Roussel raillait le Félibrige

Le numéro spécial (n° 53) de La Plume dirigé par Maurras et consacré au Félibrige excita la verve de Georges Roussel dans le numéro 54 du 15 juillet 1891 :

Dans le Midi

Savez-vous bien que Roumanille vient de mourir ? Eh oui ! parbleu, Roumanille le capoulié (capoulié veut dire : chef) du Félibrige (félibrige veut dire : association d’admiration mutuelle des Félibres ; félibre est un mot d’origine incertaine qui veut dire savant, sage) provençal (provençal veut dire : de la Provence). Ouf

L’Histoire ne nous dit pas s’il fut l’inventeur du jeu de cartes qui porte son nom, tant en faveur chez ces dames de brasserie, ni s’il laisse sur la terre de Provence, de petits Roumanillons. Ces historiens sont si négligents !

Bonne aubaine que la mort de Roumanille, le capou… (ah non je ne recommence pas) pour les chroniqueurs à court de copie, et je t’en fiche des dithyrambes émus, lourds pavés d’ours s’abattant de tous les coins du Félibrige sur le cadavre de Roumanille, qui, du fond de son modeste cercueil, doit s’étonner fort d’un tel débordement d’enthousiasme !

Comme il y avait en somme peu de choses à dire sur Roumanille, les panégyristes enragés se sont retournés contre Mistral. C’est très malin. Mais lorsque Mistral à son tour nous quittera (ici-bas tous les Félibres, comme les lilas, meurent !), l’article nécrologique déjà casé, ne pourra peut-être plus resservir. Voilà ce que c’est que de manger son blé en gerbe, comme dit ma concierge.

Il est vrai qu’avec un peu d’habitude et de patte, on parvient à retaper assez proprement un article éculé déjà ; les progrès obtenus en ce genre sont tous les jours plus surprenants : le journalisme à ses « bouifs » aussi.

Roumanille n’écrivait qu’en provençal, par tendresse, paraît-il, pour sa mère qui ne comprenait que cet idiome populaire. C’était donc un bon fils ; était-ce un grand poète ? je ne puis le dire ne sachant, tant mon éducation fut négligée, que l’allemand, encore un peu de latin, presque plus de grec, et le français. Aimer sa mère, c’est fort beau, mais j’aime aussi la mienne, et pourtant jamais mes amis les plus chers ne m’ont offert le titre de capoulié. Ça, je le jure sur les sacrés restes de Roumanille.

Roumanille était royaliste et papiste convaincu. Pour lui, dit un des croque-morts plus haut cités, le Pape était toujours à Avignon et lu Roi à Versailles. L’erreur de Roumanille aurait pu durer longtemps et même toujours, mais il s’est lassé d’attendre le retour du Pape et celui du Roi. Qu’il a donc bien fait !

Pourtant, nous affirme t-on, il s’accommodait assez bien de la République. Je le crois sans peine. C’était sagesse et bon sens, car s’il ne s’en fût pas accommodé, il n’y eût eu rien de changé en France : il n’y a maintenant qu’un rallié de moins.

Les convictions méridionales ne sont pas gênantes elles savent se maintenir dans des limites opportunes sans déborder jamais de compromettante façon.

Je ne blâme pas l’esprit pratique des braves et divertissants félibres dont nous jouissons et serais désolé que les amis de Roumanille s’offensassent de mes propos où n’entre pas la moindre parcelle amère de malveillance.

Que Roumanille repose en paix sous le ciel bleu de Saint-Rémy, à l’ombre fraîche du figuier natal. Adieu, bon capoulié.

Cette mort m’a cruellement rappelé une autre perte qui me fut plus sensible : celle de Tartarin (Édouard) de Tarascon, décédé à Beaucaire, en face de Tarascon, de l’autre côté du terrible pont, voilà bientôt six mois, je crois.

Ces deux grands génies, Roumanille et Tartarin, un peu méconnus l’un et l’autre, se confondront bientôt, je le sens, dans ma mémoire, et je ne saurai plus si ce fut Tartarin le capoulié à qui Mistral offrit en Avignon la coupe sainte, présent des poètes catalans, et Roumanille le tueur de lions, fondateur de la colonie libre de Port-Tarascon, ou bien au contraire…

Les morts vont vite !

