La nature allemande

« La nature allemande » : ce n’est pas de la Forêt noire qu’il s’agit, ni des charmes des Alpes bavaroises, mais bien de la nature vicieuse, pernicieuse, éternellement mauvaise des Allemands, des Allemagnes, de l’Allemagne, toutes réalités derrière lesquelles Maurras débusque l’antique Germanie sauvage et incivilisée.

Nous avons déjà abordé l’anti-germanisme de Maurras en cet été 1914 : à la fois en soulignant les explications qu’on peut lui trouver, les excuses évidentes que lui fournit le moment historique et la part résistante d’irrationnel que ce mouvement comporte et comportera tout au long de la vie de Charles Mauras.

Que tirer d’autre de ce court article du 15 août 1914 ? Continuer la lecture de « La nature allemande »

Au service de l’Église et du catholicisme

L’ardeur de Maurras à défendre les vertus du catholicisme aura atteint son maximum pendant la Grande Guerre. Comme elle paraît alors lointaine, l’époque du libertinage quasiment païen des années de jeunesse, le temps de ces passages du Chemin de Paradis ou d’Anthinéa que Maurras retirera plus tard pour ménager les susceptibilités de l’aile dévote de son public ! Mais comme elle semble loin également, la page pourtant à peine tournée des âpres polémiques contre le Sillon et la démocratie chrétienne, de la guerre ouverte que lui déclarèrent une escouade de curés progressistes emmenés par l’abbé Jules Pierre… Il ne reste guère d’écho de tout cela dans les éditoriaux de guerre où Maurras prend la défense de l’Église, du Pape et de la doctrine catholique. Il s’en fait le premier avocat, et s’exprime comme s’il était le seul à porter le flambeau en tête du cortège. Il est en tous cas le plus ardent de toute la presse à dénoncer les menées anticléricales qui, malgré l’Union sacrée, continuent de fleurir dans les journaux de gauche et d’extrême gauche.

On sait que le zèle clérical de Maurras ne sera guère payé de retour. Ainsi, le 5 mars 1915, fait-il un éloge appuyé du cardinal Andrieu… celui-là même qui déclenchera, un peu plus de onze ans après, l’offensive qui devait aboutir à la condamnation de l’Action française par le Vatican.

Mais les textes des années de guerre doivent d’abord être lus dans le contexte de l’époque, et n’être que très secondairement éclairés par ce que nous savons de l’agnosticisme de Maurras, de ses écrits antérieurs et des événements qui vont survenir en 1926. Dès l’ouverture des hostilités, tout le pays est tendu vers l’effort de guerre ; l’Action française joue pleinement la solidarité nationale autour du gouvernement de l’Union sacrée, et prend acte de ce que les socialistes sont loin d’en faire autant. Pour eux, il est naturel que les royalistes mettent leur drapeau dans leur poche, que les catholiques en fassent autant de leur chapelet, alors qu’eux-mêmes restent naturellement en droit de poursuivre leur propagande — ce qui met bien entendu Maurras en fureur.

Seul le vieux révolutionnaire enragé qu’était Jules Guesde trouve grâce à ses yeux. Celui-là n’a-t-il pas déclaré, au congrès socialiste international d’Amsterdam en août 1904, que l’anticléricalisme des radicaux et des socialistes n’était qu’une manœuvre de diversion pour « berner le prolétariat » ?

Tous ces articles publiés dans L’Action française quotidienne ont été réunis en 1917 dans un ouvrage intitulé Le Pape, la Guerre et la Paix. Continuer la lecture de « Au service de l’Église et du catholicisme »

Banalités ?

Que la Grande Guerre ait profondément transformé les conditions sociales, que le travail en soit sorti changé, que les femmes soient entrées massivement sur le marché de l’emploi… autant de banalités que devraient savoir tous les élèves à qui l’on parle de la Guerre.

Mais ils étaient peu nombreux à simplement les entrevoir à l’ouverture des hostilités, comme Maurras dans cet article dans L’Action française du 14 août 1914 intitulé « Le travail national ».

L’idée est bien là que le conflit va mobiliser de telles ressources que seul l’État, dans toute la force nouvelle qu’il avait acquis depuis 1870, pouvait soutenir efficacement l’effort.

Nous ne sommes ni socialistes d’État, ni socialistes tout court, mais la guerre fait très étroitement dépendre le libre facteur économique de l’autorité politique, et c’est à l’État que revient, dans ces conditions, le droit, le devoir, le pouvoir d’utiliser rapidement tout ce que la situation nationale comporte d’avantages moraux susceptibles de se transformer en avantages matériels.

Si Maurras ne parle pas expressément d’économie de guerre — et pour cause, on n’en parlera qu’avec la guerre qui commence —, il ne manque que les mots sur la réalité qu’il pressent et décrit.

Il faut bien entendu y voir l’une des raisons du ralliement à l’Union sacrée : face à la cohésion allemande, quoi que l’on pense du régime, une cohésion nationale paraissait nécessaire.

Et l’outil nécessaire dans les mains de cette cohésion c’était « le crédit ». Maurras a raison : il sera déterminant. Le crédit français ne s’écroulera pas de toute la guerre, et même la hausse des prix ne l’entamera guère. C’est ce crédit qui permettra d’emprunter pour soutenir l’effort.

Reste ce que ni Maurras ni personne n’avait prévu : la longueur de la guerre, sa dévoration de pétrole et d’acier autant que d’hommes, et les périls de cet endettement précisément rendu possible par « le crédit de la France ».

Les Amants

Le texte des Amants de Venise a d’abord été publié par la revue bimensuelle Minerva, dans les quatre numéros de juillet-août 1902. L’ensemble a ensuite été réuni dans un ouvrage de 274 pages, publié la même année aux éditions Albert Fontemoing, dans une collection reprenant le nom de Minerva. Nous n’en savons pas davantage sur cette première livraison ; la Biblio-Iconographie de Roger Joseph indique qu’il y a eu sept éditions successives, nous vous présentons la huitième :

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Maurras germanophobe : l’hubris anti-boche

La germanophobie de Maurras est volontiers outrancière. On en trouve un exemple dans son article quotidien du 13 août 1914 intitulé « Le fédérateur allemand ». Rien n’y manque : l’Allemand est grossier, inculte, mesquin, barbare, fanfaron, somme toute ridicule et méprisable, et bien sûr il a la tête romantique, crime capital. On devine qu’il sent probablement mauvais et l’on se demande si quelque trait romain ne va pas ressurgir tout armé en latin pour compléter l’horreur que doivent inspirer les sombres forêts de la farouche Germanie, par principe rétives à tout ce que les Gallo-romains reçurent d’heureuse civilisation. C’est du grec qui ressort avec l’inévitable mention de l’hubris germanique dans une note du recueil de 1916, premier volume des Conditions de la victoire. Continuer la lecture de « Maurras germanophobe : l’hubris anti-boche »

Le réveil de la Revanche

La Revanche aurait été la vraie souveraine de la France durant la troisième République jusqu’à la Grande Guerre ?

L’idée n’est pas neuve pour Maurras quand il la reprend dans son article du 11 août 1914. Il l’a déjà utilisée, dans Kiel et Tanger en particulier. Qu’est-ce à dire ?

Le roi de France pourrait être remplacé par une idée ? faute de souverain, on accepterait une sorte de royauté abstraite, celle du pays, du peuple sur le territoire, bref l’idée de la nation remplacerait le roi, ou du moins lui servirait de succédané dans des temps sombres ou pour faire face au péril ? Continuer la lecture de « Le réveil de la Revanche »