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La Politique générale

Qu'y aurait-il de changé si demain la République était remplacée par la Monarchie ?

En 1914, on répondait trop modestement qu'il n'y aurait en France qu'un Français de plus. En 1922, la force des choses, la nécessité publique, la prudence même obligeraient vraisemblablement le Prince à déclarer qu'il y aurait en outre un principe de plus. Précisons : ce principe, convenablement appliqué, pourrait tout rétablir et renouveler.

Le principe de la Monarchie nationale comporte en effet les deux plus fécondes forces de la vie politique essentielle, particulièrement nécessaires dans le monde moderne : l'unité de commandement et le respect profond de la variété et de l'originalité des énergies ainsi commandées. Disons pour être net : autorité puissante et décentralisation généreuse.

Cela n'est pas possible sous le régime des partis. La preuve en est faite. Mais, voyons comment pourrait s'y prendre la Monarchie pour poser, raisonner, traiter et résoudre ces mêmes problèmes que sa rivale indigne a laissés pendants. Accordez à la monarchie d'être elle-même, d'avoir comme elle l'a, le sentiment de la tradition et l'obsession de l'avenir : vous lui accordez tout le reste.

Au premier plan ce fait qui accable : l'énormité du problème financier, lourd héritage. Les finances d'avant guerre n'étaient pas fameuses. La guerre victorieuse au terme de laquelle la diplomatie républicaine n'a pas pu imposer les compensations nécessaires, cette guerre a tout obéré. La guerre a développé dans des proportions folles cet étatisme économique et social qui fait exécuter par des organes d'État les travaux auxquels ils sont le moins aptes. Même sous la pression de l'ennemi, le flegmatique désintéressement du travailleur-fonctionnaire et administré était un élément de gaspillage fou. Depuis la guerre, la poursuite d'une telle politique est devenue sans excuse. Il faut rendre à l'initiative privée, aux personnes, associations, compagnies, toutes les fonctions qui dans l'État, accomplies par l'État, font effet de parasites stérilisants : stimulées et régénérées par l'idée légitime du légitime profit, elles feront de la richesse au lieu d'en dévorer ! On verra plus loin 1 comment notre éminent collaborateur financier procède à une redistribution hardie de l'immense domaine né des empiétements et des usurpations de l'État. Les politiciens crient. Ils crieraient moins s'il s'agissait de vendre Tahiti aux États-Unis d'Amérique : céder les allumettes ou les P. T. T. à une entreprise française, c'est l'abomination de la désolation. Esprit de l'étatisme qu'engendre l'élection vénale ! L'État monarchique en est libre. Il ira droit devant lui, pour éliminer les tissus adipeux qui l'engorgent et recouvrer la saine liberté des muscles et des nerfs.

La Monarchie augmentera son budget de recettes, mais par les moyens éternels : au lieu de s'attarder dans un système d'impôts d'origine métaphysique et électorale elle s'occupera d'avoir des impôts justes mais faciles à percevoir. Le bon impôt est celui qui rentre le mieux. Le bon impôt est celui dont le taux, léger ou médiocre, est multiplié par le nombre de ceux qui le paient. La popularité des « quatre vieilles » 2, le regret qu'elles éveillent, le souvenir de leur étonnante fécondité n'a point d'autre cause.

Les finances françaises ne seraient pas redressées par ces réformes intérieures si la besogne de destruction accomplie par l'Allemagne n'était pas réparée par l'auteur du dommage. Mais là, rien ne sera obtenu par simples arrangements de financiers et d'économistes. Intelligentes ou grossières, les combinaisons proposées sont étroitement dépendantes de la direction, de la force de notre politique extérieure, et celle-ci vaudra ce que vaudra notre rapidité à mettre en action nos moyens. Ces moyens sont militaires et liés à notre prestige militaire universel, à l'existence d'une grande armée française puissamment outillée sur les marches de l'Allemagne. Par là, nous pouvons imposer un certain nombre de dédommagements qui sont dus par nos ennemis. Hors de là, nous ne pouvons rien. Avec cela, nous pouvions beaucoup cette année encore : moins que l'année dernière, plus que l'année prochaine. Le temps travaille contre nous. Nous pouvons l'arrêter en prenant des dispositions telles que l'ennemi ait fort à faire.

