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Lettres à
M. Vincent Auriol

À M. Vincent Auriol, Président de la République,
Palais de l'Élysée, Faubourg Saint-Honoré, 55–57, Paris VIIIe.

Charles Marie Photius MAURRAS.

Monsieur le Président,

La levée d'écrou, qui a eu lieu avant-hier mercredi 19 mars, ne peut pas être un vain mot. La liberté physique m'est rendue. C'est grâce à vous, Monsieur. Je vous en remercie. Je tiens même à vous en féliciter, car elle m'était due.

Depuis mon arrestation arbitraire du 8 septembre 1944, je ne cesse pas de réclamer cette liberté, non comme une grâce, médicale ou autre, mais comme mon bien naturel et légal. Les Mémoires que j'ai fait déposer à la Chancellerie font foi d'au moins une demi-douzaine de faits nouveaux qui ne sont pas seulement, comme le veut la loi, de nature à établir l'innocence du condamné, car ils établissent la mienne avec une irréfragable évidence ; la preuve est faite de ma Résistance complète et de mon Opposition totale aux menées comme aux intentions de l'Ennemi, excluant toute intelligence avec lui et démontrant notre mésintelligence constante. On sait même (et l'on ne peut contester) que, pour soustraire l'une de ces preuves au regard de mes juges, M. l'avocat général Thomas l'a mise dans sa poche sans la verser au dossier jusqu'à ce que l'arrêt de condamnation fût rendu.

Il est également prouvé que mes articles n'ont jamais fait arrêter qui que ce soit, en dépit de faux témoignages flagrants, dont l'un a été porté par un magistrat, ancien juge d'instruction à Bourg, M. Guérin, et dont l'autre provient d'un ennemi personnel, M. Francisque Gay 1, qui, avant de venir rétracter en pleine audience ses dires parjurieux, m'avait lui-même dénoncé à la Gestapo dans une lettre qui a été partiellement recueillie à l'Officiel du 14 mars 1945.

Telle est la double calomnie officielle que je dénonce depuis sept ans. Je ne l'ai donc pas vue sans indignation reparue dans la presse de ces jours derniers. Car enfin tous les fonctionnaires qui ont pénétré dans mes prisons m'ont entendu réclamer (avec la révision de l'arrêt du 27 janvier 1945, qui constitue plus qu'une erreur, un crime judiciaire) les trois réparations adjacentes : des excuses, une indemnité, ce qui va de soi, et la tête de M. de Menthon, ce qu'il faut expliquer par la rigueur des temps.

Suivant les estimations les plus raisonnables, communiquées par un ministre de l'Intérieur, M. Tixier 2, au colonel Passy, chef d'état-major du commandant des F. F. de l'Intérieur, la récente Terreur de 1944–45 a coûté à la France 105 000 têtes. La plupart étaient innocentes et bonnes Françaises. Je suis aussi opposé qu'on peut l'être à des représailles qui en coûteraient 105 000 autres, ce qui ferait 210 000 pertes sèches pour le peuple français. On dit c'est la Justice. Je réponds que ce n'est pas la Politique, une Politique de généreuse fraternité nationale, ce n'est pas l'Art royal platonicien, qu'ont professé tous les pères de la Patrie. Non, pas de représailles ! il n'en faut à aucun prix.

Mais sur ces longs ruisseaux d'un sang très pur, grossis d'une infecte sanie, qui ne peuvent pas être purement et simplement oubliés, une impunité totale aurait pour premier effet de décourager les bons citoyens, le second, d'encourager les mauvais. Il faut au moins un châtiment, le mieux délimité possible. Réel. Sérieux. Il en faut un. Le maximum de la clémence y pourrait même coïncider avec le châtiment d'un seul, qui ferait l'exemple abrégé des égarements et des scélératesses de tous.

Seulement, ce responsable exceptionnel, pris pour coupable unique, doit être un délinquant certain, de ceux qui furent dénués de toute ombre d'excuse.

Il serait donc injuste de le désigner parmi ces Juifs cruels qui, chez nous, ont cédé à leurs réflexes d'étrangers, sinon d'ennemis.

La même justice scrupuleuse interdira de le choisir parmi les hommes de gauche ; ils peuvent exciper très valablement de leur involontaire ignorance de l'Histoire de la France et de la Politique française.

En revanche, cette Histoire et cette Politique sont bien connues des hommes de Droite. C'est donc à droite que l'on a fait le mal en le sachant. Or, qui prendre de ce côté, sinon le co-auteur de l'abominable législation algérienne, M. de Menthon ? Si on le met à part, on ne voit que deux ou trois insignifiantes fripouilles. C'est encore ce qu'ils ont de mieux.

Le choix expiatoire de M. de Menthon offre ce premier intérêt de ne rien coûter à la France. Ce très petit politicailleur bien vêtu peut disparaître sans creuser aucun vide dans le pays. Au moral, au mental, c'est le pur synonyme de rien. L'avis général ne fait point de doute sur la vanité de son verbiage et la mauvaise qualité de son français dont rougirait tout autre Savoyard et compatriote de Vaugelas. Sa tête peut rouler dans le panier à son, la communauté n'en sera pas appauvrie d'une parcelle de valeur, force ou lumière. Mais, second avantage, M. de Menthon porte un joli nom, il semble avoir un beau château, est l'arrière-petit neveu d'un Saint 3, sa famille est très bien posée ; sa toge de jurisconsulte, sa profession parlementaire le mettent à part et en haut. Son faux-nez de super-patriote, son faciès dévot de Pharisien fini lui composent le type achevé de l'exemple éloquent, celui qu'on voit et qu'on entend de loin. Il pourra servir de leçon aux grands bourgeois friands d'aventures démagogiques plus ou moins baptisées. Le procès régulier de son infamie algérienne ne peut manquer de faire apparaître les nombreux assassinats juridiques dont il porte le poids. Aucun jury impartial ne lui refusera la peine capitale.

Écoutez ce que lui chante un poète ami qui me ressemble comme un frère :

Ô toi qui maculas, empuantant l'Europe, 
Nos Sceaux français, le Saint de ta race et ton Dieu, 
Professeur de Droit qui le Droit salopes, 
TARTUFE DE MENTHON, terroriste pieux,

Il faut, il faut payer ! Non sous de nobles balles 
Contre un poteau de guerre au froid petit matin ; 
FRANÇOIS, le couperet peint sur ta nuque pâle 
La rainure de Guillotin.

En vous priant, Monsieur le Président de la République, de bien vouloir accueillir ce petit air de musique féroce, pas plus féroce qu'un article du CODE PÉNAL, infiniment moins féroce que le couplet des balles pour nos généraux dans l'INTERNATIONALE et que le ÇA IRA, les aristocrates à la lanterne dans l'hymne des grands ancêtres, je veux aussi vous adresser, Monsieur Vincent Auriol, les vœux sincères que forme pour vous, pour les vôtres, pour l'heur personnel de tous et de chacun, l'ex-numéro 2048 de l'écrou de Riom, l'ex-numéro 8321 de l'écrou de Clairvaux, aujourd'hui titulaire d'une grâce qui ne saurait ni limiter l'exercice de ses droits ou la pratique de ses devoirs, devoirs de la mémoire et de la conscience, droits de la personnalité.

Charles Maurras
Clinique Saint-Grégoire à Tours, le 21 mars 1952.

Touchés

Drapeau levé, clairon sonnant, cible vibrante, on a touché.

