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Le Chemin de Paradis
Les Deux Testaments de Simplice

Pace.

DANTE.

Ah ! la Mort ! ah ! n'est-ce
Une menteresse

Jean MORÉAS 1.

À CHARLES LE GOFFIC.

Aquarelle 11 de Gernez pour l'édition de luxe du Chemin de Paradis en 1927

Avertissement 2

Déçu par l'amitié ou par la bienveillance de sa génération, un adolescent d'aujourd'hui peut avoir plaisir à considérer les débris qui jonchent la place où courut le conte bizarre que j'avais appelé Les Deux Testaments de Simplice ; peut-être en sera-t-il induit à se figurer que la chose intacte vaut un regret. Qu'il se console et se rassure ; la pauvre donnée primitive mérite à peine les miséricordes muettes de l'oubli.

[NOTE DES ÉDITEURS : Maurras a donc, comme l'explique cet avertissement, supprimé certains passages de ce conte dans l'édition du recueil Le Chemin de Paradis en 1921. Notre texte donne en caractères sans-sérif les passages supprimés. Les passages correspondants au texte de 1921, donnés dans notre caractère habituel, comportent les variantes d'avec celui de 1895.]

I

J'ai connu de fort près ce gentilhomme provençal qui périt à Menton sur la fin de l'été dernier, assassiné ou, pour mieux dire, achevé par ses deux maîtresses. Ces jeunes femmes l'étranglèrent sur le lit de repos où il s'éteignait doucement. Mais elles en vinrent aux mains avant qu'il fut refroidi et elles expirèrent peu de minutes après lui des coups furieux qu'elles s'étaient portés dans la région du cœur avec leurs épingles à cheveux.

On se perdit en conjectures sur les secrets ressorts de ces homicides. Le premier apparut d'autant moins explicable que plusieurs médecins appelés en consultation le matin même n'avaient point déguisé que Simplice devait succomber dans la nuit à l'affaiblissement de l'anémie profonde qui le rongeait depuis longtemps. Pour le duel des meurtrières, les indices manquaient de même, et les témoins.

Le seul document qui eût pu éclairer cette affaire arriva par la poste le lendemain du crime dans le rez-de-chaussée que j'habite rue de Condé. Mais le hasard voulait que je fusse éloigné et en quête de solitude. Mon concierge garda, comme il en avait l'ordre pour tout mon courrier, ce témoignage précieux et je ne pus l'avoir qu'au bout des sept grands mois que dura mon absence.

J'avoue que j'éprouvai une singulière émotion quand, ayant reconnu la main de celui dont on m'avait appris le sort, je rompis le cachet ; et elle redoubla lorsque je vis de quelle sorte étaient les confidences qui m'étaient adressées. Le timbre de départ portait d'ailleurs la date de ce fatal jour de septembre que trois meurtres avaient marqué. Le pli avait quitté Menton par l'express de l'après-midi et le drame s'était consommé vers sept heures. Je ne me tins pas de frémir ; et toutefois je lus avec avidité.

Ce n'était pas une simple lettre, ni davantage un mémoire complet d'autobiographie. Un testament me semble le terme le plus convenable. Mais ce testament était double. Écrites à loisir, et bien avant le drame, les quarante premières pages étaient destinées à me peindre avec exactitude l'âme de mon ami avec la conception qu'elle avait eue de l'existence ; elles étaient suivies d'une douzaine de feuillets de format plus petit, d'écriture plus fraîche et plus appuyée, moins assurée, et qui avaient du être griffonnées à la hâte sur le lit d'agonie. Mais Simplice y notait la dernière série de ses impressions.

De ces documents a jailli tout aussitôt pour moi une singulière clarté sur les dernières heures que vécut mon ami et sur les causes de sa fin. Je ne saurais mieux communiquer ces lumières au regard du public qu'en transcrivant ici, tels que je les reçus, les deux portraits si différents que me peignit l'original à trois mois, au moins, d'intervalle ; mais l'on me permettra d'ajouter celui des jeunes créatures qui, peu d'instants après qu'il eût scellé et dépêché le manuscrit à mon adresse, finirent brusquement ses jours. Il deviendra ainsi moins malaisé d'imaginer par quel conflit de ces caractères divers se produisit la catastrophe. Un peu de réflexion suffira à montrer qu'ils ne pouvaient finir autrement tous les trois.

J'ai connu Ambroisie et Renée en robes courtes et en nattes, vers le temps que nous commencions de converser politique et philosophie, Simplice et moi, dans la cour de notre lycée. C'étaient de vraies petites filles tout ivres de leur naturel. On les instruisit vainement, comme on les maria. De cette même bonne foi dont elles s'échappaient dans nos jeux à tricher, à mentir et à nous déchirer les joues de coups d'ongles, il arriva qu'elles quittèrent leur mari et se déclassèrent tout net. Mais, ce qui fera voir la bonté essentielle de ces deux cœurs, elles se supportèrent fort bien près de Simplice quand, une année avant sa mort, il leur offrit à toutes deux un asile dans sa maison et, pour être vrai, dans ses bras. Les progrès de la maladie ne l'avaient pas rendu indigne d'aimer. Elles l'aimèrent à son gré. Jamais il ne leur vint à l'esprit de lui témoigner quelque sentiment de révolte contre ce partage bizarre, l'une et l'autre voyant que Simplice y trouvait sa meilleure félicité.

On découvrait chez elles un esprit naturel de magnanimité, mêlé de passions véhémentes. Les bacchantes anciennes devaient être sur ce dessin ; mais ces dernières s'excitaient avec des cris, du vin et des courses sur les montagnes, dont Renée non plus qu'Ambroisie n'avaient aucun besoin pour se faire semblables aux amantes des premiers hommes. Un éperon secret les y poussait à tout propos. Cet être forestier, sauvage, à demi faune qui s'éveille de temps en temps chez toute femme n'avait jamais été endormi dans leur cœur et l'on va observer que Simplice, en revanche, n'avait passé sa vie qu'à éteindre chez lui ces flammes d'instincts primitifs.

Que de fois j'ai noté comme en ses yeux d'opale grise jouait un inquiet rayon vert, à la moindre menace de la fortune ou de l'amour ! Pace, Pace 3, la même devise italienne qu'il avait empruntée de Dante revient au haut de chaque feuille dans le cahier qu'il me mandait et c'est le raccourci de toute sa sagesse. Il en savait le prix, c'est-à-dire la rareté et l'opposition aux lois vulgaires de la vie, puisque voulant, selon une ancienne promesse, me léguer son plus cher trésor, il s'était contenté de m'envoyer, demi-mourant, le double testament dont je donne ici bas copie et commentaire. Il ne prévoyait pas combien une fin lamentable allait humilier cette haute sagesse ni qu'elle allait trouver une valeur nouvelle et un emploi inespéré par le jour qu'elle verserait sur les derniers moments du malheureux qui la conçut.

II
Lettre d'un ami de la mort 4

« Je ne suis pas un homme étrange, ni un monstre, mon cher ami. Peut-être seulement fus-je plus homme et le fus-je de meilleure heure, et avec moins d'hypocrisie, qu'un grand nombre de mes pareils.

