Décernez-moi le prix Nobel de la Paix

Décernez-moi le prix Nobel de la paix. Tel est bien le titre du second volume d’une série de trois, publiés en 1931 par les éditions du Capitole.

Ce sont trois petits livres à tirage limité (1500 exemplaires), sur grand papier. Si le premier – Sur la Cendre de nos Foyers – et le troisième – Les Lumières de la Patrie – ont été composés pour la circonstance, celui-ci est une sélection d’articles parus entre 1904 et 1928, tous sur le thème de la Paix, du pacifisme et des rapports entre la guerre et les sociétés, que nous reproduisons en intégralité, dans l’ordre de la mise en page qui ne se confond pas totalement avec l’ordre chronologique.

On y trouvera entre autres une présentation très précoce des principes d’anthropologie que Maurras développera plus tard dans Mes idées politiques, et des chroniques plus directement liées à l’actualité avant, pendant et après la Grande Guerre, dans lesquelles on sent monter en puissance la rage de Maurras contre les penseurs pacifistes – quel contraste, il est vrai, entre Jaurès et Briand !

Les pages concernant le revanchisme et le réarmement allemand ont été à ce point confirmées par l’Histoire qu’on a du mal à imaginer qu’elles aient pu être écrites pendant les années 20. Quant à celles où Maurras exécute les démocrates chrétiens, après avoir réglé leur compte aux internationalistes de tous types, c’est à une période encore plus récente qu’elles semblent s’appliquer…

Ceci étant, la réalité de l’initiative en faveur de la candidature de Maurras au Prix Nobel de la Paix, que la préface situerait en 1919, reste pour moi nimbée de mystère. Pourquoi Maurras n’en dit-il pas plus long en 1931 ?

Car c’est plus tard, le 7 mai 1936, que fut effectivement lancé un « Comité Inter-universitaire pour le Prix Nobel de la Paix à Charles Maurras », sous la présidence de Fernand Desonay, Professeur à l’Université de Liège. Parmi les autres fondateurs, des universitaires de Londres, Montréal, Anvers et Wilno (alors en Pologne, aujourd’hui Vilnius). Rapidement ce Comité reçut de nombreuses adhésions ; le 9 octobre 1937, la liste en était publiée par L’Action française, et on y dénombrait quarante universités de seize pays différents. À titre individuel, derrière la France comptant 33 adhésions, venait la Roumanie avec 23.

Mais peu après ce fut Munich, et l’attribution du Prix Nobel de la Paix fut suspendue pendant un certain temps.

Le Pain et le Vin

Le Pain et le Vin paraît dans Candide le 22 avril 1942. L’article est repris au troisième trimestre 1944 dans un ouvrage publié par les Éditions du Cadran.

Il s’agit d’un cahier d’une centaine de pages, contenant trois articles. Le Pain et le Vin est le premier d’entre eux, et donne son titre à l’ensemble. Le tirage est de 750 exemplaires, sur un papier de très mauvaise qualité, illustré en sépia par Robert Joël.

Et cependant, c’est un « livre d’art », non relié ; les feuilles de format 420 sur 520 mm sont pliées en quatre, formant des cahiers de huit pages. Mais nous sommes au plus fort des restrictions et difficultés d’approvisionnement de toutes sortes ; le papier, quasiment transparent, n’est pas à la hauteur d’un livre d’art, et le texte du verso apparaît au travers des feuilles comme autant de maculatures fâcheuses.

Charles Maurras y reprend, à propos de la fabrication du pain et du vin, son argumentaire sur l’homme industrieux développé dans Mes idées politiques et nous donne, en quelques phrases de bon sens, une petite leçon intemporelle d’économie politique et d’anthropologie qui fait oublier le sombre contexte de l’époque.

Exécution en règle du romantisme hugolien

Ce texte n’aura connu qu’une diffusion restreinte, bien que ce soit l’un de ceux où Charles Maurras s’exprime le plus complètement et le plus clairement sur sa conception des rapports entre classicisme et romantisme, bien que ce soit aussi l’un des rares endroits où Maurras exécute le romantisme en tant qu’art poétique pur, c’est-à-dire en n’y faisant pratiquement aucune référence ni à l’Allemagne, ni à la Révolution.

Le texte original paraît en trois livraisons, dans la Gazette de France, au moment des festivités du centenaire de Hugo, de novembre 1901 à février 1902, sous les titres :

  • Protozoaire ou vertébré : à propos de Victor Hugo ;
  • Hugo ;
  • Nouvelle réplique, ou la journée de Victor Hugo.

Les trois articles, rebaptisés Avant la fête, Pendant la fête et Après la fête, ne seront réunis et publiés qu’en juillet 1926, dans une petite brochure qui prend le titre Lorsque Hugo eut les cent ans.

Maurras y adjoint un épilogue, curieusement daté « du milieu du vingtième siècle ».

Le premier tirage est confidentiel ; il porte la mention d’éditeur « Chez Madame Lesage, à Paris ». Un second tirage, cette fois de 1500 exemplaires, paraît en Janvier 1927, avec la mention « Chez Marcelle Lesage ».

En 1932, le Dictionnaire politique et critique en reprendra quelques extraits. Enfin, une partie du texte est reprise dans le tome 3 des Œuvres capitales, dans le chapitre Bons et mauvais Maîtres. Maurras y a entièrement supprimé le second article, fait quelques coupes dans le premier, procédé ailleurs à des retouches de détail, et ajouté de nouvelles notes.

Deux portraits gravés

Deux petites gravures d’Albert Decaris s’ajoutent à notre galerie de portraits.

1945 - Portrait par Decaris.
1945 – Portrait par Decaris, ex-libris de Robert Delidon.

Cet ex-libris de M. Robert Delidon, dont la gravure mesure 60×85 mm, a été tiré en 1945 par le Caveau Saint Roch, à Nancy.


1945 - Portait par Albert Decaris
1945 – Portait par Albert Decaris : Charles Maurras porte le droguet des condamnés à perpétuité.

L’épigraphe vient du 10e vers du chant II de l’Enfer de Dante.

Taille : 90×130 mm.

Toujours réalisé en 1945 par le Caveau Saint Roch, à Nancy, c’est le second tirage, destiné aux graveurs de Ravenne, ville où repose l’Alighieri.

La légende est tirée du XXIIe chant du Purgatoire :

Tu as fait comme ceux qui par derrière portent
Une torche la nuit, — elle ne leur sert pas,
Mais elle éclaire ceux qui viennent à leur suite —, (…)

Maurras est représenté sanglé dans le « droguet » alors réservé par l’administration pénitentiaire aux reclus à perpétuité.

Lorsque Proudhon eut les cent ans

Proudhon est l’homme d’une formule : « La propriété c’est le vol. »

Reprise à l’envi pour tirer Proudhon vers le socialisme, quand ce n’est pas vers le communisme. Maurras nous prouve le contraire, ressortant même pour parler de Proudhon un adjectif déjà vieilli en 1910 : papalin. Le papalin est une ancienne monnaie des États pontificaux. Par extension, il désigna comme adjectif un partisan du pape dans les querelles entre le Saint-Siège et l’Italie naissante.

(Nous corrigeons le titre donné à ce texte dans les Cahiers du Cercle Proudhon, À Besançon, titre bien terne et peu parlant, pour faire un clin d’œil au célèbre texte de Maurras sur le centenaire de Victor Hugo.)