Organe du nationalisme intégral : la formule est en sous-titre de chaque numéro de L’Action française quotidienne. Elle ne doit rien au hasard.
« Organe » dépasse la dénomination habituelle et aujourd’hui un peu vieillie d’un journal par lequel un courant d’idées s’exprime dans le champ de l’actualité et du débat quotidien : c’est aussi ce qui a sa place et sa fonction dans un tout. L’Action française est alors un mouvement protéiforme qui, déjà et non sans ambiguités ou déséquilibres, prétend s’adresser aussi bien aux étudiants qu’aux ouvriers, aux « intellectuels » qu’aux sympathisants populaires ou à la petite bourgeoisie, aux diverses classes sociales qu’elle ne nie pas ; elle s’est donc dotée de cercles divers, d’une revue, d’organisations satellites qui s’adressent plus particulièrement à telle ou telle partie du public. En cet âge d’or de la presse, un journal revêt donc une importance particulière pour réunir ces branches — diverses par leur nature, leur public ou leur orientation — en un faisceau qui manifestera l’unité dont elles procèdent.
Mais cette unité, précisément, quelle est-elle ? Qu’est-ce au juste que le nationalisme intégral ? On en a souvent fait une sorte de chauvinisme intégriste, de manière d’autant plus vague qu’elle permet une condamnation plus facile. Or le terme a un sens précis et le concept a une généalogie, qui ne doivent rien, au début du vingtième siècle, aux querelles qui s’exacerberont plusieurs décennies après autour de la représentation historique des nationalismes. Encore moins faut-il en chercher le sens au regard de l’utilisation idéologique faite du nationalisme par la gauche communiste dans la deuxième moitié du vingtième siècle, où le terme devient un repoussoir dont l’usage relève plus du slogan ou du pavlovisme que du discours proprement politique.
Le 21 mars 1908, le premier article du premier numéro de L’Action française quotidienne, article co-signé par Maurras et les principales figures du journal, cherche à répondre autant que possible à cette question en présentant le nationalisme intégral dont le journal se réclamera jusqu’à sa disparition.