« Le premier mouvement de mon cœur a été de bondir à la volupté, et les remontrances de nos maîtres n'y firent rien 5. Je ne suivis de guide et de loi qu'elle-même. Car celle qu'ont nommée les poètes Reine 6 des hommes et des dieux ne se contente point d'étendre partout son empire ; elle s'est réservé une troupe choisie de cœurs élus, ses oints fidèles, dès l'enfance formés à ne suivre que ses parfums. »

1

« C'est un misérable cortège. En échange de quelques joies inimitables mais comptées, leur sort est formé de douleurs. Une clarté me rendait pâle, le moindre heurt m'ébranlait tout. Ces gantelets épais qui défendent les nerfs, d'ailleurs si lents, des autres hommes me manquaient et, la chair ainsi mise à vif, je m'ouvrais et m'ulcérais à tout contact. J'eus assez vite fait de voir que des contacts pareils sont liés à la vie 7, qui n'est que la puissance de les subir et de les donner.

« Un mouvement qui nous emporte et nous fait toucher un grand nombre de réalités inégales, rudes, pressées, aiguës, qui nous froissent et nous déchirent, telle est bien, en effet, la seule, la cruelle essence de la vie. Ou, si l'idée du mouvement vous paraissait trop corporelle, changer d'état (cet autre synonyme de vivre), n'est-il pas une fièvre et une agonie véritable ?… Pour ma part, c'est ainsi que je sentis dès le bas âge. Mais dès lors aspirai-je à la sérénité. J'appelai mon repos 8 tant convoité la Mort, aussitôt que je pus savoir que d'abord cet état consiste en la conclusion de la vie. »

2

« Pour atteindre jusqu'à ce terme, je travaillai à m'en procurer l'illusion. Je m'imposai avec rigueur d'observer dans mes émotions, qu'elles vinssent de moi ou du monde étranger, ces douces règles de cadence et de symétrie qui assignent à toutes choses des rimes, des retours et qui, réveillant les apparences passées au long des minutes présentes, reliant ce qui fuit à ce qui demeure ou qui naît, établissent comme une ombre de fixité dans l'écoulement éternel et nous peignent l'image de la paix au branle de tout.

« Je ne permis pas plus à mes familiers qu'à moi-même des discours relâchés du nombre et de la mesure ; il n'était pas jusqu'à nos soupirs dans la volupté qui ne fussent unis d'un système d'accords qui se soutenaient et se répondaient dans la nuit. Toute faute de quantité fut sévèrement réprimée dans ma maison, toute inharmonie, tout désordre. Je n'eus pour me servir que des hommes et des femmes habiles à toutes sortes d'instruments, et ce monde d'une excellente et irréprochable beauté, car il fallait que les visages fissent écho à cet équilibre flatteur des gestes, des propos et du train de la vie que j'entretenais près de moi.

« Beaux soins qui, je le pense, ne furent point perdus. Il y eut, en échange, dans ces jardins, au bord de leurs eaux jaillissantes, des instants où nos compagnies d'êtres mélodieux et d'objets délicieux, mieux réglés que l'orbe des astres, me firent égaler, ou peu s'en faut, par la pensée l'immobile bonheur à qui se suspend mon désir. »

3

« Ambroisie et Renée, que vous avez connues et dont il me plairait de vous faire présent si elles étaient mes esclaves, ont été d'excellentes artisanes de ce bonheur le jour qu'il s'est agi d'en exécuter le travail. C'est qu'elles me sont toutes deux les meilleurs exemplaires de ce que j'entends par le charme et la Beauté en général. Déjà, dans notre enfance, j'aimais suivre leurs yeux ; à leur lumière fixe et sombre, même chez Ambroisie dont l'iris a pourtant la nuance du lilas clair, j'arrivais à songer, par les chemins de secrètes analogies, aux molles douceurs de la Nuit. Quand, plus tard, je les retrouvai, mes sens mûris s'éprirent d'elles 9. Rappelez-vous leurs traits, d'une harmonie si juste qu'ils excusent presque la vie ; et, pour leurs mouvements, vous avez remarqué déjà comme ils échappent aux vivacités du regard 10, tant leur ondulation glisse souple et subtile sous le voile léger que la grâce tisse dans l'air 11.

« Et voici que leurs bras se nouèrent à mes épaules. À la première fois que je me sentis dans ces liens, il me sembla en vérité qu'il s'en fallait de peu que je n'y rejoignisse l'objet dont je rêve sans fin ; les autres femmes ne m'avaient nulle part procuré une demi-mort si profonde. Quelles secondes impérissables je dois à celles-ci ! Passages insensibles et pourtant fulgurants du sentiment de l'essentielle union dans la beauté au cher abîme où fond toute vague notion de vivre ! Spasmes brusques, ondes sacrées, unique prix des caresses harmonieuses ! Vous ne m'êtes venus dans votre plein éclat que du jour où ce couple visita ma maison.

« Jusque là, près de toute femme, mes nerfs se plaignaient d'un malaise qu'il me faut dire puisque je vous dois mes aveux. Et d'ailleurs, le même malaise se renouvelle encore aujourd'hui dès que mon mauvais sort me laisse seul à seul avec un de ces êtres dont le sexe n'est pas le mien. Je ne puis supporter qu'Ambroisie et Renée se montrent jamais devant moi l'une sans l'autre. Imaginez donc mes angoisses du temps qu'il me fallait passer jusqu'à des nuits entières auprès d'une seule maîtresse. Mon cœur battait, mes veines se gonflaient et, rien qu'à aborder cette créature inconnue, il me semblait couler au fond de la mer. Hélas ! J'osais à peine approcher de son sein. Je croyais y entendre gronder et bouillonner ces flots de la vie orageuse auxquels je me sens toujours près de servir de proie et de risée. Et cela n'était point juger trop mal de la vraie constitution de la femme. Une ardeur sans mesure, un souffle sans merci, voilà ce qui s'exhale des entrailles, des lèvres et de tout le corps d'une femme. Notre âme y est comme du liège sur un tourbillon de folies et le moindre péril à quoi s'expose cette nef sur un tel océan est de sombrer dans un Amour d'où l'affreuse vie éternelle ne manquerait pas de jaillir.

« Trop faible et dissolu, je l'ai dit, pour garder une continence parfaite, que de fois je cédai à d'imprudents désirs et laissai le havre de paix et de douce harmonie où d'habiles calculs aidés d'étoiles favorables avaient abrité ma jeunesse. Que de mécomptes je connus ! Combien de funestes erreurs ! Dois-je vous dire que j'aimai ou que je fus aimé ? Ces détails n'ont plus d'intérêt ; c'est mon bonheur, c'est ma sagesse que je veux vous montrer ici. Sagesse et bonheur apparurent avec Ambroisie et Renée.

« Près d'elles, je pris garde que les menaces de l'orage féminin semblent entièrement éclaircies ou neutralisées quand le désir de l'homme se peut également partager entre deux compagnes. On dirait que les fluides soient, de cette façon, repoussés par l'effet de leur identique vertu. Chez moi, du moins, dès que se montrent mes amies l'une près de l'autre, toute inquiétude se résout, et toute appréhension. Je ne reçois plus que leur charme, émané du double parfum. De ces regards croisés, de ces âmes pareilles et de ces communes passions se dégage aussitôt et s'éploie sur mon cœur une pure et limpide atmosphère de bien.