Touchées les feuilles quotidiennes, les hebdomadaires, et entre tous ce Popu qui invente et ment, lit de travers et fait lui-même la menace qu'il m'impute. Touché Teitgen qui pose, déclame, fait le beau, mais c'est pour tout confondre et embrouiller. Touchés les comités, touchée l'Assemblée où 160 députés, chiffre rare, et affluence des grands jours, lèvent leurs mains, les réunissent comme pour prier, mais les battent l'une vers l'autre pour applaudir à la défense de la gloriole commune, de l'intérêt de parti et des prébendes à Bibi.

Mais il y a plus touchés qu'eux : ce sont ceux qui se taisent ou parlent d'autre chose, comme M. de Menthon, qui a tenu le crachoir un bon petit moment sans dire un mot de son abominable législation algérienne. En est-il ou non le co-auteur ? Et cette législation fait-elle litière de toutes les lois divines et humaines, oui ou non ? C'était la question. Il l'a fuie. Le rédacteur parlementaire de L'Aurore nous montre l'ancien garde des Sceaux immobile et les bras croisés à son banc, comme la statue du grand mime de l'impassibilité. Mais sa fuite devant la question, son silence devant la question peignent assez son désarroi intérieur. Celui-là est touché à fond.

Touchés et bien touchés MM. Gay, Guérin et Thomas. Ils n'ont pas bougé et personne ne s'est dérangé pour contester les trois crimes auxquels ma lettre au Chef de l'État faisait des allusions rapides et précises. Alors précisons-les encore.

En octobre 1944, à Paris, comme en fait foi le procès-verbal de la commission rogatoire, Francisque Gay jura que je l'avais dénoncé à la Gestapo, que ma dénonciation avait été lue par une de ses employées dans un article de L'Action française qui se trouvait aux mains d'un policier de la Gestapo en train de perquisitionner dans ses bureaux. Le même Gay, à la même époque, jurait qu'il avait les mains pleines d'articles de moi, articles tendant à démoraliser l'armée et à trahir la Patrie. « Jetez-les ! répondis-je à Gay par le juge d'instruction qui me transmettait la fanfaronnade stupide. Envoyez ces articles qui n'existent pas ! » Francisque Gay n'envoya rien, et pour cause, mais, s'étant transporté, de sa personne, à l'audience de la Cour de Lyon, en janvier suivant, il s'y dégonfla, toujours sous la foi du serment, et conta que ma délation n'en était pas une, que c'étaient de simples souvenirs donnés à de vieux débats politiques, que son employée n'avait même pas pu lire la date de L'Action française détenue par le policier de la Gestapo, et que ce policier l'en avait empêchée en la bousculant ; lui-même ignorait si le numéro avait été apporté chez lui par la police allemande ou s'il se trouvait par hasard dans les papiers appartenant à lui, au même Gay, toujours jureur, fidèlement parjurieux… Trois mois après, le député Joseph Denais 4 donnait lecture à la Chambre d'une lettre du même Gay, antérieure de dix mois et datée d'avril 1944, qui me dénonçait fort crûment aux autorités allemandes. Cette délation incontestable, adressée nominalement à son associé M. Bloud 5, était destinée à la Gestapo. Gay a dû en convenir devant une assemblée de journalistes au Canada, quand il représentait la IVe République dans ce beau pays. Apparemment que M. Gay n'a oublié aucun de ces petits détails qui l'accablent. Il n'a pas pipé.

M. Guérin, substitut lyonnais, ancien juge d'instruction à Bourg, n'a rien opposé non plus à mon accusation de faux témoignage. Voici les circonstances de son forfait : déposant le 5 décembre 1944 devant le juge d'instruction Rousselet, et commentant un article de moi où je citais une lettre qui évoquait la contamination de certaines bonnes familles sous l'influence de juifs devenus puissants, M. Guérin a formellement déclaré que « M. Maurras avait mis en accusation M. Fornier, maire de Reconnas (Ain) ». Quelques jours plus tard, le 14 décembre, M. Guérin écrivit à M. Rousselet ce qu'il lui avait dit en spécifiant de nouveau cette écharpe de maire, cette commune, ce département, et ce patronyme ; or mon article ne les portait pas. On offre un merle blanc à quiconque pourra trouver dans mon article ce que M. Guérin y a mis par deux fois de sa seule grâce. Le faux témoin Guérin a donc surchargé mon texte. Il y a surajouté ce qu'il a voulu. C'est pourquoi, s'étant bien gardé de venir à l'audience de 1945, où il lui aurait été demandé compte d'une « mise en accusation » qui ne contenait ni nom d'homme ni nom de lieu, M. Guérin s'est aussi tenu à l'écart du remue-ménage causé par ma dernière offensive : plier le dos, clore le bec, laisser passer l'orage, il n'avait rien à faire de mieux.

Quant à mon troisième muet, l'avocat général Thomas, son cas n'a été découvert qu'en 1950 par notre avocat Me Georges Calzant ; c'est le plus délicat des trois. Commissaire du Gouvernement à la Cour de justice, Thomas avait reçu de la Chancellerie, qui la tenait du Quai d'Orsay, une pièce officielle allemande, abandonnée dans les archives de l'ennemi en déroute, où j'étais signalé comme m'opposant à toute aide « même indirecte » de la France à l'Allemagne, et m'élevant contre la formation de la Ligue anti-bolchevique destinée à combattre les Russes sous l'uniforme allemand, ce qui établissait, par les doléances mêmes de l'Occupant, tout le contraire de ma culpabilité : l'étendue, la vigueur, la solidité d'un anti-germanisme militant. Au coin supérieur de la pièce était inscrite la mention : « Pour le procès Maurras ». Ce qui n'empêcha point le Commissaire du Gouvernement Thomas de garder ce document pour lui seul. Il ne le rendit au dossier qu'une fois nos condamnations obtenues. La Cour, les avocats, les inculpés avaient été réduits à l'ignorer pendant tout le cours des débats !

Ne pouvant pas nier les faits, M. Thomas a cru se couvrir en disant que la pièce était inutile, du moment que son réquisitoire m'avait reconnu ma qualité « d'anti-allemand ». Mais le même réquisitoire disait plus loin tout le contraire puisqu'il invoquait contre moi le fameux article 75 et m'inculpait d'intelligence avec les Allemands. Entre ces deux thèses contradictoires de l'accusateur, la pièce qu'il dissimulait pouvait rompre l'absurde équilibre et rétablir mon droit. En l'étouffant, Thomas a commis un crime prévu et châtié par l'article du code où se trouve visé tout agent, administratif ou judiciaire, qui altère, détruit ou détourne une pièce à lui confiée. Si l'article 178 du code n'est pas abrogé, si le fait que j'énonce n'est pas contesté (et il ne l'est pas), le procureur Thomas doit prendre la route du bagne. Cela aide à comprendre que, depuis le 28 mars 1952, jour de la publication de ma lettre adressée au Président de la République, M. Thomas, qui n'avait pas été bien flamboyant depuis la découverte de son escamotage, est un peu plus rentré dans le mur ces jours-ci. Il lui plaît de n'être pas vu pour n'être pas pris.

Cette attitude des muets aurait dû éclairer les parleurs.