Georges ROUSSEL.

Les rieurs étant déjà du côté de Roussel, Maurras eut l’intelligence de ne faire qu’une réponse symbolique dans le numéro suivant :

Nous recevons la lettre suivante, écrite à la suite de la dernière chronique de M. Georges Roussel : Dans le Midi. Nous sommes heureux de prouver une fois de plus notre indépendance absolue en donnant à M. Charles Maurras l’insertion qu’il désire.
L. D.

Mon cher Ami,

Votre Revue fait mes délices : elle est indépendante. Le 1er juillet, elle exaltait la poésie des Provençaux. Le 15 juillet, elle abandonne notre vénérable et cher Roumanille aux calembours de M. Roussel. Le 1er août, je n’en puis douter, vous me permettriez de répondre à ces railleries indécentes. Croyez bien que je le ferais si leur auteur s’était donné la peine d’écrire en un patois connu. Mais dans la prose de M. Georges Roussel, qui n’est assurément ni provençale ni gasconne, je ne me résous point à reconnaître du français. Insérez toujours ce billet et me croyez, mon cher Deschamps, avec vous de cœur.

Charles MAURRAS.

Tableau du Félibrige en 1891

En 1891 mourut Roumanille. À cette occasion La Plume confia à Charles Maurras la réalisation d’un numéro spécial qui devait donner un tableau aussi complet que possible du Félibrige.

En raison de la complexité de ce numéro, qui comprend des textes de Maurras, d’autres auteurs, et des poèmes de divers écrivains provençaux ou de langue d’oc avec leur traduction française, nous ne donnons en html que les passages dus à Maurras. Le texte dans sa version pdf reprend tout ce numéro spécial.

Lazare écrit à Sénèque

L’année 1891 est une année importante pour les rapports de Maurras et de Barrès. Nous avions déjà publié la Vision du moi de Maurice Barrès. La même année, dans La Plume qui consacre un numéro à l’éthique de Maurice Barrès, Charles Maurras publie un texte curieux.

Parmi les extraits de Barrès publiés à cette occasion, la Consolation de Sénèque le Philosophe à Lazare le ressuscité retient l’attention : c’est alors un extrait du récent Jardin de Bérénice. Maurras publie à la suite de ce texte une Réponse de Lazare le ressuscité à Sénèque le Philosophe.

Il ne faudrait pourtant pas croire ce dialogue sur un mode polémique : il s’agit bien plutôt d’un approfondissement et d’une appropriation originale des thèmes barrésiens par le jeune Maurras.

Une Soirée au Quartier Latin

Le texte ci-dessous, signé par Francisque Sarcey dans la Plume du 15 novembre 1891, ne fait que citer Maurras. Mais il permet de mieux comprendre dans quel milieu parisien évolue alors Charles Maurras.

UNE SOIRÉE AU QUARTIER LATIN

Ah ! mes amis ! Quelle bonne soirée je viens de passer au Soleil d’or, un café du Quartier Latin où nous étions cent, que dis-je ? cent cinquante, à emplir un petit café pas plus grand que çà ! je crois bien que les « Épicuriens » ont fini de rire, que le « Caveau » est dans le troisième dessous, que la « Lice chansonnière » ne bat plus que d’une aile. L’élite des chansonniers était là, à l’exception de quelques uns. Jules Jouy, Aristide Bruant, Xanrof, Meusy et feu Mac-Nab. Qui donc m’a dit que la chanson était morte ? Celle de nos pères, oui. Quant à celle de nos grands-pères, je vous défends bien d’y toucher ; pour avoir des cheveux blancs, elle n’en est pas moins respectable. Aussi bien, pourrais-je disserter une heure ou deux sur ce sujet mais, ce sera, — si mes lecteurs le permettent — l’objet d’une de mes prochaines conférences. Aujourd’hui je me contenterai de vous faire part des diverses impressions que m’a laissées le spectacle offert hier soir par le jeune et encore sympathique directeur de la Plume, mon ami Léon Deschamps. Je n’étonnerai personne en disant que cette petite Revue, à laquelle je m’honore de collaborer de loin eu loin, a le monopole de l’Art, tout comme Gandillot a eu jusqu’ici le monopole du Rire. Et je suis d’autant plus heureux de confirmer cette appréciation générale que j’étais personnellement un peu sceptique à l’endroit de ces jeunes gens, dont la plupart font partie de la société des Décadents et des Symbolistes. Quelle société, mes amis Je sais bien qu’il y a des honnêtes gens partout, que l’habit ne fait pas le moine, ni l’étiquette le flacon. Comme la lune, le Soleil d’or est peuplé d’êtres bizarres, comme on en voit peu, même à Montmartre et qui semblent échappés d’un conte d’Hoffmann ou d’Edgard Poë. Si vous n’avez jamais vu de têtes de rêve, je vous conseille d’aller aux soirées de la Plume.