« Je ne crains pas d'attribuer un accord si précieux aux vertus de l'essence triple dont notre volupté se pénètre par là. Car si le nombre deux signifie l'horrible passage de l'être unique et bienheureux au néant agité et divers de la vie, s'il désigne un binaire aux communes erreurs de maternité et d'amour, s'il est enfin le germe des numérations infinies et comme l'œuf où dorment le monde, la nature et toute la sauvage dissension des vivants, Trois, moins parfait que l'Un, est aussi moins sinistre et moins pernicieux que la triste dualité. C'est la nativité de la loi dans les lieux confus et comme l'apparition de l'arbitre dans la bataille ; de même que l'absurde mouvement s'y résout en un ordre qui donne quelque idée du repos, une passion se purifie quand elle se réclame de ce nombre pieux. Elle mesure, au moins, son vol et, au lieu de pousser à l'accablement de nos cœurs, elle leur fait goûter un répit délicieux dont j'aime d'égaler le rafraîchissement à ces coupes sacrées qui consolaient les dieux d'être descendus sur la terre. »

4

« Mais ces molles poitrines qui m'effleurent en palpitant ne sont que des emblèmes provisoires de mon vrai bien. Celui-ci, je l'ai contemplé et je le fixe encore au travers des fantômes où il me plaît de l'incarner. Comme Andromaque s'était fait un Simoïs imaginaire 12, je peux bien proposer à mes sens, à l'aide des artifices de volupté, ce Styx menteur du repos dans le mouvement, de l'ordre et de la paix au courant troublé de la vie ; mais je sais que ce ne sont là que des figures et elles ne font point que je perde de vue ce bonheur véritable, le thème essentiel de mon être, son principal, son but, son tout, la belle Mort qui me rendra la paix réelle avec l'idéale unité 13. Ambroisie et Renée ne sont que les reflets, sans doute consolants, de cette amie parfaite qu'il me fut échu d'approcher depuis mon enfance et dont les beaux yeux me sourirent comme je n'avais que sept ans.

« De tels mots paraîtront assez énigmatiques. J'avoue que, procédant par ordre, il eût convenu de vous peindre tout d'abord cette image, incomparablement la plus pure de celles que je garde dans ma pensée. Avant elle, comme le feu aux veines du sarment dont n'approche point le flambeau, tous mes instincts étaient assoupis dans mon cœur. Il est vrai que sans ces derniers jamais la rencontre que je vais peindre ne m'eût inspiré tant d'émoi, mais peut-être aussi que, sans elle, j'eusse pendant longtemps ignoré jusqu'à mes désirs 14. »

5

« J'étais donc un enfant 15 et de l'âge où selon les prêtres commence à percer la raison. Une de mes parentes dont je ne dirai rien, si ce n'est que sa courte vie, qui me fut racontée depuis, ne fut qu'une suite de peines, venait de rendre l'âme, et il fut décidé que j'irais à ses funérailles. Après un long trajet qui se fit en voiture à travers des collines plantées de romarins et de genêts fleuris dont on ne voulut point me permettre d'aller cueillir, nous arrivâmes à la maison de campagne, et je vis dès la grille de flottantes tentures blanches, des draperies couleurs de crème et frangées d'or appeler doucement les yeux et le cœur. On me conduisit par la main dans une chambre d'apparat ou était la dépouille, au milieu des flambeaux, de l'encens et des mêmes fleurs que j'avais souhaitées aux pentes des collines ; mais ce spectacle ne tenait que le fond de l'appartement. L'espace libre était rempli d'une foule d'amis, de proches et d'une foule plus nombreuse d'indifférents qui s'entretenaient çà et là. Tout ce monde étranger se trouvait dispersé, allait, venait sans ordre, même sans gravité et quelquefois avec un air insoucieux qui m'affligeait 16. Je n'avais jamais approché ma pauvre cousine, j'ignorais l'étiquette 17 que les hommes ont instituée près des morts. Était-ce quelque sens secret qui m'enseignait l'indignité 18 de toute vie ? Mais d'un moment à l'autre, l'encombrement croissait et le bruit des conversations. J'entends encore sonner les larges pieds sur le parquet, crier les bottines des femmes. Et je me vois tirant ma mère par ses gants afin qu'elle permît de me sauver enfin loin de là 19.

« Ma mère répondit en me menant auprès du lit où gisait ma cousine. C'était une enfant belle et pure 20. Un rayon de soleil glissait de la croisée, jouait sur les fumées de l'encens et des cierges et, ainsi voyageant sur de frêles nuées, caressait les pieds de la morte, que découvrait une chaussure de cygne et de pâle satin, remontait le long de ses voiles, pour expirer au bout des doigts dont la chair paraissait lumineuse et toute fleurie 21.

« À l'écart de la troupe de ces vivants épais, j'éprouvai là des sentiments de délices impérissables. Ils ne m'ont plus quitté. Le merveilleux albâtre 22 de ce visage éteint, ces lumières du ciel, ces vases de fleurs désirées ne purent même reparaître isolément dans mon esprit et les trois visions accordées s'appelèrent à tout jamais. Je ne me souviens pas que ma pensée ait un seul jour manqué à cet ordre. En vérité, toutes les fois qu'un lambeau de ciel bleu m'a versé une tendre flamme ou que j'ai respiré une fleur 23, cette troisième volupté m'est venue d'un jeune visage immobile sur les draps blancs 24. Mais je ne suis pas loin d'estimer qu'il faut être, à l'image de celui-ci, immobile, insensible et orné d'une auguste expression de paix, pour mériter d'être baigné de ces ondes supérieures… Ô mon ami, s'il est donc vrai que toute joie, toute beauté ne soient ainsi que des larcins faits pour un moment à la mort, puissé-je avoir bientôt une conscience sereine au milieu des beautés et des joies dont je suis comblé !

« Ma parente fut inhumée le soir du même jour. Je suivis le convoi avec une curiosité frémissante que le hasard récompensa. Comme j'étais au premier rang, marchant près de ma mère, derrière le cercueil que l'on portait à découvert suivant un usage observé pour les jeunes filles consacrées à la Vierge, un choc se produisit, quelque porteur ayant butté contre une pierre, et la secousse se transmit jusqu'à la morte dont les lèvres laissèrent perler une goutte de sang, que suivit un long jet d'écume pareille 25. Le creux des joues, des yeux en était empourpré. Cette vue m'arracha des cris ; mais, tandis que ma mère, qui m'avait saisi dans ses bras, essayait inutilement de tout me dérober, le frère puîné de la morte, mon cousin, s'avança et étancha paisiblement d'un carré de batiste cette vague de sang glacé. Le convoi poursuivit sa route, comme si rien n'était, au milieu des pierres, des ronces et des fleurs. Personne ne semblait avoir souci de l'accident et la défunte même avait gardé sa pure attitude éternelle 26, les mains unies, les yeux reclos, et néanmoins les joues de pâles roses et de lys laissant passer, par une foule d'interstices imperceptibles, un sourire si lumineux que je pouvais à peine en soutenir l'éclat 27.

« Que tout cela est beau ! murmurais-je secrètement.

