Entre Bainville et Baudelaire ce serait donc Bainville plutôt que Baudelaire ? Le Calendal de Mistral plutôt que Les Fleurs du Mal ?
La cause est évidemment aujourd’hui entendue : Baudelaire a créé une esthétique et ce n’est pas le cas de Bainville. Il y a une manière d’écrire avant Baudelaire et cette manière n’est pas la même après lui ; on ne peut pas en dire autant de Mistral. La postérité a prononcé et les jugements contraires, seraient-ils les mieux argumentés, paraissent bien vains.
L’intérêt de ce texte n’est-il pas loin du jugement anecdotique sur Baudelaire ? D’abord dans ce qu’il nous réaffirme de l’esthétique maurassienne, faite d’unité, de mesure, d’équilibre. Le reproche adressé à Baudelaire est bien de cet ordre précise Maurras : « déception, non morale et tout esthétique. » Ce reproche c’est au total de n’avoir pas, à partir d’éléments déjà présents avant lui, élaboré une œuvre qui aurait été dans cette continuité classique, une œuvre unie et claire, faite de distinction au sens presque plastique du mot. Baudelaire a choisi l’esthétique de la rupture, celle qui au lieu d’atteindre au plus haut et d’en redescendre par gradations successives ne l’atteint que pour s’en précipiter, l’exemple du contraire étant pris à Mistral.
Simple reproche d’artiste à artiste ? voire. Car il s’agit de Bainville dans ce texte et non de Mistral. La préoccupation politique, contre l’adage, n’est peut-être pas ici première, mais elle est bien là. Nous sommes en 1941 et l’unité française paraît plus que jamais nécessaire à Maurras pour faire face aux conséquences de la défaite. Par rapport à cette exigence immédiate qui regarde le salut de tous, la position d’un Baudelaire volontiers dandy, avec ce que cela comporte de rupture sociale, d’éloignement des normes communes et d’autonomie de l’individu paraît bien éloignée des préoccupations du moment que Maurras évoque clairement à la fin de son texte :
Sans vous rien ravir de l’honneur de la décision, que, du moins l’expérience de vos anciens vous éclaire ! Elle vous montrera qu’il y a deux chemins, celui qui pend et mène aux lieux inférieurs, chez de lamentables victimes, et celui qui monte, celui des hommes, des citoyens, des pères et des mères de la patrie, tous et toutes fort bons lettrés, mais non décadents : renaissants.