J’en sors, il n’y a pas une heure et je suis heureux. Je dirai plus, je suis satisfait. Figurez-vous un parallélogramme flanqué à sa base d’un autre parallélogramme plus petit et formant coude avec le premier. On y accède, par un petit escalier situé derrière le comptoir de la salle du haut, un escalier style escargotique. Au fond de ce sous-sol, un décor lunaire brossé, m’a-t-on dit, par l’impressionniste Gauguin (d’Haïti) [sic] et « qui n’est pas dans un sac » selon la pittoresque expression de ma voisine, une belle brune du nom d’Éliska. À gauche, tout contre la scène (j’avais oublié de vous parler de la scène) un piano qui me parait être celui du pauvre, sa sonorité n’étant pas très riche. Et tout autour, collés aux murs, des portraits de célébrités de la plume ou du crayon ayant collaboré à l’estimable journal où paraîtront ces lignes. Nous ne sommes encore qu’une demi-douzaine, dont quelques jolies femmes et cela n’est point pour me fâcher.

Petit à petit, pourtant, les gens arrivent ; ils sont presque tous de la maison et mon aimable voisine veut bien, au fur et à mesure de leur entrée, me les nommer le monsieur à lunettes, c’est Charles Buet, un catholique. Je respecte les catholiques, mais je ne les aime pas. Ah ! voici Marcel Legay, une façon de Christ auréolé, d’un chapeau à bords plats, drapé d’un ample pardessus à taille comme en avaient les conventionnels. Tout n’est-il pas de convention ? Celui-là, c’est Marcel Bailliot (F.-A. Cazals) un grand, gros, monoclé, avec des airs de casseur. Tout de suite, ce monsieur a le don de me déplaire. Il est accompagné d’une demoiselle aux cheveux blonds, coiffée à la vierge et modestement, bien qu’élégamment vêtue, mais dotée d’une, voix de crécelle, vraiment insupportable. M. F.-A. Casals, (Marcel Bailliot) veut bien me faire hommage du dernier n° de la Plume consacré à la Chanson. J’en parlerai dans mon prochain feuilleton.

À son tour, mon ami Léon Deschamps paraît, suivi entouré d’une grappe de jeunes poètes, prosateurs, musiciens et peintres qui forment la plus belle collection de têtes de rêve — j’y insiste — que j’aie jamais rencontrée. Tout ce monde-là cause, fume, se donne des poignées de main, s’interpelle en termes zutistes, quelques-uns s’asseoient gravement, semblent se recueillir. Celui-ci vous a un air 1830 très réussi, cet autre, (un russe nommé Ivanoff qui verse dans l’Anarchie) a emprunté le faciès du vert-galant, première jeunesse. Soudain, des cris : Voilà Moréas ! se font entendre de tous les points de la salle. Je vous avouerai qu’à ce moment, J’étais un peu ému. Pensez donc ! J’allais voir enfin de très près le Rénovateur de l’Art Poétique, le Ronsard de la troisième République, le chef de l’École Romane dont les gazettes m’entretiennent depuis si longtemps. Il entre, un cigare à la bouche, les mains enfouies dans son pardessus très correct. Très pâle aussi, le nez grec d’une ligne très accusée, les moustaches d’un noir de jais (ou de geai, je crois que l’un et l’autre se disent), en accent circonflexe. Derrière lui, Monsieur Raymond de la Tailhède (un noble), Charles Maurras (un sourd), Stuart Merrill, (un Américain), Adolphe Retté et Edouard Dubus (deux poètes morphinomanes), Guittard, (un musicien), Guillaume le Rouge, le Vicomte de Lautrec, Maurevert, un faux Mermeix, le petit Paterne Berrichon, de Ménorval fils, etc. etc. et d’autres jeunes gens à la chevelure et aux allures discrètes.