« Et, repassais-je avec des méditations infinies, l'enviable tranquillité ! Voici 28 que ma cousine ne sent plus d'inquiétude, n'en inspire plus désormais. Son visage n'a point changé ni frémi à ce sang qui vient de le couvrir ; elle n'a point crié d'effroi ; personne n'a crié pour elle ni ne l'a serrée dans ses bras. Qu'elle est paisible, qu'elle est libre ! Et comme on néglige de la fatiguer de vains soins…

« Je n'aurais pu dire ces choses, mais je les sentais fortement. Je comparais dans mon esprit ce qui se fût passé si le même accident, au lieu de survenir à ce froid visage, nous fût venu troubler, ma mère ou moi, pauvres vivants 29. Que l'on nous eût environnés ! Comme on eût supplié le ciel ! Et de quelles drogues amères il aurait fallu nous gorger ! Sans compter que ce sang n'eût point jailli sans entraîner quelque souffrance, puisqu'il m'avait suffi de le voir pour pousser des cris. Telle est la vie ! me répétais-je alors, en propres termes, dans ce soir mémorable de ma huitième année, et j'enviai tout bas la pâle indifférente établie désormais à l'abri de toute douleur. La paix ! la paix ! Je découvris qu'il ne me fallait que cela.

« Sous les tilleuls et les lauriers-roses du cimetière, le soleil descendait à travers les nappes des feuilles et sa lumière divisée en mille gouttelettes, pourprée et verte, voltigeait sur la pierre des monuments en formant des bouquets de nuances de paradis. Et, comme je l'avais déjà observé dans la chambre, voici que l'une de ces limpides fleurs de clarté vint errer sur les doigts transparents de l'ensevelie ; c'était au moment même où le couvercle de la bière allait retomber pour toujours. Je n'oublierai jamais le bouton de carmin que l'incertitude des branches et de l'air animait entre ces doigts glacés. Le mouvement, la vie faisaient ici le dernier geste et rendaient le dernier soupir. Lorsque, le coffre descendu et la pierre scellée, les miens voulurent m'entraîner hors de l'enceinte, je me cramponnai à la terre où je m'étais couché, aux herbes folles, aux barrières de fonte du tombeau, pleurant et trépignant, de sorte qu'il fallut que mon père et ma mère me prissent dans leurs bras pour me ramener. »

Aquarelle 12 de Gernez pour l'édition de luxe du Chemin de Paradis en 1927

6

« Ô mon ami, continuez cette scène du cimetière par où je sortis de l'enfance et vous verrez se succéder toute la suite de mes jours ; c'est là-dessus qu'ils ont roulé. Je n'eus d'attachement véritable qu'aux lieux où l'on songe en paix à la mort, les églises, les sépultures, les lits de sommeil et d'amour. Ma joie essentielle fut de me sentir qui mourais.

« Vous souvient-il, mon vieil ami, de quelle amertume me fut le régent 30 de philosophie dont nous avons ensemble suivi les leçons. Cet homme ignorant mais cruel aimait de nous conter que la mort chez les animaux ne semblait point la conséquence intrinsèque de leur espèce ou de leur genre, mais résultait plutôt de quelque accident qui faisait succomber tour à tour chacun d'eux ; et il en concluait que, la qualité de mortelle, que l'on attribue d'ordinaire à l'espèce des hommes, n'étant point dérivable 31 par la simple analyse du concept de l'humanité et n'étant affirmée que d'après l'observation et la tradition concordantes, aucun de nous ne possédait une assurance bien absolue de mourir. Vous pûtes voir combien ce doute empoisonna longtemps mes jours et quelle peine j'eus à me persuader de la délivrance future.

« Je m'efforçai d'abord de tenir cette probabilité bienheureuse d'être un jour quitte et sauf pour le sensible équivalent d'une certitude mathématique. De longs jours, je notai dans un livre particulier, que j'avais appelé mon Livre des Morts, le décès des personnes avec qui j'avais eu commerce et de qui je tenais par quelque ressemblance ou quelque parenté.

« Car, écrivais-je en tête de ces pages, c'est à la destinée de nos pairs et de nos plus proches que les lois de l'analogie nous ordonnent de référer la prévision de nos destins particuliers. Chaque trépas que je viendrai à enregistrer me sera un gage nouveau et comme un augure de plus en plus précis que mon tour viendra à la fin.

« Ce livre était sans cesse placé à mon chevet et je m'éveillais dans la nuit pour y relire avec piété la raison de tous mes espoirs.

« Mais j'ai conquis, depuis, mieux qu'une demi-certitude. J'ai vu l'auguste nécessité de la mort. Toute chose, en effet, est destinée à prendre fin par ce fait qu'elle aspire à remplir son essence. Pour être entièrement, il faut qu'elle prenne figure ; mais qui saurait marquer aussi nettement que la mort le contour de la pâle figure de la vie ? Et n'est-ce uniquement sous cette forme de la mort que nous pouvons juger, admirer ou sentir ! Citerai-je Amasis qui se défendait d'estimer aucune existence d'homme avant 32 que la mort l'eût finie ? ou tous les grands poètes dont aucun n'a imaginé d'écrire des tragédies sans catastrophe, ainsi que le font nos grimauds, car ils ont poursuivi 33 le portrait de leurs personnages jusqu'à ce degré éminent où l'homme reçoit de la mort une figure et une attitude éternelles ? Tout homme est une ébauche qui s'achève à mesure que se tient plus proche de lui cette mère de la Beauté et de la Vérité. Elle seule le finira.

« Je la conçois comme un bel ange qui vole à nous de l'Orient et traîne avec lui tout le ciel. Et ce n'est point ici une figure de rhéteur. Je n'eusse rien su endurer sans la lueur de cette espérance céleste. Elle est encore le rempart et le balancier de ma vie ; et que si ces images disparates vous surprenaient, n'en riez point trop vite, mais faites attention à leur exactitude. La douce idée que je mourrais m'empêcha de m'abandonner trop entièrement à mes peines et de les ressentir avec trop de vivacité, ainsi que j'y avais une extrême disposition. Elle me découvrit le peu qu'elles ont d'existence et, les adoucissant, les exténuant avec art, réussit maintes fois à les égaler au néant.

« Souffrir, mourir, que ces deux termes se balancent élégamment ! Ils se complètent et ainsi ils se font supporter. J'en sais deux autres, il est vrai, qui ne présentent pas une moindre harmonie : c'est jouir et mourir encore. De ce sein de la mort où j'envisageai toute chose, d'incolores instants me sont devenus des plaisirs, les plaisirs même du bonheur, étant éprouvés plus à vif. Je les goûtai avec cette ivresse anxieuse qui a le poignant de la peine sans en donner l'accablement. Que de biens insignifiants j'ai aimés pour ce qu'ils avaient d'éphémère et en ce qu'ils étaient destinés à ne plus me faire retour ! Que de vaines affaires qui se traitaient devant mes yeux j'ai suivies avec intérêt ! Ces yeux, disais-je, se cloront ; ce qui les remplit doit mourir. Je m'élevai par là à aimer toute chose, puisqu'il n'est rien sur terre qui ne soit entraîné sur la même déclivité 34.