Nous ne le pourrons pas, non plus, tant que notre politique restera subordonnée, je ne dis pas à l'alliance anglaise, qui a ses grands avantages, mais à une alliance quelconque. Nous pouvons tout avec les autres. Sous les autres nous ne pouvons rien. Mais si nous réussissons à faire en Europe centrale quelque chose d'utile sans les autres, dès lors nous serons en état de distribuer de telles primes que loin d'être isolés, comme on le redoute enfantinement, notre amitié sera recherchée de tous.

Cette politique active au dehors est la clef de toute reconstruction au dedans. Il est clair que cette action est impossible à la République. Nous lui avons dit pendant la guerre qu'au fond elle avait un chef : Guillaume II. En nous envahissant, il imposa la nécessité de lui répliquer ; quand il a dû se retirer, la République n'a plus su que faire. C'est qu'elle était sans tradition et sans regard sur l'avenir. Les républicains instruits et sincères en conviennent. Le Prince qui, selon le mot de Lemaitre, connait l'Europe comme un bourgeois sa ville, ne serait sans doute pas exempté des embarras, des difficultés, des obstacles. Mais il serait armé pour les voir, les mesurer, les résoudre ; il ne pourrait donner ce spectacle burlesque d'un gouvernement comme le nôtre appliquant le gaufrier de sa politique intérieure la plus simpliste aux problèmes de la Volga, du Danube et du Rhin.

Nous avons deux aspects : en corps de nation, la France ne paraît même pas capable d'élaborer une volonté ni de concevoir un programme ; individuellement, les Français les mieux recommandés par leur gouvernement, les plus appuyés en haut lieu, ne sont pas les plus honnêtes, et, lorsqu'après leurs peccadilles, leurs scandales sont étouffés, leurs fautes couvertes, l'étranger s'attend forcément à des moissons de fautes nouvelles. Il faudra du temps pour effacer ce discrédit moral qui permit récemment à un républicain ancien ministre, M. André Lebon, de prononcer dans une conférence aux Arts et Métiers, ce mot affreux : « Nous ne sommes pas très loyaux. » Il faudra moins de temps pour cicatriser et guérir les atteintes portées à notre considération collective. Quelques actes heureux y suffiront.

Résultat immédiat : une nation qui ne perd pas de temps en pourparlers avec l'ennemi et qui ne demande pas de permissions inutiles à ses alliés, une nation qui occupe la Ruhr quand il le faut, qui négocie, quand il le faut, par-dessus la tête du Reich avec les collectivités économiques, géographiques, politiques, dont se compose l'Allemagne vraie, une nation qui sait prendre de l'argent où il y en a, le faire revenir où il faut, qui applique ce qu'elle a de force à créer des forces nouvelles, cette nation se refait de l'autorité morale, de l'influence économique, des avantages financiers. On prête aux riches, mais aussi aux sains et aux forts. La force et la santé de notre politique étrangère assureraient considération, confiance, avance, crédit, tout à notre souhait. Nous avons eu toutes les ressources qu'il a fallu tant qu'a duré la guerre parce que nous nous battions bien. Manœuvrons bien : rien ne nous manquera non plus. C'est le désordre de notre manœuvre qui éloigna intérêt et foi, amitiés et coffres-forts ; ces malheurs cesseront quand la cause en sera ôtée et remplacée par son contraire : l'intelligence et l'autorité d'un chef permanent.