Contre la liquéfaction dans l'erreur.
La Fable et l'Imposture

Les parleurs, surtout ceux de l'Assemblée, M. Teitgen, M. Soustelle et tous ont commis la grave faute de voir et de présenter certaines choses essentielles comme ils veulent qu'elles soient et non comme elles sont. Je les avais mis en garde contre cette erreur, il y a sept ans, quand je répondis à leur commission rogatoire dans le procès Pétain :

… L'esprit de parti, disais-je, est un aveugle-né qui souvent, en toute innocence, nous a infligé, depuis deux ans, beaucoup de dégâts. Prenons garde à la tyrannie de cet inconscient. Il rétrécit, il rabougrit misérablement la patrie quand il fait de la résistance à l'Allemagne, qui, en dehors d'une poignée de traîtres, fut universelle, l'affaire unique d'un parti ou d'un clan. Des millions d'hommes et de femmes de France ont fraternisé dans le même esprit, le même cœur et le même énergique effort de libération, chacun dans la mesure et la forme de ses moyens : qu'ils ne soient pas follement repoussés du cœur de la Cité et que, contrairement à la vérité éclatante, il ne leur soit pas répondu comme on a répondu au Maréchal qui les représente tous : « Vous n'êtes pas ce que vous êtes. Vous n'avez pas fait ce que vous avez fait. Rien ne peut compter que ce qui a résisté à notre manière, dans nos cadres et selon nos vues. Nous ne fraternisions qu'avec les camarades, il n'y aura de fraternité, comme de justice, que pour les nôtres et entre nous. »

Et plus loin :

Parce que le VRAI EST, il vient à bout du faux « QUI N'EST PAS ».

Mais ces parleurs de vendredi, au Palais-Bourbon, pataugeaient tous dans ce qui n'est pas et qui n'avait jamais été.

Ils raisonnaient d'abord comme si tout ce qui n'était pas gaulliste et pro-anglais eût été pro-allemand. Il y avait un entre-deux. Dans l'entre-deux, la France. La France n'était pas déchirée en deux mais en trois lambeaux, la faction pro-anglaise n'était pas seule en face des pro-boches. Entre les gens immatriculés au gaullisme et l'infamie des collabos, il y avait des millions de Français serrés autour du Maréchal qui les couvrait de son « bouclier » : les hommes de « la France seule ». Au lieu de rabâcher l'inepte contre-sens qui faisait signifier à ces trois mots un inepte souhait d'isolement diplomatique et militaire, il était facile de voir qu'ils répudiaient également l'envahisseur du jour et celui du lendemain, cheminaient sur « la ligne de crête », comme disait Pujo, entre les deux versants anglais et allemand, et mettaient au-dessus de tout le salut et l'intégrité de la patrie ; leur patriotisme consistait à la maintenir, non à multiplier ses risques de mort pour obéir au point d'honneur d'un parti ou à l'intérêt de ses partisans.

Les pro-boches et nous

Dès nos premiers voyages à Vichy, nous avions pris position claire contre le clan Laval et toute sa clique pro-boche d'anciens briandistes et d'anciens jaurésiens formée au culte de l'Allemagne par cent cinquante ans de romantisme et de révolution. Dès lors, deux ou trois anciens normaliens ou universitaires, un instant attirés par L'Action française en furent chassés parce qu'ils ralliaient la tradition des Gabriel Monod, des Lucien Herr, des Luchaire et de leurs pareils. Quand le directeur de Je suis partout, M. Charles Lesca, alla s'installer à Paris sous le contrôle de la censure allemande, nous rompîmes avec lui. Ce pauvre Brasillach vint à Lyon. Je lui refusais ma porte. Une note explicite parue dans notre journal interdit à nos adhérents les conférences des collabos. Aussi l'écume pro-boche nous traitait-elle en ennemis directs ; leur Rebatet déversait sur nous, comme sur l'armée et la France, les tombereaux de ses « Décombres » ; d'août 1940 à août 1944, la presse vendue de Paris, Lyon, Marseille et autres lieux commençait par nous qualifier de revanchards et chauvins et finissait par nous appliquer le répertoire entier du lexique poissard. Tout un numéro de leur revue Combat fut consacré à ma misère psychique et à mes tristes origines de « Latin ». Le florilège de ces gentillesses ne tiendrait pas dans un gros volume. C'était l'ambassade d'Allemagne qui tenait, tirait, payait toute cette artillerie d'anti-France parce que, de son propre aveu, notre résistance et notre opposition faisaient avorter ce qu'elle avait le plus au cœur : la cause d'une Europe à direction allemande. Nonobstant cet échec, la presse pro-allemande avait causé de gros dégâts. D'un côté, par ses rapports avec Laval, elle imprimait au gouvernement personnel du Maréchal une fausse couleur d'ami de l'ennemi qui lui fut toujours étrangère, et, inversement, elle minait son autorité, l'affaiblissait devant Hitler qui pouvait crier à « Vichy » : « Voyez ! vous êtes en retard sur votre propre opinion, sur votre presse ! » Ce double mouvement amenait beaucoup d'eau au moulin de M. de Gaulle.

La dissidence gaulliste

Infiniment mieux intentionné, le courant gaulliste ne valut pas mieux quant à ses effets pour la France. La dissidence et son émigration insensée, qui vida le pays d'un certain nombre de bons citoyens, privaient le Maréchal du contre-poids qu'ils auraient opposé personnellement au troupeau vénal des pro-boches. Leur bataillon sacré fit très cruellement défaut. Par la suite, et de par l'imposture du Chef, l'appel gaulliste en vint peu à peu à guerroyer bien moins contre l'Occupant que contre le Maréchal et les maréchalistes. La radio de Londres traitait le Maréchal de « Père la Défaite » et l'accusait jusqu'à cinquante-deux fois, cinquante-deux fois mensongère, d'avoir livré à Hitler une flotte qui devait se saborder plutôt que de devenir allemande. Lorsque, plus tard encore, on en vint aux actes sanglants, les Français eurent à souffrir, beaucoup plus que les Allemands, d'attentats dirigés par les brigades internationales de faux Espagnols, de vrais Russes, de vrais Mongols et des bandits sans aveu, munis d'armes parachutées. Comme les Allemands, bien armés aussi, se défendaient cruellement, les bons Français, les patriotes, les résistants réels, groupés autour du Maréchal, ou qui le représentaient furent assaillis sans danger et systématiquement décimés, leur élite décapitée par cette barbarie et cette anarchie conjuguées.

Nos « dénonciations » furent des plaintes

C'est ce second aspect de la réalité que les orateurs de la Chambre ont voulu ignorer : ils se sont tus sur les initiateurs certains des violences et des dévastations.

Or, je parle en témoin, presque en greffier, de ces annales de la férocité. Le malheureux neveu du cardinal Verdier, blessé le matin, était assailli le soir dans son lit d'hôpital et achevé sous les yeux des femmes de sa famille, qui y passaient aussi ; le professeur Médan, l'abbé Sorel, Nadal, le docteur Top, le curé de Vaucluse, le colonel de Boysson, le commandant de La Roque, le jeune La Fléchère, Jourdan, le président Faure-Pinguely, l'amiral Verdun, Lacroix, le docteur Eyraud-Joly, dix mille autres, la plupart anciens combattants des deux guerres, blessés, cités, décorés, parfois inscrits à l'Armée secrète, préparant une offensive en règle contre le Boche et s'armant contre lui. De ce lit de cadavres qui ensanglantait la zone Sud affluaient tous les jours les cris désespérés des veuves, des mères, des sœurs et de orphelins. Les prétendues dénonciations dont j'ai été accusé à l'Assemblée comme à la Cour de Lyon consistaient uniquement dans les plaintes que je faisais de cette boue sanglante, longues plaintes, âpres plaintes, c'est le mot juste, sur tous les massacres commis par les brutes qui erraient en bandes armées. Tous les maquisards ne faisaient pas cette besogne. Tous les maquis n'eurent pas cette ignoble composition. Néanmoins, à l'arrière, il se faisait encore quelque chose de pis.