« Ainsi le prix du monde centupla devant moi quand il m'eût paru composé, comme il l'est en effet, d'exilés, de fugitifs et de moribonds. J'assemblai dans mon cœur cette troupe d'êtres caducs, je leur donnai toute la réalité que je pus et je les poursuivis d'une attention jalouse, pour que rien de leur charme essentiel ne me fût soustrait. Mais de telles images ne pouvaient non plus m'opprimer jusqu'à faire sentir une trop amère douleur ; car de se déchirer pour quelqu'un qui s'éteint et par là achève ses peines en terminant sa destinée, cette commune erreur m'était devenue impossible, et, quant à m'affliger des biens qui m'étaient retirés, c'était là encore une peine dont je sus m'affranchir par la simple pensée que j'en verrais moi-même la fin. Telle est la magie de la mort. Le mal y perd son aiguillon. Le plaisir y aiguise davantage le sien. Les choses me deviennent un inestimable trésor ou me sont résolues en un tas de feuilles séchées, selon ce qui paraît le plus nécessaire à ma paix. La mort m'attache ou me détache 35 en ôtant ou donnant de la solidité au songe confus de mes biens. »

7

« Qu'un tel état soit enviable, qui le contesterait ? J'ai déjà en moi de la mort, ou plutôt quelques-unes de ses premières voluptés. Mon inquiétude ne porte plus que sur celles qui me sont encore inconnues, s'il est vrai qu'il se faille toujours défier de la vie. Mais, ne pouvant rêver qu'elles me puissent décevoir, je souhaite qu'elles me soient proches. Je les avancerais de mon seul mouvement, si je n'étais privé de cette vive décision qui les fait suicides. Ce qui me plairait mieux serait de terminer cette félicité dans quelque heureux banquet, à la manière des anciens, mais un simple banquet de profondes caresses dans les bras de mes deux amies. L'heureuse maladie qui me ronge y pourra aider. Ah ! Ce cri, ce puissé-je m'éteindre dans toi, qui fut toujours le sens secret de mes moindres désirs, ne le dirais-je pas au moins une fois efficacement !

« Cher Officius Olarus et vous, dont Pline parle aussi, jeunes Romains de l'ordre équestre, qui mourûtes au bras de Mystique, le plus beau mime de l'Empire, votre mémoire excite mon émulation. S'il est trop vrai que vous usiez d'assez ridicules plaisirs, du moins êtes-vous morts en Vénus selon l'expression de l'historien de la nature. Mais Vénus m'accueillerait-elle ? Je n'ose espérer d'elle de si hautes faveurs. Cependant je suis sûr que s'il est en elle un génie qui soit préposé à la Mort, celui-là, du moins, m'est ami. Je ne fais pas une conjecture gratuite. C'est l'observation jointe à la réflexion qui m'a averti que la Mort doit faire cas de mon hommage, elle qui, de tout temps, prit soin de m'arracher avec une étrange constance tout objet qui me put distraire et occuper hors de son sein. Parents, amis et domestiques, les animaux eux-mêmes avec qui il arrivait que je me divertisse, je ne sais aucun être qui ait évité cette jalousie de la Mort. Elle fauche et moissonne tout ce qui peut fixer mes yeux. Il me surprend assez que vous soyez vivant, car je vous sens l'un de mes biens, ô mon ami ; mais cela tient peut-être à ce que nous vécûmes, ces dernières années, éloignés l'un de l'autre. Vous n'imaginez point quel carnage elle fait ici depuis que me voilà malade et plus proche de ses baisers.

« J'ai expliqué ces mémentos sévères, dont elle se rappelle à mon intention, par la force et la jalousie de son penchant. Peut-être y faut-il voir une sorte de jeu dont son impatience tente d'abréger mon retard. Ces provocations sont familières aux amantes. Elles volent l'anneau, ou le livre, ou la fleur que nous avons en main pour se faire poursuivre au delà des claires allées. Le larcin, quel qu'il soit, doit être le prix de nos courses, et, rejointes, elles nous prodiguent en outre tous les baisers dont leurs lèvres sont tourmentées.

« “Viens, tu retrouveras sur mon sein tes autres trésors…”

« Ainsi j'entends chanter, au milieu des îles lointaines. Celle dont le sourire se peint de tous les biens qu'elle m'a retranchés, et vous observerez que je me suis mis en chemin.

« “Mais, objecterez-vous, Ambroisie et Renée ne vous retiennent point ?”

« Je ne voudrais pas insulter à ce double objet de ma délectation quotidienne, mais la Mort qui les a respectées et laissées debout devant moi répond mieux que je ne puis faire. Voilà le témoignage que ni l'une ni l'autre de mes maîtresses, ni toutes deux ensemble, ne sont rien, au vrai, dans mon cœur. Bien loin qu'elles me tiennent, j'ai quelque lieu de me sentir assez leur maître. Le furieux Amour ne s'est d'ailleurs vanté de ses armes contre mon sein qu'en une seule occasion, qui est déjà ancienne et dont je ne vous parlai point, étant sans lien avec tout le cours de ceci. Il ne s'agissait pas encore d'Ambroisie ni de Renée avec lesquelles j'ai formé une triade inexpugnable aux plus insidieuses manœuvres de l'Ennemi. Il se servit des yeux d'une jeune fille trop frêle, que cette rude Mort n'eut point de peine à joindre aussitôt sous la terre à l'amas de mes autres biens, sans que j'eusse baisé seulement la plus humble frange de sa robe dorée. J'en éprouvai tant d'affliction que je pris garde de subir de ce chef un autre revers.

« Mais, pour revenir à ces deux statues de ma Fin dont les flancs délicats palpitent près de moi, c'est peu de dire qu'elles vivent, dédaignées du trépas qui m'envie mes autres fortunes ; elles brillent, elles s'élèvent d'un charme imprévu chaque jour. Je ne sais quoi de fort et de tendre les embellit. Cette beauté croissante des formes en qui je m'éteins est accompagnée d'un égal accroissement des ivresses qu'elles me versent. Je trouve sur leurs lèvres un miel plus doux et de plus piquantes épices toutes les fois que je leur demande un baiser nouveau. Ces splendeurs, ces douceurs commencent d'égaler tout ce que j'ai conçu, et, d'un point si voisin de la perfection de la vie, il ne saurait rester une longue distance au commencement de la mort.

« La mort ! Je la désire avec plus de ferveur tant je crains que ces hautes flammes ne soient obligées de pâlir. Je vis les lèvres perpétuellement entr'ouvertes à la fin de mieux m'exhaler. Je ne veux point voir décliner des merveilles si accomplies. Je ne peux assister à leur décadence. Ou je suis la victime d'un guet-apens si noir que le sort ne m'ait élevé qu'afin de me laisser abîmer de plus haut, ou (pour sortir d'une hypothèse aussi défavorable, la mieux chasser et la mieux proscrire de mes pensées) il faut que cette grâce en fleur de mes jeunes amies ne puisse plus tarder à s'épanouir toute entière ; je dois être à la veille de mourir, au vrai, de bonheur. »

III

Ainsi le cours de l'anémie avait été si lent et si respectueux des loisirs de Simplice qu'il lui avait donné de me tracer tous les détours du système de son bonheur. Je veux, avant que de reproduire les derniers mots qu'il ajoutait en suite de ces longues, paisibles et sans doute un peu monotones méditations, en louer la savante économie et l'ingénieuse pensée. L'invention y est remarquable, plus que le naturel, et c'est bien là que Simplice aurait dû redouter qu'il n'y eût des difficultés à faire recevoir tout cet astucieux édifice voluptuaire pour le comble de la sagesse.

Mais d'abord, fera observer le plus grand nombre, quelle apparence que deux jeunes femmes bien nées et belles aient consenti à exercer ainsi devant un homme le rôle d'instrument de ses plaisirs privés ? Je dois répondre, à la vérité, à ceci qu'il se peut qu'il y ait des êtres capables d'inspirer des attachements aussi vifs que singuliers et tel fut, en effet, le cas de Simplice. On le jugerait mal sur l'impertinence de cette confession ; ce manuscrit est bien le seul endroit où je l'aie jamais vu ouvertement cynique. Il avait de la grâce et de la séduction. Pour le trancher d'un dernier mot, rien n'était plus facile à Ambroisie comme à Renée que de fermer les yeux sur ce que Simplice montrait de hauteur ou d'indifférence puisqu'elles l'aimaient toutes deux.

