Le promeneur qui découvre aujourd’hui la maison de Charles Maurras à Martigues aura du mal à imaginer ce qu’elle était du vivant de l’écrivain, par exemple lorsqu’il y reçut la visite de Joseph Kessel, venu au début de l’été 1926 l’interroger sur le retour de Poincaré aux affaires.
Un plan réalisé en 1956 par Roger Joseph et publié dans sa brochure Martigues et le Chemin de Paradis montre qu’encore à cette époque, avant la construction du stade et l’assèchement des salines, l’environnement immédiat de la maison n’avait guère évolué depuis l’enfance de Maurras ; il était resté tel que l’évoquent les Quatre Nuits de Provence.
Les six cartes postales que nous reproduisons datent de l’entre-deux-guerres : Maurras était assez célèbre pour que son nom apparaisse en légende de la photo de sa maison, bien que certains éditeurs aient privé son patronyme d’un de ses deux R. Et la maison, suffisamment isolée, constituait un sujet simple à caractériser, pour une photographie touristique.
Au temps de Maurras, le Chemin de Paradis est un vrai chemin, un chemin rural. Au Sud, jusqu’à l’étang de Caronte qui assure le passage entre la Méditerranée et l’étang de Berre, s’étendent des salines. On n’y musarde pas, surtout le soir, à cause des nuées de moustiques. Et au Nord, le chemin est bordé de collines où il l’on ne distingue qu’une seule construction : la Bastide. Plus haut, au loin, le vieux moulin. Devant la Bastide, le jardin : l’allée des Philosophes, la muraille des cyprès… Et autour, rien : des prairies, quelques pins. Vue d’en haut, la perspective dans laquelle s’inscrit la maison n’est guère enthousiasmante ; on comprend pourquoi Maurras s’est tant attaché à soigner son jardin :
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Cette carte a été éditée par un certain Albert Jourdan, libraire. Au verso, on apprend que c’est la 27ème d’un série consacrée à la Venise Provençale. La légende en est : « Quartier Paradis, Propriété Charles Maurras ».
Aujourd’hui, ce paysage semble lunaire. Il n’y a plus trace des marais salants ; l’horizon est bouché par l’immense palissade que forme le mur extérieur de la Tribune Paradis du stade, dont les quatre pylônes portant les projecteurs écrasent toute perspective. Entre le stade et l’étang, c’est la nouvelle Mairie, et tout un quartier surgi du néant. Autour de la maison, le terrain a été entièrement loti en petites parcelles, toutes bâties, abondamment clôturées et comme irriguées par les voies d’accès pour les voitures ; la Bastide reste au milieu, cachée par les haies, témoin des siècles passés et porteuse de la mémoire d’un écrivain polémiste qui aura tant fait pour la renommée de sa ville, où peu de gens se souviennent de lui de nos jours…
Le jardin n’a pris son aspect actuel que tardivement et progressivement. Maurras s’en était beaucoup occupé pendant ses dernières années, surtout pendant sa détention ; il conçut et fit faire d’importants travaux de maçonnerie dont il ne vit jamais le fruit.
Le jardin descendait naguère plus bas qu’aujourd’hui ; la transformation du Chemin de Paradis en voie urbaine, après la construction du stade, le fit reculer de quelques mètres.
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Cette carte qui prive Maurras d’un R a été réalisée par les éditions Tardy, 40 quai du Port à Marseille. C’est une des rares vues de la maison prises de face.
La plupart des vues que l’on rencontre sont prises de côté, ce qui ne permet pas toujours de bien distinguer l’allée centrale. Sur la suivante, bien que prise du côté ouest, la structure du jardin apparaît assez clairement.
Les deux fenêtres du rez-de-chaussée ont leurs volets ouverts ; la photo a donc été prise pendant la journée, vraisemblablement le soir (pour que la lumière du soleil soit derrière l’opérateur). La majorité des photographies des cartes anciennes ont été prises en été, tôt le matin, pour ne déranger personne et avoir des rues dégagées. En contrepartie, les volets sont tous fermés. Ceci laisse penser que cette carte est assez récente (peut-être 1940 ?). Par rapport à la précédente, les amphores ont pris la place des jardinières.
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On retrouve au verso mention de l’éditeur Jourdan. La carte porte le numéro 1461, avec la légende : « La Venise Provençale : Martigues (Bouches du Rhône). La Maison Charles Mauras » (avec un seul R).
Voici une autre vue prise du côté ouest, cette fois avec un seul volet ouvert. L’éditeur est « Real Photo — Cap — Strasbourg — Paris ». La légende est au recto, toujours avec un seul R :
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Enfin voici deux cartes sépia avec une vue prise côté est, ce qui permet d’apercevoir au loin la tour du vieux moulin :
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La première est produite par les éditions Gauthier, à Martigues, la seconde par les éditions Fournier, cours du 4 Septembre, également à Martigues. Les locaux ont tous deux fait attention à bien mettre les deux R. Les deux cartes se ressemblent beaucoup, mais l’état de la végétation permet bien de voir qu’il s’agit de deux périodes différentes.
Dans les deux cas, les volets de la fenêtre de la bibliothèque sont ouverts, mais ceux du bureau sont fermés.