Pour une grande étendue de la zone Sud, cette terreur fort bien nommée ne trouvait devant elle qu'une police douteuse, une justice molle, timide, hésitante. Nous demandions en vain l'efficace répression protectrice du peuple français contre le magma des aubains, qui entraînait, hélas ! une minorité de concitoyens pervertis. Ces hors-la-loi définis, nous montrions les victimes : paysans réduits à user de leurs fourches contre les mitraillettes, humbles secrétaires de mairie qui refusaient leurs cartes de ravitaillement à la déprédation, pauvres curés de campagne, pillés, molestés, massacrés, petits et gros propriétaires, qu'on abattait pour les voler consciencieusement. Au silence, à la carence, à la prudente abstention de bien des pouvoirs officiels, nous comprenions sans peine ce que voulait dire le Maréchal quand il se déclarait à moitié trahi par une partie des équipes de l'ancien régime républicain qui se faisaient l'alliée sournoise du désordre. Aujourd'hui les assassins se font couvrir du vocable de « patriotes » ou de « résistants ». De tels mensonges n'entraient pas dans notre langage. Nous ne confondions ces massacreurs de profession ni avec l'armée secrète ni, comme on l'a prétendu encore vendredi dernier 6, avec les armées de Leclerc, de Juin et de de Lattre de Tassigny, qui n'avaient absolument rien de ces Grandes Compagnies et qui, d'ailleurs, opéraient fort loin de là. Ce que chacun de nos numéros réclamait c'était, pour l'ordre et pour la paix, une bonne et roide justice. En 1945, devant la Cour de Lyon, j'ai rétabli avec fierté le caractère de notre œuvre de protection presque aussi glorieux que notre opposition à l'Europe d'Hitler et d'Abetz. Je déclarais à mes juges que, telle étant « la situation générale du pays », mon devoir était d'adjurer « les autorités de montrer plus de vigilance et plus d'énergie ». J'ajoutais :

Écrivain, j'ai fait mon devoir. Si des magistrats disent à un écrivain qu'il aurait dû abandonner les faibles, les désarmés, les confiants, les bons citoyens à des violences de cette sorte, je n'ai plus rien à leur dire, sinon que TOUTES LES DIFFÉRENCES S'EFFACERONT ENTRE LES BANCS DES GALÈRES ET LES SIÈGES DES TRIBUNAUX. Si la justice est laissée en otage à la violence, il est inutile d'en discourir. Mais, s'il en reste une ombre, si l'on admet que le premier venu n'a pas le droit de vie et de mort sur ses frères, il faut instituer un organe de défense sociale et lui demander d'être actif et rapide autant que juste. C'est exactement ce que nous faisions et avions le devoir de faire contre ceux qui prenaient le droit de nous refuser le minimum d'équité et d'ordre. Car, à laisser aller les choses, comme ils faisaient, que pouvaient-ils gagner ? Je le répète : d'aggraver, d'empirer le mal, DE SUSCITER À UNE TERREUR UNE CONTRE-TERREUR, comme il est arrivé.

Mais j'y voyais aussi une autre conséquence, celle à laquelle je n'ai cessé de penser pendant ces dernières années, comme à un cauchemar obsédant. Si les juridictions françaises ne remplissaient pas leur devoir de justice, il arriverait ce qui est toujours arrivé dans l'histoire universelle des occupations : l'Occupant affecterait de prendre en main la cause de l'ordre, il remplacerait dans leurs fonctions naturelles les autorités déficientes du pays occupé ; or, c'est purement et simplement ce qui est arrivé dans l'affaire de la famille Fornier (à Bourg) : LA GESTAPO S'EN EST MÊLÉE. Ce que n'ont pas voulu faire, doucement, équitablement, les autorités françaises, l'autorité occupante l'a fait avec une sauvage brutalité.

Les interpellateurs de vendredi, fidèles à un mot d'ordre, ont tenu à voiler cette offensive initiale de criminels de droit commun et l'épidémie d'assassinats qui s'en est suivie ; présentant nos justes plaintes comme des dénonciations, ils escamotent les procès-verbaux incontestés, incontestables, d'attentats monstrueux que nous publions pour motiver notre plainte. Pas une citation plus ou moins tronquée de M. Teitgen qui ait été éclaircie par une référence à cette atmosphère de brigandage que traversait un continuel, un incompressible cri de justice : le nôtre.

Morceaux choisis

J'ai sous les yeux le compte rendu analytique de la séance où le misérable discours de Teitgen a été misérablement applaudi en dépit des sages réserves de M. Isorni.

D'après M. Teitgen et sa troupe, nous voulons réhabiliter la collaboration et la trahison ou condamner la résistance, nous qui avons fait plus que résister, en faisant à visage découvert une opposition dont l'ennemi a dû confesser le succès.

Nous sommes les assassins de Jaurès, bien que le véritable assassin ait été un disciple de Marc Sangnier, fait reconnu par l'avocat de la partie civile au procès Villain.

Nous aurions eu le monopole de la provocation à la prise et à l'assassinat d'otages, alors que le général de Gaulle, en Afrique, a pris des otages dont un évêque et un général, alors que leurs chers communards de 1871 ont exécuté un assez beau convoi d'otages composé d'un archevêque de Paris, d'un premier président de la Cour de Cassation, d'un curé de la Madeleine, de religieux, de prêtres, de bourgeois. M. Teitgen manifeste son horreur devant notre conseil de répondre aux assassins africains de manière à suspendre l'exécution de leurs arrêts criminels : il ne remarque point que, dans sa propre citation, nous demandons aussi que les otages soient « jugés », ce qui règle tout.

M. Teitgen identifie notre antisémitisme au nazisme et à l'hitlérisme, sans prendre garde que l'antisémitisme d'État de l'Action française fut toujours vilipendé par les « antisémites de peau », pro-boches admirateurs des « fours crématoires et des chambres à gaz », fauteurs de rêveries biologiques, tels le professeur Montandon 7 et d'autres oracles du nazisme parisien. Si d'ailleurs M. Teitgen se figure que ses pauvres confusions de langage pourront empêcher la question juive de se poser, il oublie un passé récent : les Juifs étaient très puissants et très heureux dans l'Allemagne de Guillaume II qui en avait fait ses commis-voyageurs favoris ; il leur manquait certains droits de citoyenneté dans les États secondaires. Le Reich de Weimar les leur donna et cette égalité, à peine acquise, leur fit faire main basse sur tout. Cela déplut. M. François-Poncet, notre ambassadeur à Berlin, a témoigné qu'ils furent à la source de l'atroce réaction qui se fit contre eux. Mieux vaut donner un bon statut national aux Juifs que de les exposer à des pogromes sauvages, et c'est ce que le Maréchal essaya de faire, avec l'assentiment du Vatican lui-même ; c'est la tâche qu'il faudra bien reprendre quelque jour pour le bien de la France et de l'humanité. J'ai protégé assez de Juifs, par ma distinction des Juifs « bien nés » et des autres, pour avoir le droit d'établir ce diagnostic d'histoire future.