Mais leur amour ne fit que les entraîner l'une et l'autre à rendre plus horrible la fin de Simplice au rebours du rêve charmant qu'il s'était formé. Il périt de la main des jeunes femmes évadées, comme on le verra, de l'emprise de son regard. Ce qu'on a raconté de l'expression de son visage mort est déjà un trait de lumière. Il apparut défiguré de deux façons distinctes que personne ne confondit. Outre les contractions qui sont propres aux étranglés, il montrait tous les signes de la révolution qui se fit au-dedans de lui, sans doute à la brusque rupture des liens souples et forts dont tant de joies goûtées l'avaient attaché à la vie et quand le sentiment qu'il avait inspiré et sur lequel il avait composé ses jours eût pris les formes de la haine. Il sentit ses Joies le blesser dès l'heure qu'il était obligé de leur dire adieu.

Par le billet que l'on va lire, on saura qu'avant même qu'Ambroisie et Renée eussent entamé leur révolte, lui-même, d'ailleurs, commençait de conduire ses pas hors de la sagesse sereine dont il se faisait professeur. De quel ton il s'y plaint de n'être point assez aimé et que les yeux de ses amantes ne fussent humectés de larmes assez pures ! À combien de détails maniaquement observés il arrête sa clairvoyance imaginaire ! Son injustice envers les deux ouvrières de ses joies contient un aveu des Désirs qui persistaient en lui, ces génies de la vie, augmentés de tant de voluptés ressenties, exigeant tout d'abord leur satisfaction éternelle pour se changer ensuite en de lâches regrets.

« Mon ami, la promesse de mes médecins est formelle. Il n'y a plus de doute. Il est enfin vrai que je meurs. Je suis toujours un peu surpris de finir avant vous puisque vous m'êtes cher. Là serait si je le voulais le sujet d'un doute cuisant et de vives appréhensions. Mais périssent de tels pensers ! Celle que je nommais ma Reine et mon Amie a ses destins cachés et ses routes mystérieuses. Je sais, et il suffit, qu'elle est la volupté sans fin. De peur qu'ils ne s'affligent inutilement, dîtes-le à ceux qui m'aimèrent. Je mourrai plus paisible ainsi.

« Une potion calmante a depuis ce matin fait disparaître la douleur. Je n'ai plus ce sujet d'ennui ; vous me trouveriez parfaitement libre et lucide. Ambroisie et Renée sont près de moi ; mais elles ne font que gémir. Je n'avais point prévu une si bruyante affliction et je conviens qu'elle met de l'ombre sur mon bonheur. Elle me déchire l'oreille. Et toutefois je me réjouis d'une découverte piquante dont j'ai eu ainsi l'occasion. Ayant voulu savoir où se trouvait exactement la source de ces incommodes sanglots, ce que j'ai aperçu me justifie de m'être peu fié à mes compagnes. Elles ne m'ont jamais aimé que médiocrement, et le secret de ce grand deuil, que je viens de surprendre, ne me touche que de très loin.

« Sachez qu'elles ne pleurent pas de ce que je les abandonne. Du moins, le sentiment de la proche séparation n'entre dans l'aliment de leur tristesse qu'en une proportion fort ténue. De vrais sanglots d'amour me gêneraient sans doute, mais les gêneraient davantage ; elles les retiendraient peut-être, pour ne point troubler mon repos. Ce qui les meut surtout, c'est la détestation, la vile, la jalouse haine du plaisir qu'elles voient écrit sur mon front ; le bonheur évident dont je suis inondé les humilie dans leur vanité d'amoureuses. Elles s'indignent d'être quittées d'un tel sang-froid. Et tant de belles larmes ne ruissellent enfin que de petites bulles d'amour-propre que j'ai piquées. Mes caresses, qui n'ont guère perdu de leur science, ne les peuvent plus consoler. Ce qu'elles voudraient seulement, c'est une pauvre larme, sœur de celles dont elles me sont trop généreuses, qui, tombée de mes cils, leur assure la preuve que leur caprice est mon vainqueur, leur charme meilleur que la Mort et qu'un tendre regret m'afflige, au moins, en les fuyant.

« Tout à l'heure, Ambroisie poussa la fatuité jusqu'à s'incliner sur mes yeux et, les effleurant l'un et l'autre de sa bouche embaumée, je crois bien qu'elle m'a demandé, presque à mots découverts, cette larme qu'elles souhaitent. Voyez-vous cela, mon ami ? N'y cherchez point seulement le désir que je m'unisse à leur tristesse ; c'est le vœu passionné de me voir vaincu et pleurant qui fit alors couler des yeux d'Ambroisie sur les miens deux filets d'ambre incandescent, deux ruisseaux de flamme liquide. Ce sont des larmes dont j'avoue que j'eus de l'inquiétude au fond de moi-même. Mais je suis resté ferme à rayonner la paisible ardeur de mes espérances. Elles en jettent mille cris barbares et perçants.

« Je ne saurais vous dire à quel point ces cris me font mal, déchirant celui de mes sens qu'un long exercice de l'art a rendu sensible à l'excès ! Que ne puis-je boucher mes oreilles ainsi que j'ai fermé les yeux ! Mais il m'afflige et même il m'humilie un peu de réfléchir que je n'aie su pourvoir à ce piège dernier de ces créatures du mal. Hélas ! Il sonne dans leur voix ce je ne sais quoi d'humain, de vif, de cher, qui remue les entrailles malgré que l'on en ait. Que je mépriserais ces mouvements de compassion, s'ils n'enfermaient surtout de la compassion de moi-même. Il semble que ces cris soient jetés de mon propre cœur. Je les entends gémir : Jamais ! Jamais ! puis répéter : Encore ! Encore ! Cela n'a point de sens, je le sais, et n'empêche que cela fait tourbillonner toutes mes plus sages pensées. Cela chasse de moi l'enivrante idée que je meurs. Je suis même troublé à ce point de goûter, par l'effet de ce trouble, une misérable douceur, plus terrible que toute peine…

« Que les plaintes des femmes peuvent énerver de vertu ! Maintenant mille femmes palpitent, je le sens, dans un coin secret de mon être et là s'élèvent en faveur de celles qui crient au dehors. Je ne sais ni qui elles sont ni ce qu'elles conseillent. Je ne sens que mon cœur qui se défait, mes réflexions qui fondent, et d'obstinés désirs agitant des torches confuses. Puissiez-vous ignorer ce que sont ces émeutes intérieures ! Les lignes que j'écris me détournent à peine du tumulte, et les mutines me fatiguent de cent clameurs. Qui êtes-vous ? leur dis-je à voix basse. Et elles me répondent avec le même cri simple et dur : Tes amours ! Vainement je réponds : “Vous n'êtes plus, il y a longtemps que vous êtes mortes. — Nous sommes tes amours, me répliquent-elles aussitôt. Nous t'enchaînerons à la vie.”

