri Lasserre lui-même :

La mère de Notre-Seigneur Jésus-Christ n'avait pas dit « Je suis Marie Immaculée. » Elle avait dit « Je suis l'immaculée Conception », comme pour marquer le caractère pour ainsi dire substantiel du divin privilège qu'elle a eu seule depuis qu'Adam et Ève furent créés de Dieu. C'est comme si elle eût dit, non pas : « Je suis pure », mais : « Je suis la pureté même » ; non pas : « Je suis vierge », mais : « Je~suis la virginité incarnée et vivante » ; non pas : « Je suis blanche », mais : « Je suis la blancheur ».

Une chose blanche peut cesser de l'être ; mais la blancheur est toujours blanche. C'est son essence même et non sa qualité.

M. Pouvillon a fait, en effet, triompher dans son livre l'idée du mérite infini des vierges et de la valeur absolue de toute pureté. C'est sans doute une idée d'un mysticisme surnaturel, mais qui trouve déjà quelques-uns de ses fondements au mystère de la nature. Joseph de Maistre avait noté, de façon très satisfaisante, l'admirable concours des peuples profanes à rendre des honneurs plus ou moins religieux à la virginité ; il n'y a rien de plus conforme à la grande loi naturelle qui exige qu'une élite se dévoue, se macère et se sacrifie pour le profit et le progrès du reste de l'humanité.

Sainteté de l'enfance, éminence de la pauvreté, de la simplicité et de l'humilité, ces autres idées qui se dégagent de l'histoire que nous raconte Pouvillon, de la biographie de cette bergerette qui inquiéta le clergé, irrita la magistrature, émut la police et humilia la science, ces idées sont, de même, limitrophes du monde humain et du divin. Seuls d'étroits réalistes, l'auteur de la Terre par exemple14, les pourraient traiter d'ennemies. Une patiente étude de l'homme campagnard a conduit, au contraire, M. Émile Pouvillon à discerner le rôle des vertus d'exception et des personnages d'exception dans la vie commune des hommes. L'ordinaire ne se produit et ne se poursuit aisément que par l'intervention de l'extraordinaire. Le normal ne se justifie, il ne s'explique qu'en dehors du normal. Il nous faut des miracles pour expliquer les lois. Il nous faut Bernadette et tous ses grands précurseurs en thaumaturgie pour soutenir et pour fonder la vie morale d'une Église. Au sein des sociétés les plus sévèrement ordonnées et disciplinées, une certaine sociologie idéale est indispensable, par laquelle entrouvrir à tout cœur souffrant ou blessé les espaces célestes de la grâce et du pur amour.

L'on peut, de tout cela, faire la vive expérience en parcourant le livre exquis de M. Pouvillon. Sa diaphane Bernadette est sortie de la même méthode d'observation, du même sentiment juste et direct des choses qui lui avaient dicté ses belles et rudes études de la nature quercynole. Je viens d'essayer de montrer comment.

S'il a été conduit au delà de son Quercy et de la nature, ce fut, en somme, à la manière du pieux laboureur dont parle, je crois bien, une Vie de Saint. À force d'enfoncer son soc dans le vif de la glèbe, il traversa toute l'épaisseur de la terre, et qu'est-ce qu'il vit poindre au bout du fer de la charrue ? La lumière d'un autre ciel.

Charles Maurras
  1. Carlos Schwabe (1866–1926), peintre et illustrateur d'origine allemande, installé à Paris à partir de 1884. Son œuvre est toute entière empreinte de symbolisme et d'ésotérisme. (n.d.é.) [Retour]

  2. Revue bleue du 2 mai 1885. [Retour]

  3. Martyrs ayant inspiré deux ouvrages de Jules Lemaître, respectivement parus en 1894 et 1886. (n.d.é.) [Retour]

  4. Quatre ouvrages d'Émile Pouvillon dont la parution s'étale entre 1884 et 1892. (n.d.é.) [Retour]

  5. Sait-on qu'elle entendit la Vierge lui adresser la parole en dialecte bigourdan ? Les mots exacts de l'apparition étaient ceux-ci : Soui l'imaculado Councepciou. Lorsqu'il rappelait ce fait certain, le bon Roumaine ne manquait jamais d'ajouter : « Et voilà pour les religieuses qui s'imaginent qu'on ne parle que français en Paradis ! » Le naïf préjugé des bonnes sœurs était partagé par des personnes fort distinguées. M. Henri Lasserre écrit, dans son Mois de Marie de Notre-Dame de Lourdes (57e éd., p. 160–161) :