Ainsi s'évanouiront les inquiétudes que les patriotes conçoivent sur notre organisation militaire. « Pas d'argent, pas de Suisses ! » 3 Nous avons bien refusé de toucher à notre armée ; il faudra y venir si nous ne possédons de quoi entretenir et surtout perfectionner l'outillage technique, car la guerre scientifique est chère. Cet outillage comprend, qu'on le veuille ou non, celui d'une Marine étroitement conjuguée à l'Aéronautique. La liberté de nos alliances disparaîtra, si nous demeurons faibles du côté de la mer. Un empire colonial sans bateaux pour y aller, c'est un boulet aux pieds ! Un empire colonial sans bateaux pour le défendre appelle les coups.

La renaissance financière doit restaurer notre marine militaire. Quant à la marine marchande, l'État lui doit tous les concours, mais toutes les libertés. Il n'y a rien à ajouter à ce que les républicains ont dit de l'incapacité de leur gouvernement à ces deux points de vue, sinon que la Monarchie a montré, toutes les fois qu'elle l'a voulu, sa supériorité dans les deux directions : François Ier, Louis XIII, Louis XIV, Louis XV, Louis XVI. La raison explique l'expérience : une marine vit d'autorité et d'initiative, meurt de routine et de compétition.

L'exploitation de notre empire colonial suivra la restauration de notre marine. Croit-on qu'elle puisse le précéder ? Et quand nous aurons assez de bateaux pour verser les fruits du domaine d'outre-mer sur les champs de la métropole, il restera à régler et à harmoniser les deux productions de telle sorte qu'au lieu de contrarier notre effort agricole et industriel sur le continent, la production coloniale le complète. Affaire de coordination : donc monarchique. La République a toujours laissé et elle laissera toujours ce délicat travail d'ajustage, cette besogne d'adresse et d'art, à la résultante brute du jeu matériel des grandes forces en présence. Tantôt nos sociétés d'agriculteurs l'emporteront, tantôt nos syndicats de coloniaux ! Un temps, le dommage ira aux uns ; un temps, la stagnation et l'inertie écraseront les autres. Mécanique indigne de l'homme, exclue par l'État royal où tout est pesé et pensé dans un esprit ordonnateur, responsable et intéressé au bon résultat : il voudra résoudre les contradictions naturelles en harmonies préméditées, d'une façon stable, et durable. L'État royal n'a pas à laisser se battre le commerce et l'agriculture, les colonies ou la métropole, il n'a pas non plus à choisir l'un plutôt que l'autre. Il choisit l'un et l'autre : les convoquant tous les deux dans son conseil, il les oblige à conclure des accords fructueux au lieu de s'amoindrir en des luttes funestes !

On s'est réjoui du magnifique enrichissement de nos agriculteurs pendant et depuis la guerre. Nul ne pourra leur rendre tous leurs admirables enfants fauchés, mais le sort bienveillant a accordé aux paysans français de tels profits matériels qu'ils ont pu arrondir leur terre quand elle était franche ou bien l'émanciper de l'usure qui la rongeait. Ce fait historique, d'un imprévu bonheur, n'est malheureusement pas aussi définitif qu'on l'imagine quelquefois. À supposer que tout aille bien, sans guerre nouvelle, sans révolution tapageuse et sanglante, même sans reprise fiscale, l'agriculture française est de nouveau menacée de retomber dans une vingtaine d'années, au plus tard, sous le joug du capital mobilier qui l'a tant opprimée ! Cela résulte du jeu mécanique de notre régime successoral, tel que l'a déterminé le Code civil. Le partage et la division du petit domaine condamnent l'héritier à des emprunts onéreux : son bien finit par ne plus lui appartenir qu'en apparence. Plusieurs hommes d'État républicains voient la nécessité de remanier notre loi de partage. On entreprendra tout, excepté cela, sous la République. La Monarchie nationale ne peut connaître ce scrupule : tous ses fidèles sont acquis à l'étude d'un système qui concilierait les besoins et les habitudes, même les préjugés, avec les libertés nécessaires à la conservation du sol et aussi de la Race.