« Ne donnez pas une importance excessive à ce cauchemar. Il se dissipera. J'avais tantôt les yeux fermés, mais dans la crainte de céder à mes ennemis du dedans je me suis hasardé à les rouvrir à l'improviste, peut-être pour chercher refuge dans les beautés extérieures qui m'ont si souvent assisté. Ce fut, il est vrai, un mécompte, et les objets qu'il me fallut reconnaître étaient trop hideux. Je voyais bien Renée, je voyais Ambroisie, mais combien différentes des clairs visages qui doivent briller encore dans votre souvenir ! Leurs bouches sont tordues (car cette laideur dure encore) leurs joues noircies de la sueur et des larmes qui ruisselèrent, d'autant plus tristes à revoir qu'elles me furent de plus de volupté autrefois. Il me semble même que l'édifice des pures lignes ait été renversé. Que n'êtes-vous là, mon ami, pour bannir de mes yeux ces harpies honteuses.

« Mais soyez sans crainte. Je les connais d'aussi longtemps que je me puis connaître. Leur échevèlement m'inquiète peu. Je m'en vais dompter ces deux cœurs aussi aisément que le mien. Voici qu'elles demandent des explications. Aux Encore, aux Jamais, voici que succèdent les Pourquoi. Elles sont à genoux, elles tendent des mains ouvertes en accusant mes sentiments dénaturés d'indifférence et d'abandon, elles supplient avec instance que j'en dise au moins les motifs.

« “Te fûmes-nous cruelles ? Ou rétives ? Ou sans tendresse ?”

« Et toujours ces gémissements dont j'ai tous mes nerfs si rompus.

« Non, vais-je leur répondre, je n'ai rien à vous reprocher. Vous avez été près de moi aussi excellentes qu'il vous fut loisible de l'être. C'est la plus belle fleur de vous que vous m'offrîtes à la fois. Les raisons de ma joie me semblent seulement plus belles encore.

« Et là-dessus j'entamerai de longs discours. Que dirai-je ? La vérité nue et simple comme je vous l'ai résumée, et je compte tirer de là ma libération. Car, au premier moment que s'éclairciront nos mystères, elles s'en trouveront stupéfaites et consternées.

« Comment apprendraient-elles sans une profonde surprise ce que je destinais hier encore à vous seul, et cette singulière pitié de la Mort, et ces longs effrois de l'Amour, et cet usage méthodique des voluptés pour éviter ce maître et tyran de la vie, ennemi de la paix des hommes ? Mais ma bouche le leur dira avec plus d'abondance que ma plume ne l'a osé, d'un ton qui restera dans une sécheresse voisine de l'insulte. Que ces choses me coûtent, vous le devinez bien. Mais pourrais-je voler à la douce Mort autrement ? Je montrerai quels simulacres Ambroisie et Renée ont été devant mes regards et de quelle haute figure elles ne faisaient que me faciliter la vision. Les heures que pourra occuper ce discours seront autant de prises sur les pièges qui m'environnent. Je leur échapperai. Enfin (voici quelques minutes que je m'arrête avec complaisance à cette pensée) j'aurai de plus la joie finale de revivre des jours chéris et ainsi gagnerai-je, sans courir trop de risques, jusqu'aux portes heureuses que je vois là-bas se dorer.

« Pace ! Je me défais de votre souvenir, mon ami, puisque je trace cette ligne. La Paix ! La Paix ! Je vous associe à ma Paix de crainte que pour vous elle ne se fasse tardive. Comme je disparais éternellement de vos yeux, puisse votre idée s'effacer en moi dès cet instant…  »

IV

De ce dernier écrit, comparé avec le premier et lu à la lumière du triste dénouement que nous connaissons, les derniers moments de Simplice découlent et s'enchaînent sans aucune difficulté.

Qu'on se le représente étendu sur son lit, quelques minutes après le coucher du soleil. Il implore toujours la paix. Mais, au lieu de la paix, lui viennent toutes de pensers affligeants. Il aperçoit qu'elles sont bien devenues ses maîtresses, les deux belles forces vivantes qu'il croyait jusque-là avoir toutes captées et détournées à son profit. Elles pleurent et c'est en vain que ses vieilles maximes lui défendent d'être touché. Il l'est à sa façon, de dépit, d'envie, d'impatience. Sans distinguer exactement le retour de son cœur à Celui qu'il craignait jadis par-dessus tout, comme un moteur et un tourmenteur éternel, des sentiments nouveaux commencent de l'entourer et de l'alarmer.

Comptez aussi que son regard reconnaît mal ses anciens objets de plaisir. Où sont les fines lèvres et les yeux qu'il a tant baisés et, quand il en avait rassasié ses lèvres, qu'il aimait admirer comme de vives pierreries ? Où ces fières beautés dont il se réservait de continuer les délices jusqu'à son suprême soupir ? Tout se fane et se décompose, il le voit bien, sous la douleur. Or, lui-même ne va que hâter cette flétrissure par les discours qui certifieront à ses deux amies quelle fut leur méprise et à quel point toute tendresse lui avait été étrangère.

Ambroisie et Renée sentent donc faiblir et céder, à ses dires, le peu d'illusion qui pouvait leur garder un reste de calme. Et pendant que ces cœurs passionnés se soulèvent, Simplice persévère dans ce qu'il juge le moyen le plus sûr de sa délivrance. Il se plonge dans le souvenir des heures vécues. Faut-il dire qu'il n'y trouva aucunement la paix ? Vaine, l'évocation de ses harmonies d'autrefois ! Les plaisirs ne revinrent qu'à l'état desséché et inerte de souvenirs et pareils en tout à des morts. Qu'est l'idée d'une joie, si la joie est passée, qu'un sujet d'affliction amère ? De ces cendres glacées, Simplice ne vit naître que le désir trop naturel de les rallumer un instant et ce désir, entretenu par ses propres paroles, finit par rétablir en lui toutes les funestes passions qu'Ambroisie et Renée lui représentaient au dehors et dont il croyait s'éloigner en laissant tomber ses paupières.

Il en sentait les premiers feux pendant qu'il m'écrivait son second testament. Ne me montrait-il pas un troupeau de pleureuses au visage ennemi qui se déchaînait dans son cœur ? Ces terribles figures de Regrets qui le cernaient et le menaçaient ne firent que s'accroître pour le nombre et l'ardeur de leurs réclamations, quand les sons de sa voix eurent mis de la précision dans l'image mourante des délices qu'il sentait fuir.

Comme si ces angoisses ne devaient pas suffire à punir ce faux sage pris au piège de ses plaisirs, Ambroisie et Renée se trouvèrent induites par la logique même à parfaire le châtiment. Comme il me l'écrivait, elles avaient changé de visage au spectacle de sa froide sérénité. Les confidences qu'il leur fit changèrent leur cœur 36. La chambre de Simplice était fermée aux domestiques quand elles étaient avec lui ; il fut donc seul à voir à quelle rage il avait poussé ses amantes. Mais il nous est facile de nous représenter ce que dût être cette équitable colère, une fois qu'elles eurent nettement mesuré aux aveux de Simplice en quel gouffre profond d'égoïsme et de solitude s'étaient répandus leurs baisers. Son ingénieux plan de vie, inventé pour duper la nature, leur apparut ce qu'il était, c'est à dire un outrage injustement fait à l'amour ; ou plutôt elles virent qu'en tout ceci l'amour, la nature, la vie n'avaient n'avaient eu à souffrir qu'à travers leurs propres blessures.

