L’épée d’académicien de Charles Maurras

Chers Amis,

Après une période de relâche que certains d’entre vous ont pu juger longue, mais que nous n’avons jamais tenue que pour provisoire, notre site reprend aujourd’hui ses publications. Et pour entamer cette nouvelle étape de son développement, quoi de mieux qu’un vigoureux coup d’épée à même de pourfendre cette démoralisante morosité qui, d’année en année, semble monter autour de nous comme une marée visqueuse ?  Continuer la lecture de « L’épée d’académicien de Charles Maurras »

Un discours maurrassien

À quoi ressemblait un discours de Maurras ? Pas un grand discours vibrant reproduit dans l’AF, mais un de ceux qu’il devait faire plusieurs fois par mois, devant une assistance restreinte ? Eh bien en voilà un, que reproduisait en 1938 L’Étudiant français. Petit discours de circonstance, donné pour un dîner des avocats proches de l’Action française, en février 1938, au restaurant Noël Peters — endroit mémorable s’il en est puisque le homard à l’américaine y fut inventé.

Noël Peters, la salle mauresque.
Noël Peters, la salle mauresque.
Un tel discours, c’est un mélange des circonstances du moment (ici le dîner des avocats, on parlera donc de droit), d’actualité (le Front populaire continué par Chautemps et les lointaines suites de l’affaire Stavisky), de souvenirs glorieux (l’autre Affaire, fondatrice) et de principes politiques (le rappel à la monarchie) ou moraux (les conditions d’une société juste).

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Les merveilles de la puissance, les mesures de la raison

Non, la formule qui donne son titre à ce billet n’est pas extraite d’un poème sur Athènes ou Rome, ni d’une évocation de Dante, mais plus prosaïquement d’un article de l’Action française du 20 juillet 1938, antérieur de quelques mois à celui que nous vous proposions la semaine dernière.

De quoi est-il donc question en juillet 1938 ? D’abord de la visite des souverains anglais ; ceux qui en sont restés à l’image d’Épinal — ou à la légende noire, selon l’endroit où ils se placent — d’un Maurras nanti d’une anglophobie d’amiral en seront peut-être un peu étonnés : la « défense de l’occident », Maurras emploie explicitement la formule, passe par l’alliance anglaise, par l’enthousiasme pour l’alliance anglaise, même. Sans doute une habituelle vigilance est-elle recommandable sur certains points : ni plus ni moins qu’avec d’autres alliés possibles. Quelques mois plus tard, l’année 1938 aura tempéré ces ardeurs, non par une déconvenue ou par anglophobie, mais par l’évolution politique et l’éternelle incapacité de la République à avoir une politique extérieure qui ne soit pas empêtrée dans ses contradictions et compétitions de politique politicienne. Il n’y aura alors plus ni raison ni mesure possible, et la course d’un régime impuissant à préparer un conflit qu’il ne se donne pas les moyens d’éviter paraîtra fatale, alliance ou pas.

Ensuite c’est du nationalisme qu’il est question : alors que les nationalismes prennent en Europe leur plus grande extension, le nationalisme intégral de l’Action française n’est pas, explique longuement Maurras, comparable au national-socialisme hitlérien. Nationalisme mesuré fondé sur la raison, il ne peut être comparé au fanatisme « nationalitaire », mot que Maurras reprend d’un collaborateur de l’A.F.

Munich

Nous vous proposons aujourd’hui l’article de Charles Maurras dans L’Action française du premier octobre 1938, soit le lendemain des accords de Munich et après le retour d’Édouard Daladier à Paris.

On a répété à l’envie le mot de Daladier alors qu’on l’acclamait d’avoir sauvé la paix, « Ah, les cons ! s’ils savaient ! » Mot problématique car il n’aurait été entendu que par le seul Alexis Léger — plus connu comme poète sous le nom de Saint-John Perse — qui était alors secrétaire général des Affaires étrangères.

Le soulagement fut général, mais pas pour les mêmes raisons dans tous les partis. La position de l’Action française, qui déjà avait fait plusieurs campagnes pour le réarmement face à l’Allemagne nazie, est assez simple et se développait en trois temps :

  • La guerre était impossible dans de bonnes conditions alors que le Front populaire avait fait baisser la production, avait mis l’armée en mauvaise posture, et avait introduit de profondes divisions dans le pays en soutenant en sous-main tant qu’il pouvait les communistes espagnols. En outre la politique de Blum avait été, pour des raisons de politique partisane, de pousser l’Italie à se rapprocher de l’Allemagne : « je ne peux oublier que Mussolini a fait tuer Matteotti » avait été la pauvre réponse de Blum aux ouvertures italiennes qui lui avaient été transmises par Jacques Chastenet via Malvy. La France se trouvait donc, du fait du Front populaire et de ses séquelles, en trop mauvaise posture pour engager la guerre, sauf à être contrainte à une guerre défensive par une attaque allemande.
  • Il importait donc de l’éviter à tout prix, d’où les homériques passes d’armes avant Munich entre L’Action française, menée par un Daudet tirant salve sur salve dans ses articles à la une, et les partisans d’une ligne plus dure face à l’Allemagne, qui n’avaient pas les moyens de la politique qu’ils prônaient, au premier rang desquels Paul Reynaud, dont le tortueux jeu diplomatique faisait sa part à la politique politicienne intérieure et à son éternelle concurrence avec Daladier.
  • Enfin, la paix sauvegardée, il faudra réarmer et se préparer à la guerre probable sinon inévitable : l’A. F. avait déjà mené et mènera quantité de campagnes sur ce thème d’évidence : réarmer contre l’Allemagne ; on sait combien sa dernière campagne avant guerre sur la nécessité de renforcer l’aviation française sera peu écoutée et combien la maîtrise de l’air par l’Allemagne sera déterminante dans la campagne de France et le désastre de l’été 40.

C’est l’ensemble de ces positions que Maurras reprend, développe, applique à l’actualité immédiate dans cet article du jour d’après Munich. Et, comme souvent, l’article fait appel aux dons pour équilibrer les comptes du journal, perpétuel déficitaire.