La demande d'enquête

Satisfait de transférer au Maréchal les violences des nazis, au cabinet de « Vichy » les exploits de la Gestapo et des camps de concentration, M. Teitgen a couronné la diatribe en préparant par des statistiques officieuses un bilan officiel aussi « bénin, bénin » que le contenu des seringues de M. Fleurant. M. Teitgen produit aussi comme un aspect nouveau de sa belle personne.

Ayant énuméré quelques-unes de ses prouesses terroristes, au nombre de 150 000, il a, le 6 août 1946, lancé à l'Assemblée ces paroles fameuses :

On sourit de ces chiffres, en disant qu'après tout, 150 000 condamnations ou à peu près, c'est bien peu. Je voudrais, pour permettre à l'Assemblée de mesurer, comparer ces résultats à ceux d'une autre épuration qu'a faite la France au temps de la grande Révolution...

VOUS PENSEZ SANS DOUTE QUE, PAR RAPPORT À ROBESPIERRE, À DANTON, ET D'AUTRES, LE GARDE DES SCEAUX QUI EST DEVANT VOUS EST UN ENFANT. EH BIEN ! CE SONT EUX QUI SONT DES ENFANTS si l'on en juge par les chiffres… J'ai consulté les spécialistes de cette période, j'ai relevé 17 000 condamnations dont 1 350 frappèrent des femmes. C'est le chiffre total.

Et, détaille M. Teitgen, sur ce total il y eut 6% de nobles, 7% de militaires, 9% d'ecclésiastiques, 12% de bourgeois, 13% d'ouvriers et de domestiques, et 38% de paysans… L'exposé triomphal qui faisait pâlir les tueurs de 1793 se termine par ce cri du cœur : « Heureusement, il y a tout de même les chiffres »… Seulement, il ne fait pas bon pour une homme politique que de s'être collé au dos de telles pancartes. On les revoit de loin, on les cite, on les recite. Et, si les temps se mettent à changer, leur effet varie. L'excellent, l'applaudi, l'admiré tourne au pire et au conspué. Le jour a fini par venir où M. Teitgen sentit le poids de ce passé d'Hyper-Robespierre et de Super-Danton. Sa gêne visible a fini par lui faire émettre l'excuse pitoyable que l'on prenait trop au sérieux une page d'ironie !

Or, lisez, relisez la page, elle est citée ci-dessous in extenso ; il ne s'y trouve pas trace d'ironie. M. Teitgen défendait sa peau de ministre devant une assemblée révolutionnaire, dans un gouvernement où les communistes étaient représentés ; le plus petit grain d'ironie lui eût coûté son maroquin. Il était terriblement sérieux en août 46, mais sa version postérieure suffit à établir la couleur de ses rapports avec la simple vérité.

En est-il complètement responsable ? Tout le monde a entendu parler d'une saison de clinique psychiatrique où l'on dut soigner son cerveau malade.

Quoi qu'il en soit de leur cause, les anciennes contradictions oratoires de M. Teitgen font mieux goûter la page de l'Analytique où le même homme s'évertuait vendredi à réclamer des enquêtes solennelles sur ce qu'il devrait savoir mieux que personne. Les catégories qu'il institue entre les victimes dûment comptées du 10 juillet 40 au 6 juin 44, du 6 juin au 10 septembre, du 10 septembre à l'on ne sait quand font un magnifique défilé de carabiniers… Mais trop tard, ce tonnerre ! Tous les Français démêlent déjà de quelles sollicitations seront torturés les chiffres embarrassants. Il faudra néanmoins prendre acte des 50 000 victimes « sur le seul littoral méditerranéen » que mentionne l'historique de l'État-major américain. On ne pourra pas garder le silence sur cette exécution sans jugement de 130 000 personnes que le Popu fait endosser aux seuls communistes et que le journal officiel de la S. F. I. O. rattache également à une circulaire envoyée d'Alger « où se trouvait recommandé l'établissement de listes de traîtres dont l'exécution sommaire pouvait être acceptée par les populations ». M. Teitgen ne s'est pas frotté à ces témoins-là. Il a contredit les miens sans les discuter, mais c'était les chiffres d'un ministre de l'Intérieur, L. Tixier, à un colonel des F. F. I., L. Passy : 105 000 ! Les chiffres qu'il aligne sont beaucoup moindres, mais ses auteurs ont beaucoup d'autorité.

Échange de bons procédés

Sa comédie d'enquête serait la plus ridicule du monde s'il n'y avait sa production des politesses officielles délivrées au résistancialisme par des Alliés complaisants. Nous n'ignorons pas comment furent payés ces bons certificats, côté Teitgen, côté de Gaulle par les honteux silences que ces messieurs gardèrent sur le bombardement de nos villes, la destruction de nos champs, le fauchage inouï des populations. La voilà leur libération ! criait devant moi une Provençale éplorée sur le cadavre d'un grand garçon de fils que venaient de broyer, dans une rue de Marseille, leurs sinistres engins qui n'étaient même pas allemands. J'aurai toujours dans l'oreille le cri maternel déchirant.

Ceci n'était qu'un malheur ; il reste les crimes. M. Teitgen a la prétention de séparer, du tout au tout, « les exécutions imputables à la Résistance et celles qui ont été le fait de bandits de grand chemin ». Alors, pourquoi, tout en refusant les mesures d'amnistie sérieuse et sincère pour les « maréchalistes », leurs Chambres ont-elles fait plusieurs lois d'amnistie pour couvrir les crimes et les délits de droit commun commis par Leurs Majestés les Résistants ? Assassinats, vols, pillages, faux (type Verdenal 8), la Cause de la libération nationale sera chargée de tout pallier. Elle aura bon dos, bonne mine. Quand ils volaient le pardessus ou les souliers d'un bourgeois de Collonges-au-Mont-d'Or, ou le portefeuille d'une épicière du même lieu 9, les Résistants le faisaient non pour la Cause mais pour leur usage personnel. Maintenant, ils gémissent sur la déconsidération morale de la Résistance, mais si, au lieu de faire leur auto-amnistie, ils avaient épuré leurs propres rangs, on garderait quelque respect pour leur personne sinon pour leur jugement. Trop de scandales montrent qu'ils se sont solidarisés avec leurs fripouilles.

Enseignons M. Teitgen sur la Résistance

Mais puisque M. Teitgen se figure que nous en avions à la Résistance, à la vraie, je dois le prévenir qu'il ne connaît même pas la sienne en ce qu'elle a de plus beau.

M. Teitgen ignore le caractère et la valeur de cette révolte spontanée du peuple français contre l'occupant germanique, et cette ignorance provient du manque de certains organes de conscience et de mémoire qui ne le laisseraient pas dormir s'ils pouvaient vivre en lui.

Rappelons donc à M. Teitgen que le peuple français avait été gorgé pendant plus d'un siècle et demi de tous les ponts-neufs du pacifisme international spécialement favorable à l'esprit prussien. De mauvais chefs, des maîtres indignes avaient induit une forte partie de ce peuple ouvrier et artisan soit à refuser ses armes de défense, soit à les jeter, soit à se croiser les bras pour ne pas en fabriquer. Ces malheureux Français croyaient ce qu'on leur disait : les Allemands étaient des frères, il n'y avait contre nous en Allemagne que quelques méchants aristocrates, princes, rois, généraux, mais les masses profondes du monde allemand ne consentiraient jamais à nous faire la guerre, ou feraient grève et révolution pour fraterniser avec nous. On dit, on assure que (la leçon de 1914–1918 n'ayant servi de rien) les partis avancés auraient eu certaines tendances complaisantes à laisser entrer en France le brave Germain, allié de Staline. Mais il suffit de cette entrée : l'épreuve fut courte ! À la vue de l'Étranger maître de nos foyers, à l'odeur du sale Boche, « foetor Germanicus 10 », au contact du Velu, comme disait Barrès, demi-homme encore mal dégrossi, la réaction ne traîna pas : elle fut spontanée, brutale, générale. Éternelle leçon de nationalisme instinctif ! Les Français, comptés un par un éprouvèrent une grande, une intime horreur du nouveau venu, mais une horreur active et comme punitive, dans des conditions d'élan, de volonté, de foi qu'il n'est pas téméraire d'identifier au départ des Croisades.