Elles révèrent de venger ces sacrés démons insultés tout en lavant leur propre honte. Et sans doute hésitèrent-elles. Mais l'oblique regard qu'elle faisaient peser sur lui fouettait son horrible discours. Ne vivant que d'effroi, il vivait néanmoins avec obstination et se cramponnait à la parole comme à la vie. Il parlait d'une voix sourde et contrainte, sous la double menace qui serrait son cœur et sa vue. Il parlait dans l'unique espérance de rendre ses deux ennemies attentives, immobiles, et de détourner ainsi son destin. Mais tout d'un coup, il vit qu'il n'éviterait rien, quand, irritées d'une injure plus manifeste, Ambroisie et Renée sautèrent à sa gorge, le meurtrirent d'ongles et de dents et lui firent vomir le peu qui restait de son souffle entre l'étau violent de leurs dures mains enlacées.

Eut-il le temps de distinguer sur les traits renversés de ses persécutrices une face sensible de ses craintes intérieures et de ses secrètes ardeurs ? Vit-il que ces furies consommaient au dehors la même revanche que l'Essence de vie, acharnée à ne point mourir, poursuivait eu fond de lui-même ? Et connut-il enfin que l'Être le chassait et le broyait, dans le moment qu'il eût voulu l'étreindre avec mille bras suppliants ? Ambroisie et Renée, suivant les médecins qui firent l'autopsie, mirent à son supplice trop de raffinements, elles lui infligèrent des blessures trop méditées pour croire qu'elles aient consenti à lui épargner de sentir ces fortes nuances.

Ce qui dut se passer après que Simplice eût péri n'est donc plus un problème très difficile à débrouiller. Les meurtrières ne purent contempler leur ami d'enfance, leur seul amour ainsi privé de mouvement et resté douloureux après les glaces de la mort sans un vif retour de tendresse. Il y eut quelques brefs et noirs échanges de regards (les domestiques n'ont entendu aucune querelle) puis, toutes deux accusatrices, toutes deux accusées, elles se précipitèrent l'une au devant de l'autre et, non loin du cadavre encore tiède de Simplice, se privèrent mutuellement de la vie. J'ai dit que l'on trouva enfoncées dans leur sein les épingles dorées qui brillaient d'habitude au sommet de leur chevelure comme si le même destin qui avait fait périr Simplice dans le resserrement de leurs belles mains de plaisir eût voulu qu'à leur tour elles sortissent de ce monde par des armes de volupté.

Mais, leur unique amour s'étant en allé devant elles, elles reçurent cette mort ainsi qu'une extrême faveur. Ce n'est point de ma part une inférence téméraire uniquement fondée sur ce que je savais de leur naturel passionné. J'en ai de plus le témoignage des gens de la maison qui, peu d'instants après le meurtre, entrèrent dans la chambre à l'heure où l'on avait coutume d'apporter les flambeaux et, tandis que Simplice apparut, comme on sait, grimaçant et défiguré, elles avaient cessé de ressembler au noir portrait que celui-ci me trace d'elles dans son dernier billet. La mort les avait rétablies dans leur premier charme et embellies de l'expression d'une paix profonde et parfaite que le triste Simplice poursuivait inutilement. Elles souriaient toutes deux, depuis que leurs regards avaient fui la lumière de ce monde laissé désert.

Charles Maurras
  1. Le Pèlerin passionné, Je suis las, si las, derniers vers. L'épigraphe sera réutilisée par Maurras en tête de la troisième partie du Mont de Saturne.

    Les notes sont imputables aux éditeurs. [Retour]

  2. Ce liminaire est un extrait de la postface de 1920. Il n'apparaît que dans certaines éditions postérieures. [Retour]

  3. « Paix, paix ». [Retour]

  4. Ce titre marque le début du texte de 1920. Il est absent en 1895. [Retour]

  5. En 1895 : « Le premier mouvement de mon cœur ne fut que de bondir à la volupté. Il ne s'éprit que d'elle, et les remontrances de nos maîtres n'y firent rien. » [Retour]

  6. En 1895 : « la Reine ». [Retour]

  7. En 1895 : « à la loi de vivre ». [Retour]

  8. En 1895 : « ce repos ». [Retour]

  9. En 1895 : « s'éprirent d'elles avec une ardeur infinie ». [Retour]

  10. En 1895 : « à la célérité du regard ». [Retour]

  11. En 1895 : « que la grâce forme dans l'air. » [Retour]

  12. Le Simoïs est avec le Scamandre l'un des deux fleuves des environs de la Troie homérique. La référence évidente est à Virgile, aux vers 3301 et 3302 de l'Énéide : « aux portes de la ville, dans un bois sacré, près du cours d'un faux Simoïs, Andromaque offrait un repas rituel et des présents funèbres », repas et présents pour honorer Hector mort alors qu'Andromaque, longtemps après la chute de Troie, est une captive passée de main en main. On peut aussi supposer que Le Cygne de Baudelaire était présent à l'esprit de Maurras. [Retour]

  13. En 1895 : « …la fièvre au souffle mauvais des étangs, tout le long de ces membres magnifiques qui palpitaient. » [Retour]

  14. En 1895 : « ignoré mes propres désirs. » [Retour]

  15. En 1895 : « Je n'étais qu'un enfant… » [Retour]

  16. En 1895 : « qui m'affligeait, je ne sais pour quelle raison. » [Retour]

  17. En 1895 : « et j'étais ignorant de l'étiquette… » [Retour]

  18. En 1895 : « qui me prévenait de l'indignité… » [Retour]

  19. En 1895 : « qu'elle permît que je m'en fusse loin de là. » [Retour]

  20. En 1895 : « belle et claire. » [Retour]

  21. En 1895 : « semblait d'elle-même lumineuse et toute fleurie. » [Retour]

  22. En 1895 : « L'albâtre merveilleux… » [Retour]

  23. En 1895 : « j'ai senti une fleur… » [Retour]

  24. En 1895 : « immobile et blanc sur les draps. » [Retour]

  25. En 1895 : « d'écume semblable. » [Retour]

  26. En 1895 : « sa pure attitude d'auparavant ». [Retour]

  27. En 1895 : « le bel éclat. » [Retour]

  28. En 1895 : « Voici donc… » [Retour]

  29. En 1895 : « qui étions vivants. » [Retour]

  30. En 1895 : « ce régent… » [Retour]

  31. En 1895 : « déductible ». [Retour]

  32. En 1895 : « aucune existence avant… ». La référence est à Amasis, souverain égyptien de la XXVIe dynastie, qui était lui même de basse extraction et devint pharaon, d'où cette idée qu'il illustra de plusieurs propos ou attitudes rapportées par Hérodote, en particulier au livre II de l'Enquête. [Retour]

  33. En 1895 : « … d'écrire, ainsi que le font nos grimauds, des tragédies sans catastrophe, mais qui ont poursuivi… » [Retour]

  34. En 1895 : « qui ne soit condamné à la même issue. » [Retour]

  35. En 1895 : « … ou me détache tour à tour… » [Retour]

  36. L'édition de 1895 porte : « changea leur cœur ». Erreur de typographe ou coquetterie de style ? [Retour]

Conte paru dans le recueil Le Chemin de Paradis en 1895, modifié dans l'édition de 1921.

Les illustrations sont reprises de l’édition de luxe du Chemin de Paradis en 1927, ornée d’aquarelles de Gernez.

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