L’Union sacrée

S’il est une attitude de Maurras qui a fait couler beaucoup d’encre, et cela continue, c’est bien son adhésion à l’Union sacrée. On se souvient en particulier de la thèse sans concession de Jean de Viguerie dans ses Deux Patries : 1914 marque l’adhésion définitive des forces de droite, au premier rang desquelles l’A. F., au patriotisme révolutionnaire, piège dont ni l’A. F. ni la droite ne sont depuis sorties, scellant la mort de la France, ou plutôt sa survie comme une ombre et un mot creux, dans un patriotisme de malentendus et de faux-semblants. Une danse autour du cadavre de la France, conclut l’auteur.

Et les citations apportées par Jean de Viguerie, reprises par d’autres depuis, ne sont pas niables : cette dimension existe par laquelle le patriotisme révolutionnaire, amour de la République, a vampirisé le patriotisme traditionnel qui était amour de la France. Le processus a servi d’instrument aux républicains et finalement à la gauche dans sa lutte politique intérieure, au milieu des prétextes extérieurs multipliés. On reconnaîtra même paradoxalement dans cette vue quelque chose de très maurrassien.

Mais existent aussi en 1914 des citations inverses, auxquelles les critiques de l’Union sacrée n’ont pas toujours été assez attentifs. Elles montrent que Maurras n’était pas dupe de cette Union sacrée dont il affirmait par ailleurs la nécessité urgente sur le moment. Ainsi notre texte d’aujourd’hui : « La Vérité », article du 4 août 1914. C’est précisément de l’articulation entre Union sacrée et critique du régime qu’il y est question. Continuer la lecture de « L’Union sacrée »

Maggi, bouillon d’espions !

À partir du 2 août 1914, des Parisiens ont saccagé les boutiques allemandes et autrichiennes de Paris, en particulier les magasins Maggi. Maurras, dans son article du 3 intitulé « Devant l’ennemi », s’empresse de démentir toute implication de l’A. F. dans ces saccages. S’il n’y a pas de raison de douter de ses dénégations et de celles de Pujo, et s’il n’y avait sans doute pas de camelots en tant que tels parmi les émeutiers, l’A. F. est-elle bien innocente ? Continuer la lecture de « Maggi, bouillon d’espions ! »

Dissiper les nuées

Même abreuvés d’informations incessantes comme nous le sommes, on imagine mal ce qu’à pu être l’accélération des événements durant l’été 14 : le 18 juin, l’archiduc d’Autriche est assassiné, et pendant plusieurs semaines ce seront accusations, négociations avortées, tensions austro-serbes rapportées au jour le jour par tous les journaux ; le 15 juillet le parlement vote l’impôt sur le revenu, serpent de mer qui a animé la Troisième République pendant des décennies en produisant d’homériques batailles et de sourdes luttes d’influence entre socialistes et radicaux ; le 23 juillet l’Autriche-Hongrie lance son ultimatum à Belgrade ; le 27 juillet voit de considérables manifestations syndicales contre la guerre possible ; le 28 l’Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Serbie et Henriette Caillaux est acquittée ; les 29 et 30 l’allié russe mobilise ; le 31 l’Allemagne lance un ultimatum à la France ; le 31 toujours Jaurès est assassiné. Le 1er août l’Allemagne déclare la guerre à la Russie ; le 3 l’Allemagne déclare la guerre à la France et elle envahit la Belgique le même jour ; l’Angleterre entre en guerre le 4 août.

On hésite à qualifier le 2 août de journée d’accalmie relative : l’Allemagne n’y déclare la guerre qu’à la Belgique, si l’on peut dire, et la France mobilise mais la nouvelle était connue dès la veille. Ce même jour, dans le tourbillon incessant des nouvelles catastrophiques, alors que la guerre semble inévitable, Maurras choisit pour son article quotidien de revenir sur la mort de Jaurès : on y trouve évidemment de concis propos de circonstance ou des précisions rapides sur l’innocence de l’Action française — le bruit avait courru que Raoul Villain, l’assassin de Jaurés, en était membre, c’était en réalité un ancien membre du Sillon de Marc Sangnier !

Mais pourquoi revenir sur Jaurès ? Continuer la lecture de « Dissiper les nuées »

Maurras défenseur de la langue française

Du vivant de Charles Maurras, la langue française n’était pas attaquée comme elle peut l’être de nos jours par l’hégémonie anglo-américaine. Il n’y avait donc pas là de danger immédiat, et Maurras n’en parlait guère, encore que nous ayons lu, dans un texte publié dans Candide en 1941, une vive attaque contre les anglicismes du langage courant.
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