Mais les mauvais maîtres veillaient, avec les chefs indignes.

Nous parlions de croisade. L'Histoire nous a montré deux sortes de croisades. Celle de Pierre l'Ermite et de Gauthier Sans Avoir, qui se fit massacrer jusqu'au dernier homme sur les chemins de l'Orient inconnu, et la croisade de Godefroy de Bouillon, et des princes chrétiens, organisée, articulée, munie des plus parfaites armes de l'époque, éclairée par des guides sûrs et des portulans bien établis : elle atteignit Jérusalem, l'assiégea et bientôt la prit parce qu'elle était encadrée, commandée, ordonnée. Les autres n'avaient été qu'une informe cohue où l'héroïsme incontestable eut à consommer des sacrifices démesurés. Aujourd'hui, ceux qui, bien imprudemment, dressent, longue et lugubre, la liste des victimes de leur croisade populaire menée à la manière de Pierre et de Gauthier sont d'écervelés étourneaux, qui oublient leurs très graves responsabilités encourues. À la vraie résistance. résistance ordonnée, résistance réglée, qui tenait compte du possible et qui calculait les représailles imminentes, telle que le Maréchal la conduisait de haut, à cette résistance économe de sang français, ils ont fait (ou laissé) substituer le douloureux tumulte et l'affreux gaspillage qui a coûté à la France tant de héros ! C'est à leur démence que remontent les martyres subis dans les camps de concentration et dans les prisons hitlériennes, à eux, hommes légers, hommes cruels, révolutionnaires de la veille, super-patriotes du lendemain, dont la vanité n'a pas su ménager l'effort naïf du peuple de France. Erreur des aveugles qui se font chefs ! Pendant que la patrie devait solder la note écrasante, eux-mêmes y gagnaient tout ce qu'ils sont ou paraissent être aujourd'hui. Mais plus les Partis ont ainsi abusé la bonne foi de la Nation dans ce vaste secteur d'une résistance impulsive, plus la Nation fut belle dans la générosité de son noble élan, dans ses vertus ensanglantées, mais plus trompées encore. Nous avons qualité pour rendre à cette résistance un hommage adéquat et complet. Je dis nous seuls, les hommes de LA SEULE FRANCE, qui, sans blâmer ni désapprouver de saintes folies, avons eu le difficile courage de les déconseiller.

Des résistants pareils n'en faisaient pas métier, n'en tiraient pas leur gagne-pain ; mais, pour les autres, pour beaucoup d'autres, il faudrait essayer de juger jusqu'à quel point cette immense effusion du sang le plus pur n'a pas été désirée par eux, en vue d'un intérêt défini, le palpable intérêt de faire oublier quelque chose. Quoi donc ? Hé ! trois choses qui sont de poids.

Contre un triple memento

A. — Sans battre la campagne autour de faits trop anciens, premièrement n'ont-ils pas à dissimuler la source essentielle et primordiale de TOUS nos malheurs : la décision funeste par laquelle des hommes politiques appartenant au parti de M. Teitgen et à celui de M. Minjoz ont jeté dans la guerre une France qui n'y était prête ni de cœur, ni d'esprit, ni de corps, au lieu d'imiter la réserve de Staline et de Roosevelt, ou celle d'un Poincaré en 1914, qui, tous, mirent de leur côté l'avantage moral de la réaction contre un agresseur évident : insensés, ou sots, ou traîtres, en tout cas dénués de tout jugement, destitués de toute autorité civique, ces coupables suivent la voie de leur plus grand intérêt quand ils s'efforcent d'abolir une mémoire exacte de ce premier exploit. En ont-ils pris le bon moyen : une invasion nouvelle doublée d'une révolution ? Ils pouvaient l'espérer et se le promettre.

B. — Notre malheur numéro deux est venu de la dissidence du 18 juin 1940, cent vingt-cinquième anniversaire de Waterloo, née à l'instigation de M. Churchill et du « général » Spears, dans l'âme ambitieuse et orgueilleuse, dans l'imagination forcenée de M. de Gaulle. Un lot important de force française a été ainsi placé dans l'obédience ou la dépendance indirecte d'autres nations. Nous avons pratiquement perdu la souveraineté maintenue si jalousement dans la défaite et l'occupation par la prudence attentive du Maréchal. Il pouvait s'élever de dures protestations contre les faux sauveurs qui, après nous avoir perdu la Syrie et l'Indochine, ont ébranlé l'une après l'autre les positions impériales de la Patrie. Le bon massacre où furent enveloppés les protestataires éventuels n'était pas non plus un mauvais moyen de congeler des souvenirs trop remuants. Léthé sanglant, Léthé sanguinaire ? Léthé, pourtant !

C. — Enfin le numéro trois, la fameuse législation d'Afrique plus ou moins légitimée par le temps et passée en coutume avait une chance de devenir presque insensible à la conscience française pour peu que le nombre et le choix des assassinats juridiques fissent estomper les figures et les noms des législateurs qui avaient signé cela, rédigé cela, comploté et voulu cela. À la simple évocation du signataire de ces cruelles ordonnances, ses complices ont revêtu précipitamment les faux voiles de la pudeur où se dissimuler. On n'eût même pas essayé ce camouflage s'il eût seulement subsisté en France la moitié ou le quart des 105 000 sacrifiés. On peut être tranquille, les 105 000 morts ne peuvent protester ; ils ont pourtant laissé une postérité. Le problème est d'ôter à ce public en larmes toute espèce de goût pour des commémorations trop gênantes. Là encore, la Terreur a paru la seule solution.

Mais, l'expérience le montre, on ne peut terroriser indéfiniment ce pays. On ne l'a pas pu en 1793. Ni en 1945 ou 6. Alors, la question se repose. Comment assurer la jouissance et la digestion paisible des butins et des proies ? Des menaces ? On nous en fait de très formelles. Et puis après ? Nos os crieront, nos cendres et notre sang crieront, comme crient les os, le sang, les cendres de nos magnifiques prédécesseurs chez les ombres.

Ceux qui ont su me lire (et mon français est clair) ont compris combien, selon moi, tout avenir de représailles serait redoutable pour la patrie. Une succession d'appels sans fin, de contre-appels indéfinis, de causes perdues, gagnées, reperdues, regagnées encore, cet éboulement perpétuel de bases trop friables ne saurait qu'étendre et surélever l'affreux monceau de nos ruines ; il serait de plus en plus difficile d'y replanter les colonnes de l'ordre et les stèles de l'amitié. Cette fausse justice ne ferait qu'ajouter des maux aux maux, à l'infini. Il est, comme dit l'Autre, nécessaire de s'arrêter. Mais, pour s'arrêter avec fruit, il faut les consolations d'au moins un simulacre de vraie justice, celle que ferait UN exemple, exemple qui ne coûterait rien à la France ; exemple significatif pour les Grands de l'espèce de M. de Menthon ; exemple qui dirait que, tout de même, le crime resté crime n'a pas eu raison de son contraire, l'un des criminels ayant dû expier ; la notion de responsabilité pourra rester inscrite ou revenir s'inscrire dans le cœur des hommes français.

