Athènes antique

Le chapitre d’Anthinéa dans lequel Maurras relate sa visite à Athènes en 1896 est reconnu comme l’un des textes les plus importants du corpus maurrassien. Il est également, avec certains passages du Chemin de Paradis, celui qui aura le plus alimenté les attaques des démocrates chrétiens et leurs accusations de mécréance. D’ailleurs, Anthinéa devait à l’origine recevoir pour titre Promenades païennes

Dans les éditions courantes d’Anthinéa, ce texte nommé Athènes antique occupe le chapitre II du livre I, lui-même titré Le Voyage d’Athènes. Mais dans la toute première édition, celle de 1901 chez Félix Juven, il en constitue le chapitre III. Il se compose de 16 subdivisions, le sous-titre L’Acropole étant intercalé au début de la troisième, et un second sous-titre Les Collections au début de la huitième. Ces deux sous-titres figurent dans les sommaires de toutes les éditions d’Anthinéa. La seizième subdivision, la plus anti-chrétienne, a été supprimée de toutes les éditions postérieures à la Grande Guerre. Continuer la lecture de « Athènes antique »

La Monarchie fédérale

Dans les premières éditions de L’Étang de Berre, de 1915 à 1924, le texte que nous publions aujourd’hui s’appelait La Monarchie fédérative. En 1927 paraît une édition de luxe, illustrée par Albert André ; l’ordonnancement des articles est un peu modifié, et celui-ci, daté de juin 1912, reçoit un nouveau titre, La Monarchie fédérale.

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Le duel Maurras-Cassagnac en 1912

Qu’on s’en réjouisse par humanitairerie ou qu’on le regrette en raison des services qu’il pouvait rendre pour contribuer au renouvellement des élites, le duel politique n’est plus dans nos habitudes.

Pourtant le dernier duel politique notable n’est pas si lointain qu’on croit puisqu’il opposa en 1957 Gaston Deferre – alors secrétaire d’État, maire de Marseille et président du groupe socialiste – à René Ribière, député du Val-d’Oise et ancien préfet. Gaston Deferre, qui avait quelque expérience de l’exercice, blessa deux fois son adversaire. Un an plus tard, un duel qui fut le dernier à vraiment faire sensation opposa le marquis de Cuevas à Serge Lifard ; le marquis avait pour l’un de ses deux témoins un personnage qui joue encore un rôle politique important aujourd’hui : Jean-Marie Le Pen.

Pour exotique qu’il nous paraisse, le duel n’est donc pas si loin de nous. Et la vie politique sous la troisième République est remplie de duels : ils n’étaient plus mortels que par accident au début du vingtième siècle – on s’arrêtait au premier sang – et ils n’étaient réprimés que pour la forme et après coup par une légère amende.

Parmi les duellistes forcenés de l’époque, une dynastie à la fois gersoise et bonapartiste se distingue : celle des Granier de Cassagnac. Le grand-père, Bernard Adolphe Granier de Cassagnac, est une personnalité importante du bonapartisme au dix-neuvième siècle et un conseiller influent de Napoléon III. Dès son exil à Bruxelles après Sedan il fonde un premier journal bonapartiste et il redevient rapidement élu républicain du Gers tant il est aimé de ses concitoyens. Il s’était illustré par un duel de jeunesse devenu célèbre : ayant épousé une guadeloupéenne, un journaliste local avait fait un article déplaisant sur son mariage. Cassagnac refit le voyage et tua le journaliste lors d’un duel au pistolet.

Bernard Adolphe meurt en 1880 et laisse quatre fils, dont le plus en vue est Paul Granier de Cassagnac. Journaliste, bonapartiste, il se bat contre tout ce que la profession compte de duellistes, et même un peu au delà. Il est député du Gers comme son père.

Lorsqu’il meurt en 1904, il laisse à ses fils Paul et Guy Granier de Cassagnac une position en vue dans la presse puisqu’ils co-dirigent le journal bonapartiste L’Autorité. Il leur lègue en outre le goût du duel. Paul en particulier, s’il n’égalera pas les records de son père, n’hésitera jamais à se battre.

Or une obscure polémique s’intaure en 1912 entre les frères bonapartistes dans L’Autorité et Maurras dans L’Action française. Cette polémique aboutit à un duel entre Charles Maurras et Paul Granier de Cassagnac fils. L’objet de la discorde ? Maurras et l’A. F. accusaient les Cassagnac de ne poser en anti-républicains que pour mieux accuser l’Action française de nourrir une certaine anarchie, et d’être commandités dans cette action par Arthur Meyer, du Gaulois, qui aurait agi là comme un agent d’Aristide Briand.

La polémique nous paraît aujourd’hui bien banale. Pourtant à la lecture de l’article de Maurras que nous vous proposons aujourd’hui, les deux Cassagnac estimèrent devoir se battre, et le dernier paragraphe du texte de Maurras semble indiquer que lui-même s’attendait à la demande de réparation. Le duel entre Maurras et Paul de Cassagnac eut lieu le 26 février 1912 à Neuilly.

