Polytechnicien, cinq fois président du conseil, académicien au fauteuil 16 qui sera plus tard celui de Charles Maurras, cumulant tour à tour honneurs, mandats, fonctions et distinctions, Alexandre Ribot fut pendant trente ans un personnage incontournable de la troisième République.
Quel souvenir aura-t-il laissé ? Peu de chose à vrai dire, car son positionnement de républicain modéré, oscillant entre le centre et le centre droit, ne le conduisit jamais à être au premier rang des grands bouleversements politiques de cette période. On garde la mémoire des instigateurs, des meneurs, comme Jules Ferry, Clemenceau, Waldeck-Rousseau ou Jean Jaurès, non celle des opposants qui finissent toujours peu ou prou par se retrouver minoritaires et se rallier.
Peu de chose également car les talents d’Alexandre Ribot furent surtout oratoires, et ne laissèrent donc guère de traces. Peu de chose, enfin, parce que son action diplomatique en faveur de l’alliance russe et de l’alliance anglaise, bien que déterminante en son temps, ne survécut pas au séisme de 1914. En conséquence, plus personne aujourd’hui ne sait qui fut Alexandre Ribot, sauf peut-être les habitants de Saint-Omer, sa ville de naissance dont il fut député, puis sénateur, pendant plus de quarante ans.
Maurras qualifia plusieurs fois son action et son personnage de « funeste ». Et lorsque Ribot meurt, le bilan de sa vie politique que dresse Maurras dans L’Action française du 15 janvier 1923 n’est guère flatteur. Un seul point, il est vrai crucial, est mis à son actif : celui d’avoir déjoué, en septembre 1917, un projet de paix séparée avec l’Allemagne, auquel Briand était prêt à donner suite.
Quelques jours après cette publication, Marius Plateau était assassiné. Et quelques semaines plus tard, après un vote disputé, l’Académie française accueillit en son sein Charles-Célestin-Auguste Jonnart, au détriment de Charles Maurras. Or Jonnart, outre qu’il n’avait jamais rien écrit, est natif de Saint-Omer et fut en quelque sorte le protégé d’Alexandre Ribot…
La notice nécrologique d’Alexandre Ribot fut reprise en 1928 dans le recueil Les Princes des Nuées.