La préface du Venin

La première édition du Chemin de Paradis fut publiée chez Calmann-Lévy en 1895. La préparation de l’ouvrage et son impression ont dû prendre un certain temps, car la préface, dédiée à Frédéric Amouretti, est datée de mai 1894.

Bien que le recueil de Contes qu’est Le Chemin de Paradis ne soit pas la toute première publication de Charles Maurras, celui-ci le présente dès le début de cette préface comme « mon premier livre ». Il est vrai que Théodore Aubanel (1889) et Jean Moréas (1891) peuvent être considérés comme de simples brochures. Mais la vraie raison n’est sans doute pas là. Continuer la lecture de « La préface du Venin »

La servitude est abolie, chères ombres !

Ainsi parla Mercure, annonçant aux esclaves rassemblés aux Enfers que, là bas, dans le monde visible, la Liberté régnait désormais. Et ce, sur toute l’Humanité, anciens esclaves compris. La Liberté, c’est être le seul maître de soi, ne dépendre de personne…

Les esclaves ont reçu le gouvernement de leur âme. Ils ne sentent plus d’autres jougs que ceux de vivre et de mourir. Ils disposent de tout leur cœur.

Et il ne tient qu’à vous, ajoutait-il, de jouir de ce bienfait inestimable. Je vous offre la coupe du Léthé qui vous permettra de revenir dans le monde des vivants.

Mais les esclaves que Maurras met en scène dans son conte des Serviteurs refusent cette faveur. Ils ont retrouvé aux Enfers leur maître bien aimé. Certes, celui-ci savait parfois se montrer cruel. Mais qu’il était doux et simple de se reposer sous son autorité ! Le seule idée de devoir apprendre à se gouverner soi-même leur apparaît insupportable. D’autant qu’ils imaginent avec clairvoyance toutes les dérives de la société démocratique. Mercure en convient volontiers, et repart avec sa coupe. Les Ombres sont restées chez les Ombres. Continuer la lecture de « La servitude est abolie, chères ombres ! »

L’esprit vainqueur de la chair ?

Le troisième des contes du Chemin de Paradis, dernier de la série des Religions, s’intitule La Reine des Nuits. Cette reine n’est autre que la Lune, décrite ici comme la divinité du désir charnel, non celui qui s’exprime le jour, en conscience et dans la société, mais celui qui peuple les rêves et s’évanouit à l’éveil. Et voici que cette Lune s’éprend d’un vieux philosophe qui passe ses journées d’étude à percer les secrets de la Beauté et de l’Amour. Elle l’enlève et s’offre à lui, allant même jusqu’à se transfigurer pour prendre la forme des anciennes amours terrestres du vieillard ; mais celui-ci parvient à résister à la tentation. Le Songe et la Connaissance resteront donc à jamais étrangers l’un à l’autre. Continuer la lecture de « L’esprit vainqueur de la chair ? »

Les déclarations de lord Balfour

« Les choix des foules, ceux des assemblées se portent uniformément sur des artisans de parole. Les uns sont honorables. Beaucoup et trop ne le sont pas. »

En 1921 déjà l’on parlait du désarmement. Et déjà c’était à coups de bons sentiments éloquents, d’intentions à coup sûr généreuses, mais aussi de paralogismes qui faisaient peine à entendre. Maurras a beau jeu de souligner le caractère incohérent des paroles de lord Balfour, personnage dont on se souvient essentiellement aujourd’hui à cause de sa déclaration de 1917 en faveur d’un foyer national juif en Palestine, tentative qui posa elle aussi de nombreux problèmes dont nous ne sommes pas entièrement sortis en raison de la politique louvoyante du gouvernement anglais, qui cherchait à ménager et les communautés juives sionistes et les Arabes de Palestine.

Que reproche donc Maurras au désarmement dans cette Politique du 11 septembre 1921, quand il souligne les erreurs de Balfour ? Continuer la lecture de « Les déclarations de lord Balfour »

Blasphèmes véniels et blasphème fatal

Nous poursuivons la publication des contes du Chemin de Paradis avec aujourd’hui le premier d’entre eux, premier de la série des « Religions » : Le Miracle des Muses, où Maurras met en scène le sculpteur Phidias, devenu amer et jaloux tant de la vilénie des hommes que de la perfection des Dieux qu’il a lui-même ciselés, au point de dénier à son art toute inspiration divine, ce dont il est immédiatement puni.

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Quand les Sybarites périrent de plaisir

Nous commençons aujourd’hui la publication, qui se poursuivra sur plusieurs épisodes, des contes du Chemin de Paradis. Cette œuvre majeure de Charles Maurras est une collation de neuf textes publiés entre 1892 et 1894 dans diverses revues. Œuvre de jeunesse, de badinage philosophique, Le Chemin de Paradis se trouva bientôt au centre des attaques des démocrates-chrétiens qui y voyaient une entreprise païenne et blasphématoire. La réédition de 1921, et toutes celles qui suivirent, est expurgée des passages les plus « anti-chrétiens » et accompagnée d’une nouvelle préface (devenue ensuite postface) qui explique, justifie, relativise, minimise… mais cela ne fera pas taire la polémique, si bien qu’il est impossible désormais de lire ces Contes au premier degré, en faisant abstraction de toutes les interprétations que leur ont données admirateurs, contempteurs et exégètes.

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