La servitude est abolie, chères ombres !

Ainsi parla Mercure, annonçant aux esclaves rassemblés aux Enfers que, là bas, dans le monde visible, la Liberté régnait désormais. Et ce, sur toute l’Humanité, anciens esclaves compris. La Liberté, c’est être le seul maître de soi, ne dépendre de personne…

Les esclaves ont reçu le gouvernement de leur âme. Ils ne sentent plus d’autres jougs que ceux de vivre et de mourir. Ils disposent de tout leur cœur.

Et il ne tient qu’à vous, ajoutait-il, de jouir de ce bienfait inestimable. Je vous offre la coupe du Léthé qui vous permettra de revenir dans le monde des vivants.

Mais les esclaves que Maurras met en scène dans son conte des Serviteurs refusent cette faveur. Ils ont retrouvé aux Enfers leur maître bien aimé. Certes, celui-ci savait parfois se montrer cruel. Mais qu’il était doux et simple de se reposer sous son autorité ! Le seule idée de devoir apprendre à se gouverner soi-même leur apparaît insupportable. D’autant qu’ils imaginent avec clairvoyance toutes les dérives de la société démocratique. Mercure en convient volontiers, et repart avec sa coupe. Les Ombres sont restées chez les Ombres. Continuer la lecture de « La servitude est abolie, chères ombres ! »

Tir à vue sur les Barbares

Charles Maurras n’appréciait guère les Parnassiens.

Née dans les années 1860, cette école de poésie était toujours active et prolixe à l’approche des années 1900, une période où la critique littéraire constituait l’essentiel de l’activité, et des revenus, du jeune Maurras. Les jugements qu’il portait alors sur le Parnasse ne sont donc pas des études sur une œuvre passée dont le temps écoulé a pu mesurer le succès et la portée, mais des réactions à chaud sur des poèmes qui venaient d’être publiés. Et ces jugements ne sont jamais très élogieux. Continuer la lecture de « Tir à vue sur les Barbares »

La Corse de 1897

Avec leurs jupes et leurs corsages tout noirs, le vaste châle en pointe, fait de la même étoffe, qui pend des épaules aux talons, avec la rude et sombre cape qui enveloppe la tête et ne laisse paraître, comme dans le costume des plus austères communautés religieuses, qu’une très étroite lamelle du profil, elles inspirent une grande mélancolie. (…) Telles quelles, je ne nie point leur majesté, ni leur beauté, mais elles font rêver de tragédie plus que d’idylle…

Ce ne sont pas des femmes musulmanes voilées, telles que nous en croisons aujourd’hui, que Maurras décrit ainsi, mais les dames Corses qu’il rencontre en 1897 dans leur île et, pour commencer, sur le voilier qui l’amène de Marseille à Bastia. Dans ses notes de voyage, qui paraîtront en trois fois dans la Gazette de France avant d’être reprises en 1901 pour constituer le troisième « livre » d’Anthinéa sous le titre Figures de Corse, il nous livre bien d’autres traits de ce qu’était l’île de Beauté à cette époque : le clientélisme, le Conseil général, le mythe de Bonaparte… Continuer la lecture de « La Corse de 1897 »

L’esprit vainqueur de la chair ?

Le troisième des contes du Chemin de Paradis, dernier de la série des Religions, s’intitule La Reine des Nuits. Cette reine n’est autre que la Lune, décrite ici comme la divinité du désir charnel, non celui qui s’exprime le jour, en conscience et dans la société, mais celui qui peuple les rêves et s’évanouit à l’éveil. Et voici que cette Lune s’éprend d’un vieux philosophe qui passe ses journées d’étude à percer les secrets de la Beauté et de l’Amour. Elle l’enlève et s’offre à lui, allant même jusqu’à se transfigurer pour prendre la forme des anciennes amours terrestres du vieillard ; mais celui-ci parvient à résister à la tentation. Le Songe et la Connaissance resteront donc à jamais étrangers l’un à l’autre. Continuer la lecture de « L’esprit vainqueur de la chair ? »

Rudesse des murailles et laideur des visages

En février 1897, Charles Maurras passe huit jours à Florence. Ses impressions seront consignées dans trois articles publiés par la Gazette de France les 15 mars, 22 mars et 10 mai ; à leur tour, ces articles dont le titre d’origine est « À Florence, premières vues » donneront naissance aux « livres » IV et V d’Anthinéa, recueil qui paraît en 1901. La partie consacrée à Florence s’y trouve en troisième position, après Athènes et la Corse, avant la Provence.

Nous publions aujourd’hui le livre V, qui contient en fait l’ensemble des réflexions de Maurras sur Florence et son histoire, puis sur les considérations sociologiques et géopolitiques que cette ville unique entre toutes a pu lui inspirer — le livre IV n’étant consacré qu’à un seul musée, qui aurait fort bien pu se trouver ailleurs. Toute la Florence de Maurras est donc dans ce Génie toscan. Continuer la lecture de « Rudesse des murailles et laideur des visages »

Épuration, redressement national, paix civile

À peine libéré par une « grâce médicale » après 2749 jours de détention, Charles Maurras publie dans Aspects de la France deux articles vengeurs qui seront réunis peu après dans une petite brochure de propagande dont nous ignorons aussi bien le chiffre du tirage que l’écho qu’elle a pu rencontrer.

C’est le contenu de cette brochure que nous avons pris comme référence pour notre publication, sous le titre résumé de Lettres à M. Vincent Auriol. Continuer la lecture de « Épuration, redressement national, paix civile »