On entre toujours, on se presse, on se tasse, on s’écrase, moi, je n’y peux plus tenir, j’étouffe. Grâce à la complaisance de Léon Deschamps, je m’échoue sur un fauteuil sis derrière le bureau (je ne vous avais pas parlé du bureau ?) près de la porte donnant accès aux coulisses. J’y serais bien allé faire un tour, mais l’on m’apprend qu’il n’y en a point. Comprenez si vous pouvez. Moi j’attends. Les dames affluent, il y en a tout autour de moi. Le président agite une sonnette et le silence se fait comme par enchantement.

La parole est donnée à M. Salé. Il chante une chanson poivrée de sa composition. Ce jeune artiste est d’un comique irrésistible. Je voudrais bien le voir dans une pièce de mon ami Gandillot. Édouard Dubus a le masque d’un pierrot baudelairien. Il dit des vers décadents et tout le monde d’applaudir. Marcel Legay se fraye un passage et prend place au piano. La Mort de Jésus et la Chanson des Adieux sont deux morceaux d’une réelle valeur. La voix de ce chansonnier me paraît insuffisante dans le médium. Un petit monsieur dépêché par la Lice chansonnière essaye de nous divertir avec le monologue d’un de ses amis, on l’applaudit pour le faire taire. Quelques-uns crient : Yann Nibor ! Yann Nibor ! Monsieur Yann Nibor se présente, un grand, bien bâti, l’air et la voix d’un timonier breton en civil. Il entonne les Matelots-Chauffeurs et je me surprends l’accompagnant au refrain comme tout le monde. La parole est à monsieur Ferny, le plus complet silence règne de nouveau. Monsieur Ferny est l’un des leaders de la chanson zutiste et son talent pince-sans-rire tient le milieu entre celui de Jules Jouy et de feu Mac-Nab, L’Écrasé ! et la Visite Présidentielle sont deux petites merveilles d’esprit et de savoir-faire. Le débit est lent, mesuré, la phrase est désarticulée, des rejets inattendus provoquent la gaîté et font s’esclaffer les plus moroses. Moréas lui-même semble gagné par le comIque qui se dégage des chansons de M. Ferny.

Seul, Monsieur Marcel Bailliot (F.-A. Cazals) paraît ne pas comprendre. Décidément ce monsieur ne me revient pas. Il doit n’avoir aucun talent. C’est le tour de M. Pierre Trimouillat. Le nez en pied de marmite, la chanson en pied de nez ; mes compliments pour : À la Brasserie, étude de mœurs quartier latinesques. Monsieur Armand Masson nous dit : les Litanies des Seins. C’est un peu la chanson de nos pères, cela. Enfin ! Drinn ! Drinn ! Drinn ! On réclame Cazals. La parole est à M. F.-A. Cazals (Marcel Bailliot). Ce chansonnier ne sait même pas ses chansons par cœur. On lui passe un n° de La Plume et il lance le titre de son élucubration : Moréas chante… C’est au dessous de tout. Mais ce qui me dépasse, c’est qu’un maestro comme Offenbach ait accepté de faire de la musique sur cette puérilité.

Monsieur Montoja qui lui succède est véritablement doué. Les Veuves du Luxembourg sont charmantes et son Vieux Modèle dit par Ivanoff est un petit chef-d’œuvre. Encore Bailliot. Toujours lui donc ! Qu’est-ce qu’il va nous envoyer ? À Lourcine ! C’est absolument infect. Je ne veux plus rien savoir de ce Monsieur.

