Peu après les émeutes qui ont marqué la lutte de l’Action française contre « le juif déserteur » Henry Bernstein, fin février et début mars 1911, Maurras revient sur l’événement. Ou plutôt il cherche à en tirer la leçon la plus générale : c’est le sens de cet article du 9 mars 1911 intitulé « Ploutocratie et liberté ».
Quelle est-elle cette leçon ? on peut la résumer en peu de mots :
La liberté de l’art, la liberté des lettres, la liberté de l’intelligence abandonnée à elle-même produit des maux de toute sorte (…) l’artiste et l’écrivain usurpent-ils la souveraineté et la primauté, seule forme réelle de la Liberté ? ils se suicident.
Mais à son tour la leçon particulière qui regarde le cas des lettres, où l’on ne sera pas surpris de voir Maurras s’appuyer sur Sainte-Beuve et sur son propre Avenir de l’Intelligence, débouche sur des vérités plus amples : par cercles concentriques, elles se généralisent, se renforcent des travaux accumulés de Maurras et de l’Action française, s’ordonnent et atteignent à leur plus grand point de généralité sociale et politique :
Vous avez opté pour la liberté. La liberté c’est la concurrence. La concurrence, c’est le plus fort. Le plus fort, c’est le plus riche. Le plus riche, quand la richesse est devenue en partie anonyme, mobilière, c’est le moins responsable, et le moins noble et le moins sûr. C’est souvent le plus grossier, le plus vicieux. Il faut renverser ce maître indigne ou l’accepter avec ses conséquences. Venez vous battre contre lui ou fichez-nous la paix.
C’est parce qu’il est à la fois application d’une méthode à un objet particulier et démonstration de cette méthode dans sa validité générale que ce petit article est fort séduisant : il y a peu de textes aussi denses qui illustrent aussi bien le mouvement de la pensée de Maurras.