Déjà, le front et l’arrière

« Contre les murmures » ? Que veut donc dire le titre de cet article du 26 août 1914 ? Murmurer ce n’est pas seulement parler bas. C’est aussi le bruit de la rumeur publique, celui de l’opinion. Et l’on sait qu’en démocratie l’opinion est un enjeu, qu’elle fait et défait les ministères et les politiques, qu’elle est faite par les journaux et ultimement par l’argent qui les possède.

Or Maurras vient de passer plusieurs articles quotidiens à batailler contre Gervais ou Clemenceau, contre ces politiciens que la guerre elle-même ne fait pas taire et qui continuent à pousser chacun son avantage en empilant les articles ou les tribunes. Croyait-il vraiment que l’Union sacrée mettrait un frein à leurs ambitions ? C’est bien douteux, et la déploration, pour être sincère, n’en a pas moins quelque chose de rituel. Continuer la lecture de « Déjà, le front et l’arrière »

Les Méridionaux du 15e corps

Des Provençaux accusés de lâcheté, d’avoir cédé devant l’ennemi, de n’avoir pas encaissé le choc des Bavarois ou des Mecklembourgeois, de s’être égaillés comme une nuée de moineaux en abandonnant fusils et couvre-chefs ? Et faussement qui pis est ? Maurras ne pouvait pas laisser calomnier ses compatriotes, d’où cet article du 25 août 1914. Il répond à un article du sénateur Gervais dans Le Matin de la veille : « un incident déplorable s’est produit… La défaillance d’une partie du 15e corps a entraîné la retraite sur toute la ligne ». Or le 15e corps d’armée était essentiellement composé de régiments méridionaux. Continuer la lecture de « Les Méridionaux du 15e corps »

« Tuer comme un chien » le ministre de l’Intérieur

Si les ministres de l’Intérieur sont facilement accusés d’instrumentaliser certaines forces politiques marginales contre les bons citoyens, d’utiliser la police de manière politique, de favoriser en tout les voyous contre les honnêtes gens ou encore d’être l’incarnation du parti de l’Étranger, il est plus rare qu’un journaliste menace publiquement par voie de presse de faire tuer le ministre de l’Intérieur pour le châtier de toutes ces noirceurs.

Il n’y a guère qu’un seul cas : celui de Maurras menaçant Abraham Schrameck le 9 juin 1925, dans cet article qui ne porte que le titre de rubrique « La politique », mais que les contemporains eurent tôt fait de baptiser « Lettre à Schrameck ».

Deux lettres en fait : l’une au préfet de police, plus précise quant aux reproches faits par Maurras après divers incidents graves et plusieurs assassinats ; l’autre qui recherche plus proprement la responsabilité politique d’Abraham Schrameck, alors ministre de l’Intérieur. Continuer la lecture de « « Tuer comme un chien » le ministre de l’Intérieur »

Lavisse retrouvé

La République c’est aussi quelques noms. Parmi ces noms, il en est peu qui soient aussi liés pour nous à la Troisième République que celui d’Ernest Lavisse qu’évoque Maurras dans ce « M. Lavisse retrouvé » du 24 août 1914. Historien officiel couvert d’honneurs, sans cesse édité et réédité, personne n’a eu une plus déterminante influence qu’Ernest Lavisse dans la diffusion de ce qu’on est convenu d’appeler le « roman national », vaste reconstruction a posteriori et somme toute assez consensuelle qui servait les intérêts du régime en y incorporant pour les écoliers et les collégiens des éléments soigneusement triés et réinterprétés. Y figurait en bonne place ce qui pouvait sinon rallier les opposants, du moins désarmer leurs justes préventions en rattachant malgré tout la France éternelle à la forme républicaine de son organisation politique du moment. Continuer la lecture de « Lavisse retrouvé »

Les 22 et 23 août 1914

« La loi est dure, mais éternelle : toutes les fois qu’une civilisation affronte une barbarie, la barbarie, même succombante, blesse la civilisation. Il faut s’y résigner ou consentir à une extrémité autrement effroyable, la victoire pure et simple de la barbarie. »

On connaît l’antienne : la France c’est la civilisation l’Allemagne c’est la barbarie. Certes. Mais le ton change subtilement ce 23 août 1914. Il n’est plus seulement à flétrir l’Allemagne. Comment se comporter soi-même ? doit-on répondre aux exactions par d’autres exactions en réprésailles ? On sait que les prétendues exactions allemandes seront largement utilisées par la propagande de guerre — et leur symétrique le sera tout aussi généreusement en Allemagne — au début du conflit. Que Maurras en parle n’a donc rien de surprenant. On est néanmoins soulagé de voir comme céder ce que son anti-germanisme pouvait avoir de plus évidemment excessif aux premiers jours la guerre pour retrouver une plus juste mesure morale, une manière de s’interroger qui ressemble plus au Maurras épris de claire raison que l’on connaît. Continuer la lecture de « Les 22 et 23 août 1914 »

« Le capital, le divin capital »

On ne trouvera pas sous la plume de Maurras d’article à l’occasion de la mort de Pie X : d’abord la guerre est là qui accapare son attention, ensuite la nouvelle était attendue et n’a pas éclaté comme un coup de tonnerre supplémentaire en cet été 1914.

Pour ce 21 août 1914, c’est pourtant bien la note que Maurras fait sur l’article de Vaugeois — qui lui même parle de la mort du pape —, qui est recueillie dans les Conditions de la victoire en 1916. Bien plus : l’article du jour de Maurras, qui, lui, parle de la guerre, restera curieusement négligé et ne sera pas repris en recueil.

Deux éléments permettent sans doute d’expliquer ce choix curieux. D’abord les polémiques à propos de l’attitude du Vatican durant la guerre se seront développées entre temps. Peut-être même Maurras médite-t-il déjà en 1916, alors qu’il compose le premier volume des Conditions de la victoire, un autre recueil sur le sujet spécifique de l’Église et de la France durant le conflit, Le Pape, la Guerre et la Paix (1917). Ne pas négliger complètement la mort de Pie X prend alors tout son sens, d’autant que l’article du 21 août 1914 est déjà une polémique contre Le Temps ; or l’on sait que Le Pape, la Guerre et la Paix est essentiellement un ouvrage de polémiques entre journaux. Continuer la lecture de « « Le capital, le divin capital » »