M. Ferny, bravo, bravissimo ! Tiens la grande blonde coiffée à la vierge demande la parole. D’une voix aigrelette, vinaigrette, Melle Elias interprète les Accidents de chemin de fer, chanson de Jules Jouy. L’une et l’autre sont très bien. M. Dumont et son Syndicat tout à fait d’actualité et notre Yann Nibor dans un deuxième numéro terminent très honorablement une soirée, bien commencée. Derrière moi, une dame que je ne connais point murmure, en me désignant à cet efflanqué de F.-A, Cazals : « Tu ne trouves pas que ce type-là a une tête de congre ? » « Ouigre » fait l’autre. Je trouve cela fort peu spirituel. Le congre est un poisson de mer que j’aime énormément. Il se mange à la sauce blanche et à la sauce tartare. Certes je ne suis pas beau, mais, tout de même, je me flatte de n’avoir pas une tête de poisson. Cela d’ailleurs est d’un intérêt très relatif.

Je le répète, je suis très content de ma soirée : Il faut bien que jeunesse se passe !

C’est un refrain qu’il me plaît de citer et je ne pouvais mieux terminer ce compte-rendu d’une soirée qui sera le couronnement, la consécration, le triomphe de la chanson zutiste au Quartier latin.

Francisque SARCEY.

Voici un fac-simile d’une feuille de présence à l’une des soirées de la Plume, en décembre 1891. La signature de Maurras (assez différente de celle qu’on lui connaîtra plus tard) est à droite, à peu près au milieu de la page, barrée du paraphe d’une signature qui a pris place au dessus. On reconnaît entre autres Verlaine, Bloy, Lugné-Poe, Retté, Boutique… ainsi que pour l’École romane Moréas et La Tailhède, ou Édouard Dubus et Stuart-Meryll qui en étaient proches sans en faire partie. Dans la relation d’une soirée du début 1893, on trouve mention de Maurice Pujo.

Que pensait Maurras de ces soirées ? sans doute du bien, puisqu’il assista semble-t-il à plusieurs. Elles allaient d’ailleurs bientôt se transformer en banquets réguliers, présidés par des gloires des lettres déjà vieillissantes que les jeunes poètes n’avaient pas toujours ménagées dans leurs articles : Zola, Banville, Scholl, Vacquerie, Mallarmé, Clarétie… La seule indication que l’on ait est pourtant un peu lapidaire et comme réticente, recueillie au milieu d’autres par la revue dans son numéro du premier juin 1893 :

Mon cher Cazals,

Mon opinion sur les Soirées de la Plume ?
J’ai vu des gens qui s’y divertissaient infiniment.
Que puis-je vous dire de plus ?

Votre,

Charles Maurras.

Albert Jhouney, sur Maurras

Rapportée par La Plume (n°62 du 15 novembre 1891, p. 403) cette appréciation d’Albert Jouney — dit Jhouney — sur Maurras, parue dans une autre revue, L’Étoile.

M. Charles Maurras a les aptitudes natives d’un métaphysicien, ce qui communique à ses thèses une puissance systématique, une sève que la critique pure n’offre que trop rarement.

À ces puissances de haute abstraction qu’il n’étale pas, mais qu’on sent fortement présentes, il joint, ce qui fait souvent défaut aux esprits abstraits, un goût de couleurs, de mouvements, un appétit de l’art, un instinct passionné des mystères du soleil, une énergie de mer brûlante et de vent africain.

Aussi est-il de ceux dont je suis les démarches morales et intellectuelles avec le plus d’intérêt, et même là où le désaccord existe entre nous, je suis tenté par la chaude magie qu’exhale cette raison ardente. J’attends avec impatience le livre que Charles Maurras consacrera uniquement à ses propres méditations, celui où il développera toute sa force en liberté et déchaînera ses audaces personnelles. Je ne partagerai peut-être pas toujours ses théories, mais j’en admirerai la vigueur consciente, la hauteur, les rayons violents comme dardés par l’arc d’argent d’Apollon-Champion.

Jhouney, outre ses propres productions souvent dans une veine occultiste alors très en vogue, collabora à plusieurs ouvrages avec Papus ou Péladan et s’intéressa particulièrement à la cabale et au Zohar.