Car le salut de la population rurale, c'est-à-dire nationale, dépend de cette défense du sol : il ne faut plus que le paysan ait intérêt à n'avoir pas d'enfants, il ne faut plus que les calculs de la sagesse et de la raison individuelle soient autorisés ou stimulés par l'impératif de mauvaises lois. Ces lois mauvaises qui obèrent l'avenir doivent être abrogées et corrigées, le plus tôt possible, de manière que le fruit de la réforme tarde le moins possible. Néanmoins, ce fruit ne peut être immédiat : l'état démographique de la France ne s'en ressentira qu'au bout d'une génération, délai minimum, soit quinze ou vingt ans. Et d'ici là les « classes » viriles nombreuses en Allemagne, auront poussé ferme ! Raison de plus d'avoir pendant ces quinze ou vingt ans, comme une couverture dans l'ordre du Temps, une sérieuse politique allemande, européenne et universelle ! Il faut agir dans celte zone pour ne pas y être agis désastreusement.

La Monarchie, qui a l'expérience des siècles, est au surplus trop sage pour confier l'avenir de la race à de simples réglementations d'intérêt matériel. Elles sont indispensables. Mais il faut les compléter par une politique morale et religieuse. Là où la République dit : Séparation, la Monarchie dit : Liaison. Liaison avec le pouvoir spirituel, entente et accord avec lui. Il existe un ordre moral où tous les pouvoirs, spirituels, curés, pasteurs, rabbins, s'accordent à peu près. Je dis : à peu près. Eh bien ! là, au lieu de les exiler et de les exclure sous prétexte de neutralité, on les appellera, comme pendant la guerre pour le maintien de l'union sacrée ou la collecte de l'or. Naturellement, le plus puissant, le plus actif, le plus utile, celui dont les services sont les plus anciens sera aussi le plus honoré. Quoi d'étonnant ? Le privilège catholique est une affaire de justice dans un pays né et développé en religion catholique. Cela n'empêche ni le respect ni la tolérance ni ce goût de la paix qui veille à rassurer les minorités défiantes. La collaboration des clergés est indispensable, au retour de mœurs normales et d'un esprit public, sain, honnête, courageux, confiant.

La bonne gestion de l'État, son sentiment de l'avenir, sa prévoyance sera un élément favorable à l'élan multiplicateur de la vie en France. L'Allemagne était un désert après la guerre de Trente ans. À qui doit-elle le coup de fouet de sa renaissance physique ? À Fichte et à Blücher, au vieux Guillaume 4 et à Bismarck ! Et d'où vient notre décadence ? De la Révolution, du Code civil, de l'Empire plébiscitaire et de la République parlementaire. La démocratie tue les hommes dans l'œuf.

Pas de bon moral sans justice. On n'amortira les douloureuses revendications « pour le droit » qu'en veillant avec scrupule et vigueur à l'administration du droit de chacun. C'était la grande affaire des Rois de France. L'épée était au service du sceptre, parce qu'au bout du sceptre brillait la main de justice. Et cette main s'étendra sur les profits indus, rallumera la Chambre ardente, relèvera le taux des sanctions, pour les voleurs du peuple qui seront Impitoyablement châtiés sans acception de parti, de religion, de condition, ni d'origine. Mais, les nouveaux Français en seront frappés au double et au triple. Si celui qui vole est notre hôte, le vol se complique de trahison. Le bon sens de la Monarchie répondra de la sorte à ceux qui nous objectent qu'il y a des financiers voleurs qui ne sont pas juifs. Assurément, et ceux-ci sont coupables de rapines, mais les autres doivent expier par-dessus le marché un abus d'hospitalité.