    Elle (Bernadette) avait des réponses profondes. M. de Rességuier, conseiller général et ancien député des Basses-Pyrénées, vint la voir ; il était accompagné de plusieurs dames de sa famille. Il se fit raconter les Visions dans le plus grand détail. Lorsque Bernadette lui dit que l'Apparition s'exprimait en patois béarnais, il s'écria : « Tu ne dis point la vérité, mon enfant ! Le bon Dieu et la sainte Vierge ne comprennent pas ton patois et ils ne savent pas ce misérable langage. — S'ils ne le savaient pas, monsieur, répondit-elle, comment le saurions-nous nous-mêmes ? Et s'ils ne le comprenaient pas, qui nous rendrait capable de le comprendre ? » Nous avons écrit jadis que la Décentralisation n'était pas Dieu ; on voit ici que, sans le droit sens théologique de la petite bergère, la Centralisation linguistique menaçait d'être mise au rang des dogmes sacrés.

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  6. Références à Émile Zola : ce sont les vingtième et seizième volumes des Rougon-Macquart. (n.d.é.) [Retour]

  7. Die Christische Mystik, œuvre tardive (publiée entre 1840 et 1842) du lettré allemand Joseph Görres (1876–1848). Devenu penseur catholique sur la fin de sa vie, il fut d'abord un actif zélateur des idées de la Révolution française, qui participa à la création de l'éphémère république cisrhénane, avant de devenir l'un des meneurs de l'opposition à Napoléon en Allemagne occupée. (n.d.é.) [Retour]

  8. La Germanie, chapitre XL : « arcanus hinc terror, sanctaque ignorantia, quid sit illus, quod tantum perituri vident », c'est-à-dire : « d'où une terreur superstitieuse et une sainte ignorance de cet objet mystérieux qu'on ne peut voir sans périr » (il s'agit, dans la religion primitive des Lombards, du char qui ramène la déesse Hertha, la Terre, au fond d'un lac sacré où sont engloutis tous ceux qui ont été désignés pour le conduire). (n.d.é.) [Retour]

  9. Maurice de Guérin (1810–1839). Le Centaure est une courte nouvelle dont la publication posthume fut assurée par George Sand dans la Revue des deux mondes du 15 mai 1840. (n.d.é.) [Retour]

  10. La Maison du Berger, long poème paru dans la Revue des deux mondes du 15 juillet 1844 et repris dans le recueil posthume Les Destinées en 1864. (n.d.é.) [Retour]

  11. Sans doute George John Romanes (1848–1894), naturaliste britannique, ami de Darwin. (n.d.é.) [Retour]

  12. Tout homme de notre âge évoquera ici les grandes strophes de La Vigne et la Maison :

    Printemps après printemps, de belles fiancées
    Suivirent de chers ravisseurs,
    Et, par la mère en pleurs sur le seuil embrassées,
    Partirent en baisant leurs sœurs.

    Puis sortit un matin pour le champ où l'on pleure
    Le cercueil tardif de l'aïeul,
    Puis un autre, et puis deux ; et puis dans la demeure
    Un vieillard morne resta seul !

    Puis la maison glissa sur la pente rapide
    Où le temps entasse les jours
    Puis la porte à jamais se ferma sur le vide,
    Et l'ortie envahit les cours !

    [La Vigne et la Maison : poème, célèbre en son temps, d'Alphonse de Lamartine. (n.d.é.)] [Retour]

  13. Personnages de Chantepleure. (n.d.é.) [Retour]

  14. Toujours Zola et Les Rougon-Macquart : c'est le quinzième volume de la série. (n.d.é.) [Retour]

Texte de 1894–1895, repris en 1925 dans Barbarie et Poésie.

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