J'ai dit.

Charles Maurras

La note de M. Rougier

Dans une note courtoise et fine communiquée aux journaux, M. Louis Rougier 11, président de l'Union pour la restauration et la défense du service public, m'a fait part de son inquiétude sur le tort que ma lettre aurait pu faire à la cause de l'amnistie. Les protestations sonores et les serments pieux prodigués à l'Assemblée de vendredi ont dû rassurer notre confrère. D'ailleurs, l'heure qui sonne ne me parait pas favorable à un débat public sur la tactique. Ce n'est pas non plus le moment de nous marquer des fautes les uns aux autres. Ces échanges d'explications ne me gêneraient nullement, j'en vois les inconvénients généraux et majeurs.

Il est possible que j'aie méconnu quelques-unes des différences entre la IVe Marianne et sa tendre mère, la Troisième du même nom. Je n'étais pourtant pas sans en avoir quelque teinture quand j'ai touché ces intouchables ou enfreint ces « interdits » que les ironistes de mon temps appelaient des verboten. Peu importe, au surplus, ce qui ne met en cause que moi.

Mais j'ai plaisir à expliquer à M. Louis Rougier pourquoi je me suis « déchaîné » contre M. de Menthon plutôt que contre « Charles le Mauvais ». Il est bien vrai que M. de Gaulle est un grand criminel ; mais il est certain qu'on lui attribue des talents militaires, attestés par une citation fameuse : la France en pourrait bénéficier au jour du péril. Depuis douze ans qu'il a mis son épée au croc pour s'adonner à la politique (et quelle !), l'ancien spécialiste de l'armée de métier a sans doute pu se rouiller un peu ; il lui resterait à coup sûr assez de bonnes habitudes de sa vie d'officier pour commander correctement la compagnie ou l'escouade qui lui serait confiée. La France n'a donc pas le droit de s'appauvrir de ce soldat en le perdant, elle perdrait quelque chose. Elle ne perdrait rien avec M. de Menthon.

M. de Menthon, c'est zéro. Il n'est bon à rien. Exemplaire et symbolique, son expiation n'infligerait pas au capital national le moindre dommage.

M. Rougier m'avertit d'autre part que, sur le plan constitutionnel, tous les forfaits sont permis à la loi écrite depuis la Révolution. Mais, en admettant que la loi révolutionnaire soit irréversible, le jury impartial auquel sera soumis le sort de M. de Menthon s'inspirerait des ordres, de la conscience et de la raison. En outre, si l'on veut restaurer et défendre le Service public, il faut bien y réintégrer la notion qui ne peut en être exclue à jamais : responsabilité ! responsabilité ! Dans l'opinion d'abord. Puis, dans l’État. Ma lettre à M. Auriol a commencé par ce commencement. Ni pour le présent, ni pour l'avenir, on ne saurait concevoir d'espérance sérieuse si l'on ne crée dans le Pays le courant d'une opinion rédemptrice, pacificatrice, apaiseuse et (dans la mesure de l'ordre et de l'amitié) justicière, même à quelque degré vengeresse « de tant de justes massacrés ».

Le châtiment de M. de Menthon servirait fort bien cela. — Ch. M. 

Le 6 août 1946, Pierre-Henri Teitgen, Garde des Sceaux, se vantait de ses crimes en ces termes :

Quelques chiffres d'abord, si vous le voulez bien encore : les cours de justice et les chambres civiques ont été saisies de 125 243 informations. Je ne dis pas 125 243 dénonciations ou plaintes, je dis 125 243 informations ouvertes. 46 997 dossiers ont été envoyés en cours de justice, 21 304 en chambres civiques, 41 000 ont fait l'objet d'un classement.

Après ces mesures d'instruction, les cours de justice ont rendu 44 737 arrêts de condamnation, les chambres civiques 57 582.

Je fais remarquer au passage, pour éviter une observation, que le nombre des arrêts rendus par les chambres civiques est plus considérable que celui des dossiers renvoyés à ces mêmes chambres par les juges d'instruction, c'est que les chambres civiques étaient saisies non seulement par les juges d'instruction mais aussi, et directement, par les comités de libération.

À l'heure actuelle, il reste à la notice des juges d'instruction, dans tout le territoire, 15 852 affaires.

Et voici les décisions qui ont été rendues :

Pour les cours de justice : peine de mort, 4 783 ; travaux forcés à perpétuité, 1 796 ; travaux forcés à temps, 9 577 ; réclusion, 1 820 ; emprisonnement, 19 193 ; acquittements, 6 781 ; au total, 43 950 décisions.

Pour les chambres civiques : dégradation nationale, 40 787 ; acquittements, 10 418.

On sourit de ces chiffres, en disant qu'après tout 150 000 condamnations, ou à peu près, c'est bien peu. Je voudrais, pour permettre à l'Assemblée de mesurer l'énormité de la tâche, comparer ces résultats à ceux d'une autre épuration qu'a faite la France, au temps de la grande Révolution, à une époque où la République bénéficiait de gardes des Sceaux qui étaient de vrais patriotes et des hommes énergiques dont l'Histoire célèbre à la fois l'audace et le courage (sourires, au centre et à droite).

Vous pensez, sans doute, que par rapport à Robespierre, Danton et d'autres, le garde des Sceaux qui est devant vous est un enfant. Eh bien ! ce sont eux qui sont des enfants, si l'on en juge par les chiffres.

M. COPEAU 12. — Alors, vivement Thermidor !

M. AUBRY 13. — Il y avait peut-être moins de coupables !

M. RAMETTE 14. — On a fait, depuis, des progrès dans la trahison !

M. le Garde des Sceaux. — Voilà le bilan de la grande Révolution réalisée par la France en 1789 et 1793. J'ai consulté les spécialistes de cette période de notre histoire. J'ai relevé 17 000 condamnations, dont 1 350 frappèrent des femmes. C'est le chiffre total.

Seulement, dira-t-on, à cette époque on ne pourchassait pas les lampistes. On s'en prenait aux grands personnages. Alors, j'ai voulu établir la proportion des lampistes, et voici ce que j'ai trouvé.

Parmi ces 17 000 condamnés à des peines variables il y avait six pour cent de militaires, huit pour cent d'ecclésiastiques, douze pour cent de bourgeois, vingt trois pour cent d'ouvriers et de domestiques et trente huit pour cent de paysans. Je me console en pensant que, peut-être, dans ce temps-là, on reprochait déjà au services de la Justice de ne s'en prendre qu'aux lampistes (sourires).

(…) La Commission des grâces dépend de moi pour partie, et si elle ne fonctionnait pas conformément à l'équité je devais prendre, en ce qui la concerne, des dispositions.

(…) Heureusement qu'il y a tout de même les chiffres !

J'ai été saisi, la chancellerie a été saisie, depuis deux ans, de 33 349 recours en grâce. Sur ces 33 349 recours, 6 579 ont été l'objet d'une décision. II s'agissait quelquefois de remettre deux mois de prison sur vingt ans, ou d'imputer la détention préventive, ou de réduire une amende parce que le condamné était notoirement insolvable. Parmi ces grâces, il en est d'une importance infime.

6 000 grâces sur 33 000 recours ! cela signifie qu'il y a eu 6 000 oui, plus ou moins généreux, et 27 000 non.

