Par où Kant se décante

Le 9 février 1904, dans la rade de Chemulpo (aujourd’hui Incheon, en Corée du Sud), la flotte japonaise attaque les deux navires de guerre russes qui s’y trouvent, et ceux-ci se sabordent après avoir été durement touchés. La guerre entre les deux pays ne sera pourtant formellement déclarée que le lendemain. Donc, en regard des lois internationales, cette agression relève de la piraterie. Mais elle vient également rappeler au monde que les traités ne sont que papier, et que quand ils ne reflètent pas les vrais rapports de force, ceux-ci reprennent vite le dessus, avec brutalité si besoin est.

Trois jours plus tard, le 12 février, l’Europe célèbre le centenaire de la mort de Kant, l’homme qui justement voyait dans le développement de la « juridicisation » des relations internationales la clef d’une paix perpétuelle. Continuer la lecture de « Par où Kant se décante »

Décernez-moi le prix Nobel de la Paix

Décernez-moi le prix Nobel de la paix. Tel est bien le titre du second volume d’une série de trois, publiés en 1931 par les éditions du Capitole.

Ce sont trois petits livres à tirage limité (1500 exemplaires), sur grand papier. Si le premier – Sur la Cendre de nos Foyers – et le troisième – Les Lumières de la Patrie – ont été composés pour la circonstance, celui-ci est une sélection d’articles parus entre 1904 et 1928, tous sur le thème de la Paix, du pacifisme et des rapports entre la guerre et les sociétés, que nous reproduisons en intégralité, dans l’ordre de la mise en page qui ne se confond pas totalement avec l’ordre chronologique.

On y trouvera entre autres une présentation très précoce des principes d’anthropologie que Maurras développera plus tard dans Mes idées politiques, et des chroniques plus directement liées à l’actualité avant, pendant et après la Grande Guerre, dans lesquelles on sent monter en puissance la rage de Maurras contre les penseurs pacifistes – quel contraste, il est vrai, entre Jaurès et Briand !

Les pages concernant le revanchisme et le réarmement allemand ont été à ce point confirmées par l’Histoire qu’on a du mal à imaginer qu’elles aient pu être écrites pendant les années 20. Quant à celles où Maurras exécute les démocrates chrétiens, après avoir réglé leur compte aux internationalistes de tous types, c’est à une période encore plus récente qu’elles semblent s’appliquer…

Ceci étant, la réalité de l’initiative en faveur de la candidature de Maurras au Prix Nobel de la Paix, que la préface situerait en 1919, reste pour moi nimbée de mystère. Pourquoi Maurras n’en dit-il pas plus long en 1931 ?

Car c’est plus tard, le 7 mai 1936, que fut effectivement lancé un « Comité Inter-universitaire pour le Prix Nobel de la Paix à Charles Maurras », sous la présidence de Fernand Desonay, Professeur à l’Université de Liège. Parmi les autres fondateurs, des universitaires de Londres, Montréal, Anvers et Wilno (alors en Pologne, aujourd’hui Vilnius). Rapidement ce Comité reçut de nombreuses adhésions ; le 9 octobre 1937, la liste en était publiée par L’Action française, et on y dénombrait quarante universités de seize pays différents. À titre individuel, derrière la France comptant 33 adhésions, venait la Roumanie avec 23.

Mais peu après ce fut Munich, et l’attribution du Prix Nobel de la Paix fut suspendue pendant un certain temps.