La question juive n'est pas seulement financière. Elle tient aussi à ce que tel Juif d'Orient, proxénète ou usurier, acquiert vite le vernis du bourgeois européen dont il est devenu l'égal par la fortune, envoie son fils au lycée, en fait un avocat, un professeur, un homme de théâtre, un écrivain, un homme politique, un journaliste, et celui-ci exerce, sur l'âme du pays, une action qui tend à peu près toujours à la désaxer, à la déséquilibrer et à l'affaiblir. Il faut surtout compter sur l'esprit corporatif et l'esprit local pour créer la défense, imposer aux nouveaux venus une vigoureuse discipline indigène, exclure et retrancher de nos compagnies honorées les éléments les moins désirables. Cette défense à deux ou trois degrés vaudrait peut-être mieux que l'expulsion, peu réalisable, ou qu'un système de prohibition pure et simple qu'il serait difficile de maintenir et qui laisserait à l'intérieur du pays, hors des frontières morales de l'État, une population hostile comme celle dont la Russie tsariste a subi le poison. La décentralisation et l'organisation professionnelle sont des éléments de prophylaxie anti-juive ; une bonne échelle de pénalités spéciales contre les Métèques et les Juifs en serait une autre. Si enfin le rigoureux retrait de la nationalité française aux Juifs devenait, malgré tout, indispensable, des distinctions devront être faites en faveur des familles ayant rendu des services au pays.

Tout dépendra peut-être de la manière dont la finance et l'intelligence juives se comporteront à l'égard de la révolution. Il est inadmissible qu'elles concourent à encourager et à envenimer la mésentente dans le monde du travail et spécialement dans la grande industrie. La féconde pensée de l'Économie nouvelle constate la communauté d'intérêts aux trois étages du travail. Il y a plus d'intérêts communs entre patrons, employés et ouvriers de même industrie qu'entre ouvriers, qu'entre employés et qu'entre patrons d'industries différentes. L'effort d'un État paternel doit tendre à rendre ces communautés qui sont réelles moins insensibles, moins latentes qu'elles ne sont. Si, dans cette œuvre de concorde et de philanthropie, l'État rencontrait l'intrigue sourde et la manœuvre perturbatrice d'Israël, son devoir serait de sévir à fond. L'État républicain d'aujourd'hui ne sévit pas, parce que l'or juif l'a domestiqué, autant que l'idée juive. Libre de l'idée juive, étant l'idée française, libre de l'or juif, étant le sang français, la Monarchie osera sévir pour la protection des multitudes que les congénères de Trotski 5 voudraient exploiter.

Pourtant son œuvre intérieure n'est pas de sévir, mais d'organiser. Elle réorganisera le statut administratif en émancipant la vie communale ; urbain, en rendant aux citoyens leurs fonctions égarées dans les bureaux de préfecture ; rural, en étendant et en consolidant le cadre géographique municipal, en ramenant au siège de l'arrondissement les pouvoirs, les facilités, les services égarés au chef-lieu du département et, en ramenant au chef-lieu de la province une foule d'attributions que Paris confisque. Économies et libertés ! Le rôle de l'État sera du juge de paix et de l'homme d'armes. Il maintiendra l'accord. Il ne voudra plus substituer sa vie à la vie.

Ces mêmes procédés monarchiques guériront les deux plaies que le laisser-aller politique et le césarisme administratif ont ouvertes aux flancs Est et Nord de la France. En Alsace-Lorraine, comme partout ailleurs, restauration des autorités municipales et provinciales ; mais, comme ailleurs aussi, un gouverneur armé de grands pouvoirs représentant l'État central et national avec franchise et force auprès des États locaux. Dans les pays libérés, même principe, celui même que le marquis de La Tour du Pin recommandait dans la revue Le Correspondant, dès l'automne de 1918 : action locale conciliant tous les intérêts en jeu, gouverneur représentant l'État français dans toute son autorité. C'est vers ce double remède que se tourne le vœu des populations harassées de démarches, rassasiées de formalités. Ces populations sont-elles monarchistes sans le savoir ? Elles souhaitent les méthodes de la monarchie.

Ces méthodes sont inapplicables en République. Une autorité faible et molle ne créera point une délégation forte, et elle aura peur de rien lâcher du peu qu'elle a. Une autorité élue voudra toujours tenir ses électeurs par ses agents. L'intervention locale est pour elle une question de vie ou de mort. Je l'ai mille fois démontré. Les événements l'ont démontré mieux que moi. Cependant pas d'avenir pour le pays sans autorité centrale puissante, libre des partis, souveraine. Pas de renaissance nationale sans décentralisation locale et professionnelle.