6 000 oui en deux ans ! Nous allons comparer ces chiffres à ceux d'avant-guerre.

Avant guerre, pour un volume d'affaires criminelles s'élevant au nombre de 18 000 par an, il y eut, en 1933, 2 500 grâces accordées ; en 1934, 1 419 ; en 1936, 2 200 ; en 1938, 2 076 ; en 1939, 2 800, soit, en gros, 2 500 grâces par an accordées par la chancellerie et le Chef de l’État, pour 16 000 à 18 000 affaires par an.

M. Yves PÉRON 15. — Cette fois-ci, il s'agit de traitres, et c'est différent.

M. le Garde des Sceaux. — Depuis deux ans, pour un chiffre de 100 000 affaires pénales, en sus du droit commun, 6 000 grâces ont, en tout, été accordées, soit un peu plus de 3 000 par an.

La proportion entre le nombre des condamnations et le nombre des grâces accordées révèle qu'il n'est pas fait, actuellement, un usage plus large du droit de grâce qu'avant la guerre.

M. COPEAU. — Les situations n'ont rien de comparable.

(Journal officiel, 7 août 1946, Débats parlementaires, p. 3012, 3053.)

  1. Francisque Gay (1885–1963), François de Menthon (1900–1984) et Pierre-Henri Teitgen (1908–1997) sont trois des figures les plus marquantes du courant démocrate chrétien qui prit une part importante aux gouvernements constitués juste après la Libération. Ils vouaient tous trois à Charles Maurras une haine inextinguible remontant aux premières polémiques entre l'Action française et le Sillon pour le premier d'entre eux et à la condamnation de 1926 pour le second. Leurs biographies officielles sont peu disertes sur ce sujet, de même qu'elles minimisent volontiers le rôle, pourtant central, qu'ils jouèrent dans l'épuration. Menthon et Teitgen, les deux Gardes des Sceaux successifs qui eurent à organiser la répression, sont généralement présentés comme des modérés attachés à calmer les ardeurs sanguinaires des plus extrémistes — un peu comme Robespierre était un « modéré » par rapport à Marat ou Hébert.

    Les notes sont imputables aux éditeurs. [Retour]

  2. Adrien Tixier (1893–1946), mutilé de la Grande Guerre, entre en 1920 au Bureau International du Travail dans l'ombre de son mentor Albert Thomas. Il occupe diverses fonctions dans les gouvernements de la France Libre et devient ministre de l'Intérieur en septembre 1944. [Retour]

  3. Saint Bernard de Menthon, patron des alpinistes, vivait au XIe siècle. La filiation qu'évoque Maurras est donc certainement plus longue, et peut-être plus compliquée. [Retour]

  4. Joseph Denais (1877–1960), politicien de droite à la carrière parlementaire particulièrement longue, fut élu député pour la première fois en 1911 et le resta pratiquement sans interruption jusqu'en 1955. [Retour]

  5. La maison d'édition Bloud et Gay est au cœur de l'histoire politique et intellectuelle de la démocratie chrétienne française dans sa période « post-sillonniste ». La première société « Bloud et Barral », installée près de l'église Saint-Sulpice, est fondée en 1875 par Benoît Bloud (1843–1904) qui a deux fils, Henri et Edmond. Ceux-ci rentrent dans la société en 1902 et engagent en 1909 un jeune militant du Sillon nommé Francisque Gay. En 1911, celui-ci utilise la dot de sa fiancée pour racheter les parts d'Henri, et les éditions prennent alors leur nom « Bloud et Gay ». Edmond Bloud s'orientera plus vers la politique active, et deviendra maire de Neuilly en 1927, mandat qu'il conservera jusqu'à sa révocation par le gouvernement de Vichy, tandis que Francisque Gay fonde La Vie catholique (1924), puis L'Aube (1932), enfin les Nouvelles Équipes françaises (1938), mouvement qui donnera naissance au MRP en 1944. La maison d'édition cesse ses activités en 1940 et son fonds est repris en 1954 par Desclée de Brouwer. [Retour]

  6. Note de Charles Maurras, dont l'article fut publié le 18 avril : « Séance de la Chambre du 11 avril 1952 ». [Retour]

  7. Georges Alexis Montandon (1879–1944) fut médecin, ethnologue et explorateur, bénéficiant d'une grande aura dans les milieux scientifiques. D'abord proche du parti communiste et du régime bolchévique, ses travaux sur les populations du globe le font progressivement évoluer vers un racisme virulent, surtout à l'encontre des Juifs. De 1940 à 1944, il collabore activement avec l'occupant avant d'être éliminé par la Résistance. [Retour]

  8. Un certain René Verdenal, condamné de droit commun pour escroqueries diverses, et par ailleurs professeur de philosophie, avait remis au parquet de la Cour de Justice du Rhône, le 11 octobre 1944, un « rapport d'information contre Charles Maurras » et vint témoigner à charge contre ce dernier lors de son procès, le 26 janvier 1945. Maurras dénonça dans cette déposition un tissu d'affabulations élaborées dans l'entourage d'Yves Farge, Commissaire de la République pour le région de Lyon à la Libération, et colportées par un homme de paille. [Retour]

  9. Allusion aux exploits du même Verdenal. [Retour]

  10. En 1915, un certain docteur Edgar Brédillon publia une brochure censée expliquer la « signature olfactive » du soldat allemand par une infection plantaire spécifique, cause de la « puanteur germanique » : La Bromidrose fétide de la race allemande, der stinkende deutsche Rassenschweiss, Foetor germanicus. [Retour]

  11. Louis Rougier (1889–1982) fut un personnage ambigu. Universitaire, libéral et violemment anti-chrétien, il soutint le régime de Vichy tout en conservant des liens étroits avec les États-Unis. Dès la Libération, il s'opposa frontalement au gaullisme. On le retrouve ensuite défenseur de la mémoire du Maréchal, puis inspirateur de divers mouvements de pensée néo-païens. [Retour]

  12. Pascal Copeau (1908–1982), journaliste engagé dans la Résistance, chef du mouvement Libération-Sud après le départ de son fondateur d'Astier de la Vigerie. Il est ensuite élu en Haute Saône à l'Assemblée Constituante, où il se montre épurateur zélé. Opposé aux gaullistes, il se retire précocement de la vie politique (on a dit, ou on a fait dire, que ce fut en raison de son homosexualité) et redevient par la suite journaliste de radio. [Retour]

  13. Albert Jules Marie Aubry (1892–1951), député socialiste de l'Ille-et-Vilaine de 1919 à 1924. Déporté, il est élu à l'Assemblée Constituante en 1945 et nommé juré de la Haute Cour de Justice. Il restera député socialiste jusqu'à sa mort. [Retour]

  14. Arthur Ramette (1897–1988), député communiste du Nord de 1932 à 1940. Il accompagne Maurice Thorez à Moscou et prend à son retour le direction de la puissante fédération du Nord ; élu à l'Assemblée Constituante en 1945, il restera parlementaire communiste jusqu'en 1968. [Retour]

  15. Yves Péron (1914–1971), député communiste de la Dordogne, vice-président de la Haute Cour de Justice. Il sera réélu jusqu'en 1958, date à laquelle il est balayé par la vague gaulliste. Il sera ensuite plusieurs fois battu par Yves Guéna. [Retour]

Ce texte a paru dans Aspects de la France des 28 mars et 18 avril 1952, repris en brochure la même année.

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