Né cent quatre-vingt dix-huit jours après l’assassinat de son père, le dernier des Bourbons ne monta jamais sur le trône. Il traversa son siècle comme écrasé par le principe dont il était porteur, laissant en toutes choses le dernier mot à la Providence. Et s’il désirait sincèrement le Pouvoir, ce n’était certes pas à la manière d’un Louis XI ! Ni à celle de sa courageuse mère ! L’Histoire garde de lui l’image d’un recours impossible, comme si le miracle de sa naissance n’avait servi à rien, comme s’il était de toutes façons déjà trop tard, comme si sa succession n’était plus que l’affaire du Tout Puissant. Il nous reste d’Henri V la symbolique du drapeau blanc, ce principe immaculé, qu’aucune corruption, aucune souillure ne devait pouvoir atteindre ; mieux valait dès lors renoncer au pouvoir et conserver sa pureté que de se compromettre dans le sale exercice de la politique réelle.
Nul doute que les choses ne se sont pas vraiment passées ainsi. Aussi consensuel qu’il ait pu être, aussi soucieux de ne pas provoquer d’affrontements entre Français, encore moins de verser du sang, Henri V serait devenu roi si ses partisans n’avaient pas été si pusillanimes, si désorganisés. Mais les parties perdues ne se rejouent pas. Notre Henri V n’était peut-être pas le vrai, mais le vrai Henri V est mort avec son mystère, et il reste une réalité, celle d’un beau mythe, d’un échec politique complet transmué en une majestuosité impressionnante, éclatante et abstraite.
Il est difficile de savoir ce que fut réellement l’influence du comte de Chambord, de son vivant, sur la vie politique française. Il y avait certes à Paris et dans plusieurs grandes villes un important courant, intellectuel et sociologique, en faveur du retour à la Monarchie légitime, que la chute du second Empire libéra de ses entraves. Dans les campagnes, une multitude de feuilles légitimistes entretenaient la flamme. Mais cela fait-il une force ?
On n’aura jamais vu Chambord à l’épreuve. On n’en respecte que plus pieusement son Principe. On sait fort peu de choses, au fond, sur sa vie et sa pensée ; beaucoup de témoignages ont été recueillis, beaucoup de livres écrits, et le filon n’est pas tari. Mais ses écrits politiques ont surtout été diffusés et valorisés longtemps après sa mort, par le duc d’Orléans, soucieux d’en revendiquer la filiation pleine et entière. Maurras reste dans ce registre ; pour les cent ans de la naissance de l’enfant du miracle, il n’esquisse aucune critique politique de l’action de Chambord, et il prend pour ce qu’il est, pour le parti qu’on peut en tirer, le modèle héroïque et résigné d’un Prince en exil tout de vertu et de probité.
→ Voir aussi Comtedechambord.fr