L'Étatisme administratif et économique nous affaiblit. Mais l'absence d'un État politique vigoureux ne nous tue pas moins sûrement. Or, la Monarchie reconstitue l'État politique, et elle se délivre de l'Étatisme.

Quel peut être l'avenir de la République ? Les intelligences en doutent. Elles lui échappent. Elle-même manque à ce soin, à ce goût, à cet amour de l'intelligence qui fut toujours un des honneurs de l'État français. Elle assiste, animée quelquefois de bonnes intentions, mais frappée d'impuissance, à la misère de nos laboratoires, à la ruine des études (qui est de sa faute directe), à la décadence de la culture supérieure. Où trouverait-elle cette autorité et ce respect des libertés qui sont l'honneur de la Monarchie ? Mère, avec l'Église, des universités, la Monarchie a compris le service des lettres et des sciences comme la protection des libres efforts et des spontanéïtés autonomes. En République, l'idée d'un libre enseignement congréganiste fait reculer les meilleurs, et cependant ce serait la solution ! Solution financière et solution morale, pour les trois degrés de l'enseignement. Mais la saine émulation l'effraie : si le cœur, si la conscience de l'électeur venait à changer !

Il a changé, il change, l'électeur d'après guerre ! Ce changement, même en beaucoup mieux, ne servirait en rien à la patrie si les servitudes du régime électif n'étaient pas secouées et si les erreurs et les fautes d'un mauvais parti étaient simplement remplacées par les erreurs et les fautes fatales d'un bon parti qu'elles déconsidéreraient à jamais.

Qui veut des réformes, des progrès, des institutions de salut et d'ordre ? Pas un mot des lignes qui précèdent qui n'aient au moins trois garants : la parole des princes, la démonstration de nos maîtres ou la nôtre, la vérification de l'expérience ancienne ou nouvelle. Nul esprit ne peut hésiter.

Avec ses trois présidents de la République, ses trois ou quatre présidents du Conseil, ministre de la guerre, ministre des affaires étrangères, 1920 aura été l'année de l'incohérence et de la discontinuité ; 1921 a permis aux mauvais, aux pires, de s'emparer d'une autorité déchiquetée et d'en livrer les restes à l'esprit de parti. Si 1922 n'est pas l'année réparatrice, qu'arrivera-t-il de la France ?

Charles Maurras
  1. Référence à un article suivant dans le même Almanach. (Comme celle-ci les notes suivantes sont des notes des éditeurs.) [Retour]

  2. Les quatre impôts directs traditionnels du siècle précédent : trois datent de 1790, ce sont la contribution foncière, portant sur tous les terrains ; la contribution mobilière, portant sur tous les revenus qui ne sont pas tirés du commerce ou de la terre (rente, industrie) ; la patente, qui taxe les professions selon des signes extérieurs ; l'impôt sur les portes et fenêtres fut quant à lui établi en 1798 par le Directoire. Rappelons que c'est la Grande Guerre qui permit à la République d'instaurer l'impôt sur le revenu, jusque là bloqué par les oppositions, en particulier celle du Sénat. [Retour]

  3. Formule attribuée aux mercenaires suisses de François Iier lors du siège de Milan en 1521 ; le roi n'ayant pas de quoi payer d'avance les Suisses, il se serait entendu répondre « Pas de sous, pas de Suisses ». La formule signifie donc : pas de service sans rétribution. Elle est parfois détournée de manière plaisante par les Suisses eux-mêmes en « pas de sous, pas de Suisse ! » [Retour]

  4. Guillaume premier, « vieux » par rapport à Guillaume II dont la guerre avait fait une figure familière pour les Français. [Retour]

  5. Qui effectivement était juif, de son vrai nom Lev Davidovitch Bronstein. [Retour]

Ce texte a paru dans l'Almanach d'Action française pour l'année 1922.

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