Ajoutons à cette vidéo quelques photos issus du site de la Bibliothèque nationale :

L’Action française du 27 février rend compte du duel de la manière suivante :

Se jugeant offensé par un article de M. Charles Maurras, paru dans L’Action française du 23 février, M. Paul de Cassagnac a prié deux de ses amis, le comte Gilbert de Voisins et le baron de Heeckeren d’Anthès de demander à M. Maurras une réparation par les armes.

M. Charles Maurras a chargé M. Léon de Montesquiou et M. Lucien Moreau de le représenter.

Les quatre témoins se sont réunis aujourd’hui 24 février, et ont jugé la rencontre inévitable. Elle aura lieu après-demain, lundi, 26, dans la matinée.

Les conditions seront les suivantes : Épée réglementaire de combat. Chacun ses armes.
Chemise molle, gants de ville, chaussures à volonté. Reprises de deux minutes. Repos égaux. Quinze mètres derrière chaque combattant. Le terrain gagné restera acquis. Les corps-à-corps sont interdits.

Le combat sera alternativement dirigé par M. de Blest-Gana et par M. Léon de Montesquiou.

Le combat cessera quand l’un des deux candidats sera déclaré, par ses témoins, en état d’infériorité manifeste.

Fait en double, à Paris, le 24 février 1912.

Pour M. Paul de Cassagnac : A. Gilbert de Voisins, Baron De Heeckeren d’Anthès.

Pour M. Charles Maurras : Léon de Montesquiou, Lucien Moreau.

Conformément au procès-verbal ci-dessus, la rencontre a eu lieu, ce matin, aux environs de Paris. À la fin de la première reprise, M. Charles Maurras a été atteint à l’avant-bras d’une plaie pénétrante que ses témoins ont déclaré le mettre dans l’impossibilité de continuer le combat. Les combattants étaient assistés par les docteurs Graziani et Pouliot.

Pour M. Paul de Cassagnac : A. Gilbert de Voisins, Baron De Heeckeren d’Anthès.

Pour M. Charles Maurras : Léon de Montesquiou, Lucien Moreau.

Fait en double, à Paris, le 26 février 1912.

Le combat eut même droit à un court article outre-Atlantique dans le New-York Times (pdf).

Signalons enfin qu’il ne faut pas confondre cette affaire Cassagnac avec une autre, bien plus grave dans les accusations portées, qui opposera L’Action française à Paul de Cassagnac en 1921. Mais la guerre sera passée sur les mœurs journalistiques et à la demande de réparation de Cassagnac, Léon Daudet pourra opposer sans déshonneur un refus poli.

L’immigration choisie selon Maurras

Ce n’est pas si souvent que notre site peut rejoindre l’actualité pour d’autres raisons que des commémorations ou des rencontres purement historiques.

Aussi nous citerons volontiers, un article publié sur le site du Nouvel Observateur, où M. Hervé Algalarrondo ajoute un petit post-scriptum à son texte sur Nicolas Sarkozy intitulé « Cet homme est-il dangereux ? » :

Brice Hortefeux a créé la polémique, le 30 août, en déclarant, lors d’une conférence de presse destinée à faire le point sur le démantèlement des camps roms illégaux : « La France n’est pas un terrain vague » Eh bien, il s’agit d’une citation de Charles Maurras. Le chef de l’Action française a écrit en 1912 : « Ce pays-ci n’est pas un terrain vague. Nous ne sommes pas des bohémiens nés par hasard au bord du chemin. Notre sol est approprié depuis vingt siècles par les races dont le sang coule dans nos veines ».

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Hérodote, les Perses et la démocratie

En 1912, Maurras a 44 ans. Il est dans la plénitude de son art, penseur, polémiste infatigable, et désormais théoricien attitré de la Monarchie. Voici que l’occasion lui est donnée d’évoquer Hérodote, qu’il relit pour l’occasion dans le texte original. Dans ce court article paru dans L’Action française du 29 août 1912, et repris en 1932 dans le Dictionnaire politique et critique, il passe sans transition de sa passion pour la Grèce antique, dont cependant il fustige l’anarchie politique, à l’analyse des arguments éternels en faveur du gouvernement d’un seul contre le gouvernement de plusieurs, ou celui de tous, tout en jetant au passage quelques brèves piques sur l’actualité.

Hérodote n’a généralement pas bonne presse. On l’a accusé d’être un farceur. Sans doute notre bon Michelet, ou notre brave Lavisse, eux, n’ont jamais affabulé, jamais ! Sans doute les historiens français et allemands du 19e, pour se limiter à ce siècle-là, n’ont-ils jamais été en désaccord sur rien, n’ont-ils jamais tiré vers eux ni la saga napoléonienne, ni les secousses de 1848, ni la triste guerre de 1870-71 ! Eh bien, on en veut toujours à Hérodote d’avoir été Grec et de ne pas avoir été Perse. Dans un roman par ailleurs remarquable, l’Américain Gore Vidal s’est inscrit tout naturellement dans cette caricature.

Curieusement, Maurras nous fait entendre Hérodote faisant parler les Perses, et les faisant parler de façon on ne peut plus sage et plus clairvoyante. Mais il est vrai que c’est pour condamner la démocratie et en brocarder les effets pernicieux. Au fond, ce que les modernes reprochent à Hérodote, c’est de ne pas les conforter dans leur culte béat d’une démocratie athénienne idyllique qui n’a existé que dans leurs rêves.