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L’Académie française est le seul honneur public qu’ait jamais sollicité Charles Maurras. Il est vrai qu’il n’y a guère d’autre solution que de le solliciter pour l’espérer.
Après un premier échec contre Jonnart en 1924, Maurras avait été élu à l’Académie française le 9 juin 1938 au fauteuil 16, par 20 voix contre 12 à Fernand Gregh ; il fut reçu le 8 juin de l’année suivante par Henry Bordeaux, et prononça le traditionnel discours de réception.
Le texte comporte comme c’est l’usage l’éloge du prédécesseur de Maurras à ce fauteuil 16, Henri-Robert, avocat réputé et historien, qui avait lui même été élu en 1923 contre Maurice Paléologue, lequel ne fut élu qu’en 1928.
Sans doute faut-il remarquer dans ce jeu compliqué que Paléologue, avec qui Maurras entretenait une inimitié réciproque très âpre depuis l’affaire Dreyfus, occupera finalement, lui, le fauteuil 19. Or l’éloge d’Henri-Robert déborde sur celui d’un autre grand avocat et académicien, Olivier Patru… lointain occupant de ce même fauteuil 19. L’exercice n’est donc pas seulement de discours et de courtoisie : faire du lointain Olivier Patru le grand homme du fauteuil 19 quand on s’appelle Maurras, n’est-ce pas aussi dire que Maurice Paléologue est bien négligeable ?
L’impression est encore aggravée par l’évocation du procès de Calas auquel Henri-Robert avait consacré un volume très critique pour la réhabilitation voltairienne. Un procès, une réhabilitation que l’on conteste, dont on dit qu’elle fut obtenue par des artifices et des mensonges : parle-t-on bien de Calas ? l’ombre de Dreyfus, là encore, n’est elle pas embusquée ?
Si l’on y ajoute les multiples allusions à l’Action française, au patriotisme et à la monarchie, ce discours de réception qui se referme sur une citation en langue d’oc paraît au total bien politique tout en gardant la surface polie qui convient à un nouvel académicien.
Rappelons que nous avions déjà eu l’occasion d’évoquer l’épée d’académicien de Charles Maurras et le discours de son successeur, le duc de Lévis-Mirepoix.